Spectres IR des PAH en interaction avec de la glace d’eau

Spectres IR d’agrégats PAH(H2O)n en matrice d’argon (PAH(H2O)n/Ar)

  De nombreuses études ont porté sur les spectres IR de PAH inclus dans des matrices cryogéniques (voir introduction générale). L’un des résultats présentés dans l’annexe de l’article [299] (Tableau S1) montre que la matrice d’argon a une influence sur les bandes de vibrations IR du coronène. Les calculs ont été effectués dans le cadre d’une approche DFTB/FF avec le PAH et la matrice d’argon respectivement aux niveaux DFTB et FF. Les spectres du coronène, en interaction avec une ou deux molécules d’eau dans une matrice d’argon, ont également été étudiés théoriquement. Les résultats indiquent une faible différence sur les attributions des bandes entre les calculs dynamiques à 10 K et les calculs harmoniques. Les faibles décalages vers le rouge ou le bleu des bandes expérimentales sont reproduits par les calculs de dynamique DFTB/FF. Lorsque l’oxygène de l’eau est dans le même plan que le PAH (configuration σ) les décalages des bandes sont les plus importants et ils le sont d’autant plus dans les calculs avec deux molécules d’eau en interaction avec le PAH. Ainsi, la fréquence de vibration (pour tout les modes avec une contribution de l’hydrogène) est la plus affectée lorsqu’un hydrogène du PAH est en interaction avec l’oxygène d’une molécule d’eau. En lien avec ces calculs, des expériences de codéposition d’eau, d’argon et de PAH ont été réalisées. Le rapport du nombre de molécules d’eau sur celui d’atomes d’argon est contrôlable en amont lors de la préparation du mélange gazeux alors que la concentration en PAH n’est pas contrôlée aussi précisément. L’évolution de certaines bandes vibrationnelles du PAH en fonction du rapport de dilution H2O est représentée sur la figure 3.46. Un élargissement des bandes est observable lorsque le nombre de molécules d’eau augmente. Le décalage en nombre d’onde reste faible (vers le bleu ou rouge) quelle que soit la bande. Il est visiblement plus important pour la courbe violette (H2O/Ar 1 :50) correspondant au rapport H2O/Ar le plus élevé.

Phase de la glace d’eau dans le milieu interstellaire

   La forme structurale de l’eau présente dans le manteau des grains joue un rôle dans les réactions chimiques qui peuvent produire des composés organiques complexes. Les molécules d’eau déposées sur une surface forment différentes structures suivant la température. Dans le cas de déposition à basse pression, la glace est hexagonale et stable lorsque la température est supérieure à 170K ; la glace est cubique et métastable entre 130 et 170K, la glace est amorphe en dessous de 130K [99]. La glace amorphe comporte plusieurs phases, telle que de la glace basse densité et haute densité, que nous notons respectivement LDA (Low Density Amorphous water ) et HDA (High Density Amorphous water). Nous reviendrons dans la partie «Résultats» sur la procédure de formation de ces deux glaces amorphes. Il existe de nombreuses autres phases de la glace (voir la figure 1.8), mais qui n’ont pas été étudiées durant cette thèse. Dans le milieu interstellaire se pose la question de savoir si la glace est cristalline, ou amorphe. Kouchi et al [100] ont montré que suivant le flux de molécules déposées et la température de celles-ci, un flux critique séparant la phase cristalline de la phase amorphe est calculé et ainsi, en fonction de la température et du flux du milieu, il est possible de connaître la phase de la glace (voir figure 1.9). Les auteurs concluent que la glace cristalline (dans les enveloppes circumstellaires et nébuleuses pré-solaires) peut être créée directement par déposition et non par changement de phase de la glace amorphe (contrairement aux conclusions d’une étude antérieure [101]). Avec ce modèle de température utilisé, les auteurs déterminent un rayon de 12UA (après saturne) au-delà duquel la glace formée est amorphe.

