Rupture et sismicité des roches

Rupture et sismicité des roches 

Introduction et définitions préliminaires 

L’objectif de ce chapitre est de présenter les concepts et les outils qui seront utilisés au cours de ce travail ainsi que les principaux résultats expérimentaux concernant l’émission acoustique au cours de la sollicitation mécanique des roches. Nous présenterons d’abord les phénomènes de microfissuration qui donnent lieu à l’émission d’une onde acoustique (section 1.2). Nous aborderons ensuite les relations qui permettent d’associer la taille de la source et les caractéristiques de l’onde émise en amplitude et en fréquence (section 1.3). Les distributions statistiques qui caractérisent la sismicité seront présentées en section 1.4. Nous verrons en particulier les différentes lois puissance qui décrivent la sismicité en taille, en temps et dans l’espace. Enfin la section 1.5 sera consacrée à une revue bibliographique des principaux résultats concernant l’EA observée en laboratoire au cours de la sollicitation d’éprouvettes intactes ou discontinues.

Au cours de ce travail, nous aurons recours aux notions de rupture, de fragilité et d’instabilité. Ces termes utilisés dans des contexte différents sont parfois ambigus. Il nous a paru nécessaire d’en donner une définition pour en clarifier l’usage qui en sera fait ici.

Définitions 

Rupture
Le terme de rupture est employé dans des contextes très différents et pour des échelles très variées. On parle notamment de rupture pour la propagation de fissures. A l’échelle des grains constituant une roche il s’agit de microrupture ou de microfissuration (rupture des liens interatomiques). A l’échelle de l’échantillon de laboratoire, le terme de rupture concerne la formation d’une discontinuité macroscopique appelée macrorupture. Par extension, on parle de rupture pour désigner la perte de résistance de l’échantillon qui accompagne la macrorupture. Dans ces deux cas, le terme de rupture concerne l’apparition d’une discontinuité matérielle. On parle également de rupture pour désigner le mouvement de cisaillement le long d’un joint rocheux ou d’une faille. Lorsque ce mouvement donne lieu à un séisme, on parle de rupture sismique. Le terme de rupture concerne alors une discontinuité de déplacement. Notons que l’on observe en laboratoire que la formation d’une discontinuité matérielle peut être accompagnée d’une discontinuité de déplacement. Une définition générique de la rupture pourrait être l’apparition d’une discontinuité au sein du matériau, qu’elle soit matérielle ou de déplacement. La notion de rupture sert également à définir la fragilité.

Comportements fragile et ductile
La notion de fragilité est particulièrement ambiguë. En effet, selon les domaines, elle prend des significations différentes, voire opposées. Par exemple, l’ouvrage de De Gennes et Badoz (1994), « les objets fragiles », traite des polymères que l’on qualifierait, en mécanique, d’objets ductiles et non fragiles. Une définition macroscopique, couramment utilisée en science des matériaux, est basée sur le type de déformation (élastique ou plastique) qui précède la rupture. Une rupture est dite fragile si elle survient sans déformation plastique, c’est à dire permanente ou inélastique. Au contraire, si la rupture survient après une phase de déformation plastique, elle est dite ductile .

Un matériau est donc d’autant plus ductile que la déformation permanente avant la macrorupture est importante. Cette définition macroscopique peut être appliquée, à l’échelle microscopique, pour la propagation de fissures. On considère alors que la microrupture est fragile si elle n’est pas précédée par une déformation plastique. Notons que la fragilité n’est pas une caractéristique intrinsèque du matériau. Dans le cas des roches, elle dépend de la vitesse de déformation, de la température et de la pression de confinement.

Stabilité
La stabilité d’un système peut être associée à l’unicité de sa réponse à la sollicitation imposée (Chambon, 1996; Chossat, 1996). Le système est dit stable si sa réponse à la sollicitation imposée est unique. Au contraire, si sa réponse n’est plus unique, il se produit une bifurcation : le système devient alors instable lors du passage du point de bifurcation.

Microfissuration et émission acoustique 

Nous nous intéresserons, dans cette section, uniquement à la sismicité des roches à l’échelle de l’échantillon de laboratoire (EA) produite par la propagation de microfissures. En effet, à cette échelle, la microfissuration est considérée comme la principale source d’EA pour les roches à température ambiante (Kranz, 1991 ; Lockner, 1993). L’étude de la propagation d’une fissure est l’objet de la mécanique linéaire de la rupture. La notion de facteur d’intensité de contrainte, couramment utilisée pour l’analyse de l’EA, sera présentée brièvement. L’analyse de Griffith permettra ensuite d’introduire facilement les phénomènes à l’origine de l’EA, en particulier la propagation instable de fissures. Nous aborderons ensuite les relations entre la microfissuration et l’endommagement élastique, c’est à dire l’effet de la microfissuration sur les propriétés élastiques des roches. Ceci permettra de voir comment l’EA peut être utilisée comme un estimateur de l’endommagement.

