Spectroscopie X de plasmas hors équilibre thermodynamique

Zone de conduction

   L’énergie laser déposée est ensuite transférée au plasma dans une zone appelée zone de conduction. Pour des cibles de numéro atomique Z faible, cette conduction est purement électronique et est localisée au niveau du gradient thermique. Typiquement, pour un flux de 1014W/cm2 , cette région a des dimensions de l’ordre du micron. La température que les électrons peuvent atteindre est contrôlée par ce processus de transport. Cette région est responsable du rayonnement en face avant. Pour les éléments de Z élevé, la zone de conduction se prolonge vers les régions plus denses de la cible par une zone de conversion et de ré émission, comme le montre la figure I-1a. La zone de conversion, optiquement mince à son propre rayonnement, est la région où l’énergie laser absorbée est convertie en rayonnement X et XUV. Chauffée par conduction électronique, cette région se refroidit en rayonnant d’une part à travers la couronne et d’autre part vers les régions plus denses du plasma. Une partie du rayonnement X ainsi émis se dirige donc vers des régions denses du plasma: c’est la zone de ré-émission. Elle est optiquement épaisse au rayonnement XUV et l’absorbe donc en majeure partie pour le restituer sous forme d’un rayonnement quasi-planckien. Ce dernier peut alors se propager vers la couronne en traversant la zone de conversion, sans être trop absorbé. Ajouté au spectre émis par la zone de conduction, il formera la composante thermique du spectre observé en face avant. Mais ce rayonnement peut également se disperser vers des régions plus denses où il sera de nouveau absorbé. Ces multiples processus de ré-émission et d’absorption donnent naissance à une onde de conduction radiative qui se propage à l’intérieur de la cible [1]. En régime nanoseconde, le processus d’ablation et l’expansion hydrodynamique consomment une partie de l’énergie laser déposée, ce qui limite la conduction thermique. En régime femtoseconde, l’expansion hydrodynamique n’est pas suffisante pour modifier les caractéristiques du transport thermique.

Caractéristiques spectrales de l’émission K-alpha

   La description complète de l’émission Kα générée par un faisceau d’électrons rapides doit prendre en compte l’élévation de température du milieu dans lequel les électrons se propagent. Dans le rappel fait ci-dessus, nous avons considéré les transitions Kα dans le solide froid. Cependant, dès le début de l’interaction, l’état d’ionisation de la matière évolue et les électrons rapides créés vont non seulement entrer en collision avec des atomes mais aussi avec les ions du plasma. Le spectre d’émission Kα ne correspond plus alors à une émission monochromatique mais à un ensemble de raies d’autant plus décalées vers les courtes longueurs d’onde que l’ion émetteur est chargé. Le calcul du décalage spectral est un problème complexe qui nécessite la résolution de l’équation de Schrödinger pour l’atome cible. L’un des premiers physiciens à s’être penché sur la question est L.L. House [14]. Ses résultats ont été obtenus après résolution numérique du système Hartree-Fock décrivant les interactions dans l’ion considéré. Un calcul très précis des raies Kα a été effectué par J.F. Wyart au laboratoire Aimé Cotton d’Orsay, à l’aide du code RELAC [15,16]. Les transitions de l’aluminium ont été calculées dans le cadre d’un couplage relativiste – i.e. un couplage J Jr r. – bien que pour l’aluminium un traitement avec le couplage L Sr r. soit largement suffisant. Mais ceci n’a pas d’effet majeur sur le calcul des énergies des transitions. Dans le calcul, seuls les ions fluoroïdes à héliumoïdes ont été pris en compte et les configurations fondamentales et excitées considérées sont les complexes 1s2 (2s + 2p)N et respectivement 1s (2s + 2p)N+1. Seules 268 transitions pour lesquelles le produit i i j g . f est supérieur à 0.01 ont été conservées (il s’agit du produit du poids statistique et de la force d’oscillateur de la transition). Le schéma de la figure I-7 représente chacune des transitions calculées par RELAC en fonction de la longueur d’onde calculée. On remarque que les transitions Kα de chaque ion forment des groupes assez bien séparés les uns des autres. La séquence iso-électronique des ions est repérée sur la figure I-7. Les transitions des ions carbonoïdes, boroïdes et bériliumoïdes sont assez nombreuses.

Description de l’équilibre thermodynamique local : loi de Saha-Boltzmann

   Les collisions électrons-électrons sont pratiquement toujours suffisamment nombreuses pour que les électrons soient en équilibre entre eux : on peut donc alors définir une température électronique. De la même façon, les ions sont aussi facilement en équilibre de Maxwell : on détermine alors une température ionique. Par contre, l’équilibre entre électrons, ions et Xe Z=54 Al Z=13 autres particules du plasma ainsi que le rayonnement est rarement réalisé. Un plasma est en équilibre thermodynamique (ET) si et seulement si les collisions électrons-ions sont équilibrées et si le rayonnement émis est complètement réabsorbé. Néanmoins, dans les plasmas que nous étudions,cet équilibre n’est jamais atteint. Cette description correspond en fait à un système fermé, émettant un rayonnement de corps noir : il s’agit là du processus rencontré à l’intérieur des étoiles. Dans notre cas, le rayonnement ne suit plus une fonction de Planck et le flux d’énergie radiative traversant le plasma n’est pas nul. Une approche consiste à diviser le plasma en plusieurs régions au sein desquelles un équilibre thermodynamique est atteint : c’est le concept d’équilibre thermodynamique local (ETL). Le système unique initial est remplacé par un ensemble de sous-systèmes caractérisés par une densité et une température locale, comme le schématise la figure I-12. Le flux d’énergie entre deux sous-systèmes est faible. Ce modèle permet une formulation très simple du bilan d’ionisation, permettant ainsi une estimation des différentes grandeurs caractéristiques pour des cas complexes.

