Simulation de la propagation des fissures par fatigue

La roue, ses fonctions et sa fabrication

  Un vocabulaire spécifique définit les différentes parties d’une roue monobloc (Figure 1-1). En plus de sa fonction principale d’assurer le roulement, chaque partie joue un rôle important dans le fonctionnement du système.
– Le boudin assure avec la forme conique de la jante le guidage du train et empêche son déraillement.
– Grâce à sa forme conique, la roue joue le rôle d’un différentiel permettant d’éviter le glissement des roues opposées dans les virages. La différence de la distance parcourue par les 2 roues opposées est rattrapée par la différence de leurs diamètres respectifs calculés au niveau du contact.
– Dans le cas des roues freinées, la jante permet de dissiper la puissance de freinage provenant du frottement avec les semelles de frein.
– Quant à la toile, elle assure le lien entre le moyeu et la jante et transmet, avec une certaine flexibilité, les efforts latéraux de guidage du train. Les différentes formes de toile existantes sont : toiles droite, ondulée et conique.
– Il existe également des roues dont la toile est percée afin d’y fixer des absorbeurs de vibrations permettant de réduire les bruits de roulement ou de freinage.
– Les dimensions de la roue et son poids dépendent du matériel roulant en question, une roue de voiture de TGV admet par exemple un diamètre de 920 mm et pèse 350 kg. La fabrication d’une roue passe par trois étapes principales (Figure 1-2) : le forgeage, le traitement thermique et l’usinage. Dans la première étape, des lopins cylindriques d’acier à roue (voir composition chimique dans le Tableau 1-1) de longueur variable sont coupés suivant la dimension de la roue à fabriquer, ils sont ensuite chauffés à 1300 °C dans un four à sol tournant. À la sortie du four, la couche d’oxyde créée est enlevée par décalaminage, le forgeage est ensuite réalisé en plusieurs phases. L’ébauchage et le performage se font à l’aide d’une presse de 6000 tonnes. Le moyeu est percé par une presse de 400 tonnes. La forme finale de la roue est obtenue grâce à un laminage vertical. Pendant cette phase, la roue est maintenue par un axe passant par son moyeu et elle est soumise à l’action de plusieurs galets.

La fissuration de la roue

   Les composants ferroviaires et notamment les roues de train sont dimensionnés à l’aide de critères d’endurance afin de ne tolérer aucun amorçage de fissure du fait des sollicitations mécaniques. Cependant, des cas de roues fissurées ont été rencontrés dans le passé. Les analyses effectuées à l’Agence d’Essai Ferroviaire (AEF) ont montré que l’amorçage se fait dans la plupart des cas sur des entailles créées par chocs mécaniques (projections de ballast, etc…) ou sur les défauts de fabrication (replis de forge, etc…). Quant à la propagation, elle se fait par fatigue et nécessite un très grand nombre de cycles avant que la fissure n’atteigne une taille critique. Voici les observations faites par l’AEF suite aux expertises menées sur des roues fissurées (Figure 1-8) :
– L’amorçage des fissures se fait souvent dans la toile.
– La forme des fissures est semi-elliptique.
– Le plan de propagation est orthoradial.
Compte tenu des ces observations, on peut conclure que la fissure travaille essentiellement en mode I, sous chargement biaxial, avec un gradient de contrainte selon l’épaisseur de la toile pour les deux composantes. Le cisaillement étant relativement faible devant les deux autres composantes, on pourra ne considérer que le mode I et négliger le mode II.