Mécanique linéaire de la rupture 

Au cours de cette section, nous verrons d’abord la notion de facteur d’intensité de contrainte qui est utilisée par de nombreux auteurs pour l’analyse de l’EA. Le critère énergétique de Griffith nous permettra d’étudier la stabilité de la propagation d’une fissure. Nous verrons enfin que l’EA est liée à une propagation de fissure instable.

Critère de Griffith

Le critère de Griffith est basé sur une relation linéaire entre l’énergie dissipée par la propagation d’une fissure et l’aire de fissure (surface libre) créée lors de la propagation.

dWs = 2γ.ds I. 4

avec dWs : énergie dissipée par la propagation de la fissure
γ : énergie de surface, caractéristique du matériau
ds : surface de fissure créée

Ceci revient à considérer que l’énergie dissipée par la propagation est transformée en énergie de surface. Pour un solide élastique contenant une fissure, on peut écrire la conservation de l’énergie totale du système lorsque la fissure se propage d’une surface élémentaire ds.

dWtot=dWelast.+dWext.+ dWs+dWcin.=0  I. 5

avec dWelast. : variation de l’énergie élastique
dWext. : variation de l’énergie potentielle des forces extérieures
dWs : variation d’énergie de surface, 2γ.ds
dWcin. : variation de l’énergie cinétique

Si la courbe de charge dépasse le critère (Figure 6b, point A), la propagation ne suffit plus à consommer l’énergie restituée par le système de chargement. La propagation devient instable. Si la courbe reste dans le domaine instable, la fissure se propage jusqu’à la ruine du solide (trajet ACH). La fissure peut également retrouver une situation stable, après une certaine propagation (trajet ACBD). On parle alors de propagation semi-stable. La propagation reprendra lorsque le critère sera à nouveau atteint (point E). D’autre part, on voit que la courbe G=2γ possède deux asymptotes, l’une tend vers zéro, l’autre tend vers une droite croissante dont la pente est la rigidité du solide sans fissure (en pointillés sur la Figure 6a). Pour une fissure qui se propage, la courbe G=2γ est décroissante et tend asymptotiquement vers zéro. De ce fait, un chargement à force imposée donne obligatoirement une propagation instable. Dans le cas d’un déplacement imposé, la propagation peut-être stable ou instable selon que l’on se trouve au-dessus ou en-dessous de la tangente verticale du critère de Griffith. En dessous de cette tangente verticale, un chargement à déplacement imposé permet théoriquement une propagation stable. Dans un cas réel, le système de chargement a une rigidité limitée qui ne permet pas un contrôle parfait du déplacement.

