Stabilisation d’un interféromètre atomique

Stabilisation d’un interféromètre atomique contre les vibrations

La grande sensibilité des interféromètres atomiques aux rotations et aux accélérations provient de la dépendance de la phase Φ des franges d’interférences atomiques avec la phase spatiale des ondes lumineuses servant à diffracter les atomes. Cette phase dépend de la position du ou des miroirs qui réfléchissent ces ondes laser. Dans le cas particulier de l’interféromètre de MachZehnder de Toulouse, la diffraction des atomes de lithium utilise trois ondes stationnaires lasers et la phase spatiale de chacune de ces trois ondes stationnaires est fonction de la position du miroir qui la produit. Les atomes qui se propagent dans l’interféromètre échantillonnent chacune de ces trois phases à des instants différents, séparés par le temps de vol de l’atome entre deux ondes stationnaires consécutives, et ils sont donc sensibles aux mouvements des miroirs entre deux évènements de diffraction.

Le temps de vol entre ondes stationnaires consécutives, qui était de l’ordre de 600 microsecondes dans l’interféromètre atomique de Toulouse qui a donné ses premiers signaux en 2001, devait être beaucoup plus long, par un facteur 10 à 20, dans un nouveau montage utilisant un jet ralenti et intensifié par forces radiatives (ce montage en projet quand j’ai commencé à travailler au laboratoire a été abandonné depuis). Comme je vais l’expliquer ci-dessous, le bruit de phase dû aux vibrations du montage croît très vite avec le temps de vol des atomes entre ondes stationnaires et, alors que le bruit de phase existant dans le montage initial réduisait faiblement la visibilité des franges d’interférences atomiques, le bruit attendu avec des atomes 10 fois plus lents aurait rendu sensiblement nulle la visibilité des ces franges. Une stabilisation des mouvements des trois miroirs était donc absolument nécessaire pour que le nouveau montage fournisse des signaux utilisables.

Sensibilité des interféromètres atomiques de Mach-Zehnder aux vibrations

Sensibilité inertielle

La très grande sensibilité des interféromètres atomiques aux effets inertiels a été remarquée depuis longtemps [3, 4]. Je vais considérer le particulier cas d’un interféromètre atomique de Mach-Zehnder utilisant trois processus de diffraction pour diviser, réfléchir et recombiner l’onde atomique, selon le schéma de la figure 1.1. Pour expliquer la sensibilité inertielle, je vais suivre la présentation de Schmiedmayer et al. [5]. Chaque faisceau atomique se propageant dans l’interféromètre est représenté par une onde plane. Cette description approximative est expliquée en détail dans un article de mon équipe [6, 7]. Pour une onde incidente Ψ (r) = exp [ik · r], le faisceau diffracté d’ordre p par le réseau Gj est décrit par l’onde .

Ψp (r) = αj (p) exp [ik · r + ipkGj · (r − rj )] (1.1)

où αj (pj ) est l’amplitude de diffraction d’ordre pj , kGj est le vecteur d’onde du réseau Gj , situé dans le plan du réseau, perpendiculaire à ses traits et de module kG = 2π/a. La période a, la même pour les trois réseaux, est égale à a = λL/2 dans le cas de la diffraction par une onde stationnaire laser de longueur d’onde λL. Cette équation est exacte pour la diffraction de Bragg et c’est une très bonne approximation si k et kGj sont presque perpendiculaires et si |kGj |  |k|, ce qui est très bien vérifié si les atomes ne sont pas très lents. Enfin, rj est la position d’un point de référence du réseau Gj et, dans le cas d’une onde stationnaire laser, ce point peut être choisi à la surface du miroir Mj formant l’onde stationnaire j. La présence de rj dans l’équation (1.1) montre que la phase de l’onde diffractée dépend de la position du réseau dans son plan : cet effet explique la sensibilité inertielle des interféromètres atomiques. D’autre part, on remarque qu’un déplacement selon la direction kGj d’une période du réseau induit un déphasage égal à p fois 2π du faisceau diffracté d’ordre p : c’est nécessaire car les deux situations avant et après ce déplacement sont identiques.

En notant T = L/v le temps de vol de l’atome d’un réseau au suivant (le réglage optimum de l’interféromètre correspond à l’égalité des distances entre réseaux consécutif, L12 = L23 = L) et v est la vitesse du paquet d’onde considéré, alors, t1 = t − T et t3 = t + T, où j’ai remplacé t2 par t. Un développement de Φd en puissances de T donne

Φd(p) = Φbending + ΦSagnac + Φacc.
Φbending = pkGδ(t) avec δ(t) = 2×2(t) − x1(t) − x3(t)
ΦSagnac = pkG (v3x(t) − v1x(t)) T
Φacc. = pkG (a1x(t) + a3x(t)) T²/2 (1.9)

