Stéréotypes de genre : limites et enjeux de la confrontation des élèves à la littérature contre-stéréotypée

Influence de la littérature jeunesse sur la construction des stéréotypes de genre

Littérature jeunesse et construction de l’identité de l’enfant

La littérature jeunesse est particulièrement intéressante dans le cadre de cette étude, au vu de son influence sur le développement de l’enfant et de son identité.
En effet, en reprenant la définition du stéréotype proposée par Dufays, la littérature jeunesse apparaît comme particulièrement stéréotypée. Il suffit de prendre l’exemple du loup pour comprendre que la construction des personnages est fondée sur des caractéristiques fréquentes (le loup est souvent méchant), figées (cette représentation du loup existe depuis plusieurs siècles), prégnantes dans la mémoire collective (le loup vu comme un animal nuisible dans la société), avec un caractère abstrait et synthétique (la méchanceté du loup est anthropomorphique et en cela abstraite) et une origine inconnue (on ne sait pas pourquoi le loup est associé à la méchanceté). On peut donc en conclure que les personnages de littérature jeunesse sont largement fondés sur des stéréotypes.
Laura Margarito, en se fondant sur les travaux d’Anne Dafflon Novelle, explique que « ces représentations de la réalité sont plus stéréotypées que la réalité elle-même » . Elle prend l’exemple d’une famille où la vaisselle serait une tâche ménagère paritaire. Elle montre qu’à un moment donné « l’enfant classifiera la vaisselle comme une activité réservée au sexe féminin.
Car à travers la littérature enfantine[…] il aura eu plus de modèles associant la vaisselle au sexe féminin qu’au sexe masculin. »
Elle en conclut que « les représentations sont donc plus importantes pour l’enfant que la réalité elle-même ».
En cela, il est important de s’intéresser au rôle de la littérature jeunesse dans la construction de l’enfant, et en particulier dans l’intégration et l’assimilation de stéréotypes de genre.

Littérature jeunesse et stéréotypes de genre : quelle influence mutuelle ?

Littérature jeunesse contre-stéréotypée : vers un renouvellement des personnages traditionnels

Pour lutter contre les stéréotypes de genre encore très présents dans les ouvrages de littérature jeunesse, « les éditeurs de manuels scolaires ont été auditionnés au Sénat [le 30 janvier 2014] afin de lutter contre les stéréotypes dans les manuels. Ceux-ci devront maintenant prôner l’égalité entre les filles et les garçons dès l’école maternelle. ».
Plusieurs auteurices et maisons d’éditions s’engagent ainsi depuis plusieurs années dans une lutte contre les stéréotypes de genre, et proposent des ouvrages de littérature jeunesse contre stéréotypée. Cela signifie que les caractéristiques des personnages sont contraires aux stéréotypes de genre qui leur sont traditionnellement attribués. Matthieu Vuattier explique ainsi que plusieurs associations d’auteurs et maisons d’éditions publient régulièrement des recueils et des outils pour aborder la littérature contre-stéréotypée : il évoque notamment les associations Adéquations et Lab-elle.
L’album Je veux être une cow-girl de Jeanne Willis , recommandé par l’association Adéquations, renverse ainsi les stéréotypes de genre en présentant une fille qui refuse de rester à la maison et souhaite endosser les attributs du cow-boy, traditionnellement réservés aux garçons dans la littérature. L’album Marcel la mauviette , lui, bouleverse les stéréotypes du garçon à travers un personnage masculin qui ne se fonde pas sur les stéréotypes de genre traditionnels, et interroge ainsi les jeunes lecteurs sur l’identité masculine. De nombreux autres ouvrages de littérature jeunesse sont ainsi référencés par les différentes associations et maisons d’éditions promouvant cette littérature contre-stéréotypée.
La littérature jeunesse n’est donc pas neutre, et véhicule des stéréotypes de genre qui renforcent les inégalités entre filles et garçons. Même si la littérature contre-stéréotypée connaît depuis quelques années un essor, et que sa promotion est inscrite dans la loi, les inégalités fillesgarçons restent toujours présentes. Dans un objectif de lutte pour l’égalité de genres, il convient alors de s’interroger sur l’utilisation qui est faite des ouvrages de littérature jeunesse à l’école, et de la façon dont les enseignants doivent y confronter les élèves.

