Simulation numérique directe multiphasique de la déformation d’un alliage Al-Cu à l’état pâteux

Solidification

La solidification est une étape prépondérante de la mise en forme des alliages d’aluminium, au cours de laquelle le métal, initialement liquide, passe progressivement à l’état solide au cours de son refroidissement. Pour une très bonne analyse des aspects fondamentaux de la solidification, nous conseillons l’ouvrage de Kurz & Fisher [Kur 98] ainsi que celui de Dantzig & Rappaz [Dan 09]. Ludwig donne une description générale de la solidification d’un alliage d’aluminium-cuivre hypoeutectique [Lud 04], en précisant que l’évolution d’une structure de solidification est constituée de quatre étapes : la germination, la croissance, la croissance dendritique et la solidification eutectique.
Durant la solidification, la zone où les phases liquide et solide coexistent est appelée zone pâteuse. Dahle & Arnberg décomposent la progression de la solidification dans cette zone pâteuse en quatre étapes différentes [Dah 96]. Tout d’abord pendant le premier stade, les dendrites sont isolées dans le liquide et flottent librement. La zone pâteuse n’a alors pas de résistance mécanique en traction. Lors du deuxième stade, la fraction de solide dite de cohérence est atteinte : les dendrites forment un réseau connecté. Le liquide circule aisément dans ce réseau. En revanche durant la troisième phase, la perméabilité du squelette solide chute et le liquide ne peut plus s’écouler aussi librement. La quatrième et dernière étape est atteinte pour une fraction solide dite de cohérence. Des ponts solides sont formés entre les grains, ce qui consolide la structure et isole le liquide.
La masse volumique du solide est plus importante que celle du liquide. Elle augmente également au fur et à mesure que la température diminue. Par conséquent, un apport de matière est nécessaire pour compenser le retrait de solidification et la contraction à l’état solide. Durant les deux premières phases cet apport se fait par une alimentation en liquide. En fin de solidification il ne reste plus suffisamment de liquide pour compenser le retrait et nous assistons à une chute de pression dans les poches de liquide isolées, ce qui peut mener à la création de pores, dont la formation est aussi reliée à la concentration en gaz dans le liquide.
Dans certains cas, ces pores vont dégénérer en fissuration à chaud. Il s’agit de l’apparition d’une fissure au sein d’un alliage pâteux [Esk 04]. La fissuration à chaud est un défaut majeur rencontré durant la solidification des alliages d’aluminium. Elle entraîne le rebut de produits pour lesquels la solidification joue un rôle important, tel que la coulée de lingots, la coulée continue ou le soudage. Ce défaut réduisant la productivité dans les procédés de coulée, il est nécessaire d’en comprendre les phénomènes sous-jacents. Comme illustré dans la revue d’Eskin, Suyitno & Katgerman [Esk 04], de nombreux travaux ont été menés sur la fissuration à chaud et le mécanisme général d’apparition est bien compris. En effet, ce défaut est associé à l’impossibilité pour le liquide de nourrir les zones dans lesquelles des pores ont commencé à apparaître, ne permettant pas de résorber ces défauts avant qu’ils ne croissent.