Influence de la phase sur la réactivité de petites molécules

  L’intérêt de comprendre, connaître la structure de la glace est que la surface de cette dernière peut agir comme catalyseur pour favoriser certaines réactions chimiques. En particulier, des calculs de trajectoires classiques suggèrent que la glace poreuse permet de former plus efficacement la molécule H2 que sur de la glace cristalline ou non poreuse [113]. Dans cet article, le potentiel utilisé pour l’interaction H2O/H2O est le modèle TIP4P, alors très utilisé et pour l’interaction H2O/H un potentiel calibré sur des calculs ab initio. Cette meilleure réactivité serait imputée à une meilleure adsorption de l’hydrogène sur la glace amorphe par rapport à la glace cristalline du fait d’un plus grand nombre de liaisons pendantes présentes à la surface. De plus, la diffusion, caractérisée par le coefficient de diffusion et la distance parcoure avant désorption,serait favorisée pour la glace amorphe par rapport à la glace cristalline. Les atomes d’hydrogène ont plus de chance de former une molécule H2 par les processus de Langmuir−Hinshelwood et d’atomes chauds (Hot Atom).Dans le mécanisme de Eley−Rideal ER, un atome ou molécule adsorbé sur la surface est frappé directement par la particule incidente venant de la phase gaz. Dans le mécanisme de Langmuir−Hinshelwood LH, deux espèces adsorbées diffusent sur la surface, se rencontrent et réagissent. Le mécanisme d’atome chaud HA est un processus intermédiaire entre le mécanisme ER et LH. Un des atomes est initialement piégé par la surface. Le second atome provenant de la phase gaz réagit avec l’espèce adsorbée suite à sa diffusion à la surface. Pour chaque processus, l’énergie en excès permet à la molécule de désorber. Image tirée de [81].Cet exemple illustre le fait que l’état de surface de la glace peut avoir une incidence sur la réactivité des espèces adsorbées. Le couplage entre la molécule adsorbée et le substrat peut également modifier les bandes électroniques et vibrationnelles de la molécule incidente. L’organisation des liaisons pendantes à la surface de glace d’eau modifie la diffusion des molécules adsorbées. Pour appuyer ceci, une étude de la diffusion d’une molécule d’eau adsorbée à la surface de glace hexagonale proton ordered et disordered a été réalisée [114] par la méthode « adaptative kinetic Monte Carlo method » [115] et a permis de montrer une nette diminution du coefficient de diffusion avec l’augmentation du désordre des liaisons pendantes O-H. La phase de la glace d’eau modifie aussi la diffusion des molécules dans le volume (et des molécules d’eau également). En effet, la diffusion des molécules NH3,CO2, CO et H2CO dans de la glace LDA a été comparée par dynamique moléculaire classique [116]. Comme attendu, les molécules d’eau se déplacent plus facilement dans la glace amorphe plutôt que cristalline et la diffusion des solutés est à priori fortement liée à celle des molécules d’eau (coefficients du même ordre de grandeur).Nous avons jusqu’à maintenant introduit l’intérêt de l’étude des PAH et de la glace dans le contexte astrophysique. Après avoir établi l’état de l’art des études concernant les PAH et la glace dans le contexte astrophysique, nous allons dans la section suivante présenter certains travaux qui abordent l’influence de la glace sur les propriétés des PAH.

Interactions PAH/glace

  Comme déjà mentionnés précédemment, les PAH en phase gazeuse émettent dans l’infrarouge en réponse à l’absorption de photons UV. Cependant, dans les régions denses, l’émission par cascade IR est atténuée, car, d’une part, l’irradiation UV est plus faible dans la région dense et d’autre part, les PAH peuvent aussi servir de sites de nucléation sur lesquels d’autres molécules peuvent s’adsorber. Ainsi le PAH évacue l’énergie vibrationnelle sous forme de phonons avec le solide environnant, plus rapidement que le temps requis pour émettre un photon IR. Les PAH neutres ou chargés peuvent en effet former des agrégats de PAH ou bien des très petits grains (VSGs). À leur tour, les VSGs peuvent servir de noyaux de nucléation et ainsi être recouverts de glace. Un autre scénario suppose qu’un PAH individuel puisse s’adsorber sur un manteau de glace et être en surface ou bien emprisonné dans le manteau de glace comme pour d’autres molécules [117]. À priori, les PAH auront donc dans ces milieux des contributions à des bandes en absorption et non en émission [2, 32].

