Simulation numérique de l’initiation de la rupture à l’échelle atomique

L’ingénierie de la rupture mécanique est un problème qui est apparu dès les premières constructions de l’humanité et qui reste aujourd’hui un élément essentiel à prendre en compte pour la conception des structures. La rupture mécanique est critique pour de nombreux développements technologiques. Elle présente avant tout un risque qu’il convient d’anticiper. Le coût économique de la rupture mécanique est considérable et représente une part importante du PNB dans les pays industriels développés [1] [2] [3] sans parler du coût humain qu’un incident impliquant une défaillance peut engendrer. À titre d’exemple, une étude économique, réalisée en 1978 aux États Unis [1], a estimé le coût annuel de la rupture mécanique à 99 milliards de dollars, soit 4.4% du PNB. Un cas tragique récent qui mérite d’être mentionné est celui de l’effondrement du pont autoroutier Morandi en Italie, qui a fait 43 morts et dont la reconstruction coûterait plus que 400 millions d’euros.

Quelques accidents catastrophiques au début du 20ème siècle ont contribué à faire progresser la mécanique de rupture [4], ce qui nous permet aujourd’hui de mieux prévenir les risques. La mécanique de la fracture linéaire élastique [4] [5] permet d’étudier le cas des structures présentant des fissures préexistantes. Le principe de cette théorie est que la pointe d’une fissure préexistante avance dans le matériau lorsque l’énergie mécanique libérée par la propagation de cette fissure excède un seuil critique appelé taux de restitution d’énergie et généralement considéré comme une propriété du matériau. Par conséquent, la rupture d’une structure pré-fissurée dépend d’un critère énergétique. Au contraire, la rupture d’une structure sans défaut survient lorsque la contrainte appliquée atteint un seuil critique appelé résistance et généralement considéré comme une autre propriété du matériau indépendante du taux de restitution d’énergie. Ces deux critères, traduisent des mécanismes différents de la rupture. Cependant, beaucoup de situations réelles correspondent à des cas intermédiaires entre milieu intact et pré-fissuré, notamment les fissures émoussées, les entailles et les trous présentant des concentrations de contrainte modérées. Ainsi, la rupture dans le cas général reste mal comprise. En effet, un critère de rupture dans un cas général doit être capable de décrire à la fois la rupture en contrainte et la rupture en énergie. Différentes théories existantes sont cohérentes avec les deux situations limites (structure intacte et pré-fissurée) mais il n’y a pas de consensus clair dans la communauté scientifique.

En ingénierie mécanique et science des matériaux, le terme « rupture » désigne la ruine d’une structure matérielle et ainsi sa perte de capacité à résister à tout type de chargement (efforts extérieurs, poids propre, etc…). La rupture mécanique est certes observée à l’échelle macroscopique mais son intiation se déroule à l’échelle microscopique, voire atomique. L’origine de l’initiation de la rupture a fait l’objet de recherches intensives depuis de nombreuses années mais il n’y a pas encore de consensus sur un critère général permettant de la prédire de manière précise et ainsi réduire les pertes humaines et matérielles. La complexité des édifices construits par l’Homme et la diversité des matériaux utilisés font du problème de rupture un enjeu majeur en conception mécanique, d’où l’intérêt important porté à ce phénomène tout au long du dernier siècle. Dans la suite de la thèse, toute structure ne montrant aucune concentration de contrainte à l’échelle macroscopique ou contenant des microdéfauts dont la taille est comparable à la microstructure du matériau considéré, sera définie par le terme « structue intacte ».

Historique de la rupture mécanique

Les catastrophes et accidents liés à la rupture mécanique d’un composant ou d’une structure ont existé depuis le début de la construction. Mais les faits les plus marquants pour le développement de la mécanique de la rupture ont eu lieu au cours des deux derniers siècles. Les travaux sur la rupture n’étaient pas assez avancés et il existait donc deux catégories de causes de rupture mécanique [4] :
— La négligence pendant la conception et l’exploitation de la structure, ce qui menait au dépassement de la résistance du matériau. On parle dans ce cas de la rupture d’un milieu intact.
— L’application d’un nouveau design ou rajout d’un nouveau matériau, résultant en l’apparition de microfissures responsables de fortes concentrations de contrainte. Dans ce cas, la rupture a lieu par propagation de fissures préexistantes.

