Savane : un écosystème complexe

La savane: un écosystème complexe

Les savanes constituent un écosystème complexe dominé par une formation herbeuse pouvant ou non contenir des ligneux et régulièrement parcourue par le feu (César, 1991; Jensen et al., 2001). En Afrique, les écosystèmes savanicoles couvrent approximativement la moitié des terres (Scholes et Walker, 1993; Collett et Neumann, 1995). La savane en Afrique se divise en deux zones distinctes: la région soudanienne dans l’hémisphère nord et la zone zambézienne dans l’hémisphère Sud. La zone soudanienne est située entre 6o et 13o de latitude Nord et couvre une superficie de 5,25 millions de Km2 . Elle s’étire d’Ouest en Est, du Sénégal à l’Ethiopie (Menaut et al., 1995) et est caractérisée par une saison sèche de 6 à 7 mois et une pluviosité moyenne annuelle de 700 à 1200 mm (Menaut et al., 1995). Outre les variations climatiques observées et la forte pression démographique qui les caractérisent, les savanes sont aussi des milieux très hétérogènes dans leurs faciès et dans leurs fonctionnements. On peut aborder cette hétérogénéité sous ses formes structurelle et fonctionnelle. Celle structurelle qui regroupe la structuration spatiale des végétaux (densité et agrégation des arbres) et des nutriments (quantité et capacité de rétention d’eau, quantité de matière organique) est régulée par la l’hétérogénéité du sol (Menaut et al., 1995). Elle influence notamment, le déroulement des processus de l’écosystème dans l’espace et conditionne l’hétérogénéité fonctionnelle en contraignant la répartition spatiale des ressources et les perturbations telles que le feu, et l’herbivorie. En dehors de cette hétérogénéité, les savanes sont caractérisées par des interactions complexes entre au moins quatre processus qui peuvent expliquer leur formation et leur maintien: la compétition pour l’eau et pour les nutriments (Scholes et Archer, 1997), le rôle de l’herbivorie et celui du feu (Gignoux et al., 1997; N’Dri, 2011). Parmi ces facteurs, les feux de brousse d’origine anthropique qui occasionnent des pertes de nutriments en savane, sont reconnus comme l’un des facteurs écologiques les plus actifs de la modification de cet écosystème (Raison et Woods, 1986; Snyman, 2004).

Feu et cycle des nutriments en savane 

En savane, le feu est reconnu comme une perturbation majeure qui contribue notablement à la perte d’éléments nutritifs. Ces pertes varient en fonction de la saison du feu (précoce, tardif) et de la structure de la végétation (Menaut et al., 1993). Appliqués précocement, les feux induisent une volatilisation modérée de l’azote comparativement aux feux tardifs qui surviennent au moment où la végétation est complètement sèche. Les feux entraînent aussi des perturbations dans l’équilibre herbes/arbres (Frost et Robertson, 1985; Bond et Van Wilgen, 1996) et influencent aussi l’apport des nutriments dans le sol. En plus de leur effet destructif sur la végétation, les feux ont des répercussions sur le sol et particulièrement sur les horizons superficiels dont ils modifient les propriétés physiques, chimiques et biologiques (Raison, 1979; Diaz-Fierros et al.,1990; Prieto-Fernandez et al., 2004; Malmström et al., 2009; Certini et al., 2011; Mataix-Solera et al., 2011; Gongalskya et al., 2012; Badia-Villas et al., 2014). La végétation consumée retourne en effet à la surface du sol sous forme de cendre, et constitue un apport en éléments fins et en éléments nutritifs pour le sol (ammonium et ions nitrate) (Gillon, 1990; Certini et al., 2011). Cet apport en cendre rehausse aussi la valeur du pH du sol, stimule par conséquent l’activité microbienne et parallèlement la minéralisation de l’azote (Abbadie, 2006). Cependant, dans un écosystème sujet aussi à des contraintes climatiques, le devenir des cendres sur le sol reste problématique car elles sont souvent rapidement emportées par le vent ou entraînées par les eaux de pluies ou (Gillon, 1990). La perte de la couverture du sol, entraîne une augmentation de l’érosion du sol, mais aussi une altération des caractéristiques physiques et une perte des nutriments par lessivage ou par drainage (DeBano, 1990 ; Certini, 2005). Le feu est connu aussi pour son impact négatif sur l’infiltrabilité (Stoof et al., 2010). L’augmentation de l’exposition de la surface du sol aux rayonnements solaires et à l’action mécanique des gouttes d’eau de pluie, conduit souvent à un encroûtement du sol (Moyo et Frost, 1998; Mills et Fey, 2004). L’apport énergique des gouttes d’eau augmente la dispersion de l’argile qui bloque les pores à la surface du sol, entraînant par conséquent une réduction de l’infiltration de l’eau dans la plupart des types de sols, même pour les sols à faible teneur en argile (Hillel, 2004). Des modifications peuvent aussi apparaître dans la densité apparente, la texture, la couleur et l’humidité (Wells et al., 1979). Toutes ces perturbations inhibent les chances d’une éventuelle repousse et ralentissent aussi l’activité des ingénieurs du sol (termites, vers de terre et fourmis) qui jouent un rôle vital dans les processus de décomposition, de recyclage des nutriments et de modification de la structure du sol (Mando, 1997). De même, la perte importante de la matière organique affecte  directement et indirectement les microorganismes du sol (DeBano et al., 1998 ; Verma et Jayakumar, 2012). Elle induit par conséquent, des changements dans la biomasse et l’activité des micro-organismes (Andersson et al., 2004; Smith et al., 2004). Cependant, l’impact écologique du feu sur les écosystèmes savanicoles dépend fortement du dégagement de la chaleur lors de la combustion mais aussi de sa durée et de sa saisonnalité (Cochrane et Ryan, 2009).

Feu et fonctionnement des écosystèmes savanicoles 

Le feu est un phénomène largement répandu dans les écosystèmes savanicoles. L’intensité du feu, sa vitesse, sa continuité et sa durée sont des facteurs importants qui peuvent expliquer le comportement et l’effet écologique du feu sur les écosystèmes savanicoles .

Le premier facteur qui représente l’intensité du feu, fait référence à l’énergie libérée par unité de longueur par le front du feu (Byram, 1959). Il est influencé par de nombreux facteurs tels que le vent, l’humidité, la température de l’air, la quantité et la qualité du combustible (Savadogo et al., 2007b). Parmi tous ces facteurs, le combustible et ses caractéristiques sont considérés comme des facteurs importants qui influent sur le comportement du feu. Luke et McArthur (1978) soulignent dans leurs travaux que la quantité totale d’énergie libérée est en partie déterminée par la quantité du combustible. Des études menées dans le « Krugger National Park » en Afrique du Sud par Trollope et Tainton (1986 ) soutiennent cette assertion. En plus de la quantité de combustible, l’entassement du combustible influence grandement la vitesse du feu (Cheney et Sullivan, 1997). L’humidité du combustible affecte aussi énormément la facilité d’allumage, le taux de combustion et la vitesse de progression du feu (Archibald et al., 2012). Tous ces facteurs contribuent à accentuer l’intensité et la sévérité du feu et son impact sur les conditions physicochimiques et biologiques du sol (Figure 1). D’autres facteurs anthropiques tels que l’extraction de biomasse par la coupe du bois, le pâturage et la fauche peuvent également agir, soit individuellement soit collectivement, sur les caractéristiques du combustible et le comportement du feu. L’effet de l’herbivorie se situe à trois niveaux: la compaction du sol, le prélèvement de l’herbe, la déposition des fèces et des urines qui contribuent à enrichir le sol. En revanche, la compaction du sol contribue à la destruction de la biomasse et du sol (Hiernaux et al., 1999). Le prélèvement de l’herbe par les animaux et sa fauche effectuée par les hommes affectent la structure et la dynamique de la végétation et jouent en effet sur la quantité du combustible et sa distribution spatiale (Belsky, 1992). Par contre, les fèces et les urines représentent une source non négligeable de nutriments pour les plantes (N, P, K et les micro éléments) et améliorent la structure physique et la composition chimique du sol (Ruffino et al., 2006). La charge exercée par les animaux, peut modifier la structure du sol ainsi que le matériel végétal, et influencer aussi le régime de l’eau (Mwendera et Saleem, 1997b; Keya,1998; Savadogo et al., 2007b). La coupe du bois influence la structure et le fonctionnement des écosystèmes savanicoles en modifiant les phénomènes de compétition entre arbres/herbes (Frost et al., 1986). Tous ces facteurs montrent bien les interrelations qui peuvent exister entre les différents paramètres du comportement du feu. Cependant, ces facteurs baignent dans un environnement climatique qui influence grandement les différentes composantes du comportement du feu (Figure 1). Les savanes évoluent en effet dans un contexte climatique bien connu. Elles se  développent sous un climat tropical ou subtropical caractérisé par l’alternance d’une saison humide et d’une saison sèche plus longue, propice aux incendies (Menaut et al., 1995). Avec l’augmentation prévue de la température et la diminution des précipitations du fait du changement de climat en région de savane ouest africaine, des modifications peuvent subvenir dans la structure et le fonctionnement de ces écosystèmes savanicoles (Almendros et al., 1990). Les auteurs (Flannigan et al., 2009 a; Flannigan et al., 2013) estiment que le changement global du climat qui entraîne principalement le réchauffement planétaire va provoquer un impact profond et un immédiat changement dans l’activité des feux de brousse. Cette activité ira en grandissant, et les saisons des feux seront plus longues. Par conséquent, l’émission des gaz en particulier le CO2 va s’accentuer dans l’atmosphère (Furley et al., 2008). Cependant, les changements du CO2 atmosphérique, de la saisonnalité du feu pourraient aussi expliquer l’invasion et la dominance des plantes C4 sur C3 (Scheiter et al., 2012 ; Scheiter et al., 2013). Mais, il n’existe toujours pas de consensus sur le facteur qui déclenche l’expansion des plantes C4. La simulation de la végétation en absence de feu à l’aide du modèle aDGVM (adaptive dynamic global vegetation model ; spécialement développé pour la végétation tropicale) influence fortement la dominance des ligneux à l’échelle régional tandis qu’à l’échelle continentale, cette suppression entraîne une augmentation de la biomasse de 13%. En revanche, les simulations intégrant l’élévation de la température ainsi que les concentrations de CO2 prédisent des périodes de croissance plus longues, une grande répartition des racines, une plus grande fécondité, une forte biomasse et un changement radical à travers une dominance des ligneux (Scheiter et Higgins, 2009). Par conséquent, ces analyses simulatrices suggèrent que l’excès du CO2 atmosphérique pourrait avoir un effet fertilisant conduisant à un changement entre les plantes C3 et C4.

De même, les paramètres climatiques tels que les précipitations, la température, l’humidité de l’air, le vent et l’ensoleillement, non seulement influent sur la teneur en eau des végétaux, mais constituent aussi des facteurs naturels qui provoquent le déclenchement des feux de brousse (Menaut et al., 1993 ; Ellair et Platt, 2013). Les précipitations influencent également la teneur en eau des végétaux; leur effet varie de façon significative en fonction de leur durée, de leur période, et de leur quantité.

La température et l’humidité de l’air ont aussi une action sur l’inflammabilité du combustible. Le vent est l’un des facteurs qui influence la vitesse de propagation du feu (Cheney et al., 1993 ; Sow et al., 2013). Par sa vitesse et sa direction, il renouvelle l’oxygène de l’air, en réduisant l’angle entre les flammes et le sol et favorise ainsi le transport des particules incandescentes en avant du front de flammes (Cheney, 1981). En outre, ces paramètres climatiques influencent la probabilité d’éclosion d’un feu, sa vitesse de propagation et son intensité (Trollope, 1978; Cary et al., 2006). La variation de la topographie est également importante dans la dynamique des feux du fait de son effet direct sur la propagation des feux et indirect sur la distribution de l’état de la biomasse. La pente influence l’inclinaison relative des flammes par rapport au sol et elle a un effet positif sur la vitesse de propagation (Trollope et al., 2002). Il apparaît donc que l’intensité du feu semble être un facteur déterminant pouvant expliquer le comportement du feu, mais surtout son impact écologique sur la végétation, le sol et ses composants. Le taux de chaleur transféré et sa durée dans les profondeurs du sol sont fonction de l’intensité du feu des minéraux présents, de la conductibilité de la chaleur, de la porosité et de l’humidité du sol (Knicker, 2007; Knicker et al., 2013). Il a été estimé qu’environ 10 à 15% de l’énergie thermique dégagée lors de la combustion est transmise directement au sol (Raison et Woods, 1986 ; DeBano et al., 1998). Le mécanisme de transfert se fait généralement par radiation, convection, conduction, vaporisation ou condensation (DeBano et al., 1998). La radiation et la convection sont probablement les mécanismes prédominants qui s’opèrent pendant le transfert de chaleur entre le combustible et les minéraux du sol. Ces deux paramètres sont également importants dans le processus affectant le comportement du feu et particulièrement sa vitesse de propagation. Dans les sols sableux, la chaleur est transférée dans les couches sous jacentes de sorte que l’élévation de température est identique à toutes les profondeurs. Par contre, la profondeur à laquelle la chaleur pénètre dans un sol humide dépend de la teneur en eau de ce sol, de la durée du chauffage de la surface du sol lors de la combustion (DeBano et al., 1998).