Cas de surcharges unitaires

   Lorsqu’on applique une surcharge unitaire à une structure sollicitée en fatigue à amplitude constante, l’effet de la surcharge, contrairement à ce que l’on peut l’imaginer, est bénéfique. La surcharge retarde la propagation de la fissure. Le phénomène de retard observé après l’application d’une surcharge est bien connu dans la littérature et a fait l’objet de nombreux travaux. Ce phénomène spectaculaire peut être exploité par exemple lors de tests d’épreuve des composants travaillant sous pression (chaudières, canalisations, etc…). Cette méthode de contrôle destructif consiste à appliquer une surcharge à la structure. Si un défaut critique vis à vis du test d’épreuve existe dans la pièce, la pièce est détruite. Sinon, la pièce n’est pas rompue et les défauts souscritiques verront leur propagation par fatigue ultérieure ralentie voire supprimée grâce à l’effet de surcharge. On peut observer d’après la Figure 2-2 que la réponse de la fissure suite à l’application d’une surcharge peut varier d’un cas à l’autre. Selon les cas, le retard est plus ou moins grand et arrive plus ou moins tôt. L’effet de non retard (a) est observé pour les petites surcharges. Pour les surcharges plus élevées, le retard peut être immédiat (b), différé (c) ou perdu (d). Le retard différé est observé pour la plupart des matériaux, il correspond à un accroissement immédiat de la vitesse de propagation suivi d’une forte diminution de cette vitesse, le bilan global étant un retard. Selon le poids relatif de ces deux phases, le retard peut être plus ou moins important, voire nul (retard perdu) ou négatif. Pour les surcharges élevées, un blocage complet de la fissure peut avoir lieu. Globalement l’effet de retard après une surcharge dépend des conditions de chargement, de la longueur de la fissure, de sa forme mais également de la nature du matériau, de la température etc… Le modèle de propagation doit donc être capable de prendre en compte tous ces facteurs.

Loi de fissuration

   L’émoussement plastique ρ mesure la déformation plastique en pointe d’une fissure. Compte tenu des hypothèses que nous avons faites sur la forme des champs (2-18), il peut être assimilé à la partie permanente du CTOD (Crack Tip Opening Displacement). Il est accepté en général que le CTOD est le paramètre gouvernant la propagation de la fissure par fatigue sous amplitude monotone ainsi que sous amplitude variable [Masahiro 2004]. Le lien entre le CTOD et l’avancée d’une fissure a fait l’objet de plusieurs travaux proposant des scénarios de propagation à partir des observations fractographiques ([Laird 1967], [Pelloux 1969] et [Neumann 1969]). Nous présentons ici deux scénarios de propagation correspondant à deux mécanismes physiques différents. L’observation des faciès de rupture par fatigue de matériaux ductiles révèle souvent la présence de stries perpendiculaires à la direction de propagation de la fissure (Figure 2-23a). [Laird 1967] et [Pelloux 1969] furent les premiers à expliquer l’apparition de ces stries par une succession d’émoussements et d’aiguisements dus à la plasticité. Pour comprendre le mécanisme de propagation de Laird on va suivre l’évolution des faces de la fissure pendant un cycle de fatigue (charge+décharge) (Figure 2-23b). Au début de la charge, le déplacement des faces se fait par une simple ouverture élastique. Quand le chargement augmente, une zone plastique apparaît en point de fissure et celle-ci commence à s’émousser au fur et à mesure de la montée en charge, cela s’accompagne de la création de nouvelles surfaces par plasticité. Au début de la décharge, la fissure se referme élastiquement, et comme les champs semi-lointains sont élastiques, à charge nulle, la déformation imposée à la zone plastique est nulle. L’extrémité de la fissure subit donc une déformation plastique en retour. Cette déformation se produit en bas du cycle lorsque la fissure est presque refermée et ne peut pas compenser exactement la déformation plastique qui s’était produite quand elle était largement ouverte. En outre, du fait des réactions chimiques avec l’air, les surfaces libres récemment créées sont irréversibles. La fissure se propage donc finalement d’une longueur approximativement égale au rayon d’émoussement. Pour ce mécanisme de propagation, l’extension de la fissure provient donc d’une déformation plastique cyclique à l’extrémité de la fissure et le comportement plastique cyclique du matériau joue donc un rôle important dans la propagation. [Vladislav et al. 2005] ont réussi à simuler ce mécanisme de propagation par Eléments Finis, les calculs ont été effectués sur une plaque fissurée en déformation plane et la loi de comportement utilisée est élastoplastique non endommageable. Un remaillage automatique autour de la pointe de fissure a été effectué à chaque incrément de calcul pour résoudre les problèmes de création de surface libre au niveau de la pointe de fissure.

Loi d’émoussement (sans compression)

   L’émoussement plastique des lèvres de la fissure est calculé par Eléments Finis en s’appuyant sur une représentation simplifiée du champ de déplacement autour de la pointe de fissure. Une détermination expérimentale de l’émoussement est devenue aujourd’hui possible grâce auxnouveaux moyens de mesures expérimentales de champs de déplacement tels que la corrélation d’images. Cette technique expérimentale est plus lourde à mettre en œuvre que le calcul par Eléments Finis et ne permet de caractériser la loi d’évolution de ρ qu’en surface. Cependant cette méthode à l’avantage de ne pas être dépendante du choix du modèle de comportement du matériau. Par contre, elle ne permet pas d’étudier indépendamment les évolutions des variables du modèle en fonction de ρ et a , c’est-à-dire faire avancer la fissure sans l’émousser ou l’émousser sans la faire avancer. Nous employons la méthode des Eléments Finis dans cette étude mais il serait très intéressant d’utiliser la corrélation d’images dans le futur, au moins pour valider les calculs numériques. Sur la Figure 2-26 est présentée l’évolution de l’émoussement plastique obtenue par Eléments Finis en fonction du facteur d’intensité des contraintes appliqué pour une succession de charges-décharges croissantes. Cette évolution a été obtenue en appliquant la projection définie au paragraphe § 2.3.2.1. On a veillé à ce que la zone plastique en pointe de fissure reste confinée par rapport à la zone de dominance en K .

Bibliographie sur l’effet des phases de compression sur la fissuration

   La part du cycle de fatigue pendant laquelle la fissure est sollicitée en compression a un effet sur la vitesse de fissuration par fatigue. Comment expliquer ceci, si la fissure, une fois fermée, ne joue plus le rôle de concentrateur des contraintes ? La réponse à cette question est double. La première raison est que la fissure n’est pas toujours fermée quand elle est soumise à de la compression. En effet, quand le niveau de chargement est élevé, l’émoussement en pointe de fissure est conséquent et la fissure ne se referme pas à contrainte nulle, il devient nécessaire de comprimer la pièce pour refermer la fissure. Ainsi, une fraction de la partie compressive du cycle peut être efficace et faire avancer la fissure. La Figure 3-2 montre l’évolution du niveau d’ouverture d’une fissure obtenue par le modèle de [Newman 1981] en fonction du rapport de charge et de la contrainte maximale appliquée. On observe que le niveau d’ouverture de la fissure diminue avec le rapport de charge tandis que la partie efficace du cycle augmente. Pour un même rapport de charge appliqué, le niveau d’ouverture décroît quand le chargement maximal S y max augmente par rapport à la limite d’élasticité R0 . Ce niveau d’ouverture peut même devenir négatif pour les chargements élevés du fait d’un émoussement conséquent en pointe de fissure. Le terme de « compression » seul n’a donc pas de sens en fissuration. Ce qui est important, c’est la position du point de contact, et la part du cycle de fatigue se trouvant en dessous de ce point de contact. Ce point de contact peut être obtenu pour des contraintes macroscopiques appliquées positives ou négatives.

