Stratégie commerciale de Saban Entertainment et contexte de la signature de l’accord du 21 août 1992

Vers une méthode Saban élargie au Tokusatsu télévisuel ?

Si l’accord de distribution semble aux primes abords s’appliquer à Kyoryu Sentai Zyuranger, il rentre en réalité dans le cadre d’un processus plus global qui touche toutes les séries de Tokusatsu détenues par Toei Company comme le stipule le paragraphe 14 de l’accord :
14. ÉPISODES ET PRODUCTIONS SUPPLÉMENTAIRES. Le concédant accorde au licencié la possibilité exclusive d’acquérir, selon les mêmes conditions, les présentes : (a) épisodes supplémentaires du programme ; (b) chaque remake, suite, prequel, spin off, spin off de séries et long métrage basé sur le programme ou son matériel littéraire sous-jacent (y compris, sans limitation, tout personnage y figurant) ; et (c) : chaque série d’actions en prise de vues réelles que le concédant possède, contrôle, ou produit ou acquière de toute autre manière au cours de la période (« période d’option ») à compter de la date et se terminant dix-huit (18) mois après la première diffusion américaine du programme (à condition toutefois que ces dix-huit [18] mois commencent au plus tard en septembre 1993), ces options peuvent être exercées par le licencié pendant la période d’option.
La mention « chaque série d’actions en prise de vues réelles » fait ici référence aux séries de Tokusatsu détenues par Toei Company, qu’il s’agisse de séries de Super Sentai, de Metal Hero, de Kamen Rider, etc. Toutes les séries de ce type détenues par Toei Company peuvent désormais être acquises par Saban Entertainment. Cette possibilité est effective durant une période d’option de 18 mois qui commence au moment de la première diffusion de Mighty Morphin Power Rangers, période qui doit démarrer au plus tard en septembre 1993. Le contenu de cette clause nous éclaire sur l’objectif à long terme de Saban Entertainment.
En effet, le paragraphe 14 permet à Saban Entertainment d’acquérir d’autres séries de Super Sentai en cas de succès de son concept. De plus, les droits de licence sont acquis pour dix ans, reconductibles avant le terme de l’accord de quinze années supplémentaires. Cela suppose un désir d’exploitation sur le temps long. Ce paragraphe préfigure en réalité l’établissement d’une franchise occidentalisée de Super Sentai Series : une franchise Power Rangers dont le mode de production repose sur le recyclage d’images issues de séries de la franchise japonaise. Cette franchise existe d’ailleurs encore aujourd’hui et en est à sa 26e saison, il s’agit de Power Rangers : Beast Morphers, fondée sur la série Tokumei Sentai Go-Busters (Toei Company, 2012-2013).
En outre, le contenu du paragraphe 14 annonce une stratégie plus globale qui vise à occidentaliser d’autres formats du Tokusatsu. Cela est confirmé par le premier avenant au contrat (Avenant #1) daté du 21 août 1992, soit le jour même de la signature de l’accord. Celui-ci stipule que la série japonaise Choujinki Metalder est acquise par Saban sous les mêmes conditions que Kyoryu Sentai Zyuranger :
La série Metalder a/k/a Megaman sera incluse dans l’accord, selon les mêmes conditions que Galaxy Rangers, sauf indications contraires dans les présentes.