Dans ces équations, vjx(t) et ajx(t) sont respectivement la composante selon l’axe x de la vitesse et de l’accélération du réseau Gj par rapport à un référentiel Galiléen. Voici la signification des différents termes :
— le terme Φbending est proportionnel à δ(t) = 2×2(t) − x1(t) − x3(t) qui est nul si les trois réseaux sont alignés. Dans l’interféromètre de Toulouse, ce terme était très stable car la structure qui porte les trois miroirs est très rigide, et dans ce cas, ce terme n’induit pas de bruit de phase mais seulement une lente dérive de la phase.
— le terme ΦSagnac représente la sensibilité de la phase des interférences à la rotation de l’interféromètre par rapport à un référentiel Galiléen : pour le prouver, il suffit d’exprimer la différence de vitesse (v3x(t) − v1x(t)) T = 2ΩyL12, où Ωy est la composante selon l’axe y de la vitesse angulaire de la structure qui porte les trois miroirs (on suppose Ωy constant durant la durée 2T du passage des atomes dans l’interféromètre).
— le terme Φacc. représente la sensibilité de la phase des interférences à l’accélération selon la direction x de l’interféromètre par rapport à un référentiel Galiléen (on suppose les accélérations a1x(t) et a3x(t) constantes durant la durée 2T du passage des atomes dans l’interféromètre). Il faut moyenner ces termes sur la distribution de vitesse atomique mais, si celle-ci est assez étroite, cette moyenne aura peu d’effets.

Comment abaisser passivement la fréquence de résonance ?

Lorsqu’il s’agit d’obtenir une fréquence de résonance faible, typiquement de l’ordre de la centaine de mHz, les dimensions du pendule simple deviennent un problème majeur. En effet, un pendule de 1 m de longueur a une période propre voisine de 2 secondes donc une fréquence de 0.5 Hz. Pour atteindre des fréquences propres plus faibles, il faut augmenter sa longueur dans des proportions considérables, par exemple 25 m pour atteindre une fréquence de 0.1 Hz, ce qui n’est pas pratiquement réalisable. Il faut donc envisager d’autres solutions. Un oscillateur se déplaçant autour d’une position d’équilibre peut être modélisé par une forme quadratique de son énergie potentielle. Diminuer sa pulsation propre revient à réduire la profondeur du puits de potentiel et à rendre les variations de son énergie potentielle autour de la position d’équilibre de plus en plus horizontales. Cela peut être réalisé par exemple dans un «folded pendulum» qui associe un pendule simple et un pendule inversé.

En ajustant la position de la masse m sur la plateforme horizontale, on modifie la proportion de la contribution positive (pendule simple) et de la contribution négative (pendule inversé) à l’énergie potentielle. Il est ainsi théoriquement possible d’obtenir une fréquence de résonance aussi petite que l’on veut comme le montre le panneau gauche de la figure 1.6 issue aussi de leur article. Cependant, au delà du réglage de la position de la masse qui permettrait d’obtenir une fréquence de résonance nulle, le système devient instable car le pendule simple ne permet plus de compenser l’effet du pendule inversé. Approcher ce réglage expose alors à une sensibilité accrue aux perturbations et aux défauts du système : tilt, dilatation thermique des différentes parties, etc. Il est alors nécessaire d’asservir le système pour le maintenir autour de sa position d’équilibre. Le second inconvénient, lié lui aussi à une limite fondamentale, tient au fait que le facteur de qualité diminue avec la fréquence de résonance (panneau de droite de la figure 1.6). En effet, l’énergie potentielle totale est composée de deux contributions gravitationnelles de signes opposés et d’une contribution élastique. La proportion de l’énergie potentielle élastique à l’énergie totale augmente au fur et à mesure que les énergies potentielles gravitationnelles se compensent. Les effets anélastiques, développés dans notre article [18] et repris à la section 5.2, deviennent prépondérants. Une autre possibilité pour abaisser la fréquence de résonance d’un oscillateur est de compenser l’énergie potentielle de pesanteur par une énergie potentielle élastique. C’est ce qui est mis en œuvre dans le pendule de Holweig-Lejay (voir section 4.6) ou dans les sismomètres, par exemple celui de l’équipe de Zumberge analysé dans la section 3.6. De tels systèmes sont aussi sujets à des instabilités, dues à la dépendance des propriétés élastiques des métaux avec la température et aussi, plus fondamentalement, au fait que l’énergie potentielle élastique est quadratique et ne peut compenser l’énergie potentielle gravitationnelle qu’au deuxième ordre : lorsque les termes d’ordre 2 s’annulent, demeurent les termes d’ordre supérieur de l’énergie potentielle de pesanteur et le système est alors non linéaire.

Comment abaisser activement la fréquence de résonance ?