Comportement mécanique de la zone pâteuse

Les vitesses de déformation rencontrées en solidification sont faibles. Par conséquent, nous écartons de cette partie l’étude du comportement thixotrope des alliages à l’état pâteux, autrement dit le comportement des suspensions chargées de cristaux équiaxes et soumises à de hautes vitesses d’écoulement et de déformation, caractéristiques de l’injection [Mot 02]. Deux approches principales ont été utilisées pour étudier le comportement mécanique des alliages métalliques à l’état pâteux en rapport avec la fissuration à chaud : expérimentale et numérique. Eskin donne un bon aperçu des différents dispositifs expérimentaux utilisés au fil des ans [Esk 07]. Récemment, Phillion et al. ont observé en trois dimensions l’évolution des porosités au sein d’un échantillon d’aluminium-magnésium à l’état pâteux, soumis à un test de traction interrompu, grâce à la microtomographie aux rayons X [Phi 08a]. Cette technique d’imagerie surpasse les techniques précédentes, basées sur des observations surfaciques. Elle a permis de conclure que les porosités préexistantes dans l’échantillon entraînent une augmentation des contraintes locales et permettent d’accommoder les déformations par croissance de ces porosités. Mais le travail de Phillion présente une importante limitation, due à l’interruption du test. Limodin et al., pour leur expérience de maintien isotherme, ont en effet montré l’importance de faire des observations in situ [Lim 07], ce que Terzi et al. ont pu réaliser pour une expérience de traction isotherme d’un alliage d’aluminium-cuivre à l’état pâteux [Ter 09]. Les deux résultats importants obtenus sont l’accumulation de liquide aux surfaces intergranulaires perpendiculaires à l’axe de traction, notamment au milieu de l’éprouvette, ainsi que la propagation de l’air dans l’échantillon à partir de sa surface extérieure.
Sun donne une explication du comportement mécanique d’un alliage pâteux [Sun 10a] : séparément, le comportement mécanique des phases liquide et solide est connu. En revanche, compte tenu de la complexité morphologique de l’alliage à l’état pâteux, la compréhension du comportement du mélange des phases liquide et solide est difficile. Le matériau pâteux peut être vu comme une structure polycristalline, avec du liquide situé au niveau des joints de grains. Ce liquide diminue grandement la résistance mécanique, laquelle est alors beaucoup moins importante que celle du solide pur.
Fuloria & Lee [Ful 09] expliquent qu’une approche classique pour accéder au comportement mécanique d’un alliage pâteux consiste à considérer cet alliage comme un milieu poreux saturé par un liquide visqueux [Mar 02]. Cela permet d’introduire une variable interne qui représente la cohésion partielle du milieu poreux et d’identifier les paramètres d’un modèle à l’aide de tests mécaniques. Ce modèle peut ensuite être implémenté dans un code éléments finis [Lud 05]. Cependant, ce type de modèle est construit pour un alliage particulier et il est difficile de l’appliquer à d’autres systèmes [Ful 09].
Vernède, Jarry & Rappaz [Ver 06, Ver 07] ont mis au point un modèle granulaire qui permet de simuler la transformation de la zone pâteuse d’un alliage durant sa solidification, passant d’un film liquide continu à un solide totalement cohérent. Grâce à ce modèle, ils parviennent à calculer l’approvisionnement en liquide de la zone pâteuse ansi que la percolation des grains solides. Mais aucun couplage mécanique entre le comportement des phases solide et liquide n’est pris en compte.
Phillion, Cockcroft & Lee ont développé une simulation éléments finis directe pour étudier le comportement mécanique des alliages métalliques à l’état pâteux en initialisant leur domaine de calcul par une tessellation de Voronoï [Phi 08b]. Ils ont ainsi réussi à déduire une équation décrivant le comportement mécanique et incluant les effets de paramètres microstructuraux tels que la fraction de solide, la taille des grains ou encore la fraction de porosité [Phi 09a].
Cependant, les simulations effectuées présentent les limitations suivantes : elles sont seulement bidimensionnelles,  la déformation maximale atteignable est faible,  le liquide est approximé comme un matériau plastique avec une très faible contrainte d’écoulement, au lieu d’être considéré newtonien.