Série japonaise de Tokusatsu, Choujinki Metalder (Toei Company, 1987-1988) appartient au sous-genre du Metal Hero. Les séries de Metal Hero dépeignent les aventures d’un protagoniste (humain, extraterrestre, cyborg ou même androïde) qui fait généralement partie d’une organisation en lien avec le maintien de l’ordre (police ou encore armée). S’il fait face à une organisation maléfique extraterrestre qui souhaite conquérir la terre ou la détruire, le protagoniste dispose de plusieurs outils technologiques dans sa lutte et en particulier d’une armure. Lorsqu’il effectue un henshin (littéralement : transformation ; généralement un cri suivi d’une chorégraphie), le héros d’une série de Metal Hero revêt quasi instantanément une armure métallique aux propriétés surpuissantes. Le sous-genre, assez proche de celui du Kamen Rider, se développe au Japon dès 1982 avec Space Sheriff Gavan (Toei Company, 1982-1983) et Choujinki Metalder en est la sixième déclinaison. La série met en scène les aventures de Ryusei Tsurugi, un androïde de combat à forme humaine, initialement conçu par l’armée impériale japonaise afin d’intervenir durant la guerre du Pacifique. Très proche de l’homme (il ressent des émotions humaines et fait la différence entre le bien et le mal), l’androïde affronte au cours des 39 épisodes de la série l’empire de Neros, dieu maléfique qui souhaite conquérir la terre.
Saban Entertainment est libre de faire tout ce qu’il souhaite avec les images de Choujinki Metalder et même, s’il le désire, d’élargir la méthode appliquée pour la production de Mighty Morphin Power Rangers aux séries de Metal Hero et donc, potentiellement, aux séries de Tokusatsu en général. La série est finalement adaptée par Saban Entertainment en 1994 sous le nom VR Troopers (1994-1996). Cependant, le concept est remanié et la série est finalement constituée de prises de vues issues de trois séries de Metal Hero différentes, à savoir : Space Sheriff Shaider (Toei Company, 1984-1985), Jikuu Senshi Spielvan (Toei Company, 1986-1987) et Choujinki Metalder (Toei Company, 1987-1988).
À regarder l’accord de distribution du 21 août 1992, il semble que l’achat de Kyoryu Sentai Zyuranger est la première étape d’une entreprise plus globale qui vise à occidentaliser le format du Super Sentai, mais aussi, si possible, le format d’autres séries de Tokusatsu détenues par Toei Company. Bien sûr, l’application de cette stratégie est conditionnée par le succès de Mighty Morphin Power Rangers. C’est bien la consécration de la série américaine qui encourage Saban Entertainment à occidentaliser d’autres formats du Tokusatsu. En effet, suite au succès de la série américaine, Saban met en chantier en plus de VR Troopers deux autres séries : Masked Rider (1995-1996), fondée sur Kamen Rider Black RX (Toei Company, 1988-1989) et Big Bad Beetleborgs (1996-1998), dont les images sont issues de la série de Metal Hero Juukou B-Fighter (Toei Company, 1995-1996). Cependant, les séries en question n’auront pas un succès aussi important que Mighty Morphin Power Rangers, qui semble-t-il, a bénéficié d’un contexte culturel très favorable.