Stéréotypes de genre : limites et enjeux de la confrontation des élèves à la littérature contre-stéréotypée

Limites de moyens financiers et matériels : l’école peut-elle financer la littérature  contre stéréotypée ?

En présupposant que la littérature jeunesse contre-stéréotypée permet de lutter contre les inégalités de genre générées par la confrontation des élèves à ces ouvrages, on pourrait décider de remplacer les ouvrages stéréotypés présents dans les bibliothèques des écoles par de la littérature contre-stéréotypée. Cependant, on s’expose ici à une limite omniprésente dans les écoles : le budget.
Le matériel des écoles primaires est financé par les communes. Le budget moyen alloué aux écoles publiques par les communes est de 950€ par élève et par an . Cependant, une grande partie de ce budget correspond aux frais de personnel, et principalement à la paye des Agents Territoriaux des Ecoles Maternelles (ATSEM). Le budget moyen alloué en école élémentaire n’est donc que de 575€, et se répartit de la sorte :

Problématisation

Si le droit français garantit une égalité de principe entre hommes et femmes, les inégalités de faits sont toujours très fortes en France. Or, les stéréotypes de genre jouent un rôle majeur dans la conservation et le renforcement de ces inégalités. Ces stéréotypes de genre étant véhiculés par les différentes instances de socialisation fréquentées par les individus, l’école a une fonction centrale dans ce mécanisme. Si elle est toujours aujourd’hui vectrice de fortes inégalités de genre, elle peut également être un ressort de la lutte contre celles -ci, via la déconstruction de stéréotypes. Ces derniers sont majoritairement véhiculés à l’école par les médias qu’elle utilise, et notamment par la littérature jeunesse, elle-même fondée sur des stéréotypes de genre. S’il est matériellement, financièrement, éthiquement et légalement impossible de remplacer la littérature jeunesse stéréotypée, l’enjeu réside alors dans la façon dont ces ouvrages sont présentés aux élèves. Autrement dit, on s’interroge dans ce travail.
Comment présenter des ouvrages de littérature jeunesse stéréotypés aux élèves tout en luttant contre les stéréotypes de genre ?

Hypothèses

Cette problématique repose sur trois hypothèses qu’il s’agira de confirmer ou infirmer dans ce mémoire.
La première hypothèse est celle d’une différence d’effets sur le lecteur entre une lecture passive et une lecture active des ouvrages de littérature jeunesse. La première serait une lecture sans prise de note, retour réflexif ou remise en question de l’ouvrage lu. Celle-ci favoriserait donc l’assimilation inconsciente des stéréotypes de genre véhiculés par les ouvrages. Au contraire, une lecture active de l’ouvrage la fondrait sur une vision critique des idées véhiculées par ce dernier. Cela permettrait donc à la fois d’identifier et de remettre en question les stéréotypes de genre qui y sont véhiculés. On postule ainsi qu’un apprentissage des techniques de lecture active des ouvrages de littérature jeunesse permettrait de combattre les stéréotypes de genre.
Il découle ainsi une deuxième hypothèse de la première. Ce ne serait pas la lecture de livres stéréotypés qui renforcerait les stéréotypes de genre, mais la lecture passive de ces ouvrages. Cette hypothèse se fonde sur le fait que les stéréotypes sont assimilés de manière inconsciente lors de la fréquentation par les enfants de différentes instances de socialisation, et de la confrontation à des médias vecteurs de stéréotypes de genre. On s’interroge donc ici sur l’effet d’une lecture active de livres stéréotypés sur ces stéréotypes. On postule ainsi qu’une telle lecture permet de diminuer les stéréotypes de genre.
Enfin, ces deux premières hypothèses permettent d’en émettre une dernière. Le combat contre les stéréotypes de genre permettant de diminuer les inégalités entre garçons et filles, on peut postuler que l’apprentissage et la pratique de la lecture active d’ouvrages stéréotypés permet de diminuer ces inégalités au sein de la classe. Cet effet pourrait se constater dans trois domaines : l’empowerment des élèves de tous genres, la place des filles et leur comportement dans la classe et le comportement différencié entre filles et garçons de l’enseignante.