Rupture de structure intacte

Un cas représentatif des ruptures de la première catégorie est celui du réservoir de Bouzey en 1895 [6]. Après une première réparation suite à un glissement partiel de la fondation de sa partie axiale en 1884, le réservoir s’est effondré brusquement. La vague de crue quasiinstantannée a engendré la mort de 85 personnes et l’endommagement des canaux, des structures ferroviaires, des ponts, des villages et des fermes. Il s’est avéré après étude approfondie [6] que la cause de la catastrophe de Bouzey, outre la mauvaise réparation, n’était pas seulement la qualité médiocre de la maçonnerie mais aussi la faible épaisseur de la partie haute du réservoir.

La fracture à l’origine d’accidents graves

La deuxième catégorie de rupture est plus difficile à prévenir. Quand un nouveau design est introduit, il y a des facteurs que le concepteur ne prévoit pas. Les nouveaux matériaux peuvent offrir des avantages énormes, mais aussi des problèmes potentiels. Des facteurs importants tels que la microfissuration ou les contraintes résiduelles peuvent être négligés pendant le test et l’analyse [4]. La fissuration était injustement considérée comme une nuisance insignifiante ne présentant pas de menace pour les structures.

L’un des premiers incidents causés par la fracture, suite à l’apparition d’une fissure, remonte au 15 Janvier 1919 [4]. Une vague de mélasse a envahi la ville de Boston aux États Unis, suite à l’effondrement d’un réservoir de 15 mètres de hauteur et et 27 mètres de diamètre. 8 millions de litres de sirop ont parcouru les rues de la ville à une vitesse de 56 km/h entraînant 12 morts et environ 40 blessés et causant des pertes matérielles équivalentes à 100 millions de dollars actuels. Le réservoir de tout juste 3 ans a rompu brusquement à cause du comportement fragile du matériau à basses températures. La fissure est apparu soudainement au niveau d’une bouche d’évacuation en bas du réservoir où la pression atteint sa valeur maximale.

La mécanique de la fracture a évolué, d’une curiosité scientifique à une discipline d’ingénierie, principalement à cause de ce qui est arrivé aux navires « Liberty Ships » pendant la seconde guerre mondiale [4]. Suite au bombardement des navires américains par les Allemands et ayant infligé des pertes importantes, les États Unis ont décidé en 1941 d’adopter une production massive de navires puisque la marine allemande coulait des cargos trois fois plus vite que les procédures existantes de construction navale. Pour ce faire, le processus de rivetage a été remplacé par le soudage pour gagner en temps et coût de production. Les bâteaux « Liberty ships » ont été ainsi construits au nombre de 2708 unités entre 1939 et 1945. Après la guerre, 1038 cas d’endommagement on été déclarés. Le cas le plus significatif est celui des navires qui ont rompu en deux parties. Des zones affectées thermiquement (ZAT) ont été créées suite au soudage des coques ce qui a conduit à la création des contraintes résiduelles dans le matériau. À basses températures, l’acier est fragile favorisant l’apparition de fissures. La rupture brusque des coques des « Liberty ships » a causé le naufrage de plus de 200 navires. Ce constat a permis de souligner l’importance de l’étude de la ténacité des matériaux pour limiter la propagation rapide des fissures et a marqué l’évolution de la mécanique de la fracture