Un contexte culturel favorable à la concrétisation du projet Mighty Morphin Power Rangers

Comme nous l’avons vu précédemment, cela fait plusieurs années que Haim Saban peine à concrétiser son projet d’occidentaliser le format du Super Sentai. En 1992, plusieurs projets similaires ont déjà été rejetés par les réseaux de télévisions américains. Pourquoi ce projet se concrétise-t-il en 1992 ? C’est en regardant le contexte socioculturel de ce début des années 1990 que l’on peut comprendre le pourquoi de la signature de l’accord comme la vente de ce projet à la chaîne de télévision Fox Kids.
En matière de stratégie commerciale, le choix de la série Kyoryu Sentai Zyuranger comme matériau n’est pas si anodin. Il arrive que les séries de Super Sentai rendent hommage à un objet culturel qui a du succès au Japon au moment de leur conception. Par exemple, la série Hikari Sentai Masukuman (Toei Company, 1987-1988) s’inspire librement du manga Dragon Ball (Akira Toriyama, 1984-1995) et propose des protagonistes qui rappellent ceux du manga de Toriyama. Kyoryu Sentai Zyuranger pour sa part s’inspire du roman à succès Jurassic Park de Michael Crichton publié en 1990. En effet, toute la série japonaise est centrée sur les dinosaures. Les protagonistes tiennent leurs pouvoirs de transformation d’anciens dieux dinosauresques et ont chacun un animal totem qui rappelle cette thématique (tyrannosaure, mastodonte, ptérodactyle, smilodon et tricératops). Leurs casques rappellent même dans leurs formes les animaux totems en question, la visière du casque se situe dans la gueule de l’animal. De plus, les dieux dinosauresques prêtent assistance aux protagonistes en se transformant en immenses machines de guerre : les Shugojus.
Au moment de la signature de l’accord, le monde est en pleine « Dinomania », vague culturelle qui s’étend de la fin des années 1980 au milieu des années 1990. De nombreux films ayant pour sujet les dinosaures, comme Le petit dinosaure et la vallée des merveilles (The Land Before Time, Don Bluth, 1988) ou encore Dinosaures (Adventures in Dinosaur City, Brett Thompson, 1992) ont été un succès en salle. Jurassic Park (Steven Spielberg, 1993) est d’ailleurs en cours de production pour une sortie prévue en juin 1993. Parallèlement, des séries télévisées, telles que Denver, le dernier dinosaure (Denver, the Last Dinosaur, World Events Productions, Calico Entertainment, I.D.D.H., 1988-1989) ou Dinosaures (Dinosaurs, Walt Disney Television, Jim Henson Company, 1991-1994) ont remporté l’adhésion du jeune public. Il est tout à fait possible que le choix d’adapter Kyoryu Sentai Zyuranger en particulier résulte d’une stratégie commerciale visant à toucher un public en quête de ces produits culturels « dinosauresques ». Rappelons que l’accord est signé en août 1992, pour une sortie prévue au plus tard en septembre 1993, soit deux mois après la sortie du film tant attendu Jurassic Park.
En plus de cela, Kyoryu Sentai Zyuranger est une série qui apporte de nombreuses nouveautés au genre très codifié du Super Sentai. Premièrement, les séries de Super Sentai antérieures ont une trame scénaristique généralement plus sombre et mettent en scène des antagonistes cruels et dépourvus de sens moral. Citons par exemple l’antagoniste de Choudenshi Bioman (1984-1985) qui se distingue par sa cruauté envers le genre humain, n’hésitant pas à torturer ou tuer ses opposants pour parvenir à ses fins. Quant au grand empereur La Deus de Choushinsei Flashman (Toei Company, 1986-1987), il récupère des humains et les réduit en bouillie pour augmenter sa force. Kyoryu Sentai Zyuranger tranche par son scénario plus enfantin. La thématique de la série est celle du conte. D’ailleurs, le premier plan du générique représente l’ouverture d’un livre ancien. Suit alors le récit, en voice over, de la légende des Zyurangers, figurant l’entrée du spectateur dans l’univers onirique de la série. L’antagoniste principale, la sorcière Bandora, se présente comme un personnage principalement comique et révèle dans l’épisode 48 (« Yami Kara no Musuko », diffusé le 29 janvier 1993) de la série n’agir que par rancoeur, suite à la mort de son enfant. Kyoryu Sentai Zyuranger fait évoluer les codes de la franchise Super Sentai Series de manière durable. Dès lors, les productions de la franchise Super Sentai Series seront plus « légères », et c’est encore vrai aujourd’hui. L’exemple le plus parlant est sans doute la série Ressha Sentai ToQger (Toei Company, 2014-2015) dans laquelle les protagonistes protègent les rêves de la population grâce au pouvoir de l’imagination.