Influence sur le spectre d’absorption du couplage PAH/H2O

  Bouwman et al [118] détaillent les points pouvant justifier la présence des PAH dans les nuages moléculaires denses. En effet, les molécules aromatiques présentes dans les météorites sont deutérées comme les molécules présentes antérieurement dans un nuage dense froid [119]. Dans ces derniers, des bandes d’absorption infrarouge ont été attribuées (supposées) aux PAH telles que la bandes 3.3µm (3030 cm−1) [120, 121, 117, 80], à 6.2µm (1600 cm−1) [80] et à 11.2µm (890 cm−1) [122] et ces molécules sont à priori incluses dans des glaces d’eau (à différentes températures). D’après ces attributions, il y aurait de l’ordre de quelques pourcents de PAH par rapport au nombre de molécules d’eau [118]. Cependant, jusqu’à présent, ces bandes d’absorption n’ont pas été attribuées de manière claire. De nombreuses expériences ont été menées sur des PAH neutres et ionisés inclus dans une matrice de gaz inerte, [123, 124, 125, 126, 127, 128] mais ces attributions ne permettent pas de reproduire les observations dans un milieu dense.En effet, la glace d’eau n’a pas la même interaction que la matrice de gaz rare. Les interactions intermoléculaires modifient la position des bandes (bien que faiblement cependant), élargissent celles-ci, et créent également de nouveaux modes résultant du couplage avec l’environnement. Ces effets ont motivé les études en laboratoire de spectroscopie IR de PAH neutre dans de la glace d’eau [129, 130, 131, 132]. Des études portant sur les cations PAH ont aussi été réalisées [133]. Dans tous les cas, le mélange avec l’eau rend difficile l’identification de la plupart des bandes, car la majorité des contributions des PAH sont noyées dans celles de la glace. Afin de pallier à ce problème, des études ont aussi été menées sur la glace deutérée par le groupe d’Allamondola [129], la deutération n’ayant pas d’influence sur les modes d’élongation, mais sur les modes de pliage hors plan. Ceci a permis de caractériser pour la première fois la bande à 3.25µm de la liaison C-H du pyrène dans de la glace d’eau. Cette étude [129] utilise le spectre UV pour quantifier le nombre de PAH et ainsi attribuer correctement la force de bande. Avec les données du pyrène et en utilisant une extrapolation pour calculer les forces de bandes de PAH interstellaire avec un PAH contenant 50 carbones [28] et 22 liaisons CH (la moyenne pour les PAH avec 50 carbones) les auteurs [129] estiment que les PAH neutres dans la glace seraient responsables de 5 à 9% de l’absorption. Une autre étude par Bouwman et al [118] a montré que la position des bandes est faiblement affectée par l’environnement dans le cas du pyrène dans la glace ou en matrice d’argon. Cette étude ne traite pas des bandes dont le nombre d’onde est inférieur à 1000 cm−1 dues au fort couplage avec l’eau. Les valeurs des intensités peuvent varier de 50% par rapport à [129] (néanmoins, la position des bandes est la même). Ce travail conclut également à un rapport PAH/H2O de 1 : 60. Il n’est donc pas exclu que les PAH puissent être agrégés. En effet, pour des dilutions plus faibles, la détection des bandes PAH est difficile. Il est donc fastidieux de connaître l’effet dû à la matrice d’eau. Dans le tableau 1.3 nous avons référencé certaines bandes du pyrène dans la glace ainsi qu’en matrice d’argon, ces résultats étant extraits des deux références discutées avant [118, 129]. Cependant, de nombreuses bandes deviennent actives en présence de la glace (en effet, en phase gazeuse,certains modes ont une intensité nulle en raison de leur symétrie). La glace d’eau impliquera la croissance de bandes et un faible décalage de celles présentes en phase gazeuse. Les observations astrophysiques ont des changements plus importants et ainsi la variation des formes des spectres IR en fonction du milieu observé a peu de chance d’être due uniquement à de la glace d’eau. Néanmoins, un accroissement des données de l’influence de l’environnement sur les spectres est nécessaire pour avoir le modèle le plus juste et ainsi espérer par problème inverse remonter le plus fidèlement à la composition du MIS.