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Table des matières

Introduction générale
Chapitre 1 : Rupture et sismicité des roches
1. Introduction et définitions préliminaires
1.1. Introduction
1.2. Définitions
1.2.1. Rupture
1.2.2. Comportements fragile et ductile
1.2.3. Stabilité
2. Microfissuration et émission acoustique
2.1. Mécanique linéaire de la rupture
2.1.1. Facteurs d’intensité de contrainte
2.1.2. Critère de Griffith
2.1.3. Propagation stable et instable d’une fissure
2.1.4. Propagation instable de fissures et émission acoustique
2.2. Endommagement lié à la fissuration et EA
2.2.1. Endommagement élastique
2.2.2. Estimation de l’endommagement par EA
2.3. Conclusion
3. Taille de source et ondes sismiques
3.1. Amplitude d’un signal sismique
3.1.1. Magnitude
3.1.2. Moment sismique
3.1.3. Chute de contrainte
3.1.4. Energie sismique
3.1.5. Amplitude de l’onde émise
3.1.6. Conclusion
3.2. Contenu fréquenciel d’un signal sismique
3.3. Effet de l’atténuation
3.4. Conclusion
4. Statistiques de la sismicité
4.1. Loi d’Omori
4.2. Loi de Gutemberg Richter
4.3. Dimension fractale et multifractale
4.3.1. Dimension fractale
4.3.2. Dimension multifractale
4.4. Relations entre b et D
4.5. Conclusion
5. EA et comportement mécanique des roches : études expérimentales
5.1. Activité acoustique et comportement non-linéaire
5.1.1. Activité acoustique et essai de compression d’éprouvette intacte
5.1.2. Activité acoustique au cours du cisaillement de discontinuités
5.1.3. Effet Kaiser
5.1.4. Conclusion
5.2. Variations de l’exposant b de la loi de Gutemberg-Richter
5.3. Localisation de l’endommagement et dimension fractale
5.4. Conclusion
6. Conclusion
Chapitre 2 : Etude en laboratoire de l’émission acoustique des roches
1. Introduction
2. Dispositif expérimental
2.1. Presse et cellule triaxiale
2.2. Système d’acquisition de l’émission acoustique
2.2.1. Comptage de l’EA
2.2.2. Numérisation
2.3. Capteur d’émission acoustique
2.4. Caractéristiques temporelles et fréquentielles des signaux numérisés
3. Compressions triaxiales d’éprouvettes initialement intactes
3.1. Roche étudiée : le granite du Sidobre
3.2. Comportement mécanique observé
3.2.1. Différentes phases du comportement mécanique
3.2.2. Apparition de la ductilité
3.3. Comportement inélastique et activité acoustique
3.3.1. Activité acoustique au cours des différentes phases
3.3.2. Corrélation entre l’activité acoustique et le comportement inélastique
3.3.3. Estimation du dommage par l’EA
3.3.4. Estimation de la déformation permanente par l’EA
3.3.5. Conclusion
3.4. Evolution du contenu spectral des signaux
3.5. Variations de l’exposant b de la distribution des amplitudes maximales
3.5.1. Diminution de l’exposant b avant le pic de contrainte
3.5.2. Effet de la pression de confinement sur l’exposant b
3.5.3. Conclusion et Discussion
3.6. Morphologie de l’endommagement
3.6.1. Différents aspects de l’endommagement
3.6.2. Granulométrie de la mylonite
3.6.3. Rugosité des surfaces de rupture
3.6.4. Distribution spatiale de la fissuration
3.6.5. Conclusion sur la morphologie de l’endommagement
3.7. Conclusion sur les éprouvettes intactes
4. Compression triaxiale d’éprouvettes initialement discontinues
4.1. Comportement mécanique
4.1.1. Cisaillement instable et activité acoustique prémonitoire
4.1.2. Effet de la pression de confinement sur le cisaillement instable
4.1.3. Estimation des angles de frottement statique et dynamique
4.1.4. Conclusion sur le comportement mécanique
4.2. Comportement inélastique et activité acoustique
4.3. Distribution de la taille des événements
4.3.1. Allure particulière des distributions d’amplitudes maximales
4.3.2. Variations de l’exposant b au cours du cisaillement
4.3.3. Effet de la pression de confinement sur l’exposant b
4.3.4. Conclusion
4.4. Conclusion sur les éprouvettes initialement discontinues
5. Conclusion
Chapitre 3 : Modèle numérique de la sismicité des roches
1. Introduction
2. Modèles existants : des simulations partielles de l’EA
2.1. Automates cellulaires
2.1.1. Simulation des distributions en loi puissance
2.1.2. Simulation de la localisation progressive des sources d’EA
2.1.3. Conclusion
2.2. Modèles d’EA associée à l’endommagement
2.2.1. Comportement ductile du modèle scalaire de Zapperi et al. (1997)
2.2.2. Comportement fragile du modèle tensoriel de Tang (1997)
2.3. Conclusion
3. Description du modèle proposé
3.1. Principe d’endommagement progressif
3.2. Critère d’endommagement
3.3. Méthode de résolution
3.4. Introduction de l’hétérogénéité
3.4.1. Nécessité d’introduire de l’hétérogénéité
3.4.2. Paramètres hétérogènes
3.4.3. Hétérogénéité initiale et/ou évolutive
3.4.4. Fonction de distribution utilisée pour simuler l’hétérogénéité
3.5. Taille d’avalanche et taille d’EA
4. Résultats
4.1. Sensibilité au paramètre d’endommagement et au degré d’hétérogénéité
4.1.1. Sensibilité au paramètre d’endommagement
4.1.2. Sensibilité au degré d’hétérogénéité
4.1.3. Conclusion
4.2. Simulation de plusieurs observations expérimentales
4.2.1. Activité acoustique et comportement non linéaire
4.2.2. Distribution de la taille des événements en loi puissance
4.2.3. Variations de l’exposant b
4.2.4. Localisation progressive de l’endommagement et diminution de D2
4.2.5. Conclusion
Conclusion générale

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