Kyoryu Sentai Zyuranger met également en place plusieurs idées nouvelles qui seront intégrées par la suite dans les codes du Super Sentai. Les machines de guerre, ici nommées Shugojus (littéralement : bêtes de protection), ne sont plus de simples machines comme dans les séries précédentes, mais des dieux prêtant assistance aux héros, cette idée des « machines conscientes » sera reprise par la suite dans de nombreuses séries comme Seijuu Sentai Gingaman (Toei Company, 1998-1999) ou encore Hyakuju Sentai Gaoranger (Toei Company, 2001-2002). En accord avec la thématique fantastique de la série, les différents outils utilisés par les Zyurangers dans leur lutte contre le mal ont ici une origine magique. Ce cas est singulier pour une série de Super Sentai, les outils utilisés par les protagonistes étant traditionnellement issus de technologies d’origine extraterrestre (Choushinsei Flashman) ou militaire (Choujin Sentai Jetman). La série est également la première série de la franchise à présenter un protagoniste additionnel qui rejoint l’équipe en cours de saison : le Dragon Ranger. Avant le Dragon Ranger, quelques « prototypes » du sixième protagoniste existent cependant. Ryo Asuka (le X1 Mask de Hikari Sentai Maskman, Toei Company, 1987-1988) qui apparaît dans un seul épisode de la série, ou encore Shota Yamamori (le Magne Warrior de Choudenshi Bioman), pour deux épisodes de Choudenshi Bioman. Cependant, ces deux exemples sont des exceptions en 1992. Cette idée devient un des codes incontournables de la franchise et toutes les séries postérieures à Kyoryu Sentai Zyuranger présentent un sixième membre. De manière générale, il possède lui aussi la possibilité de revêtir une armure de combat colorée similaire à celle des protagonistes (Denji Sentai Megaranger, Toei Company, 1997-1998), mais cette caractéristique est variable. Seijuu Sentai Gingaman, par exemple, présente un protagoniste additionnel dont l’armure est très différente de celle de ses compagnons.
La série propose donc une intrigue plus légère que les séries précédentes de Super Sentai. De plus, celle-ci propose plusieurs variations inédites (les pouvoirs d’origine magique, le protagoniste additionnel, les machines conscientes, etc.) qui s’intègrent ensuite dans les codes du genre. Ces évolutions sont notamment causées par un refus des associations familiales japonaises de la diffusion de séries trop violentes sur des créneaux dédiés à la jeunesse73. Autant de paramètres qui rendent l’achat de cette série particulièrement avantageuse pour Saban Entertainment qui avait justement rejeté Choujin Sentai Jetman en 1991, série jugée trop mature. En 1992, c’est le potentiel commercial d’une série pour enfants qui met en scène des formes héritées des dinosaures, en pleine dinomania, qui permet à Haim Saban de vendre son projet à la Fox alors qu’il avait échoué auparavant avec des propositions similaires.
De plus, au début des années 1990, les séries de superhéros gagnent en popularité aux États-Unis. Teenage Mutant Ninja Turtles (Murakami Wolf Swenson, IDDH, Fred Wolf Film, 1987-1996) ouvre la voie à la fin des années 1980 et la série est même adaptée sur grand écran entre 1990 et 199374. D’autres séries apparaîtront par la suite et connaîtront le succès : Batman : The Animated Series (Bruce Timm, Eric Radomski, 1992-1995) ou encore X-Men : The Animated Series (Saban Entertainment, Marvel Entertainment, 1992-1997). Parallèlement, depuis la fin des années 1980, les films centrés sur les arts martiaux se multiplient. Citons par exemple Bloodsport (Newt Arnold, 1988) ou encore Double Impact (Sheldon Lettich, 1991) : deux films qui se déroulent à Hong Kong et qui s’inspirent du cinéma d’action asiatique. En 1992, le terrain semble donc propice à l’arrivée d’une série comme Mighty Morphin Power Rangers sur le territoire américain, avec sa thématique dinosauresque, son équipe de superhéros costumés et ses combats d’arts martiaux. Il est même probable que Saban Entertainment sente cette opportunité, si bien qu’elle fait l’acquisition de Kyoryu Sentai Zyuranger en août 1992, alors que la production de la série japonaise n’est pas encore terminée.