Acquisition des images

L’installation européenne de rayonnement synchrotron

Il existe actuellement plus de cinquante installations de rayonnement synchrotron dans le monde et de nouvelles sont en phase de conception ou de construction [Win 07]. Ces installations de plus en plus prisées permettent une utilisation efficace de nombreuses techniques expérimentales, dont la microtomographie aux rayons X, et sont employées dans de multiples domaines de recherche, tel que la science des matériaux [Har 09].
Le rayonnement synchrotron a été observé pour la première fois en 1947 [Eld 48, Pol 83]. Il est émis par des électrons circulant à une vitesse proche de celle de la lumière et dont la trajectoire est déviée par un champ magnétique. A l’ESRF, les électrons émis par un canon à électrons sont accélérés dans un accélérateur linéaire avant d’être transmis à un accélérateur circulaire qui amène les électrons à une énergie de 6 GeV [Har 09]. Ces électrons sont ensuite injectés dans un anneau de stockage de 844 m de circonférence où ils circulent pendant de nombreuses heures [Har 09]. Pour les lecteurs intéressés, Sands donne une introduction des phénomènes physiques à l’œuvre dans les anneaux de stockage d’électrons [San 79].
Les aimants de courbure font partie des différents dispositifs présents dans un anneau de stockage. Ils entraînent une modification de la trajectoire des électrons de plusieurs degrés qui provoque une perte d’énergie par émission de photons, il s’agit du rayonnement synchrotron. La lumière ainsi produite est extrêmement brillante : mille milliards de fois plus que celles produites par des sources conventionnelles de rayons X [Har 09]. Cette lumière, dont les propriétés sont mises en équation de manière simplifiée par Margaritondo [Mar 00], est envoyée dans des pièces expérimentales appelées lignes de lumière et placées autour de l’anneau de stockage.
Les lignes de lumière ID15 et ID19 de l’ESRF, auxquelles nous avons eu accès pendant le projet SIMUZAL, sont composées de trois cabines. La cabine optique est destinée à ajuster les propriétés du faisceau envoyé par l’anneau de stockage, telles que sa taille, son énergie ou sa longueur d’onde, en fonction de l’application visée. L’échantillon, ainsi que les dispositifs utilisés (four et machine de traction dans notre cas) sont placés dans la cabine expérimentale en compagnie des détecteurs qui enregistrent les informations issues de l’interaction entre le faisceau et l’échantillon. Enfin, les scientifiques utilisent la cabine de contrôle pour démarrer leur expérience, s’assurer de son bon fonctionnement et collecter les données associées.

La microtomographie aux rayons X

La microtomographie aux rayons X est une technique d’imagerie très intéressante. Non destructive, elle permet d’obtenir des images volumiques d’un échantillon in situ. Son essor est important au cours de ces dernières années, avec des temps d’acquisition et une qualité des images qui ne cessent de s’améliorer, ce qui en fait actuellement une méthode de choix en science des matériaux [Sal 03, Bar 06a, Sal 10]. Nous le résumons à présent en omettant volontairement les considérations d’ordre technique. Nous considérons un matériau homogène sur lequel est envoyé un faisceau d’une certaine énergie. Le rapport entre le nombre de photons incidents et le nombre de photons transmis est alors fonction de l’épaisseur du matériau et de son coefficient d’atténuation, qui dépend du numéro atomique du matériau, de sa densité et de l’énergie du faisceau [Sal 10]. Pour un matériau hétérogène, le nombre de photons transmis est simplement lié à l’intégrale du coefficient d’atténuation le long du chemin emprunté par les photons à travers l’échantillon [Sal 03]. Un dispositif optique adéquat permet alors d’obtenir une image appelée radiographie, qui est une mesure des coefficients d’atténuation des milieux traversés. Une seule radiographie ne permettant pas d’avoir des informations volumiques, l’échantillon analysé subit une rotation et plusieurs centaines de radiographies sont obtenues sous différents angles. Grâce à ces radiographies, une image volumique de l’échantillon est reconstruite en utilisant les outils mathématiques appropriés [Ber 05].

Maillage volumique

La construction du maillage volumique avec Amira® [Ami 10] s’appuie sur une représentation explicite de l’interface, par la méthode avec suivi de front [Fre 98, Fre 99]. Avec ce type d’approche, les nœuds du maillage volumique situés à l’interface sont superposés aux nœuds du maillage surfacique. Des nœuds sont ainsi positionnés près des interfaces et reliés aux triangles du maillage surfacique pour constituer une première couche d’éléments, appelée front. D’autres nœuds sont alors ajoutés près du front pour établir une autre couche d’éléments, et ce jusqu’à remplissage intégral du volume.
Avec des maillages surfaciques de taille importante, il faut soit diminuer le nombre de nœuds, soit faire en sorte que chaque facette triangulaire du maillage surfacique ne serve pas de point de départ au calcul du maillage volumique. Dans le cas contraire, ce dernier ne peut pas être construit car le nombre de nœuds résultant serait trop important. En outre, si les éléments sont généralement de bonne qualité au voisinage de l’interface, des difficultés sont rencontrées à l’endroit où plusieurs fronts se rejoignent.
Dans CIMLib, nous préférons représenter les interfaces de manière implicite, avec une fonction level set (distance signée) définie aux nœuds du maillage et dont l’isovaleur 0 représente l’interface. Nous avons donc un maillage volumique qui comporte les différentes phases. Pour cela, nous utilisons la méthode par immersion de volume décrite par Hachem et al. [Hac 10], qui consiste à travailler à l’amélioration d’un maillage de fond pour représenter de manière implicite le maillage surfacique considéré. Cette méthode d’immersion de volume comporte trois étapes, qui sont :  le calcul de la distance signée, la construction d’un maillage adapté au calcul et le mélange des propriétés physiques.

