Simulation des procédés de mise en forme et méthodes sans maillage

La Méthode des éléments finis (MEF) a été depuis longtemps un outil indispensable pour la modélisation et la simulation numérique des phénomènes physiques. Dans cette méthode, un milieu continu est divisé en un ensemble d’éléments qui sont reliés entre eux par une carte topologique appelé « maillage ». La MEF s’est avérée efficace et robuste dans plusieurs domaines d’ingénierie en raison de sa capacité à représenter des géométries complexes. Cependant, certaines difficultés liées à l’utilisation du maillage sont constatées, en particulier dans le domaine des grandes déformations et de la fissuration. Afin de supprimer ou réduire ces difficultés, de nouvelles méthodes numériques dites « sans maillage », appelées couramment  » meshless » ou encore « meshfree methods », ont été proposées. Dans ces méthodes le domaine du problème est représenté par un ensemble de nœuds répartis sur ce dernier et non pas par un maillage.

Problèmes rencontrés lors de l’utilisation de la MEF

La MEF est une méthode performante qui a été largement développée avec un grand nombre de logiciels disponibles sur le marché. Cependant, il reste que cette méthode souffre de quelques limitations :

1. La création d’un maillage pour discrétiser le domaine est une étape préliminaire à l’emploi de la MEF. Habituellement, l’utilisateur accorde une grande importance à la phase de création du maillage qui demeure une phase primordiale pour la précision et la convergence des résultats [1]. Donc cette étape devient un composant majeur influant sur la validité d’un projet de simulation, l’idéal serait que le processus de maillage soit entièrement automatisé.
2. La majorité des éléments utilisés dans la MEF sont des éléments de continuité C0, ce qui signifie que les déformations ne sont pas continues d’un élément à l’autre.
3. En présence de grandes transformations, la distorsion des éléments du maillage conduit à des erreurs de calcul nécessitant un remaillage régulier du domaine.
4. Il est très difficile de simuler la propagation de la fissure sous des chemins arbitraires et complexes, qui ne coïncident pas avec les lignes nodales originales : c’est à dire pour un maillage initial donné, les éléments finis ont tendance à propager les phénomènes localisés suivant la direction du maillage, même si celle-ci ne  coïncide pas avec la direction du phénomène. Cet inconvénient se définit comme une dépendance entre la solution et la structure du maillage. Ainsi, pour un même problème physique, il est possible d’obtenir des solutions différentes, lorsque différents maillages sont utilisés [2]. Ce type de situation est par exemple illustré dans les simulations de cisaillement adiabatique par la MEF [3], [4]. Des techniques de remaillage ont été créées pour remédier à ce type de problème pour lesquelles, le domaine du problème est remaillé par étapes pendant le processus de simulation pour empêcher la déformation du maillage et permettre aux lignes nodales de demeurer toujours coïncidentes avec les frontières des discontinuités. Une autre alternative est celle utilisée dans la MEF étendus appelée aussi X-FEM, qui consiste en une simplification du maillage localement à l’emplacement de la discontinuité grâce à un enrichissement de l’espace d’approximation [5]. 5. La nécessité de projeter les différentes informations matérielles connues aux différents points d’intégrations, de l’ancien maillage vers les points d’intégration du nouveau maillage, est l’une des difficultés rencontrées lors de l’opération de remaillage [6].

Les difficultés liées à l’utilisation de la MEF se situent dans la nécessité d’employer des éléments constituant un maillage. Tant que ces éléments seront utilisés, la résolution des problèmes mentionnés ci-dessus restera une contrainte. Les MSM ont été créés pour proposer une alternative aux éléments finis de manière à tenter de lever le plus possible ces difficultés.

Méthodes sans maillage

La première définition qui vient à l’esprit en lisant la dénomination des méthodes « sans maillage » est : « Une méthode sans maillage est une méthode qui n’emploie aucun maillage pour la résolution d’un problème physique ». Bien que cette définition semble la plus adaptée à l’appellation « sans maillage » (Meshless), cette dernière n’est pas compatible avec beaucoup de méthodes qui sont généralement considérées comme des méthodes « sans maillage ».

Une définition plus générale proposée par G.R.Liu [7] est basée sur le concept des fonctions de forme ou fonctions d’interpolation :
1. Quelle est la condition minimale requise pour une méthode sans maillage ? Pas de maillage prédéfini, au moins dans l’étape de construction de la fonction de forme (interpolation du champ de variable).
2. Quelle est la condition idéale requise pour une méthode sans maillage ? Aucun maillage prédéfini n’est nécessaire pendant tout le processus de résolution.

On trouve dans la littérature une autre définition proposée par N.Calvo et al.[8] qui rejoint la première proposition de G.R.Liu de manière plus concise : « Une méthode sans maillage est une méthode où la fonction de forme employée dépend des positions des nœuds seulement. » A travers ces deux définitions on peut remarquer que l’étape clé dans ces méthodes est celle de la construction de la fonction de forme. Cette dernière ne doit dépendre d’aucun maillage, en revanche cela laisse la possibilité d’employer un maillage dans le reste du processus de résolution, ce qui est le cas pour la plupart des MSM puisqu’elles utilisent une partition du domaine et donc un maillage, dans l’étape d’intégration numérique. Dans ce document nous adoptons la définition proposée par N.Calvo qui nous semble en adéquation avec la plupart des MSM.