L’achat d’une série en cours de production

En effet, l’accord de distribution daté du 21 août 1992 est signé avant la fin de la diffusion de la série japonaise, celle-ci étant diffusée entre le 21 février 1992 et le 12 février 1993. Saban Entertainment acquiert donc les droits de licence d’un programme qu’il n’a pas visionné en totalité et qui n’est pas encore intégralement produit. Le jour de la signature de l’accord est également le jour de la diffusion du 26e épisode de Kyoryu Sentai Zyuranger au Japon. Ainsi, il nous faut répondre à la question suivante : quels paramètres encouragent l’achat de Kyoryu Sentai Zyuranger, alors en cours de production ?
Pour répondre à cette question, il faut nous intéresser aux caractéristiques narratives Kyoryu Sentai Zyuranger en tant qu’objet sériel. En effet, ce sont ces caractéristiques, qui permettent cette occidentalisation par le recyclage à l’oeuvre dans Mighty Morphin Power Rangers et qui justifient l’achat d’une série alors inachevée. Il n’est pas inutile de rappeler ici la proposition faite par Jean Pierre Esquenazi dans son ouvrage Les Séries télévisées : l’avenir du cinéma ? dans lequel il envisage de « distinguer les séries en fonction de leur gestion narrative du principe pragmatique qui les définit comme des “séries” ». Dans ce travail de classification, Jean Pierre Esquenazi propose de distinguer deux grandes familles de séries. Les séries « immobiles » qui « garantissent au téléspectateur qu’ils vont retrouver un univers fictionnel aux règles invariables », et les séries « évolutives » qui « font correspondre à la succession des épisodes une évolution de leurs univers fictionnels ». On retrouve une idée analogue chez Florent Favard qui distingue série « épisodique » et séries « feuilletonnantes » dans son ouvrage Le Récit dans les séries de science-fiction : de Star-Trek à X-Files. Sur la série Knight Rider (K-2000, NBC, 1982-1986), Florent Favard écrit :
La série fonctionne sur un modèle formulaire, avec des invariants [Note de Florent Favard : Que Jean-Pierre Esquenazi appelle des « points nodaux ». Sur la formule, voir ainsi J-P Esquenazi, Les Séries télévisées. L’avenir du cinéma ? Paris, Armand Colin, 2010, p. 105.] dans le fond (personnages, lieux, action), mais aussi dans la forme (montage, structure…). Elle appartient donc à la catégorie des séries « épisodiques [Note de Florent Favard : 3. J’emprunte ce terme à la recherche anglo-saxonne (“episodic”)] » qui se concentre sur l’épisode comme unité narrative principale, à la différence des séries dites « feuilletonnantes » […], qui au-delà des intrigues microscopiques des épisodes, déploient des intrigues macroscopiques dans un temps plus long, conservant la mémoire des épisodes précédents.
Esquenazi appelle ces séries « épisodiques », séries « nodales ». Il s’agit de séries dont « chaque épisode narre une aventure avec son ouverture et sa conclusion, selon une formule immuable 79».
Il convient d’envisager Kyoryu Sentai Zyuranger comme une série nodale. Chaque épisode de cette série (à quelques exceptions bien sûr : comme le fait remarquer Esquenazi, une série est rarement totalement immobile ou totalement évolutive80) narre une aventure avec son ouverture et sa conclusion et les épisodes de la série sont construits selon une formule immuable : les protagonistes vaquent à leurs occupations quotidiennes quand un monstre envoyé par la sorcière Bandora attaque la terre ; ils vont tenter de battre ce monstre une première fois en vain ; lors de la seconde confrontation, les protagonistes réussissent à défaire le monstre puis Bandora ressuscite celui-ci sous une forme géante et les Zyurangers vont devoir faire appel aux Shugojus pour le vaincre définitivement. Cette formule est appliquée dans la très grande Modalités de l’accord de distribution daté du 21 août 1992 : tout mettre en oeuvre pour permettre le succès de Mighty Morphin Power Rangers.
Une étude approfondie de certaines des clauses de l’accord de distribution conclu entre Saban Entertainment et Toei Company nous permet de comprendre comment les images de Kyoryu Sentai Zyuranger sont supposées intervenir dans Mighty Morphin Power Rangers. Nous effectuerons ce travail en trois temps. Dans un premier temps, nous établirons les modalités d’usage des bandes de Kyoryu Sentai Zyuranger offertes à Saban Entertainment par Toei Company. Nous verrons comment Toei Company accompagne la production de Mighty Morphin Power Rangers en offrant à Saban plusieurs composantes ayant servi à la production de Kyoryu Sentai Zyuranger (costumes, scénarios, etc.). Dans un second temps, nous nous intéresserons au calendrier prévisionnel de livraison des bandes de Kyoryu Sentai Zyuranger établi par l’accord et à l’influence de celui-ci sur la préproduction et la production de la série américaine. Dans un dernier temps, nous étudierons le second avenant au contrat de distribution daté du 21 septembre 1992, un acte de commande de nouvelles images en provenance du Japon exclusivement produites pour Mighty Morphin Power Rangers, connues sous le nom de Zyu1.5.