Un autre accident remarquable pour l’étude des mécanismes de rupture des matériaux est celui des avions « Comet » [4]. L’avionneur britannique de Havilland a introduit ce modèle comme le premier avion de ligne propulsé par un moteur à réaction. Le succès a accompagné les premiers prototypes entre 1949 et 1952 avec leurs fuselages pressurisés et leurs hublots de forme carrée. Les premiers accidents signalés en 1953 étaient en relation avec le manque de portance à faible vitesse ce qui a nécessité des modifications sur les ailes. Mais l’accident le plus grave et le plus notable a eu lieu le 10 Janvier 1954, quand un avion Comet s’est écrasé en pleine mer 20 minutes après son décollage causant la mort de tous ses occupants. Après des mois d’enquêtes et de tests, il s’est avéré qu’une fissure était apparue au coin d’un hublot et s’est propagée dans le fuselage. La forme carrée des hublots et le manque de renforcement local   ont favorisé le processus de rupture à cause de la forte concentration de contraintes ce qui a conduit à concevoir des hublots de forme ovale encore d’actualité aujourd’hui.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
1 Etat de l’art
1.1 Introduction générale
1.1.1 Définition
1.1.2 Historique de la rupture mécanique
1.1.2.1 Rupture de structure intacte
1.1.2.2 La fracture à l’origine d’accidents graves
1.2 Théories de la rupture mécanique
1.2.1 Types de rupture
1.2.2 Rupture ductile
1.2.3 Rupture fragile
1.2.3.1 Critères de résistance en contrainte
1.2.3.2 Cas du milieu pré-fissuré – Mécanique linéaire élastique de la fracture
1.2.3.2.1 Modes de fracture
1.2.3.2.2 Évolution de la mécanique linéaire élastique de la fracture
1.2.3.2.3 Domaine d’application de la mécanique linéaire élastique de la fracture
1.2.3.3 Modèle de zone cohésive
1.2.3.3.1 Modèle de Dugdale – Barenblatt
1.2.3.3.2 Modèle d’Hillerborg
1.2.3.4 Méthode des éléments finis
1.2.3.4.1 Approche classique
1.2.3.4.2 Éléments finis enrichis
1.2.3.4.2.1 Méthode des éléments finis étendus XFEM
1.2.3.4.2.2 Méthode de champ de phase
1.2.3.5 Approches non locales
1.2.3.6 La mécanique de la fracture finie
1.3 Conclusion
2 Méthodes numériques
2.1 Introduction
2.2 Simulation atomistique
2.2.1 Potentiel interatomique
2.2.2 Structure atomique
2.2.3 Calcul d’observables
2.2.4 Ensembles statistiques
2.2.4.1 Contrôle de la température – Ensemble canonique NV T
2.2.4.2 Contrôle de la pression – Ensemble isobare-isotherme NP T
2.2.4.3 Cas particulier : limite athermique
2.3 Notions de la simulation de dynamique moléculaire
2.3.1 Intégration de Verlet
2.3.2 Échelle de temps
2.4 Simulation athermique
2.4.1 Minimisation d’énergie
2.4.2 Matrice hessienne
2.5 Mise en œuvre
2.5.1 Déroulement d’un calcul de dynamique moléculaire
2.5.2 LAMMPS
2.5.2.1 Calcul de la matrice hessienne
2.5.2.2 Couplage LAMMPS-Python
2.5.2.3 Méthode NEB
2.6 Récapitulatif
3 Systèmes étudiés
3.1 Introduction
3.2 Matériau modèle 2D
3.2.1 Présentation
3.2.2 Fonction du potentiel interatomique
3.2.2.1 Potentiel harmonique
3.2.2.1.1 Comportement mécanique
3.2.2.1.2 Estimation analytique de la ténacité
3.2.2.1.3 Calcul numérique de la ténacité
3.2.2.2 Potentiel Morse modifié pour l’approche athermique
3.3 Graphène
3.3.1 Présentation
3.3.2 Potentiel d’interaction REBO
3.3.2.1 Potentiel de Brenner
3.3.2.2 Potentiel REBO modifié
3.3.3 Propriétés mécaniques du graphène
3.3.3.1 Résistance à la rupture
3.3.3.2 Calcul de la ténacité
3.4 Conclusion
Conclusion

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *