S’envelopper pour exister : l’intérêt d’une (re)structuration des enveloppes psychocorporelles pour restaurer le sentiment d’exister

Qu’est-ce que les enveloppes psychocorporelles : Leurs constructions ? Leurs structurations ? Leurs représentations ? En quoi consistent-elles ? Sont-elles psychiques ou physiques ? Sontelles internes ou externes au corps propre ? Par quoi peuvent-elles être troublées ? Comment les réparer ? Ces diverses interrogations sur les enveloppes, que je développerai plus loin, m’ont habitées tout au long de l’année. L’idée de traiter ce sujet m’est venu depuis mon terrain de stage en pédopsychiatrie. Dans ce milieu, le psychomotricien se trouve souvent face à des enfants présentant des manifestations psychocorporelles d’un mal-être psychique. La clinique à laquelle je suis confrontée est particulièrement en demande d’enveloppe, de sécurité, de contenance. Je me suis donc penchée sur ce sujet afin de comprendre : Pourquoi ces enfants sont-ils en demande de cela ? En quoi le fait de répondre à cette demande leur permettraient-ils d’avancer dans leur problématique psychocorporelle ? Et surtout comment y répondre en séance de psychomotricité ? Sur mon terrain de stage, j’ai choisi de m’intéresser à deux enfants en particulier, Danny et Thomas . Ils expriment des angoisses quotidiennement. Quand et de quelle manière ces angoisses sont-elles apparues ? Ont-elles un lien avec l’intégration des enveloppes psychocorporelles ? Témoignent-elles d’une structuration défaillante de leurs enveloppes ? Sont-elles la manifestation corporelle d’un sentiment de ne pas, ou de mal habiter leur corps, de ne pas exister au travers de leur corps ?

Clinique

L’institution

Le CMP
J’effectue mon stage dans un Centre Médico-Psychologique (CMP). C’est une institution extrahospitalière, sectorisée et rattachée à un Centre Hospitalier. Elle est donc publique et garantit des consultations médico-psychologiques et sociales gratuites. Ces consultations sont proposées par une équipe pluridisciplinaire, à des patients en souffrance psychique. Le CMP peut aussi orienter ses patients vers d’autres institutions psychiatriques plus adaptées.

Il existe des CMP pour adultes ou pour enfants.

Concernant mon lieu de stage, le centre accueille des enfants et adolescents de 0 à 20 ans. La structure partage ses locaux avec un CMP adulte. Au rez-de-chaussée, se trouvent les locaux du CMP enfant, et à l’étage ceux du CMP adulte. La salle d’attente a longtemps été commune aux deux structures. Seulement, pour des raisons de sécurité, elle a été dissociée l’année dernière. La salle de psychomotricité est carrée avec une grande surface. Elle est composée d’une double porte à l’entrée formant un SAS, où les enfants enlèvent leurs chaussures avant d’entrer dans la salle.

L’enveloppe institutionnelle fragile

Dans un CMP enfant, l’équipe pluridisciplinaire est normalement constituée de cadre de santé, de secrétaires, d’infirmières, d’un ou plusieurs pédopsychiatres et psychologues faisant fonction de consultant, d’assistant social, d’un ou plusieurs psychomotriciens. Il peut aussi y avoir des orthophonistes, des ergothérapeutes, des arthérapeutes ou musicothérapeutes.

L’admission d’un enfant au CMP se fait soit par le biais d’une recommandation médicale soit à la suite d’une demande des parents. L’enfant et sa famille sont ensuite placés sur liste d’attente ou obtiennent directement un rendez-vous avec un consultant, selon l’urgence de la situation. Cette année, tout au long de mon stage, je suis confrontée indirectement à des problématiques institutionnelles au CMP. L’enveloppe de l’institution est sensible. Les relations entre professionnels sont conflictuelles et le travail thérapeutique en équipe est délicat. De ce fait, beaucoup de professionnels ont quitté l’institution cette année. A ce jour, trois psychologues, une psychomotricienne, la secrétaire, l’assistante sociale et l’infirmière sont partis du  CMP. Ces professionnels n’ont pas encore été remplacés. Actuellement, il reste donc deux psychologues consultants, le pédopsychiatre et une psychomotricienne. Du fait de ces nombreux départs, beaucoup d’enfants subissent une interruption thérapeutique complète. Ils sont alors replacés sur la liste d’attente, en attendant de nouvelles embauches. Cela agit sur l’aspect psycho-affectif des enfants et de leurs familles qui investissent ces espaces thérapeutiques. Certains ont pu ressentir des angoisses d’abandon, de séparation voire de mort à l’annonce du départ de leur thérapeute. J’observe que la dynamique institutionnelle est précaire, les réunions de synthèse sont pauvres en informations cliniques, et les échanges verbaux entre thérapeutes sont quasi-inexistants.

