Simulation numérique aux grandes échelles d’écoulements de couche limite atmosphérique

Simulation numérique aux grandes échelles d’écoulements de couche limite atmosphérique

Les domaines de taille réduite (≈ 1km) dans la CLA relèvent de l’étude dite microéchelle. Les simulations numériques de tels domaines utilisent souvent une approche de type RANS (Reynolds Averaged Navier Stokes) qui consiste à calculer l’écoulement moyen en modélisant l’effet de la turbulence à l’aide du concept de la viscosité turbulente selon l’hypothèse de Boussinesq, comme dans le modèle k −_ ou k −ω. Il existe de nombreuses études sur le sujet [12, 33, 64, 81, 82]. D’autres types de simulations qui se concentrent sur des domaines de plus grande taille sont plutôt liés au domaine de la météorologie, elles emploient des modèles de simulation par volumes finis traitant de problèmes relevant de la méso- et macro-échelle. Elles tiennent généralement compte de paramètres tels que la force de Coriolis, les couplages avec les effets thermiques et le taux d’humidité mais ne résolvent pas la partie inférieure de la couche cisaillée. Steppeler [80] propose une revue des différentes méthodes existantes pour la prévision numérique du temps. Le principe de base de la simulation numérique par la technique LES (Large Eddy Simulation) a été élaboré à partir du milieu des années 60 à partir des travaux de Smagorinsky [76, 77], Lilly [50] et Deardorff [20].

Le coeur de la technique est de résoudre les équations instantanées de Navier-Stokes, à l’instar de la technique DNS, mais autorise l’utilisation d’un maillage plus grossier que celui qui serait nécessaire en DNS pour la résolution des plus petites échelles de la turbulence, dont la taille est liée à l’échelle de dissipation qui dépend entre autres de la viscosité du fluide. L’influence de ces plus petites échelles sur l’écoulement résolu est alors modélisée à l’aide d’un modèle de turbulence. Le modèle de turbulence le plus classique en LES est le modèle de Smagorinsky [76, 77], qui emploie l’hypothèse de viscosité turbulente qui implique que la turbulence peut être modélisée à l’aide d’un terme dont la forme mathématique est analogue à celle du terme de viscosité dans l’équation de quantité de mouvement. Le modèle de Smagorinsky définit la viscosité turbulente modélisant la turbulence comme étant proportionnelle au cisaillement local de l’écoulement d’une part et à la longueur caractéristique de la cellule du maillage de l’autre. Cette modélisation repose sur deux hypothèses notables : premièrement la turbulence modélisée doit être isotrope 4, et deuxièmement la production et la dissipation de la turbulence modélisée est en équilibre partout dans le maillage, il n’y a donc pas d’équations de transport attachées au modèle de turbulence. On dit alors que la turbulence modélisée est universelle. Le modèle fait intervenir une constante qui détermine l’amplitude finale de la viscosité

La distinction entre petites et grandes échelles se fait sur la base d’une taille caractéristique de la turbulence, qui dépend entièrement du type d’écoulement. On peut déterminer une telle échelle caractéristique locale de la turbulence d’un écoulement en mesurant par exemple la valeur de l’échelle intégrale de Taylor, qui correspond à une longueur de cohérence au delà de laquelle on ne retrouve plus de corrélation significative entre les vitesses mesurées entre deux points donnés. Les écoulements atmosphériques, où les nombres de Reynolds sont très élevés et où les échelles caractéristiques sont très grandes peuvent apparaitre comme une application idéale de la technique LES. L’hypothèse de la viscosité turbulente sur laquelle reposent les modèles de turbulence LES les plus classiques (type Smagorinsky) entrainent des difficultés dans la simulation des écoulements à haut Reynolds dans les régions où les échelles de la turbulence sont très réduites, tels les écoulement en transition et les écoulements en proche paroi.

Cette situation impose l’utilisation de lois de parois pour traiter les couches limites dans une LES standard, le problème de l’introduction de la turbulence résolue à proximité des frontières se pose alors. Une revue des techniques pour modéliser les écoulements en proche paroi en LES a été réalisée par Piomelli [63]. Une autre difficulté est que la LES nécessite des maillages cartésiens relativement uniformes, ce qui rend complexe le raffinement du modèle dans les zones de forts gradients. Sagaut [69] recense certaines techniques pour effectuer des simulations LES dites “multirésolutions”, avec des maillage non uniformes et des pas de temps découplés pour les différents domaines. De nombreux modèles de turbulence LES sont construits sur la base du modèle de Smagorinsky, tel le modèle “Smagorinsky Dynamique” décrit par Germano [32] et amélioré par Lilly [51], qui définit une méthode servant à ajuster dynamiquement l’amplitude de la constante du modèle de Smagorinsky à partir de la turbulence résolue. Le modèle Smagorinsky dynamique Lagrangien par Meneveau [58] est une variante du précédent modèle qui ajuste cette même constante de manière mieux localisée et permet l’application du modèle à des géométries plus complexes.

Un autre modèle notable est le modèle à viscosité turbulente avec rétrodiffusion (backscatter) stochastique proposé par Mason [55], qui améliore le développement de la turbulence résolue à proximité de la paroi en forçant le déclenchement de la turbulence à l’aide de perturbations aléatoires dont l’amplitude est dictée par l’intensité de la turbulence sous-maille. Un autre modèle a été introduit plus récemment par Porté-Agel [67], celui-ci est basé sur une formulation de type Smagorinsky dynamique qui vise également à en améliorer le comportement à proximité des parois. Une revue synthétique un peu plus approfondie de ces différents modèles peut être trouvée dans la thèse de N. Gasset [31]. Une approche alternative à la modélisation de la turbulence en proche paroi en LES est l’application d’une méthode “hybride” ou DES (Detached Eddy Simulation), à l’instar de Bechmann [8, 9] ou Deck [21]. Cette approche a été proposée par Spalart [79], avec un modèle de turbulence de type RANS pour la région proche paroi et dont le comportement transitionne vers une dynamique LES dans les régions où la turbulence est plus développée. Cette hybridation est facilitée par la proximité de certains modèles de turbulence RANS (k−_, k−ω) et LES (Smagorinsky) qui modélisent la turbulence par une viscosité turbulente.

Cette viscosité turbulente dans les modèles RANS dépend toutefois d’équations de transport, alors que que celle-ci est simplement liée à la taille de maille locale dans le cas du modèle de Smagorinsky. Même avec une telle approche des difficultés persistent malgré tout avec les zones de transition turbulente et le développement de la turbulence résolue avec l’éloignement à la paroi. Ce type de méthode est particulièrement adaptée à la simulation de couches limites sur terrain complexe. La simulation de couches limites en LES avec des modèles hybrides est un sujet de recherche active. Les conditions aux limites des simulations de couche limite stationnaires doivent être ajustées de façon à entrainer l’écoulement afin qu’il atteigne une vitesse constante. Plusieurs stratégies existent. Les frontières d’entrée et de sorties sont souvent cycliques pour la vitesse de façon à permettre un développement puis un maintien de la turbulence à l’intérieur du domaine. L’entrainement de l’écoulement peut alors être assuré par un cisaillement imposé à la frontière supérieure de l’écoulement, qui est la manière la plus physique de procéder. Une alternative est d’imposer un gradient de pression longitudinal entre les parois amont et aval du domaine afin d’obtenir une vitesse cible déterminée à l’avance. La frontière supérieure peut alors être définie comme paroi glissante.

Modélisation stochastique de la turbulence et applications La génération stochastique de séries de vitesse turbulente est une alternative à la simulation numérique de CLA basée sur les équations de Navier-Stokes dans les cas où le coût de calcul d’une telle simulation est prohibitif. Celles-ci ont principalement deux applications, le première est la génération de séries temporelles d’entrée pour des calculs d’aéroélasticité, la seconde est la génération de conditions aux limites instationnaire pour des simulation numériques d’écoulements par volumes finis. Les champs de vitesse turbulente de CLA peuvent être décomposés en un champ de vitesse moyenne et un champ de vitesse fluctuante. Les méthodes stochastiques se focalisent sur la génération du champ turbulent, le champ de vitesse moyenne devant être connu à l’avance. La méthode simpliste basée sur la reproduction des seules statistiques dites en 1-point (comme la variance), génère un signal aléatoire sans cohérence spatiale ou temporelle (type “bruit blanc”) et ne permettent pas de reproduire une distribution spectrale réaliste de la turbulence atmosphérique. Les méthodes les plus pertinentes sont plutôt basées sur les statistiques en 2-points, en particulier les corrélations spatiales Ri j (r ), évoquées précédemment ainsi que leur projection dans l’espace de Fourier, φi j (κ). Citons ici quelques une des méthodes de génération stochastique les plus notables. La méthode de Veers [93] améliorée par Kelley [42] propose de modéliser la variation temporelle des trois composantes du champ de vitesse dans un plan orthogonal à la direction principale de l’écoulement. La méthode est celle utilisée par le code Turbsim (du National Renewable Energy Laboratory) qui est utilisé pour des codes de calcul d’aéroélasticité.

L’une des premières applications de génération de champ stochastique à un calcul CFD est probablement celle de Lee [49], qui utilise un champ stochastique en entrée d’une simulation DNS de l’évolution d’une turbulence homogène isotrope compressible. Les champs générés sont constitués d’une superposition de modes aléatoires dont l’amplitude est déterminée sur la base d’une expression particulière du tenseur spectral φi j (κ). Une autre méthode initialement dédiée à l’interfaçage avec des codes de calcul d’aéroélasticité est la méthode de Mann [53, 54] qui est utilisée entre autres, dans le code commercial HAWC. Cette méthode a depuis été appliquée à la génération de turbulence pour des calculs LES [89, 88, 41]. La méthode est également basée sur l’inversion de séries de Fourier aléatoires, elle prend en compte l’expression complète du tenseur spectral cisaillé de couche limite au moyen d’une application de la théorie de la distorsion rapide (RDT, Rapid Distortion Theory). Klein [45] propose une méthode basée sur l’application de filtres convolutionnels sur des champs aléatoires uniformément distribués (bruit blanc). Le filtrage est effectué par convolution avec un noyau gaussien dont la déviation standard est basée sur l’échelle de cohérence de la turbulence.