Procédure de résolution des MSM

La différence fondamentale entre la MEF et les MSM se situe au niveau de la construction de la fonction de forme. Pour la MEF, l’approximation dépend du maillage (connectivités entre les nœuds), par contre pour les MSM, elle ne dépend que des nœuds. En effet, la construction des fonctions de formes MSM ne nécessitent pas des connectivités entre les nœuds ce qui permet de lever les contraintes liées au maillage. Une fois l’ensemble d’équations du système discrétisée établi, la méthode sans maillage suit le même processus de résolution que celui des éléments finis, excepté quelques différences mineures dans les détails d’exécution [7].

Détermination du domaine d’influence

Dans cette partie, on présentera les deux stratégies employées habituellement pour la détermination du domaine d’influence dans les MSM. La première stratégie consiste à fixer de manière uniforme les dimensions du domaine d’influence des nœuds de la discrétisation. Le domaine d’influence d’un point x de dimension ds est défini par l’équation suivante [7], [11], [12] :

ds = αs dc (1.4)

où αs est le facteur de taille du domaine d’influence, qui est choisi par l’utilisateur, dc est une distance nodale : si les nœuds sont distribués de façon uniforme, la variable dc est simplement la distance entre deux nœuds voisins ; dans le cas contraire, dc peut être défini comme étant l’espacement nodal moyen.

On remarque que cette technique est peu fiable puisqu’elle se base sur un calcul de la distance moyenne qui n’est pas représentative du nuage de nœuds particulièrement lorsque la distribution relative des nœuds est fortement irrégulière. De plus, un tel domaine d’influence reste constant (fixe) à travers toute la géométrie du domaine, ce qui entraine des instabilités dans le cas où le nuage de nœuds subi de fortes distorsions [13].

La deuxième stratégie utilisée pour la détermination du domaine d’influence s’appuie sur le concept de voisins naturels. L’idée est de prendre les voisins naturels du point x comme étant les nœuds impliqués dans l’interpolation, de cette façon, on aura toujours un nombre minimum de nœuds à l’intérieur du domaine d’influence pour que la méthode soit applicable. La taille de ce dernier ne sera pas trop large et suivra la configuration des nœuds au voisinage de ce point. La recherche des voisins naturels est basée sur les constructions géométriques des cellules du diagramme de Voronoï et de son dual la triangulation de Delaunay [14]. Les voisins naturels d’un point sont les nœuds associés aux cellules de Voronoï voisines (figure 1.3) ou encore, ceux qui sont connectés à ce point par une arête d’un triangle de Delaunay.

Imposition des conditions aux limites 

La vérification des conditions aux limites joue un rôle décisif dans l’évaluation de la solution d’une simulation. Dans les MSM qui utilisent des approximations ou des interpolations non-nodales (propriété du delta de Kronecker non vérifiée), des techniques spéciales sont exigées pour imposer les conditions aux limites. Pour pouvoir imposer ces dernières de manière directe comme dans la MEF, il est nécessaire :
1. que l’approximation construite passe par les valeurs nodales (interpolation stricte),
2. que l’influence des nœuds intérieurs s’annule sur le bord du domaine.

La majorité des fonctions de forme utilisées par les MSM ne vérifient aucune de ces deux conditions. Par contre les méthodes : Constrained Natural Element Method (CNEM), Point Interpolation Method (PIM), Radial Point Interpolation Method (RPIM)…, les satisfont. Ce problème a donné lieu à un grand nombre de publications proposant différentes techniques pour imposer les conditions aux limites dans les MSM les plus utilisées. Parmi elles, on trouve : la méthode du multiplicateur de Lagrange [11], la méthode de transformation [15], l’approche basée sur le principe de D’Alembert [16], l’introduction de fonctions de pondération singulières [17], la méthode de pénalité [18] et la méthode de transformation mixte [19]. Une autre technique, consiste en un couplage des MSM avec une bande d’éléments finis sur le bord du domaine, l’intérieur du domaine étant discrétisé par une approche sans maillage [20] [21].

Simulation numérique des procédés de mise en forme

Intérêts des MSM

Le premier avantage des MSM, est la facilité de représenter un domaine aussi complexe soit il, en 2D et en 3D. Cela nécessite simplement de répartir les nœuds à l’intérieur et sur les frontières de ce dernier. Il en découle alors un autre avantage qui est la possibilité d’insérer ou de retirer des nœuds très facilement en adaptant l’interpolation seulement. Ce point est particulièrement attrayant pour définir des stratégies de raffinement adaptatif pour les problèmes de localisation [7]. Dans un contexte de formulation lagrangienne actualisée, et en présence de grandes déformations, la re-actualisation de l’interpolation est facilité car aucun critère de géométrie d’éléments n’est requis et la répartition des nœuds peut être conservée telle qu’elle (sans déplacement des nœuds pour des raisons de facilité de maillage). L’autre avantage des MSM, est le fait que leurs fonctions de forme sont généralement très isotropes et réduisent considérablement le problème de la dépendance de la direction de propagation des bandes de cisaillement ou des fissures à la répartition des nœuds sur le domaine [22].

