Structure du paysage et fonctionnement hydrologique

L’agriculture a de nombreux effets directs et indirects dans les processus de régulation des crues et d’érosion des sols ou encore sur la qualité de l’eau et des sols. La pollution des eaux de surface et des eaux souterraines par des polluants agricoles, notamment les pesticides, est une problématique généralisée en Europe (European Environment Agency, 2011). L’érosion des sols cultivés menace des surfaces importantes, particulièrement dans les zones méditerranéennes (Zalidis et al., 2002). Enfin, en favorisant le ruissellement à des échelles locales, l’agriculture est suspectée d’avoir un impact sur les crues, même si cet impact à l’échelle des bassins versants de plusieurs dizaines à plusieurs centaines de kilomètres carrés est encore controversé (O’Connell et al., 2007; Hess et al., 2010). Ces impacts de l’agriculture mettent en péril la provision de services écosystémiques rendus par les paysages cultivés (Commission Européenne, 2010), notamment les services d’approvisionnement (eau, nourriture, etc.), de régulation (régulation des inondations, etc.), culturels (beauté des paysages, etc.) ou de support (formation du sol, etc.).

En Europe, l’agriculture représente environ 44 % des terres émergées, en considérant l’ensemble des cultures et prairies (Eurostat, 2009). En tant que principale utilisation des sols, la gestion de son impact sur l’environnement, que ce soit sur la biodiversité ou la qualité des eaux et des sols, est donc devenue l’enjeu de nombreuses politiques (Stoate et al., 2009). Différentes actions sont alors possibles selon l’objectif considéré, du changement de pratiques (par exemple la conversion à l’agriculture biologique) aux aménagements fonciers qui peuvent en partie atténuer certains impacts de l’agriculture. Parmi ces aménagements fonciers figurent les réseaux de fossés.

Les fossés correspondent à des excavations du sol, destinées à conduire les eaux en dehors des parcelles. Leur présence dans les paysages agricoles est attestée depuis plusieurs siècles à plusieurs millénaires (Berger, 2000; Roose and Sabir, 2002), avec néanmoins des phases de développements et de régressions selon les périodes (Berger, 2000). L’aménagement du territoire qui a donné naissance à ces éléments peut être issu d’une somme de décisions individuelles d’agriculteurs ou de politiques plus générales, comme sous l’époque romaine (Berger, 2000). Certaines de ces politiques d’aménagement ont pu donner naissance localement à des paysages particuliers, comme c’est le cas pour les anciens étangs du Languedoc asséchés par des réseaux de fossés .

Les fossés sont majoritairement connectés entre eux d’un point de vue hydraulique et s’organisent donc en réseau dans les paysages agricoles. Ces réseaux de fossés comprennent à la fois des fossés agricoles, éléments centraux de ce que l’on appelle l’assainissement agricole, mais aussi des fossés de bord de route (assainissement routier). Ces réseaux peuvent aussi être complétés par des chemins creux et entrecoupés de buses enterrées. Pour des raisons de simplification, ces réseaux seront nommés « réseaux de fossés » dans la thèse même s’ils peuvent inclure d’autres éléments que des fossés stricto sensu. Les fossés sont présents dans tous les paysages agricoles avec cependant une abondance variable (Lagacherie et al., 2006; Crabit, 2010; Hirt et al., 2011). Ils sont par ailleurs toujours en évolution dans les paysages agricoles actuels, même si cette évolution se fait sur des pas de temps longs (supérieurs à la décennie). Ainsi, on observe encore des créations de fossés. À l’inverse, des fossés sont aussi supprimés lors de remembrements, ou tout simplement pour gagner de la surface cultivable. La configuration spatiale des réseaux de fossés (la manière dont les réseaux s’organisent dans l’espace), et notamment leur densité, apparaît donc comme une caractéristique variable de ces réseaux .

Les fossés se caractérisent également par leurs propriétés « locales », telles que leur gabarit, leur substrat ou leur végétation. Ces propriétés peuvent également être spatialement variables dans les paysages cultivés (Bouldin et al., 2004; Bailly et al., 2006; Lagacherie et al., 2006; Crabit, 2010). Les fossés sont susceptibles d’être entretenus par les agriculteurs (Milsom et al., 2004; Bassa et al., 2012), mais aussi par les collectivités locales pour les fossés de bord de route. Leurs propriétés (gabarit, végétation, etc.) sont donc a priori également sujettes à des évolutions au cours du temps. Lagacherie et al. (2006) ont d’ailleurs pu observer une variabilité dans les couvertures végétales des fossés à un an d’intervalle.