La place de la psychomotricité
Le métier de psychomotricien en CMP permet une prise en charge globale du patient atteint de troubles psychiatriques. L’intérêt en psychiatrie, est de centrer la thérapie sur et par le corps. Les objectifs thérapeutiques sont variés mais vont tous dans le sens de l’acquisition, par l’enfant, d’une autonomie et des compétences psychomotrices, sociales et relationnelles. Les indications en psychomotricité sont rédigées par les consultants (psychologues ou psychiatres). Pour qu’une prise en charge en psychomotricité ait lieu, il faut que l’enfant soit suivi en consultation par un psychologue ou un psychiatre.

Dans cette institution, la psychomotricité est présente : ma maître de stage est en Contrat à Durée Indéterminée (CDI) à mi-temps. Il reste actuellement un second mi temps à pourvoir. Le rôle et l’intérêt de la psychomotricité dans ce CMP est peu compris et peu reconnu par les membres de l’équipe. La psychomotricienne reçoit des patients en individuel pendant quarante minutes, à raison d’une fois par semaine. De plus, elle coanime, avec un psychologue, un groupe de quatre enfants présentant des troubles du spectre de l’autisme. J’assiste à ce groupe le mercredi matin.

Ma place de stagiaire 

Pour ce qui est de ma place en tant que stagiaire je me suis intégrée au sein de l’équipe, même si l’accueil n’a pas été des plus chaleureux. Le stage est très intéressant et formateur. Les échanges cliniques et théoriques avec ma maître de stage et le psychologue animant le groupe m’apportent beaucoup. Cependant, j’ai eu très peu l’occasion d’échanger avec d’autres professionnels durant les temps informels. Les conflits institutionnels ont rendu difficile l’accès aux informations médicales de mes cas cliniques. Je développe, par la suite, mon observation de deux patients suivis en psychomotricité en séance individuelle.

Le cas de Danny 

Ma rencontre avec Danny

Avant mon arrivée en septembre, l’alliance thérapeutique avec la psychomotricienne est fragile. Danny est souvent absent aux séances, le suivi thérapeutique n’est pas régulier. Il entame sa dixième séance de psychomotricité au moment de ma venue. La psychomotricienne et moi allons le chercher dans la salle d’attente. Danny est un enfant de 8 ans (…/06/2011), plutôt grand, il adopte une démarche d’adolescent. Il est expressif et parle fort. Il semble intrigué, me regarde dans les yeux et me questionne immédiatement sur la raison de ma présence. Pour autant, Danny a été prévenu auparavant de mon arrivée.

Une fois dans la salle, la psychomotricienne me présente et réexplique les modalités de mon stage. Ce dernier accepte ma présence, même si il me regarde avec méfiance en début de séance. Il garde malgré tout son comportement habituel, selon les dires de la psychomotricienne. La séance se déroule en fonction des envies de Danny. Nous jouons donc à différentes activités, il arrive à m’inclure dans celles-ci. Cependant, il instaure une relation plutôt concurrentielle entre lui et moi. C’est-à-dire qu’il souhaite être meilleur que moi lorsqu’on joue au tennis ou à la corde à sauter. Danny présente une importante agitation psychomotrice et un besoin fréquent de chuter au sol pendant la séance. J’ai pu aussi percevoir une intolérance à la frustration, puisqu’il s’est montré fâché lorsque j’ai sauté plus longtemps que lui à la corde. De même, en anticipant la fin de la séance, Danny a refusé de ranger le ballon de baudruche, qui nous a servi pour le tennis, et l’a même percé.

