Sens philosophique du cosmos heracliteen

SENS PHILOSOPHIQUE DU COSMOS HERACLITEEN 

La notion de Cosmos avant et après Héraclite

Avant Héraclite
Dans L’Iliade il est dit : « Or, voici la décision qui parut la meilleure à son cœur ; se rendre sur L’Ida, après s’être elle-même bien parée (κοσμοίν), essayer si Zeus désirait par amour dormir contre sa chair […] » . Dans ce passage, Homère entend par Cosmos « parure ». Et il est vrai qu’une parure rend attirable celui qui la porte. En règle générale, on porte un collier en or pour se faire remarquer. La parure donc n’est pas faite pour elle-même, mais pour celui qui la porte. Dans L’Odyssée , Cosmos arrive à signifier « arrangement », « construction ». Il s’agit de l’arrangement du « cheval de bois ». On sait que l’utilisation du « cheval de bois » a suscité de nombreuses interprétations, mais ce qu’il faut voir dans « arrangement », c’est la monture du cheval que le cavalier prépare avant de se mettre en route. Et chez Théognis , κόσμον signifie ordre politique ou social, et, en général, « ordre », « bon ordre ». A cet effet, l’ordre politique et social est la condition de l’harmonie des classes qui composent la société. On peut dire donc qu’avant Héraclite, Cosmos signifiait plutôt « parure », mais il arrivait à signifier, comme dans le cas de Théognis, « ordre » ou « bon ordre ».

Après Héraclite
Dès le Ve siècle, le mot cosmos désigne un ensemble ordonné, un ensemble structuré. Le Cosmos pour Empédocle  et même pour Anaxagore, désigne un «ensemble bien ordonné régi par une loi ». Le cosmos signifie ainsi pour la plupart des penseurs grecs de cette époque, ce monde-ci, un monde bien ordonné. D’après Diogène Laërce  et Aetius , Pythagore aurait appelé ούρανός (le ciel), κόσμος. La question alors, c’est de savoir si l’ordre dont il s’agit signifie l’ordre d’ούρανός ou l’ordre des choses. Comme le dit Aetius , c’est au ek ton olon, c’est-à-dire à la totalité des choses que Héraclite a ôté le repos et la stabilité. Aetius entend ainsi commenter le pantha- rhé du fragment 136Conche. Précisons que cette sentence d’Héraclite, la plus connue des intellectuels, est celle qui suscite plus de doutes parmi les traducteurs et commentateurs d’Héraclite, quant à son authenticité. Diels, Kirk, Marcovich, Bywater la rejettent même si on la rencontre chez Platon, le plus ancien citateur d’Héraclite . Nous retrouvons également cette sentence chez Aristote . Après ces précisions, considérons avec Aetius que ce qui coule, c’est ce qui est en mouvement, ce sont les choses du ciel et de la terre, lesquelles sont les composantes de l’ordre réalisé. Ici apparaît en filigrane l’idée d’une structuration d’éléments différents formant un tout : le monde-ci qui est la totalité des choses. Enfin, ce système offert aux sens ne peut être appréhendé que par des sens éclairés par le discours de raison qui sait entrevoir le ξυνός λογος. Rappelons toutefois que pour Héraclite toutes choses sont au monde, et « toutes choses coulent» . Le cosmos qui « était toujours » est certes un ordre réalisé, mais qui englobe aussi toutes les réalités : le ciel, la terre, les homes, les dieux, sont des choses du monde ordonné.

Le Cosmos n’est donc pas le ciel, mais comme le remarquent tous les commentateurs « la totalité des choses » . Ќοσμόν τόνδε : à savoir « ce monde-ci » qui se montre à nous dans l’offrande sensorielle est un et unique ; monde dans lequel toutes les choses trouvent leur condition d’existence. Le cosmos héraclitéen est l’Univers tout entier qui enveloppe tout ce qui existe. Cet ordre, cependant, n’est pas une simple « sommation », mais enveloppe l’idée de structuration. C’est pourquoi tous les commentateurs s’accordent à dire que le cosmos héraclitéen signifie « monde » tout court.

Quelle origine pour le Cosmos ?

Comme à son pli, Héraclite semble vouloir opposer l’acception traditionnelle du terme au contenu notionnel qu’il donne au Cosmos. On sait que les parures, les ornements (κοσμοίν) sont des choses qui sont créées par les hommes pour le culte du beau. D’autre part, si les politiques, qui eux aussi sont des êtres (κοσμοίν), doivent être des miroirs sur lesquels se reflète la personnalité des citoyens, c’est qu’avant tout, ces politiques sont de simples êtres vivants soutenus et conservés par les dieux. Le cosmos de la pensée d’Héraclite, quant à lui, n’est fabriqué ni par un dieu ni par un homme. Bien que la constance et l’ordre reviennent, le plus souvent, au pouvoir d’un dieu, le monde héraclitéen n’est pas l’œuvre d’un démiurge. Et d’autre part, si « le monde sera toujours feu vivant » , le feu n’en est pas pour autant l’artisan du cosmos, encore moins le destin qui l’attend. Aussi, serait-il absurde de soutenir que l’homme a été l’artisan de ce « mondeci ». Ainsi, le monde précède dieux, hommes, providence, êtres vivants, fortune. Les dieux à qui l’homme concédait la création du monde sont au monde, lequel est sans origine.