Il faut noter que cette méthode, si elle ne fait pas intervenir explicitement de transformation de Fourier, pourrait être formulée d’une façon équivalente à l’aide du théorème de convolution 6. Il est également utile de citer le travail de Davidson [19] qui utilise lui aussi une technique basée sur la transformée de Fourier inverse pour générer des plans 2D indépendants de vitesse turbulente qui sont par la suite convolués temporellement afin d’obtenir l’expression d’un champ variant dans le temps. Les méthodes précédentes reposent sur la décomposition du signal spatio-temporel en séries de Fourier. Les coefficients spectraux sont alors déterminés de manière partiellement aléatoire de sorte à imposer certaines statistiques de la turbulence à modéliser, en particulier le tenseur spectral φi j (et la fonction spectrale scalaire associée E(κ)) et les statistiques 1- point qui en découlent telles que les variances et les corrélations croisées. Cette méthode de synthèse d’un processus stochastique multidimensionnel et multivarié est due à Shinozuka [74, 72, 73]. Ces méthodes sont souvent réductibles à une relation entre le tenseur spectral et la vitesse stochastique qui est ici explicitée, en complément des équations (1.7) et (1.4). Il est possible de décomposer le tenseur spectral en un produit de tenseurs triangulaires supérieur droit Cjk (κ) et inférieur gauche C∗ ik (κ) au moyen de la décomposition de Cholesky (1.22), opération qui peut être vue comme une sorte de “racine carrée” matricielle :

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Table des matières

Introduction
1 Revue de littérature
1.1 Éléments d’étude statistique de la turbulence
1.2 Écoulements de couche limite atmosphérique
1.2.1 Modèle statistique
1.2.2 Modélisation d’écoulements de couche limite atmosphérique en soufflerie
1.2.3 Simulation numérique aux grandes échelles d’écoulements de couche limite atmosphérique
1.2.4 Modélisation stochastique de la turbulence et applications
1.3 Aérodynamique d’une éolienne à axe horizontal
1.3.1 Théorie de Froude
1.3.2 Modélisation aérodynamique du rotor
1.3.3 Dynamique du sillage d’une éolienne
2 Caractérisation de la couche limite atmosphérique modélisée en soufflerie
2.1 Présentation de l’installation
2.2 Caractérisation
2.3 Conclusion
3 Proposition d’une méthode de génération stochastique de turbulence de couche limite atmosphérique
3.1 Limitations des modèles existants pour la réalisation de simulations LES imbriquées dans un écoulement turbulent cisaillé
3.2 La transformée par ondelette continue
3.3 Génération stochastique de champs aléatoires cohérents
3.4 Reconstruction du signal temporel
3.4.1 Filtrage temporel avec compensation de mouvement et application locale de l’hypothèse de Taylor
3.4.2 Génération distribuée de séries de nombres pseudo-aléatoires sans partage d’informations
3.4.3 Implémentation et discrétisation
3.5 Conclusion
4 Simulation aux grandes échelles de couche limite atmosphérique avec conditions aux frontières stochastiques
4.1 Génération stochastique de couche limite atmosphérique
4.1.1 Paramétrage du générateur stochastique
4.1.2 Formulation empirique des profils caractéristiques de CLA selon la seule hauteur de rugosité
4.1.3 CLA synthétisées à partir de profils prédéfinis
4.2 Équations LES et modèle numérique
4.3 Introduction des séries de vitesse stochastiques au moyen de conditions aux frontières adaptées
4.4 Résultats
4.5 Conclusion
II Étude instationnaire du sillage d’un disque actuateur soumis à un écoulement de couche limite atmosphérique
5 Étude expérimentale
5.1 Disques actuateurs
5.2 Proposition d’une méthode expérimentale de suivi temporel du sillage .
5.2.1 Validation de la méthode de suivi temporel de sillage à l’aide de mesures combinées PIV/fil chaud
5.2.2 Spectres et cohérences pour le cas modérément rugueux avec disque de diamètre D=10cm
5.2.3 Étude paramétrique portant sur l’effet de la rugosité et de la taille du disque sur la position du sillage
5.3 Mesures combinées de position du sillage et efforts aérodynamiques
5.4 Conclusion
6 Étude numérique
6.1 Paramètres de simulation
6.2 Présentation du cas avec rotor D = 80m dans une CLA modérément rugueuse
6.2.1 Profils moyens horizontaux
6.2.2 Profils moyens verticaux
6.2.3 Méandrement
6.3 Validation
6.4 Étude paramétrique
6.5 Conclusion
Conclusion et perspectives
Bibliographie

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