En fin de séance, nous réussissons malgré tout à effectuer un temps calme médiatisé par une balle à picots. A cet instant, il se montre plus apaisé lorsque la psychomotricienne passe la balle tout autour de son corps. De plus, il demande à inverser les rôles, et nous passe donc la balle dans le dos, à toutes les deux. Je le sens soucieux et appliqué dans ce qu’il nous propose. La séparation n’a pas été compliquée sur la fin de séance. Le temps calme offrant une contenance corporelle par la balle à picots, et groupale par notre présence, aurait-il permis à Danny de se sentir suffisamment sécure pour se séparer ? En discutant avec la psychomotricienne a posteriori, nous trouvons intéressant de reproposer un temps calme à la fin de chaque séance, sachant qu’il ne l’avait pas expérimenté auparavant. Ceci permettrait à Danny de se poser et de prendre conscience de son corps autrement qu’à travers le mouvement.

Séance révélatrice : Le 9 octobre 2019

Lors de cette séance du 9 octobre 2019, la psychomotricienne instaure un jeu créatif avec de la pâte à modeler. Danny crée des formes en pâte à l’aide d’emporte-pièces. A plusieurs reprises il abîme sa forme lorsqu’il la retire de l’emporte-pièce. Il se met alors fortement en colère, détruit toutes ses créations et jette les morceaux de pâte à modeler partout dans la salle. J’observe qu’il est confronté à la frustration de ne pas réussir ses créations et présente une impossibilité à contenir sa colère et par conséquent son tonus. C’est la première fois que je le vois dans un état d’explosion tonico-émotionnelle aussi conséquent.

Il lui est verbalisé qu’il est interdit de lancer la pâte dans la salle. Il cesse alors et part se cacher sous la toupie géante, objet de taille importante qui permet de se balancer et de tournoyer à l’intérieur.