Méthodologie

Une classe de CE2 du IIème arrondissement de Paris à l’assaut des stéréotypes de genre

Mon mémoire se déploie dans une école élémentaire du IIème arrondissement de Paris. Il s’agit donc d’une population au capital économique très élevé avec une médiane du revenu disponible par unité de consommation de 32 650€ . C’est également une population aux capitaux culturels très élevés avec 45,5% des habitants du IIème arrondissement faisant partie des Cadres et Professions Intellectuelles Supérieures, et 24,5% des Professions Intermédiaires.
Le dispositif est mis en place dans ma classe de CE2, composée de 15 garçons et 10 filles. Le niveau des élèves est très hétérogène, avec un élève bénéficiant d’un PAP, trois élèves en grandes difficultés scolaires et 5 élèves experts. L’enjeu est alors de proposer une séquence mobilisant tous les élèves autour des stéréotypes de genre, tout en l’adaptant aux capacités de chacun.
Concernant les comportements des élèves, j’ai pu constater depuis le début de l’année scolaire une attitude de domination des garçons par rapport aux filles. Ainsi, ils monopolisent la parole pendant les travaux de groupe, participent beaucoup plus en groupe classe, et occupent une grande partie de l’espace dans la cour de récréation. Les filles se retrouvent ainsi en position d’infériorité numérique mais également en situation de relégation au sein des différentes activités du temps scolaire.

Mesurer les stéréotypes avant et après la mise en place des dispositifs

Le but de ce mémoire étant d’étudier l’influence de deux dispositifs sur les stéréotypes de genre des élèves, il convient de mesurer les stéréotypes de genre des élèves avant et après la mise en place de ces dispositifs.

Approche qualitative

L’idée est, à la manière de Laura Guillard, de « recueillir [les] représentations [des élèves] le plus spontanément possible à travers des activités qui paraissaient de prime abord anodines », de façon à réduire le « risque de réponses biaisées » . J’ai donc choisi trois activités qui ont été menées en classe avant et après la mise en place des dispositifs dans le cadre des enseignements fondamentaux de façon à ce que les élèves ne donnent pas les réponses qu’iels savent attendues par l’enseignante.

Etude de la langue : travail sur les adjectifs qualificatifs

La première activité a été la création avec les élèves d’une banque d’adjectifs qualificatifs dans le cadre d’une séance d’étude de la langue, puis son réinvestissement lors d’une production d’écrits. Le sujet était « Décrire un personnage : entraînement ».
Le débat s’est ensuite orienté autour des moyens matériels de la mise en place d’un tel dispositif. Cela aurait pu être limité en leur garantissant une aide matérielle de ma part.
On trouve dans ce débat une limite scientifique et didactique forte : le vocabulaire de la leçon est très peu utilisé. Les concepts de sexisme, stéréotype et intériorisation n’ont été mobilisés qu’à quelques occurrences. Il aurait fallu insister plus sur le lexique et les inciter à les utiliser en intervenant ponctuellement dans le débat. Il aurait ainsi été possible de reformuler les propos des élèves en utilisant les concepts.
Nous avons ensuite décidé d’inaugurer collectivement le dispositif, ce qui permettaitégalement de s’assurer que chaque élève avait bien compris son fonctionnement. Nous avons donc rédigé collectivement l’avertissement pour l’ouvrage L’Enfant idéal. Les élèves étaient fortement impliqués dans cette activité. Cependant, iels ont décidé d’écrire « Danger, stéréotype à toutes les pages », ce qui ne témoigne pas d’un réel travail de relevé. J’ai décidé de retravailler la méthode et de l’expliciter à la séance suivante, et non directement, car je souhaitais que les élèves se sentent les plus autonomes possible dans la lutte contre les stéréotypes de genre.