La variabilité des réseaux de fossés dans le paysage peut donc être vue au travers de leur configuration spatiale, notamment leur densité, ou de leurs propriétés, notamment leur végétation. Sur une échelle de temps court (de l’ordre de quelques années) et au vu des quelques références de la bibliographie, ces caractéristiques sont supposées être significativement variables dans les paysages cultivés, d’un point de vue spatial pour la configuration spatiale, d’un point de vue spatial et temporel pour les propriétés telles que la végétation. Ces deux points de vue seront considérés dans ce travail de thèse.

Les réseaux de fossés peuvent avoir une fonction de drainage des sols (Adamiade, 2004; Carluer and Marsily, 2004; Holden et al., 2006; Krause et al., 2007; Needelman et al., 2007a), une fonction d’interception du ruissellement de surface sur les versants et sur les bords de route (Ramos and Porta, 1997; Adamiade, 2004; Carluer and Marsily, 2004; Holden et al., 2006; Buchanan et al., 2012), en plus d’une fonction de transport des eaux captées. Dans les zones où le drainage des sols est primordial, les fossés peuvent également servir de collecteur pour les réseaux de drains enterrés (Carluer and Marsily, 2004; Needelman et al., 2007a). En zone méditerranéenne, la fonction d’interception du ruissellement de surface devient primordiale afin d’éviter le ravinement des parcelles agricoles (Ramos and Porta, 1997; Roose and Sabir, 2002) ; les fossés deviennent donc un aménagement anti érosif. Souvent associés à des terrasses qui limitent la pente des versants en zone méditerranéenne, les fossés sont alors considérés indispensables à la stabilité du versant cultivé et du système de terrasses en gradin (Stanchi et al., 2012).

En relation avec les différentes fonctions des fossés à l’échelle parcellaire, de nombreux impacts sur l’hydrologie des bassins versants sont induits. Bien que ces réseaux de fossés n’aient été considérés que récemment en hydrologie, leur impact dans la modification des chemins de l’eau est maintenant largement admis (Duke et al., 2006; Gascuel-Odoux et al., 2011; Buchanan et al., 2012). Selon les cas, ils peuvent forcer le ruissellement à ne pas suivre la plus grande pente, ou au contraire concentrer le ruissellement. En réponse à cette modification des chemins de l’eau, les crues des bassins versants drainés par des fossés en zone méditerranéenne apparaissent plus rapides et plus fortes en comparaison à ce qu’on observerait avec un hypothétique réseau de drainage naturel (Moussa et al., 2002). En zone tempérée plus humide, les réseaux de fossés contribuent également à une intensification des crues (Buchanan et al., 2012). Cet impact des fossés semble cependant plus variable et peut évoluer sur le long terme après la création du réseau de fossés dans des zones très humides (Holden et al., 2006). L’impact des fossés dans les échanges avec les nappes peut être également important. Par exemple, Dages et al. (2009) ont montré qu’environ 50 % de la recharge automnale des nappes pouvaient se faire via l’infiltration dans le réseau de fossés en zone méditerranéenne. De ce fait, ils peuvent influer sur la redistribution spatiale des ressources en eau de sub-surface dans les milieux à déficit hydrique saisonnier. En zone tempérée plus continentale, Krause et al. (2007) ont montré que les échanges avec la nappe (à la fois recharge et drainage) étaient atténués dans le cas où la densité des réseaux de fossés serait réduite. Finalement, de par leur impact sur les chemins de l’eau, les réseaux de fossés sont une composante essentielle à prendre en compte dans l’évaluation de la connectivité hydrologique structurelle des bassins versants (Bracken and Croke, 2007; Lexartza-Artza and Wainwright, 2009; Fiener et al., 2011).