Principales difficultés 

Comme nous l’avons indiqué précédemment, le principal défaut des MSM ne vérifiant pas la propriété du delta de Kronecker (SPH, DEM, EFG…) est la difficulté liée à l’imposition des conditions aux limites. Le second inconvénient est lié à l’intégration numérique. En effet, dans la majorité des cas, les fonctions de forme sans maillage ne sont pas polynomiales mais rationnelles, ce qui rend les schémas d’intégration de type Gauss non-optimaux. Il a été montré que des schémas d’intégration très fins sont nécessaires pour minimiser l’erreur due à la non coïncidence entre le support des fonctions de forme et les cellules d’intégration, entraînant des coûts de calcul excessifs à cause du nombre important de points d’intégration nécessaire [23]. Un autre inconvénient de ces techniques est lié au support des fonctions de forme. Dans la plupart des approches sans maillage, le support, ou domaine d’influence d’un nœud est défini par une sphère ou un parallélépipède centré sur le nœud en 3D (un cercle ou un rectangle en 2D) et la définition de la taille de ce support ne suit pas de règle précise. Ce choix dépend de la méthode employée, de la fonction de forme choisie et de la précision désirée des résultats. Comme il a été indiqué précédemment, l’utilisation d’un support fixe dans les problèmes où le nuage de nœuds subi de fortes distorsions peut entraîner l’instabilité de la méthode. Le réajustement continu de la taille du support au cours de la simulation peut permettre d’éviter ce problème mais entraîne des coûts de calcul supplémentaires.

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Table des matières

Introduction générale
1 Simulation des procédés de mise en forme et méthodes sans maillage
1.1 Introduction
1.2 Problèmes rencontrés lors de l’utilisation de la MEF
1.3 Méthodes sans maillage
1.4 Procédure de résolution des MSM
1.4.1 Interpolation
1.4.1.1 Création de la fonction de forme
1.4.1.2 Détermination du domaine d’influence
1.4.2 Formulation intégrale
1.4.3 Imposition des conditions aux limites
1.5 Simulation numérique des procédés de mise en forme
1.5.1 Intérêts des MSM
1.5.2 Principales difficultés
1.5.3 Travaux effectués dans ce domaine
1.6 Conclusion
2 Radial Point Interpolation Method
2.1 Introduction
2.2 Fonctions de forme
2.2.1 Fonction de forme PIM
2.2.2 Fonctions de bases radiales
2.2.3 Fonction de forme RPIM
2.2.3.1 Propriétés des Fonctions de forme RPIM
2.3 Formulation faible de type Galerkin
2.4 Intégration numérique
2.4.1 Intégration de Gauss
2.4.2 Integration par gradient stabilisé
2.5 Implémentation de la RPIM
2.6 Conclusion
3 Calibrage de la RPIM
3.1 Introduction
3.2 Évaluation numérique de l’interpolation RPIM
3.2.1 Erreur d’interpolation
3.2.2 Choix des paramètres d’interpolation
3.2.2.1 Reproduction d’une surface plane
3.2.2.2 Reproduction d’une surface complexe
3.2.3 Choix des dimensions du domaine d’influence
3.3 Évaluation numérique en statique
3.3.1 Normes d’erreur
3.3.2 Cas test 1 : poutre en porte-à-faux soumise à une charge parabolique
3.3.2.1 Effet du choix des paramètres de la FBR
3.3.2.2 Effet du choix de la dimension du domaine d’influence
3.3.2.3 Effet du choix du nombre de points de Gauss
3.3.2.4 Effet du choix de la technique d’intégration
3.3.3 Cas test 2 : Plaque trouée en traction simple
3.3.4 Cas test 3 : Fissure débouchante dans une plaque semi-infinie soumise à un chargement de traction
3.4 Conclusion
4 Simulation des phénomènes de séparation de la matière en grandes transformations
4.1 Introduction
4.2 Formulation numérique des grandes transformations
4.2.1 Formulation Lagrangienne Actualisée (FLA)
4.2.2 Loi de comportement
4.2.3 Stratégie d’intégration temporelle
4.2.4 Intégration de la loi de comportement
4.2.4.1 Prédiction élastique
4.2.4.2 Correction plastique
4.3 Formulation numérique des phénomènes de séparation de la matière
4.3.1 Critères d’amorçage
4.3.2 Critères de bifurcation et propagation
4.4 Procédure de simulation
4.5 Exemples d’application
4.5.1 Modèle mécanique de bande de cisaillement 2D
4.5.1.1 Conditions aux limites
4.5.1.2 Discrétisation
4.5.1.3 Paramètres de la RPIM
4.5.1.4 Résultats et discussion
4.5.2 Modèle mécanique du poinçonnage 2D
4.5.2.1 Conditions aux limites
4.5.2.2 Discrétisation
4.5.2.3 Paramètres de la RPIM
4.5.2.4 Résultats et discussion
4.6 Conclusion
Conclusions

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