Les traces spontanées d’une lutte déployée au quotidien par les élèves

La lutte contre les stéréotypes de genre a été spontanément prolongée par les élèves dans leur quotidien. Voici alors trois anecdotes qui montrent les différents aspects de cette lutte :
A l’occasion d’un exercice de grammaire dans le manuel de français, une élève repère un stéréotype de genre et s’exclame : « J’ai trouvé un stéréotype sur la page ! ». Tou.te.s les autres élèves le trouvent alors aussi, puis se mettent spontanément à chercher d’autres stéréotypes dans le manuel. Je leur ai alors proposé de dédier notre séance de quart d’heure lecture du jour au relevé des stéréotypes dans le manuel, de façon à prolonger leur action dans un moment dédié.
Un matin, pendant l’accueil, un garçon arrive avec du vernis sur les ongles : « – Gaspard le vernis c’est interdit à l’école !
– Non, ce que tu dis c’est un stéréotype.
– Mais non, ce n’est pas un stéréotype, c’est interdit pour tout le monde, filles et garçons. »
J’ai alors fait un rappel à l’ordre : « Effectivement, le vernis est interdit pour tout le monde à l’école. Mais Gaspard peut en porter s’il le souhaite en dehors de l’école ». Cela a permis de montrer aux élèves que filles et garçons sont égaux devant la loi.
Lors d’une séance en salle informatique, un garçon dit à une camarade : « Ce n’est pas une petite fille qui va m’apprendre ça ». Cette dernière est alors venue me voir pour me dire qu’elle avait « subi du sexisme », et la discussion entre les deux élèves s’est alors orientée autour de ce thème. Cela a permis au garçon de considérer son acte non pas comme un heurt individuel, mais bien comme inscrit dans un système général d’oppression. Ces différentes traces spontanées de lutte montrent donc que les élèves se sont appropriés le combat contre les stéréotypes de genre, mais également qu’un travail sur la littérature jeunesse leur a permis de s’interroger sur l’ensemble des stéréotypes qu’iels voyaient au quotidien, en dehors des livres. Cela témoigne donc d’une efficacité forte d’un tel dispositif dans la vie de la classe.

Combattre le sexisme par l’action littéraire : apports et limites de la séquence 2

De l’enfant au citoyen : combattre les stéréotypes de genre en devenant un acteur à part entière de la vie de la classe

Prendre conscience de son pouvoir

L’objectif de cette deuxième séquence était d’inscrire la lutte contre les stéréotypes de genre dans une temporalité et un espace dépassant la classe de CE2 (Annexe n°10). Ainsi, la première séance consistait à s’interroger sur la postérité du travail réalisé en période 3 (Annexe n°11). J’ai repris le concept du débat sans intervention de l’enseignante, après rédaction des arguments au brouillon. Il s’articulait ici autour de la question : « Que faire pour transmettre notre travail aux futur.e.s CE2 ? ».
Les élèves ont ainsi décidé de mettre en place 4 actions, comme on peut le constater sur la figure n°9 : réaliser une affiche explicative sur les stéréotypes et le fonctionnement du système de posts-its, faire une vidéo « qu’ils regarderont avec leur nouvelle maîtresse pour comprendre les post its » aller « leur expliquer qu’il faut faire attention aux stéréotypes », et mettre du scotch sur les posts-its pour qu’ils ne se décollent pas.

Des difficultés à entrer dans une position de lecteur engagé

Une partie importante du dispositif créé par les élèves était ainsi fondée sur la lecture sélective d’ouvrages, de façon à pouvoir d’une part proposer une sélection d’ouvrages non stéréotypés, mais également pour choisir les ouvrages à acquérir avec l’argent de la coopérative scolaire.
Les élèves ont décidé que ces lectures sélectives se déroulent pendant le quart d’heure lecture. Cependant, ce temps devant rester un temps de lecture libre, dans le but de « Pratiquer différentes formes de lecture », j’ai choisi de ne pas imposer l’activité de lecture sélective. Cette liberté a alors constitué un obstacle pédagogique fort. En effet, la plupart des élèves n’ont pas repéré de livres sans stéréotype, ni recensé d’ouvrages à acquérir. Seule une élève avait un livre à proposer lors du bilan. Les autres élèves évoquaient les livres lus lors de la visite à la bibliothèque.
J’avais également fait le choix de ne pas dédier de temps particulier à la lecture sélective en dehors du quart d’heure lecture dans le but de me rapprocher le plus possible de la réelle expérience de militant.e.
Cependant, les difficultés évoquées ci-dessus peuvent s’expliquer par l’absence d’explicitation du lien entre la lecture vue comme un plaisir et l’action politique. Il aurait fallu identifier un temps de lecture explicitement dédié à la recherche et à la sélection d’ouvrages non stéréotypés de façon à encourager les élèves à entrer dans cette activité.