Du fait de leur impact sur la connectivité hydrologique des bassins versants, les réseaux de fossés ont également un impact dans la collecte et le transfert des pesticides (Needelman et al., 2007a). Ainsi, les fossés vont avoir tendance à favoriser le transfert de pesticides vers les zones plus aval (Colin et al., 2000; Louchart et al., 2001) en connectant des zones traitées aux masses d’eaux de surface permanentes. Cet augmentation de la connectivité du bassin peut également rendre inopérante des zones tampons situées près des ruisseaux et rivières plus en aval qui sont destinées à limiter les transferts de sédiments et de polluants agricoles (Wigington Jr et al., 2005; Hösl et al., 2011). En parallèle à cet impact négatif des fossés sur les transferts de pesticides, les fossés comme les autres dispositifs enherbés recevant des eaux de ruissellement peuvent limiter la contamination des eaux de surface si l’infiltration, la rétention des pesticides et la sédimentation y sont favorisés (CORPEN, 2007). Cette capacité d’atténuation du transfert de pesticides vers les eaux de surface est par ailleurs grandement dépendante du niveau de végétalisation du fossé (Margoum et al., 2003; Moore et al., 2008).

En résumé de ce qui précède, il s’avère que (i) les réseaux de fossés sont variables dans l’espace et dans le temps, tant du point de vue de leur configuration spatiale et de leurs propriétés et que (ii) les impacts hydrologiques multiples de ces réseaux de fossés ont pu être mis en évidence. À partir de ces deux constats, l’objectif général de ce travail de thèse est d’étudier de façon approfondie et générique, les relations entre la configuration spatiale et les propriétés (végétation) des réseaux de fossés d’une part, et le fonctionnement hydrologique qu’ils peuvent induire d’autre part. Ces relations peuvent être étudiées sur des cas réels et basées sur des observations intensives de la variabilité du paysage et des flux hydrologiques. Cette approche est souvent la première envisagée, ne serait-ce que pour mesurer et calibrer les niveaux de variabilité des propriétés du paysage, lesquels sont peu connus. Cependant, cette approche est lourde à mettre en place et est donc limitée à des échelles locales. Elle ne permet aussi que difficilement de tester l’impact de scénarios d’aménagement. On peut alors étudier les relations entre structure et fonctionnement du paysage sur des situations virtuelles, par simulation numérique pour étendre la gamme de variabilité des propriétés du paysage tout en respectant certaines propriétés observées sur le terrain jugées contraignantes sur l’ensemble des possibles. L’enjeu sociétal final est d’explorer de nouveaux leviers d’aménagement que constituent des meilleures conception et gestion de ces réseaux de fossés en vue d’optimiser la provision de services paysagers écosystémiques rendus par les bassins versants cultivés (Termorshuizen and Opdam, 2009).

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Table des matières

Introduction générale
Le contexte de l’hydrologie des milieux cultivés
Les fossés dans les paysages cultivés
Définition et variabilité des fossés dans les paysages cultivés
Fonctions et impacts des réseaux de fossés
Relation entre structure et fonctionnement du paysage
La simulation paysagère explicite pour explorer le fonctionnement des paysages
La représentation du fonctionnement hydrologique des paysages
Objectifs et plan de la thèse
I Zone d’étude et données
1 La zone d’étude
1.1 Introduction
1.2 Les paysages et les sols (Bonfils, 1993; Barthès et al., 1999)
1.3 L’agriculture
1.4 Le climat
1.5 Les fossés dans la zone d’étude
1.6 Les problématiques environnementales liées à l’hydrologie
2 Présentation de la base de données réalisée pendant la thèse
2.1 Acquisition de données sur la configuration spatiale des réseaux de fossés
2.2 Acquisition de données sur l’entretien et la couverture végétale des fossés
2.3 Collecte de données sur les milieux étudiés
II Configuration spatiale des réseaux de fossés et hydrologie de surface des bassins agricoles
3 Modélisation spatiale de la densité des réseaux de fossés dans les paysages cultivés
3.1 Résumé
3.2 Introduction
3.3 Study area
3.3.1 General description
3.3.2 Field data
3.4 Methods
3.4.1 Selecting a geographical support
3.4.2 Spatial explanatory model of man-made drainage density
3.4.3 Identification of potential explanatory variables of man-made drainage densities
3.4.4 Assessment of the performances of the explanatory model
3.5 Results
3.5.1 Selection of the grid cell size for the spatial modeling of man-made drainage density
3.5.2 Variability of drainage densities among and inside survey areas
3.5.3 Spatial modeling of drainage densities
3.6 Discussion
3.6.1 Variability and explanation of the man-made drainage density throughout agricultural landscapes
3.6.2 Spatial explanatory model
3.6.3 Discussion of the effect of each explanatory variable
3.6.4 Transferability of the methodology
3.6.5 From where did the unexplained variability come ?
3.7 Conclusion
Conclusion générale 

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