L’abaissement passif de la fréquence de résonance d’un oscillateur mécanique est possible mais il semble de réalisation délicate. L’abaissement actif utilise des asservissements de la plateforme à stabiliser grâce à des actuateurs qui exercent des forces qui sont fonctions de signaux donnés par des sismomètres. J’ai étudié trois articles qui traitent de l’asservissement d’une plateforme pour des expériences de haute précision : il s’agit des travaux de Hensley et al. [21] dans l’équipe de Chu à Stanford pour le mesure de l’accélération de la pesanteur g par interférométrie atomique et de ceux de Newell et al. [19] et de Richman et al. [20], effectués à Boulder pour la détection d’ondes de gravitation. On peut dès maintenant comparer la stratégie de Hensley [21] et celle de Newell et al. [19] et de Richman et al. [20] : Pour construire un gravimètre utilisant l’interférométrie atomique, Hensley et al. [21] utilisent un sismomètre Guralp de très bonne qualité pour mesurer l’accélération verticale avec une sensibilité de l’ordre de 10⁻⁹ g dans une certaine bande passante 0.1-10 Hz. Ils utilisent ce signal d’accélération pour asservir le mouvement vertical de la plateforme qui porte le miroir de son interféromètre atomique. L’avantage principal de cet arrangement est que le pendule du sismomètre est très bien construit et muni de tous les raffinements modernes. Nous voyons un inconvénient à ce choix : le pendule et son asservissement sont optimisés pour la mesure sismique, donc à basse fréquence, au dessous du Hertz et ce n’est pas le meilleur choix. En effet, cette gamme de fréquences, qui est fondamentale pour la sismologie, n’est pas celle pour laquelle il faut corriger en priorité les vibrations du montage d’interférométrie atomique.

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Table des matières

Introduction
1 Bref aperçu
2 Panorama
3 Objectif
4 Plan de la thèse
4.1 Chapitre I : Stabilisation d’un interféromètre atomique contre les vibrations
4.2 Chapitre II : Développement d’un sismomètre interférentiel
4.3 Chapitre III : Théorie des pendules à lame élastique
4.4 Chapitre IV : Expériences avec un pendule à lame élastique
4.5 Chapitre V : Oscillateurs couplés amortis
4.6 Chapitre VI : La force de Stokes sur la sphère ou le cylindre en mouvement oscillant
4.7 Conclusion
1 Stabilisation d’un interféromètre atomique
1 Introduction
2 Sensibilité des interféromètres atomiques
2.1 Sensibilité inertielle
2.2 Effet des vibrations sur la visibilité des franges d’interférences
3 Principe des dispositifs de réduction des vibrations
3.1 Propriétés des pendules comme amortisseurs de vibrations
3.2 Comment abaisser passivement la fréquence de résonance ?
3.3 Comment abaisser activement la fréquence de résonance ?
4 Application à un interféromètre
4.1 Le pendule suspendu par 3 fils
4.2 Mise en équations
5 Défauts de symétrie
6 Première réalisation
6.1 Sismomètres
6.2 Simulations
2 Développement d’un sismomètre interférentiel
1 Introduction
2 Les sismomètres électroniques
2.1 Principe de fonctionnement
2.2 Performances de ces appareils
2.3 Mesure de déplacement du pendule
3 Notre premier développement
4 Le sismomètre de l’équipe de Zumberge
5 L’interféromètre de Michelson
5.1 Sensibilité de mesure
5.2 Limite fondamentale de la sensibilité de mesure
5.3 Le problème de la dépendance de la sensibilité avec la phase
6 Le sismomètre de l’équipe de Zumberge
7 Notre montage
8 Théorie de l’interféromètre
8.1 L’interféromètre à coins de cube
8.2 Les coins de cube
8.3 La séparatrice utilisée dans le montage
9 Propriétés de polarisation des lames séparatrices
9.1 Le cas de la séparatrice sans perte
9.2 Le cas d’une séparatrice avec pertes
10.1 Principe du calcul
11 Conclusion
3 Théorie des pendules à lame élastique
1 Introduction
2 Reproduction de l’article “ A more accurate theory of a flexible-beam pendulum ”
3 Erratum
4 Croisement évité des fréquences des deux résonances
5 Application aux horloges
6 Le pendule inversé de Holweck-Lejay
6.1 Mesures relatives de la gravité
6.2 Le pendule inversé de Holweck-Lejay
6.3 Calcul du pendule inversé de Holweck-Lejay
7 Conclusion
4 Expériences avec un pendule à lame élastique
1 Introduction
2 Notre article “ Damping mechanisms of a pendulum”
3 Amortissement par les courants de Foucault
3.1 Expérience
3.2 Modélisation
4 Conclusion
5 Oscillateurs harmoniques couplés
1 Introduction
2 Difficultés pour publier cet article
3 Notre article “ Damping of coupled harmonic oscillators ”
4 Amortissement différentiel des modes normaux
5 Transition Wigner-Weisskopf/ Rabi
5.1 Introduction
5.2 Dynamique quantique d’un état discret couplé à un continuum
5.3 Transition continue entre ces deux régimes
6 Conclusion
7 Appendice : des exemples de points exceptionnels
7.1 Ondes de Voigt dans des cristaux biréfringents et absorbants
7.2 Coalescence de résonances en physique des collisions
7.3 Points exceptionnels en spectroscopie atomique
7.4 Brisure de la symétrie PT en présence de potentiels complexes
7.5 Chiralité d’un point exceptionnel
7.6 Exploration du voisinage d’un point exceptionnel
7.7 Utilisation d’un point exceptionnel pour développer des capteurs der haute sensibilité
7.8 Un article pédagogique très récent
Conclusion

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