Rappel sur le modèle de l’ion moyen hydrogénique écranté

    Pour calculer l’opacité, l’émissivité ou tout autre grandeur du plasma, on doit connaître la densité de populations des différents états ioniques du plasma. Dans le régime des plasma HETL, cette distribution n’est plus donnée par une loi de Saha-Boltzmann, mais ne peut être déterminée qu’en résolvant un système d’équations cinétiques collisionnelles-radiatives . Ceci requiert un temps de calcul considérable, principalement pour les ions de numéro atomique élevé pour lesquels la prolifération des états excités à prendre en compte devient critique. Pour surmonter ce problème, on peut utiliser le concept de l’ion moyen qui consiste à remplacer tous les ions du plasma par un ion fictif auquel on associe la charge moyenne du plasma, et la distribution de population moyenne des ions parmi les nombreux états excités. Une première conséquence est que cet ion moyen possède des nombres d’occupation fractionnaires. Les équations détaillées sont traitées statistiquement et modifiées pour rendre compte de la variation moyenne des populations des sous-couches des ions. Le spectre de cet ion fictif est pauvre et ne reproduit pas très bien l’émissivité d’un plasma réel qui contient une multitude d’ions dans des configurations électroniques variées. L’approximation du modèle hydrogénique écranté est une alternative pour simplifier le problème très complexe de l’étude de N électrons en interaction autour d’un noyau. La principale difficulté pour déterminer des états propres d’un ion à N électrons réside dans le terme de répulsion électrostatique entre électrons, qui rend le potentiel non central. Pour un électron, l’interaction électrostatique avec les N-1 autres électrons se résume, en moyenne, à écranter la charge qu’il verrait s’il était seul dans l’ion. L’approximation du modèle hydrogénique écranté consiste à remplacer le potentiel attractif du noyau Z ri , subi par l’électron i, par un potentiel coulombien de charge effective Zi , plus petite, due à l’écrantage par les autres électrons. La charge effective ressentie par l’électron sur la couche k s’écrit comme une combinaison linéaire des nombres d’occupation Pk’ des sous-couches k’ avec comme coefficients, des constantes d’écran. A partir de ces charges effectives écrantées, on calcule les énergies d’ionisation des niveaux et les forces d’oscillateurs. Ces quantités permettent alors d’évaluer les taux collisionnels-radiatifs et de résoudre le système d’équations. Finalement, à partir d’un couple de valeurs –densité/température- on détermine le jeu de populations électroniques de l’ion moyen. Ce modèle d’ion moyen s’avère approprié à traiter le couplage de l’évolution hydrodynamique du plasma et le transfert de rayonnement dans le cas de cibles de numéro atomique élevé, pour lesquelles les modèles détaillés sont prohibitifs en temps de calcul et en mémoire. Cependant, un tel code est évidemment limité par le peu de détail dans la physique atomique.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Généralités sur les plasmas créés par laser
1. Description de l’interaction laser-matière
1.1. Structure des plasmas créés par laser
1.1.1. Zone sous critique
1.1.2. Zone de conduction
1.1.3. Zone sous choc
1.2. Mécanismes d’absorption de l’énergie laser
1.2.1. Absorption en régime nanoseconde à 0.53 µm
1.2.2. Absorption en régime femtoseconde
1.3. Transport de l’énergie
1.3.1. Transport thermique
1.3.2. Transfert radiatif
1.3.3. Transport par les électrons suprathermiques
1.4. Production du rayonnement K-α
1.4.1. Rappels sur l’émission K-α
1.4.2. Caractéristiques spectrales de l’émission K-α
2. Physique atomique et rayonnement 
2.1. Emission X et ionisation
2.1.1. Niveaux d’énergie et transitions
2.1.2. Mécanismes d’émission X
2.2. Description de l’équilibre thermodynamique local : loi de Saha-Boltzmann
2.3. L’ionisation hors équilibre : modèle collisionnel radiatif
2.3.1. Processus atomiques décrivant l’évolution du plasma
2.3.2. Modèle collisionnel-radiatif
2.3.3. Méthode de calcul pour les éléments de Z lourds : regroupement des niveaux en super-configurations
Chapitre 2 Simulation numérique de l’interaction laser-matière
1. Introduction