De l’élève à l’auteur engagé : écrire pour combattre les stéréotypes de genre

Lire pour écrire : adopter la démarche de l’écrivain

Le but de la deuxième séance, c’est-à-dire la visite à la bibliothèque, était d’une part de s’inspirer des outils utilisés pour lutter contre les stéréotypes, et de l’autre d’étudier des ouvrages contre stéréotypés pour s’en inspirer, de façon à pouvoir en rédiger. Une telle activité mettait ainsi les élèves dans la posture de l’écrivain : lire attentivement pour « adopter une démarche d’écriture » . Le but était de souligner l’importance des modèles en littérature. Ainsi, en rentrant de la bibliothèque, les élèves ont pu débattre autour d’une nouvelle question « Comment les auteur.ices des livres lus à la bibliothèque combattent-iels les stéréotypes de genre ? » (Annexe n°12).
Cependant, iels ont eu des difficultés à identifier les éléments combattant les stéréotypes de genre dans les ouvrages lus à la bibliothèque. Iels articulaient plutôt leur discours autour de leur propre appréciation de ces derniers : « J’ai beaucoup aimé celui sur le garçon qui était une fille. » Iels centraient aussi leurs arguments autour de la présence ou non de stéréotypes dans les ouvrages :
« Pour moi, l’histoire du garçon qui était une fille était le seul livre où il y avait des stéréotypes.
Dans Calicochon, je n’ai pas vu de stéréotypes. Il n’y avait pas beaucoup de stéréotypes par rapport à notre bibliothèque. Par exemple, il n’y en avait pas du tout dans Sauvage. »
Certain.e.s élèves ont tout de même identifié l’existence de contre-stéréotypés dans Le Bel au Bois Dormant, qu’iels ont nommé spontanément ainsi : « Le Bel au Bois Dormant, c’est un contre-stéréotype. »
Cette difficulté peut s’expliquer par un manque de clarté de la consigne, qui était trop vague. Je leur ai donc demandé, suite au débat, de relever « les éléments dans les livres qui combattent les stéréotypes », de façon à ce qu’iels citent des moments précis de l’histoire.
Comme on peut le constater sur la figure n°10, iels ont ainsi identifié deux principaux moyens de lutter contre les stéréotypes de genre dans la littérature jeunesse : montrer les conséquences des stéréotypes et inverser les rôles. Cet exercice a permis de mettre les élèves dans une position de lecteurice actif.ve, en présentant la lecture comme une activité préalable et indispensable à l’écriture.

Rédiger un album contre-stéréotypé

Les élèves ont ensuite pu, par groupes hétérogènes de quatre, rédiger un album jeunesse à partir des deux méthodes identifiées pendant le débat : l’inversion des rôles traditionnels et la dénonciation des stéréotypes de genre et de leurs conséquences. On peut alors étudier leurs productions pour identifier le principal critère de réussite attendu dans cet exercice : le caractère non stéréotypé des textes.

Corriger ses écrits à l’aide des outils mis à disposition

Suite à la phase d’écriture correspondant à la séance 6 (Annexe n°15), j’ai pu constater qu’il y avait beaucoup d’erreurs d’orthographe dans les productions. Comme prévu, 2 séances de révision des textes ont eu lieu. J’avais préalablement souligné les erreurs, de façon à ce qu’elles soient facilement identifiables par les élèves. Iels avaient ensuite à leur disposition les outils utilisés pour le travail de l’orthographe depuis le début de l’année : le dictionnaire pour l’orthographe lexicale et le cahier de leçons pour l’orthographe grammaticale. Ainsi, on peut constater sur la production du groupe J’ai peur du noir ci-dessous que la plupart des erreurs d’orthographe lexicale ont été corrigées : « pane » devient « panne » par exemple. Les erreurs d’orthographe grammaticale, quant à elle, sont seulement en partie corrigées. Certes, « a » devient « à », « ami » devient « amie », « terminé » devient « terminer ».
Cependant, certaines orthographes soulignées ne sont pas modifiées : « tu peut », alors que la conjugaison du verbe pouvoir figure dans le cahier de leçons, « courageu » alors que cet adjectif figure dans le dictionnaire. Cela peut s’expliquer par un faible attrait pour l’exercice, dont iels ne voient pas forcément l’intérêt dans le cadre de la production d’écrits. En effet, celui-ci est mené lors de travaux de grammaire et d’orthographe, avec la dictée négociée par exemple. Or, ici, les élèves ne semblent pas percevoir l’importance de l’orthographe lorsqu’iels produisent un texte.