Je comprends son comportement comme un besoin de s’isoler dans un coin de la salle, afin de contenir les émotions qui le submergent. Je perçois chez lui un besoin de réparation, de récupération de son état tonico-émotionnel de base. Pour cela, il retrouve une enveloppe contenante, dure, solide et sécurisante : la toupie géante. La psychomotricienne et moi lui proposons alors de construire une cabane avec cette toupie, ce qu’il accepte. Il redevient jovial et moins rigide toniquement. A sa demande nous sortons des tunnels en tissu pour prolonger la cabane. Nous jouons à faire semblant dans cet espace, et c’est Danny qui donne le thème du jeu, à savoir « la famille ». Nous l’étayons pour qu’il aille plus loin dans son imaginaire. Danny est en réelle difficulté pour ce qui est de créer des histoires, avec des personnages et des situations précises. Il nous met, peu de temps après, sur la voie d’une proposition différente, lorsqu’il s’installe à l’intérieur du tunnel. Nous prenons, la psychomotricienne et moi, chacune un côté du tunnel, puis nous le soulevons et effectuons des bercements. Danny apprécie beaucoup cette exploration vestibulaire et proprioceptive, il la verbalise. Cette proposition est de l’ordre du retour vers l’archaïque et le régressif, par le portage. J’imagine que cet enfant est en recherche d’enveloppes matérialisant ses limites corporelles. Cela semble apaiser son agitation motrice. En fin de séance, la psychomotricienne lui propose de se coucher sur un tapis. Nous disposons un deuxième tapis sur lui, puis chacune à notre tour, roulons sur ce deuxième tapis. Nous écrasons Danny afin qu’il ressente son corps différemment et qu’il puisse en prendre conscience, sans douleurs. Il trouve cette proposition ludique et ne cherche pas à y échapper. La séparation est délicate pour Danny, il semble anxieux. Mais il supporte malgré tout de remettre ses chaussures et de quitter la salle calmement. Il me fait un câlin une fois dans la salle d’attente. La psychomotricienne lui verbalise que le bon comportement à avoir est plutôt celui de serrer la main.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE 1 : CLINIQUE
I. L’INSTITUTION
1. Le CMP
2. L’enveloppe institutionnelle fragile
3. La place de la psychomotricité
4. Ma place de stagiaire
II. LE CAS DE DANNY
1. Ma rencontre avec Danny
2. Séance révélatrice : Le 9 octobre 2019
3. Déroulement des séances et évolution
4. Anamnèse
4.1 Petite enfance
4.2 Histoire familiale
4.3 Entrée en soin et scolarité de Danny
III. LE CAS DE THOMAS
1. Ma rencontre avec Thomas
2. Séance marquante : Le 15 janvier 2020
3. Déroulement des séances et évolution
4. Anamnèse
4.1 Petite enfance
4.2 Histoire familiale
4.3 Scolarité et entrée en soin de Thomas
4.4 Accompagnement parental en psychomotricité
IV. CONCLUSION DE LA PARTIE CLINIQUE
PARTIE 2 : THEORIE
I. RELATION MERE-BEBE : CONTENANCE ET INTERACTIONS PRECOCES
1. Enveloppe primaire pendant la grossesse
2. Naissance et développement psychomoteur des premiers mois
3. La contenance qu’apporte le toucher dans la dyade mère-enfant
4. Le tonus et les émotions comme support des interactions précoces
4.1 Le tonus
4.2 L’émotion
4.3 Le dialogue tonique
4.4 Le dialogue tonico-émotionnel
II. LA CONSTRUCTION DES ENVELOPPES PSYCHOCORPORELLES CHEZ LE BEBE
1. Les composants de l’enveloppe
2. Le Moi-peau de D. Anzieu
3. Le concept d’enveloppe psychique
4. Les enveloppes psychocorporelles
4.1 L’enveloppe de construction de la corporéité
4.2 L’enveloppe d’appropriation
4.3 L’enveloppe de différenciation
III. LORSQU’UN DEFAUT DE STRUCTURATION DES ENVELOPPES SURVIENT
1. Fonction de pare-excitation défaillante
2. Conséquences sur l’enveloppe tonique
3. Enveloppe de construction de la corporéité fragilisée
4. Conséquences sur l’individuation de l’enfant
4.1 Etayage psychomoteur et sécurité affective fragiles
4.2 Continuité d’existence et capacité d’être seul mises en péril
IV. MANIFESTATIONS COMPORTEMENTALES DE CE DEFAUT DE CONTENANCE
1. L’anxiété et l’angoisse
2. Les angoisses archaïques
PARTIE 3 : DISCUSSION
I. UNE ENFANCE TROUBLEE, UNE ENVELOPPE DESTRUCTUREE
1. Si la mère n’est pas disponible dans les premiers mois
2. Si l’enfant et sa famille sont en deuil
3. Troubles tonico-émotionnels et agitation : conséquences d’une enveloppe attaquée ?
II. LE TRAVAIL DU DEDANS/DEHORS A TRAVERS UN CADRE THERAPEUTIQUE
1. Les notions clés d’une différenciation du dedans et du dehors : le schéma corporel, l’image du corps, les limites corporelles
2. Les enveloppes spatiales et temporelles du cadre thérapeutique
2.1 L’enveloppe spatiale
2.2 L’enveloppe temporelle et rythmique : rituels et repères en séance de psychomotricité
3. Travail du dedans/dehors à travers l’intégration de la structure du corps
3.1 L’os
3.2 L’enveloppe institutionnelle : une structure de soutien ou une enveloppe poreuse?
3.3 L’articulation
3.4 L’articulation entres les différents espaces
3.5 Le muscle
3.6 La peau
III. UN CONTENANT EXTERNE POUR UNE CONTINUITE INTERNE
1. L’enveloppement : un besoin sensoriel
1.1 Sollicitation proprioceptive par le portage
1.2 L’apport de la machine à serrer de T. Grandin
2. Le matériel de psychomotricité : un support pour exister
2.1 Le hamac
2.2 L’enveloppe sonore : une implication psycho-affective du thérapeute
2.3 La toupie géante
3. La continuité d’existence au service d’un apaisement des symptômes visibles
IV. LA PRISE EN CHARGE CONTENANTE : UN SOUTIEN DE L’IDENTITE
1. La sensorialité au service de la construction identitaire
2. Le narcissisme primaire et secondaire : une application de l’interface dedans/dehors
3. L’estime de soi
V. MA PLACE DE STAGIAIRE : UNE IDENTITE PROFESSIONNELLE EN CONSTRUCTION
CONCLUSION

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