Modalités d’usage des images de Kyoryu Sentai Zyuranger et livraisons additionnelles

Le premier paragraphe de l’accord (1. PROGRAMME) précise que Saban entre en possession des droits de licence de Kyoryu Sentai Zyuranger. Cependant, c’est le paragraphe 7 (7. DROITS DE LICENCE) qui détermine l’usage exact qui peut être fait des bandes de la série. Sur cette question des modalités d’usage des bandes, deux clauses du dit paragraphe attirent notre attention. Les clauses (a) et (c), offrent à Saban les possibilités suivantes :
(a) : adapter le programme pour l’exploitation sur son territoire, y compris, et ce sans limitation, tourner de nouvelles images, adapter l’intrigue pour tenir compte de la version internationale du titulaire du permis, incorporer des images existantes du programme ou d’autres programmes, le tout aux frais et à la charge du détenteur de la licence et à sa discrétion, et d’une qualité au moins égale à celle du programme original.
(c) : couper, monter, modifier, ajouter à, soustraire, traduire, dupliquer dans n’importe quelle langue et utiliser les chutes du programme (notamment, y compris, le droit de remplacer tout ou partie de la musique, des effets et du titre). Il est reconnu que la musique doit être changée pour des raisons créatives et que la rémunération des créateurs de la musique originale est incluse dans les frais de licence.
Nous remarquons que l’accord prévoit dès le départ le recyclage des images de Kyoryu Sentai Zyuranger dans un nouveau montage et offre à Saban Entertainment tout pouvoir sur les images qu’il acquiert ; il est autorisé à couper, monter, incorporer de nouvelles images, etc. Saban Entertainment est donc en droit de déconstruire intégralement la série originale afin de créer un objet nouveau que sera Mighty Morphin Power Rangers. Selon la clause (a), la seule obligation de Saban Entertainment vis-à-vis de Toei Company est de faire en sorte que les nouvelles images incorporées soient d’une qualité équivalente à celle des images japonaises. Il est à noter qu’en réalité la problématique s’est avérée inverse. En effet, selon Tony Oliver (producteur et scénariste de Mighty Morphin Power Rangers entre 1992 et 1995), les bandes reçues sont en 16 mm et d’assez basses qualités, ce qui va poser des problèmes de raccord à l’équipe américaine qui tourne avec une pellicule 16 mm de meilleure qualité. On remarque également la possibilité offerte « adapter l’intrigue pour tenir compte de la version internationale du titulaire du permis ». Ainsi, avant même le début de sa production, il est confirmé que Mighty Morphin Power Rangers est un objet pensé comme international. Saban entre donc en possession des bandes de Kyoryu Sentai Zyuranger et se voit offrir un droit de remaniement complet sur le programme. Cependant, il semble que cela ne suffise pas à Saban pour mener à bien son projet. Il est donc stipulé que Toei Company LTD fournira plusieurs éléments en plus des épisodes. Le paragraphe 8 précise.