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Table des matières

Remerciements
1 Introduction générale 
1.1 Le milieu interstellaire et sa composition 
1.1.1 Le gaz
1.1.2 La poussière
1.1.2.1 La courbe d’extinction
1.1.2.2 L’émission de la poussière
1.1.3 L’hypothèse des PAH
1.1.3.1 Photophysique des PAH
1.1.3.2 Bandes infrarouges
1.1.3.3 Physico-chimie des PAH
1.2 Les glaces interstellaires
1.3 Interactions PAH/glace 
2 Approches théoriques 
2.1 Équations dynamiques
2.1.1 Équations dynamiques classiques
2.1.2 Équations dynamiques quantiques
2.1.3 Séparation des variables spatiales et temporelles
2.1.4 Séparation des variables nucléaires et électroniques
2.2 Calculs des énergies et des forces 
2.2.1 Approche champ de force
2.2.1.1 Énergies liées
2.2.1.1.1 Énergie d’élongation
2.2.1.1.2 Énergie de flexion
2.2.1.1.3 Énergie de torsion
2.2.1.2 Énergies non liées
2.2.1.2.1 Solvatation implicite (modèles continuum)
2.2.1.2.2 Différentes interactions attractives
2.2.1.2.3 Développement multipolaire
2.2.1.2.4 Détermination de charges ponctuelles, méthodes
2.2.1.2.5 Potentiel électrostatique de molécule, méthode ESP
2.2.2 Méthodes de structure électronique
2.2.2.1 Équation de Schrödinger stationnaire pour des atomes
2.2.2.1.1 Hamiltonien du système
2.2.2.1.2 Approximation de Born-Oppenheimer
2.2.2.2 Déterminant de Slater
2.2.2.3 La méthode de Hartree-Fock
2.2.2.3.1 Principe variationnel
2.2.2.4 Théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT)
2.2.2.4.1 Approche historique
2.2.2.4.2 Théorème de Hohenberg-Kohn
2.2.2.4.3 La méthode de Kohn-Sham
2.2.2.5 Density Functional based Tight Binding
2.2.2.5.1 Fondamentaux de la DFTB et linéarisation de l’énergie
2.2.2.5.2 Décomposition énergétique
2.2.2.5.3 Énergie totale SCC-DFTB
2.2.2.5.4 SCC-DFTB avec charge localisée sur fragment (C-DFTB)
2.2.2.5.5 SCC-DFTB avec interaction de configuration (DFTBVBCI)
2.3 Simulation 
2.3.0.1 Introduction
2.3.0.2 Ensemble statistique
2.3.0.3 Ergodicité
2.3.0.4 Exploration de la surface d’énergie potentielle
2.3.1 Dynamique moléculaire
2.3.1.1 Mise en œuvre
2.3.1.1.1 Algorithme de Verlet
2.3.1.1.2 Thermostats
2.3.1.1.3 Algorithme avec échange de température
2.3.1.1.4 Barostat
2.3.1.1.5 Conditions périodiques
2.3.1.1.6 Corrections énergétiques et de pression
2.3.1.2 Observables
2.3.1.2.1 Fonction de distribution radiale
2.3.1.2.2 Méthodes de calcul d’énergie libre
2.3.1.2.3 Spectre vibrationnel d’absorption
2.3.2 Optimisation
2.3.2.1 Optimisation locale
2.3.2.2 Optimisation globale
3 Résultats 
3.1 Modélisation des glaces
3.1.1 Génération des glaces
3.1.2 Validation et comparaison des champs de force
3.1.2.1 TIP4P/2005
3.1.2.2 SWM4-NDP
3.1.2.3 TCPEP/2013
3.1.3 Comparaison de propriétés caractéristiques
3.2 Paramétrisation des champs de force pour les PAH 
3.3 Adsorption de PAH sur des glaces amorphes et cristallines
3.3.1 Résultats structuraux
3.3.1.1 Distributions angulaires
3.3.1.2 Fonctions de distribution radiale
3.3.2 Énergies d’adsorption
3.3.3 Corrélation site d’adsorption et dangling OH
3.3.4 Conclusion
3.4 Description des systèmes PAH/glace en DFTB 
3.4.1 Paramétrisation des charges de WMull
3.4.2 Construction des systèmes finis à partir des structures MD/FF
3.5 Spectres IR des PAH en interaction avec de la glace d’eau
3.5.1 Résultats expérimentaux
3.5.2 Spectres IR des PAH en interaction avec la glace : résultats  théoriques
3.5.2.1 Spectres harmoniques
3.5.2.2 Comparaison des spectres harmoniques et «dynamiques»
3.6 Influence de l’environnement sur le potentiel d’ionisation des PAH 
3.6.1 Premiers calculs et limitations
3.6.2 Pyrène en interaction avec des agrégats d’eau
3.6.3 Structures et énergies d’interaction de PAH en interaction avec des glaces d’eau
3.6.4 Influence de la glace sur le PI du PAH
3.6.5 Corrélation entre PIV et interaction PAH/glace
3.7 États excités à transfert de charge (CT) 
3.7.1 Contexte
3.7.2 Résultats préliminaires
4 Conclusions et perspectives
4.1 Résumé des travaux
4.2 Perspectives
A Interaction PAH-PAH supplément
B Distribution des angles O-O-O
C RDFs pour les glaces hexagonales avec les potentiels TIP4P/2005, TCPEP/2013, SWM4-NDP
D Agrégats d’eau utilisés
E Analyses supplémentaires des SEPI
F Dangling OH suppléments
Résumé
Abstract

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