2. Les codes hydrodynamiques 
2.1. Description lagrangienne
2.2. Les codes fluides mono-dimentionnels
2.2.1. Les équations fluides
2.2.1. Le code FILM
2.2.2. MULTI : transfert radiatif
2.3. Description de la physique atomique dans les codes
2.3.1. Modèle de l’ion moyen hydrogénique écranté
2.3.2. Modèle détaillé
3. Les codes de physique atomique utilisés pour l’analyse des résultats
3.1. Le programme RELAC de la chaîne HULLAC
3.1.1. Description de la chaîne HULLAC
3.1.1. Eléments de théorie
3.1.2. Utilisation du code
3.2. TRANSPEC
3.2.1. Description du code
3.2.2. Utilisation du code
Chapitre 3 Instrumentation
1. Les lasers de puissance du LULI 
1.1.La chaîne nanoseconde
1.1.1. Schéma descriptif de la chaîne
1.1.2. Etude de la tache focale
1.2. Le laser 100 TW
1.2.1. Schéma descriptif de la chaîne
1.2.2. Caractérisation de la tache focale
2. Caractéristique des cibles 
2.1. Cible gazeuse
2.2. Feuilles minces vues à travers un sténopé
2.3. Cibles cubiques de faible volume
3. Diagnostics spectroscopiques 
3.1. Spectroscopie X et XUV
3.1.1. Spectromètre à cristal plan
3.1.2. Spectromètre à cristal conique
3.1.3. Spectromètre à réseau
3.2. Les détecteurs
3.2.1. Les films
3.2.2. Les CCD
3.2.3. La caméra à balayage de fente
3.3. Spectroscopie résolue en temps : couplage du cristal conique à la caméra à balayage de fente
3.3.1. Alignement du système
3.3.2. Détermination de la vitesse de balayage
3.3.3. Facteurs limitatifs de la caméra
3.4. Diagnostic de diffusion Thomson
3.4.1. Généralités sur la diffusion Thomson
3.4.2. Principe de la mesure
3.4.3. Dispositif expérimental
4. Interférométrie dans l’espace des fréquences 
4.1. Principe de fonctionnement
4.2. Analyse d’un interférogramme
4.2.1. Exemple d’interférogramme
4.2.2. Reconstruction de la phase et de l’amplitude
5. Caméra à sténopé 
Chapitre 4 Interaction laser-matière en régime nanoseconde
1. Introduction
2. Etude du spectre de Xe et de Kr dans la gamme 5-10 Å 
2.1. Montage expérimental
2.2. Résultats expérimentaux
2.2.1.Calibration en longueur d’onde et en intensité
Etalonnage en longueur d’onde
Etalonnage en intensité
2.2.2. Interprétation des spectres du xénon et du krypton
cas du xénon
cas du krypton
2.3. Calcul des abondances ioniques
2.3.1.Cas du xénon
2.3.2. Cas du krypton
2.4. Conclusion
3. Etude du spectre de Xe dans la gamme 9-14 Å et XUV 
3.1. Montage expérimental
3.2. Détermination directe des paramètres du plasma
3.2.1. Spectre Thomson électronique de l’hélium
3.2.2. Spectres Thomson électronique et ionique du xénon
3.3. Mesure du spectre du xénon dans le domaine du keV et dans le domaine XUV
3.3.1. Mesure du spectre X du xénon dans le domaine du keV
Mesure du spectre de xénon
Analyse des spectres avec AVERROES
3.3.2. Mesure du spectre du xénon dans le domaine XUV
Mesure du spectre de xénon XUV
Analyse du spectre XUV avec AVERROES
3.4. Conclusion
Chapitre 5 Spectroscopie résolue temporellement en régime femtoseconde
1. Etude de plasmas d’aluminium et de sélénium à 0.53 µm 
1.1. Introduction
1.2. Mise en oeuvre expérimentale
1.3. Durée d’émission X des spectres d’aluminium, de sélénium et de samarium enregistrés dans la gamme 7.7 à 8 Å
1.3.1.Cas d’un élément léger : l’aluminium
Cible massive d’aluminium
Feuille mince d’aluminium et feuille mince vue à travers un sténopé
1.3.2. Cas d’éléments lourds
Cas du sélénium
Cas du samarium
1.4. Interférométrie spectrale avec résolution spatiale et temporelle
1.5. Interprétation des résultats
1.5.1.Cas de l’aluminium
1.5.1.Cas du sélénium
1.6. Conclusion
2. Etude d’un plasma d’aluminium à 1.06 µm 
2.1. Introduction
2.2. Mise en oeuvre expérimentale
2.3. Résultats expérimentaux
2.3.1. Spectre de l’aluminium enregistré dans la gamme 7.7 à 8.4 Å
Région chaude
Région dense et froide
2.3.2. Durée d’émission X du spectre d’aluminium enregistré dans la gamme 7.7 à 8.4 Å
Durée d’émission du spectre thermique
Durée d’émission des K
2.4. Expériences complémentaires
2.4.1. Mise en évidence du champ électrique autour de la cible
2.4.2. Etude comparative des spectres à 0.53 µm et à 1.06 µm
2.5. Simulation particulaire
2.6. Conclusion sur les mécanismes de chauffage
Conclusion générale

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