Influence du calendrier prévisionnel de livraison des bandes de Kyoryu Sentai Zyuranger sur la production de la série américaine

En effet, l’accord stipule que Saban Entertainment reçoit les épisodes par lot. Contractuellement, les 26 premiers épisodes doivent être fournis à Saban Entertainment le 30 septembre 1992, soit un mois et dix jours après la diffusion du 26e épisode de Kyoryu Sentai Zyuranger au Japon. Par la suite, chaque mois, pendant cinq mois à partir de cette date, Saban Entertainment doit recevoir entre quatre et huit épisodes de la part de Toei Company, avec, à chaque fois, environ 15 jours de décalage entre la livraison et le jour de diffusion du dernier épisode du lot au Japon. L’accord initial prévoit un total de 49 à 52 épisodes livrés par Toei Company. Saban en reçoit finalement 50, chiffre qui correspond au nombre d’épisodes de la série japonaise.

Recyclage des séquences de combats japonaises : un recyclage ambivalent entre avantages et contraintes

La première catégorie présente les séquences de combats japonaises. Cependant, il nous semble adéquat de diviser celle-ci en deux sous-catégories. La première figure les Zyurangers costumés dans des combats au corps à corps contre des monstres tandis que la seconde est constituée des séquences de combats des Shugojus (d’immenses robots) contre les monstres géants. Si le remploi des images de la première sous-catégorie s’avère relativement contraignant, celui de la deuxième se révèle avantageux à plusieurs niveaux. Afin de voir cela, étudions chacune de ces deux sous-catégories.

Séquences de combats costumées à taille humaine : des séquences faciles à raccorder, mais contraignantes d’un point de vue narratif

Dans Kyoryu Sentai Zyuranger, l’antagoniste principale est la sorcière Bandora (Machiko Soga). Son objectif principal est de détruire les Zyurangers afin de prendre le contrôle de la terre. Cependant, Bandora attaque rarement par elle-même. Pour cela, elle va employer des Dora-Monsters, des monstres puissants qui disposent chacun de capacités uniques (par exemple, le Dora-Kinkaku peut enfermer les gens dans une jarre, le Dora-Sphinx peut transformer les gens en arbres s’ils ne répondent pas à ses devinettes, etc.). Ce sont principalement les Dora-Monsters qui attaquent la terre et les Zyurangers dans les épisodes de la série. Dans la série japonaise, les protagonistes se transforment et combattent les monstres dans des séquences de combats costumées.