Limites d’un diagnostic ambitieux

Ce diagnostic permet ainsi de constater par des mesures pertinentes la diminution des stéréotypes de genre chez les élèves. Il comporte cependant quelques limites. Ainsi, il est difficile d’isoler et identifier les effets des deux dispositifs séparément. De plus, il n’existe pas d’étude par élève. On ne peut donc pas étudier la trajectoire d’un élève en particulier, ce qui aurait pu être intéressant. Par exemple, une et un élève avaient des visions très stéréotypées, et on constate une diminution des stéréotypes de genre seulement chez l’un des deux, malgré une forte implication dans le dispositif de la part des deux élèves. Or, cela a pu être constaté grâce à des échanges informels : il aurait alors paru intéressant de faire des entretiens. Enfin, aucune étude n’a été faite sur l’évolution de la place des filles et des garçons dans la classe suite à la mise en place des dispositifs. J’ai ainsi été marquée, lors d’une tâche finale de langue vivante consistant à s’enregistrer par groupe, par le fait que les garçons prenaient toujours énormément de place, en parlant plus fort et plus longtemps. Il aurait été intéressant de pouvoir le mesurer.

Conclusion

Face aux inégalités de genre toujours ancrées dans notre société, le rôle de l’école, tel qu’il est décrit dans les programmes, est de transmettre les valeurs de la République, et notamment le refus de toute forme de discrimination. Cela passe en partie par la lutte contre les stéréotypes. Or, les supports disponibles véhiculent, pour la majeure partie, des stéréotypes de genre. Il s’agit alors de s’interroger sur une possibilité et un moyen de combattre le sexisme à partir de ces supports stéréotypés.
Ainsi, j’ai imaginé un premier dispositif consistant à sensibiliser les élèves à la présence de stéréotypes dans leur environnement, mais également en elleux-mêmes, suite à l’intériorisation de ces derniers. Suite au constat de la présence de stéréotypes dans les ouvrages de leur bibliothèque, les élèves ont ainsi décidé de mettre en place un système de repérage et de signalisation des stéréotypes, qui a à la fois développé leurs compétences de lecteurices et de citoyen.nes.
Concernant le deuxième dispositif, j’ai souhaité qu’il soit l’occasion de rendre les élèves acteurices de la lutte contre les stéréotypes. J’ai fondé celui-ci sur la transmission d’un travail de réflexion à la future cohorte de CE2. Iels ont ainsi imaginé un dispositif de sélection et de présentation d’ouvrages, comportant notamment des albums jeunesse qu’iels ont rédigé. Cela leur a permis non seulement de s’ancrer dans une démarche politique active, mais également dans une démarche d’écriture ambitieuse.
Ces deux dispositifs ont largement répondu à l’ambition de combattre les stéréotypes de genre en se fondant sur des supports stéréotypés. Le diagnostic final montre que les stéréotypes de genre ont largement diminué chez les élèves, qui se sont beaucoup investi.e.s dans une démarche de lutte.
Ces dispositifs ont tout de même présenté certaines limites. Les comportements des élèves en classe sont restés très genrés, et les garçons occupent toujours une place importante et dominante. De plus, la lutte contre les stéréotypes de genre n’a pas donné lieu à une intersectionnalité pertinente. Les élèves continuent à véhiculer des stéréotypes, classistes ou racistes notamment.
Enfin, si cette étude permet de tirer des conclusions sur les stéréotypes de genre dans une classe de CE2 issu.e.s d’un milieu aisé, il serait intéressant et nécessaire d’étudier des classes d’autres niveaux, issues de milieux socio-économiques différents.
On peut donc conclure qu’il est possible de sensibiliser et combattre les stéréotypes de genre à l’aide de supports stéréotypés. Cependant, cela n’est pas suffisant, et un travail de grande ampleur sur les valeurs de la République et notamment la lutte contre les discriminations est nécessaire à tout niveau et dans tout milieu.