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Table des matières

Table des figures et des tableaux
Notations
Introduction
Chapitre 1 Bibliographie générale
1.1 La roue de train
1.1.1 La roue, ses fonctions et sa fabrication
1.1.2 Le chargement de la roue
1.1.3 La fissuration de la roue
1.1.4 La maintenance de la roue et objectifs de la thèse
1.2 Eléments de mécanique de la rupture
1.2.1 Modes de fissuration et champs de contrainte autour d’une fissure en mode I
1.2.2 Limites de validité des champs présentés
1.2.2.1 Taille de zone plastique
1.2.2.2 Limite du développement asymptotique
1.2.3 Propagation des fissures par fatigue
1.2.4 Limites de la démarche classique
1.3 Bilan du Chapitre 1
Chapitre 2 Le modèle de fissuration par fatigue sous amplitude variable
2.1 L’amplitude variable dans les toiles des roues
2.2 Bibliographie : la fissuration sous chargement d’amplitude variable
2.2.1 Effet du chargement à amplitude variable sur la fissuration
2.2.1.1 Cas de surcharges unitaires
2.2.1.2 Chargement par blocs
2.2.2 La modélisation de la fissuration sous chargement d’amplitude variable
2.3 Le modèle incrémental de propagation
2.3.1 Présentation du modèle
2.3.2 Etude des champs de déplacements en pointe de fissure
2.3.2.1 Hypothèse de projection du champ de déplacement
2.3.2.2 Décomposition de Karhunen-Loeve
2.3.2.3 Hypothèse de projection du champ de déplacement retenue
2.3.2.4 Vérification par Eléments Finis
2.3.2.5 Interprétation
2.3.3 Equations d’évolution du modèle
2.3.3.1 Loi de fissuration
2.3.3.2 Loi d’émoussement (sans compression)
2.3.4 Méthode d’implémentation
2.3.5 Méthode d’identification
2.4 Identification des paramètres de la loi pour l’acier à roue
2.4.1 Identification du comportement élastoplastique
2.4.2 Identification des paramètres de la loi d’émoussement
2.4.3 Identification du paramètre de la loi de fissuration
2.5 Confrontation essais calculs
2.6 Etude de sensibilité
2.7 Bilan du Chapitre 2
Chapitre 3 Enrichissement du modèle
3.1 Effet des phases de fermeture de la fissure
3.1.1 Position du problème
3.1.2 Bibliographie sur l’effet des phases de compression sur la fissuration
3.1.3 Essais réalisés
3.1.4 Etude et modélisation de l’effet des phases de fermeture de la fissure
3.1.4.1 Etude de l’effet des phases de fermeture par Eléments Finis
3.1.4.2 Modélisation de l’effet des phases de fermeture
3.1.4.3 Confrontation des simulations et des essais
3.2 Etude de l’effet de la biaxialité du chargement
3.2.1 Problème
3.2.2 Biaxialité et fissuration par fatigue, étude blibliographique
3.2.2.1 Définitions
3.2.2.2 Influence de T sur la taille de la zone plastique
3.2.2.3 Influence de T sur le chemin de propagation
3.2.2.4 Influence de T sur la vitesse de propagation
3.2.2.5 Evolution de la contrainte T dans quelques éprouvettes
3.2.2.6 Modèles tenant compte de T
3.2.3 Essais réalisés : tentatives, échecs et succès
3.2.4 Etude par Eléments Finis de l’effet de la contrainte T
3.2.4.1 Effet de la longueur de la fissure sur T
3.2.4.2 Sensibilité du seuil d’émoussement à T
3.2.5 Identification du modèle
3.2.6 Confrontations essais/simulations
3.3 Bilan du Chapitre 3
Chapitre 4 Application en 3D
4.1 Position du problème
4.2 Bibliographie
4.2.1 Champs asymptotiques pour une fissure semi-elliptique
4.2.2 Le passage 2D-3D
4.3 Essais de validation
4.3.1 Essais sur éprouvettes
4.3.2 Essais sur roue à l’échelle 1
4.4 Méthode de modélisation de la fissure semi elliptique
4.5 Confrontation essais simulations
4.6 Bilan du Chapitre 4
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Annexe A Plan de prélèvement des éprouvettes et expressions d’évolution de K et T
Annexe B Méthodes de calcul de K
Annexe C Equations d’implémentation du modèle incrémental
Annexe D Calcul de l’éprouvette cruciforme
Annexe E Calcul de K et T d’une fissure semi-elliptique en bi-traction et bi-flexion combinées
Annexe F Article

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