Le monde n’a pas eu de commencement ; les cosmogonies mythologiques sont détrônées. S’il en est ainsi, c’est parce que le monde héraclitéen obéit à sa propre justice, car l’ordre du monde se suffit à lui-même. Mais le cosmos ne serait pas le tout où toutes choses sont un comme s’il y avait, à la manière des cosmogonies traditionnelles, un principe extérieur, ou un dieu ordonnateur et organisateur. Un vivant créateur d’ordre universel est une chimère. Pour Héraclite, dieux et hommes vivants, qui participent de l’ordre universel, dialectiquement en système ordonné, sont tous des éléments d’un monde déjà là. Et le monde est la condition nécessaire des possibles êtres qui le peuplent. C’est ainsi que toute théogonie est condamnée d’avance. Cette interprétation ne saurait être en contradiction avec la pensée d’Héraclite que nous rencontrons dans le fragment 65 Conche ou Fr. 32 DK : « L’Un, le sage ne veut pas et veut être appelé du nom de Zeus ». Ce Zeus-ci est le Zeus cosmique qui symbolise la lumière dont le contraire est Hadès. C’est là un retour au sens traditionnel où Zeus se conçoit comme le symbole de la vie universelle, lumière du cosmos. D’ailleurs, on retrouve cette acception traditionnelle du Zeus cosmique chez Platon . Il reste que pour Héraclite, le principe par lequel nous vivons est aussi celui par lequel nous mourrons. Le Zeus de la mythologie grecque n’est pas une composante de la dialectique « vie-mort », mais seulement de la vie. Si donc nous réalisons avec Héraclite l’éternité du cosmos, comme étant antérieure á toutes choses, nous comprendrons le fait que L’Un ne veuille pas être appelé seulement du nom de Zeus.

C’est pour dire que le Zeus grec n’est pas l’auteur du cosmos. C’est comme si Héraclite récuse toute la mythologie qui cherche toujours à remonter à une prétendue création ou fabrication du monde. Le problème ne se pose pas pour Héraclite, car le monde que voici était là avant ces dieux de la mythologie. On ne peut donner une origine au cosmos, si tant il est vrai que le cosmos est né en même temps que le temps. Rappelons à cet effet que tous les peuples ont, dans la recherche de la question sur l’origine du monde, trouvé la nécessité de remonter à la réalité mythique. Nous retrouvons le même défi après des siècles dans la science d’aujourd’hui. En effet, les scientifiques pensent que l’origine de ce monde-ci peut trouver une explication dans la réalité du BIG BANG . Pour Héraclite, en revanche, l’homme doit faire l’économie de cette question très tentante pour aller à l’essentiel : la connaissance des réalités du monde.

Qu’est-ce que le cosmos héraclitéen ? Contenu notionnel et philosophique 

Le cosmos héraclitéen, condition de toutes les réalités, n’a pas eu de commencement ; il « était toujours, est et sera, feu toujours vivant » . Il faut entendre par le monde était toujours qu’il persiste dans la durée. L’éternité du monde serait une durée infinie qui aurait pris naissance en même temps que le temps, d’où temps et éternité se confondent chez Héraclite. En ce sens, le cosmos n’a pas eu de commencement et il n’aura pas non plus de fin. Toutefois, la condition temporelle est la condition éternelle du monde. Alors, que faut-il déduire d’un cosmos éternel « toujours vivant » ? S’agit-il d’un « cosmos éternel » au sens d’Aristote et de la Scolastique ? Le sens est-il aeternitas ? Ou Sempiternitas ? Le monde sera « feu toujours vivant » veut dire que la série infinie des états successifs du monde n’est jamais écoulée, elle coule de manière irréversible. Le monde dure sans cesse ; il change et passe indéfiniment. C’est pourquoi, Conche  parle du monde comme d’ « un événement ». Le monde s’actualise sans jamais disparaître ; il émerge, advient toujours à nouveau. Le monde donc « sera » toujours, car il n’est pas une somme d’événements, c’est plutôt un système qui s’auto-régit où le désordre, la dissolution ne prendront jamais l’avantage sur leur contraire, où la « loi interne du monde »  que Héraclite appelle θειος νόμος empêche tout excès. C’est ainsi que le cosmos est un « feu toujours vivant ». Mis en en apposition à κόσμον, cette expression « feu toujours vivant » montre que le monde n’existe qu’au présent, un présent mourant.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : LES PRINCIPES FONDAMENTAUX DE LA DOCTRINE COSMOLOGIQUE D’HERACLITE
CHAPITRE 1: SENS PHILOSOPHIQUE DU COSMOS HERACLITEEN
1-1: La notion de Cosmos avant et après Héraclite
1-1-1 : Avant Héraclite
1-1-2 : Après Héraclite
1-2: Quelle origine pour le Cosmos ?
1-3 Qu’est-ce que le cosmos héraclitéen ? Contenu notionnel et philosophique
CHAPITRE 2 : LE LOGOS ET LA CONNAISSANCE DU MONDE
2-1 Significations du logos chez Héraclite ?
2-2: Le logos et son expression: Quelle place pour l’homme et les dieux ?
2-2-1: L’Homme et le logos
2-2-2: Divinité et logos
2-3: Le logos et le cosmos
DEUXIEME PARTIE : LA COSMOLOGIE HERACLITENNE
CHAPITRE I : COSMOLOGIE PHYSIQUE
1-1: Le feu pour principe: La notion de polémos
1-2: Echanges cosmiques et notion de conversion
1-3: L’astronomie et les phénomènes météorologiques
CHAPITRE 2 : LA PROBLEMATIQUE DE L’ETERNITE DU COSMOS
2-1: Que faut-il entendre par éternité du cosmos?
2-2: Comment penser le temps chez Héraclite?
2-3: La question de la destinée du Cosmos et la notion d’ecpyrosis
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE

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