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 Revue bibliographique et présentation de la zone d’étude
I. Savane : un écosystème complexe
II. Feu et cycle des nutriments en savane
III. Feu et fonctionnement des écosystèmes savanicoles
III.1. Intensité et sévérité du feu en savane
III.2. Comportement du feu
III.3. Typologie des feux en savane
III.4. Influence du feu sur les écosystèmes savanicoles
III.4.1. Feu et végétation
III.4.2. Feu et paramètres physiques du sol
III.4.3. Feu et cycle des nutriments
III.4.4. Feu et activité biologique du sol
III.4.4.1.Les organismes du sol
III.5.Importance de l’étude en Afrique de l’ouest
III.6. Législation et pratique des feux de brousse au Burkina Faso
IV. Présentation du site d’étude
IV.1. Site d’étude
IV.2. Climat
IV.3. Végétation et sols
IV.4. Dispositif expérimental
Chapitre 2 Effet du taux de recouvrement ligneux et des caractéristiques du combustible sur le comportement et la température des feux en savane soudanienne boisée en Afrique de l’Ouest
II.1. Introduction
II.2. Matériel et Méthodes
II.3. Analyses statistiques
II.4. Résultats
II.4.1. Caractéristiques du combustible et comportement du feu
II.4.2. Les modèles de prédictions du comportement du feu
II.5. Discussion
II.6. Conclusion partielle
Chapitre 3 Modifications induites dans les propriétés physico-chimiques par les feux répétés à différentes saisons et à des quantités variables de combustible en savane soudanienne boisée
III.1. Introduction
III.2. Matériel et Méthodes
III.3. Analyses statistiques
III.4. Résultats
III.4.1. Feu et distribution des particules dans le sol
III.4.2.Discussion
III.4.3.Feu et propriétés chimiques du sol
III.4.4. Feu et cycle de l’azote et du phosphore
III.5. Discussion
III.6. Conclusion partielle
Chapitre 4 Effets des feux répétés sur la structure et la diversité taxonomique de la macrofaune du sol en savane soudanienne boisée
IV.1. Introduction
IV.2. Matériel et Méthodes
IV.3. Analyses statistiques
IV.4. Résultats
IV.4.1. Composition et structure de la communauté de la macrofaune du sol
IV.4.2. Variation inter-annuelle de la macrofaune du sol
IV.4.3. Résilience de la macrofaune du sol après le passage du feu
IV.4.4. Distribution verticale de la macrofaune du sol
IV.4.5. Facteurs gouvernant la structure de la communauté de la macrofaune du sol
IV.5.Discussion
IV.5.1. Composition et structure de la macrofaune du sol
IV.5.2. Diversité taxonomique de la macrofaune du sol
IV.5.3. Les facteurs gouvernants la structure de la communauté de la macrofaune du sol
IV.6. Conclusion partielle
Chapitre 5 Réponse respiratoire du sol à la variation de la quantité du combustible dans une savane soudanienne boisée en Afrique de l’Ouest
V.1. Introduction
V.2. Matériel et Méthodes
V.3. Analyses statistiques
V.4. Résultats
V.4.1. Effet de la quantité de combustible sur l’activité microbienne
V.4.2. Réponse de la communauté microbienne à l’apport de nutriment
V.4.3. Discussion
V.5. Conclusion partielle
Conclusion générale

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