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Table des matières

INTRODUCTION 
Kyoryu Sentai Zyuranger : mise en perspective historique et définitionnelle de cette série de Tokusatsu et de Super Sentai
Mighty Morphin Power Rangers : remake, format, transfert culturel, occidentalisation ?
Des séries peu étudiées par le monde universitaire
Quelles sources et quelle méthode pour étudier l’occidentalisation à l’oeuvre dans Mighty Morphin Power Rangers ?
PARTIE 1. CONTEXTE ET ÉLABORATION DU MODE DE PRODUCTION DE MIGHTY MORPHIN POWER RANGERS
Introduction à la partie 1
Chapitre 1. Stratégie commerciale de Saban Entertainment et contexte de la signature de l’accord du 21 août 1992 : le bon moment pour importer le Super Sentai en occident ? 
1. 1. Mighty Morphin Power Rangers : créer une alternative au Super Sentai en Occident ?
1. 2. Vers une méthode Saban élargie au Tokusatsu télévisuel ?
1. 3. Un contexte culturel favorable à la concrétisation du projet Mighty Morphin Power Rangers
1. 4. L’achat d’une série en cours de production
Chapitre 2. Modalités de l’accord de distribution daté du 21 août 1992 : tout mettre en oeuvre pour permettre le succès de Mighty Morphin Power Rangers
2. 1. Modalités d’usage des images de Kyoryu Sentai Zyuranger et livraisons additionnelles
2. 2. Influence du calendrier prévisionnel de livraison des bandes de Kyoryu Sentai Zyuranger sur la production de la série américaine
2. 3. Le cas Zyu1.5 : des images japonaises originales pour Mighty Morphin Power Rangers
PARTIE 2. PHASE 1 : UN MODE DE RECYCLAGE MASSIF ET STANDARDISÉ DES IMAGES DE KYORYU SENTAI ZYURANGER MARQUÉ PAR LA CONTRAINTE (ÉPISODES 1 À 40) 
Introduction à la partie 2
Chapitre 3. Recyclage des séquences de combats japonaises : un recyclage ambivalent entre avantages et contraintes 
3. 1. Séquences de combats costumées à taille humaine : des séquences faciles à raccorder, mais contraignantes d’un point de vue narratif
3. 2. Séquences de combats contre les monstres géants : les séquences les plus avantageuses à recycler
Chapitre 4. Le recyclage des images de Bandora et ses acolytes : un recyclage stock-shot qui fige l’intrigue de la série américaine ? 
4. 1. Établir l’élément déclencheur des péripéties grâce aux images de Bandora et ses acolytes
4. 2. Rendre le monstre de l’épisode gigantesque et faire réagir Rita Repulsa à sa défaite : un recyclage standardisé pour une intrigue immobile
PARTIE 3. EVOLUTION DU MODE DE PRODUCTION DE MIGHTY MORPHIN POWER RANGERS : VERS UN REMPLOI PLUS AUTONOME DES IMAGES JAPONAISES (ÉPISODES 41 À 155) 
Introduction à la partie 3
Chapitre 5. Phase 2 du mode de production de Mighty Morphin Power Rangers : une phase d’optimisation qui prépare la phase 3 (épisodes 43 à 73) 
5. 1. Première période de la phase 2 : une optimisation du mode de production de Mighty Morphin Power Rangers ? (épisodes 43 à 60)
5. 2. Deuxième période de la phase 2 : les prémices de la phase 3 ? (épisodes 61 à 73)
Chapitre 6. Phase 3 et 4 : stabilisation du mode de production de Mighty Morphin Power Rangers. (épisodes 112 à 155) 
6. 1. Phase 3 : standardisation du tournage des séquences de combats costumées. (épisodes 74 à 112)
6. 2. Phase 4 : un mode de production plus adaptatif, marqué par les enseignements de la phase 3. (épisodes 116 à 155)
PARTIE 4. ENJEUX REPRÉSENTATIONNELS DE L’OCCIDENTALISATION À L’OEUVRE DANS MIGHTY MORPHIN POWER RANGERS
Introduction à la partie 4
Chapitre 7. L’occidentalisation implique-t-elle une forme de censure ? 
7. 1. Les séquences de combats : le lieu d’une régulation forte
7. 2. Des séquences japonaises « irrégulables » ?
Chapitre 8. Altérer les thématiques du Super Sentai pour mieux correspondre aux standards télévisuels américains
8. 1. « Désanthropomorphiser » les robots géants
8. 2. De Bandora à Repulsa : de la mère traumatisée à l’impératrice du mal caricaturale
8. 3. Le cas du Ranger vert : quand la perte remplace la mort
Chapitre 9. Mighty Morphin Power Rangers : une série paritaire qui prône des valeurs multiculturelles ? 
9. 1. Une première équipe de Power Rangers stigmatisante ?
9. 2. Aisha, Rocky et Adam : vers une caractérisation moins stigmatisante des personnages
CONCLUSION 
SOURCES
BIBLIOGRAPHIE 

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