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Table des matières
CADRE THEORIQUE
1. Inégalités de genre et stéréotypes
1.1. Inégalités de genre en France : le droit et les faits
1.2. Les stéréotypes de genre comme origine majeure des inégalités hommes-femmes
1.3. Les instances de socialisation comme origine des stéréotypes de genre
2. Le rôle de l’école dans la formation des stéréotypes de genre
2.1. Les inégalités de genre à l’école
2.2. Le rôle de l’école : ambitions et lois du gouvernement
2.3. Gestes professionnels et attitude : le rôle de l’enseignant.e
3. Influence de la littérature jeunesse sur la construction des stéréotypes de genre
3.1. Littérature jeunesse et construction de l’identité de l’enfant
3.2. Littérature jeunesse et stéréotypes de genre : quelle influence mutuelle ?
3.3. Littérature jeunesse contre-stéréotypée : vers un renouvellement des personnages traditionnels
4. Stéréotypes de genre : limites et enjeux de la confrontation des élèves à la littérature contre-stéréotypée
4.1. Limites de moyens financiers et matériels : l’école peut-elle financer la littérature contrestéréotypée ?
4.2. Limites de la littérature contre-stéréotypée : quelle influence réelle sur les enfants ?
4.3. Limites et enjeux liés au rôle de l’enseignant.e
5. Problématisation
6. Hypothèses
METHODOLOGIE
7. Méthodologie
7.1. Une classe de CE2 du IIème arrondissement de Paris à l’assaut des stéréotypes de genre
7.2. Mesurer les stéréotypes avant et après la mise en place des dispositifs
7.2.1. Approche qualitative
7.2.2 Approche quantitative
7.2.3. Inventaire de la bibliothèque de classe
7.3. De la découverte à la lutte contre les stéréotypes : un projet fondé sur la prise de pouvoir des élèves
7.3.1. Séquence 1 : la mise en place d’un dispositif collectif de repérage des stéréotypes de genre
7.3.2 Séquence 2 : l’engagement politique et littéraire par la rédaction sélections et la  rédaction d’ouvrages contre-stéréotypés
ANALYSE DES PRATIQUES
8. Lire pour combattre les stéréotypes de genre : apports et limites de la séquence 1
8.1. De la découverte des stéréotypes à la mise en place d’une stratégie de lutte
8.1.1. Mettre au jour et conceptualiser le stéréotype de genre
8.1.2. Prendre conscience du phénomène d’intériorisation des stéréotypes de genre
8.1.3. Mettre en place un dispositif de lutte contre les stéréotypes de genre
8.2. L’évolution d’un projet investi et pris en main par les élèves
8.2.1. Des bilans de lecture à la mise en place d’un débat politique par les élèves
8.2.2. Les traces spontanées d’une lutte déployée au quotidien par les élèves
8.2.3. La convergence des luttes ou l’application du concept de stéréotype à toute
discrimination
8.3. Articuler EMC et français : acquérir et renforcer des compétences linguistiques grâce à un
enrôlement fort
8.3.1. Des progrès en compréhension permis par une autre approche de la lecture
8.3.2. Développer ses compétences oratoires en défendant un point de vue politique
8.3.3. L’analyse lexicale comme outil de compréhension
9. Combattre le sexisme par l’action littéraire : apports et limites de la  séquence 2
9.1. De l’enfant au citoyen : combattre les stéréotypes de genre en devenant un acteur à part
entière de la vie de la classe
9.1.1 Prendre conscience de son pouvoir
9.1.2. Mettre en place une stratégie d’action multiscalaire
9.1.3. Des difficultés à entrer dans une position de lecteur engagé
9.2. De l’élève à l’auteur engagé : écrire pour combattre les stéréotypes de genre
9.2.1. Lire pour écrire : adopter la démarche de l’écrivain
9.2.2. Rédiger un album contre-stéréotypé
9.2.3. Limites d’une intériorisation précoce des stéréotypes de genre en littérature jeunesse
9.3. Du rédacteur à l’écrivain : l’émergence d’une exigence linguistique et textuelle
9.3.1. L’importance du brouillon
9.3.2. Corriger ses écrits à l’aide des outils mis à disposition
9.3.3 S’appuyer sur ses pairs pour améliorer son texte
EVALUATION DES DISPOSITIFS
10. Diagnostic final
10.1. Mesurer les stéréotypes après la mise en place des dispositifs : évaluer les effets des dispositifs mis en place
10.1.1. Approche qualitative
10.1.2. Approche quantitative
10.2. Limites d’un diagnostic ambitieux
Conclusion
Références bibliographiques
Annexes
Résumés

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