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Table des matières

– Introduction générale 
– Chapitre 1 – Etat de l’art 
1. Introduction
2. Solidification
3. Comportement mécanique de la zone pâteuse
4. Notre approche
5. Conclusion
– Chapitre 2 – Transformation des données issues de microtomographies en représentations
éléments finis
1. Introduction
2. Acquisition des images
2.1. L’installation européenne de rayonnement synchrotron
2.2. La microtomographie aux rayons X
2.3. Description des images obtenues
3. Traitement des images
3.1. Filtre médian
3.2. Segmentation
4. Maillage surfacique
4.1. En deux dimensions
4.1.1. Principe de base
4.1.2. Algorithme
4.1.3. Calcul de la normale
4.1.4. Ambiguïté
4.1.5. Cohérence
4.1.6. Image en niveaux de gris
4.2. En trois dimensions
4.2.1. Principe
4.2.2. Ambiguïté
4.2.3. Cohérence
4.2.4. Performances
4.2.5. Améliorations possibles
5. Maillage volumique
5.1. Calcul de la distance
5.1.1. Méthode linéaire
5.1.2. Méthode hiérarchique
5.1.3. Algorithme parallèle
5.1.4. Remarque
5.2. Construction du maillage volumique
5.2.1. Maillage initial
5.2.2. Remaillage
5.3. Traitements
5.3.1. Calcul de la surface spécifique
5.3.2. Calcul de la fraction volumique
5.3.3. Comparaisons
6. Conclusion
– Chapitre 3 – Solveur mécanique
1. Introduction
2. Formulation
2.1. Formulation forte
2.2. Formulation faible
2.3. Formulation faible discrétisée
2.4. L’élément P1+/P1
2.5. Calcul des matrices locales
2.5.1. Terme en vitesse-vitesse
2.5.2. Terme en vitesse-pression (et pression-vitesse)
2.5.3. Terme en pression-pression
2.5.4. Calcul des intégrales
2.6. Assemblage
2.7. Rajout des conditions aux limites
2.8. Calcul de la viscosité
2.9. Stockage des matrices
3. Résolution des systèmes linéaires
3.1. Méthode directe
3.2. Méthode itérative
3.3. Applications simples
3.3.1. Problème mal posé
3.3.2. Dimension des résidus
3.3.3. Solveur direct ou itératif
4. Test de l’inclusion
4.1. Maillage utilisé
4.2. Solution numérique
4.3. Rapport des viscosités et précision
4.4. Utilisation d’un maillage plus adapté
5. Comportement viscoplastique
6. Conclusion
– Chapitre 4 – Déplacement d’interfaces 
1. Introduction
2. Etude bibliographique
3. La méthode Level Set dans CIMLib
3.1. Solveur de convection ConvectionP1
3.2. Solveur de réinitialisation ReinitLevelSet
3.3. Solveur de réinitialisation convective Leveller
3.4. Solveur de réinitialisation convective LevellerS
3.5. Solveur de réinitialisation convective LevellerT
4. La méthode PLS (Particle Level Set)
4.1. Convection de la level set
4.2. Création des particules
4.3. Déplacement des particules
4.4. Correction de la level set
4.5. Réinitialisation de la level set
4.6. Remarques
4.7. Effet de l’apport des particules
5. Comparaison des deux méthodes
5.1. Rotation d’un disque
5.2. Test du vortex
5.3. Conclusion
6. Test de l’inclusion
6.1. Solution numérique
6.2. Epaisseur de lissage
6.3. Remaillage
6.4. Maillage anisotrope
6.5. Plusieurs inclusions
6.6. Période de réinitialisation de GMRES
7. Conclusion
– Chapitre 5 – Applications 
1. Introduction
2. Test de l’inclusion
3. Calculs sur une image 2D
3.1. Représentation éléments finis
3.2. Comportement newtonien
3.3. Comportement viscoplastique
3.4. Influence du pas de temps et de la taille de maille
4. Calculs sur une image 3D
5. Conclusion
– Conclusion générale 

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