Role des conflits d’agence, de la structure d’actionnariat et des mecanismes de gouvernance sur les politiques de distribution

Comment la richesse produite par l’entreprise est-elle redistribuée ? Alors que les économistes, pour répondre à cette question, s’intéressent au partage de la valeur ajoutée, les médias focalisent sur les rémunérations et les stock-options des dirigeants. Le chercheur en Finance, lui, peut tenter d’éclairer cette problématique du partage de la valeur en s’intéressant aux distributions faites aux actionnaires. Ces politiques, qui font peu l’objet de controverses médiatiques si ce n’est dans leurs situations extrêmes, restent traitées dans le cercle restreint des revues académiques. Cette situation s’explique certainement par la difficulté à comprendre et à expliquer les versements de dividende et les rachats d’actions – les deux modes de distribution de liquidités aux actionnaires. En effet, les contributions scientifiques, bien que nombreuses, ne convergent pas vers un système cohérent d’explication et ce domaine reste donc ouvert à de nouvelles recherches.

Malgré l’importance des distributions de liquidités aux actionnaires, l’utilité et la forme de ces politiques sont toujours aujourd’hui difficiles à expliquer. Dans le cadre de marchés parfaits et efficients, Miller et Modigliani, en 1961, ont démontré leur neutralité sur la richesse des actionnaires. Cette contribution suggère qu’en présence d’impôts, il n’est pas dans l’intérêt de ces derniers de recevoir des dividendes. Pourtant, la simple observation des investisseurs et des entreprises montre que ces politiques sont loin d’être ignorées. Rachat d’actions et dividende, malgré leur imposition, sont fortement appréciés des actionnaires et font partie des principales politiques financières des entreprises. Tel que le souligne Black (1976), ce décalage entre théorie et réalité constitue une énigme. Cette dernière tient autant à l’incompréhension des préférences des investisseurs, qu’à celle liée aux comportements des entreprises. Pourquoi les investisseurs prêtent-ils attention aux politiques de distribution? Pourquoi les entreprises distribuent-elles ? Ces questions constituent deux courants de recherche, étroitement liés, que 50 ans de recherche ont tenté d’éclairer. Les contributions majeures à la justification des distributions sont celles apportées par la théorie du signal, les hypothèses de clientèle fiscale et la théorie de l’agence. La finance comportementale a elle aussi permis quelques avancées notables.

DISTRIBUTION DE LIQUIDITES AUX ACTIONNAIRES

L’utilité ou la justification des politiques de distribution est un des sujets les plus controversés de la recherche en Finance et ceci depuis une cinquantaine d’années. L’ambition de ce chapitre est de faire le point sur l’imposante littérature scientifique afin de mettre en avant l’intérêt des différentes voies de recherche. Cette revue de littérature nous amène à privilégier le cadre théorique de l’agence pour enrichir la compréhension des politiques de distribution.

Il paraît nécessaire de commencer cette revue par la présentation des deux outils des politiques de distribution : le dividende et le rachat d’actions. Le cadre français et les pratiques managériales de politiques de dividende sont tout d’abord introduits. Nous nous attardons ensuite sur le rachat d’actions en étudiant les méthodes de rachat, les différentes réglementations et les motivations théoriques des managers à décider de rachat. Nous concluons cette section en nous interrogeant sur la substitution ou sur la complémentarité entre dividende et rachat.

INSTRUMENTS DE DISTRIBUTION

– Le dividende. C’est l’outil de distribution le plus utilisé. Le dividende ordinaire est versé régulièrement aux actionnaires. De gros dividendes ponctuels peuvent aussi être payés. On les appelle des superdividendes ou des dividendes exceptionnels .

– Les distributions par opérations sur le capital :
– Le rachat d’actions suivi de son annulation. « Cette opération peut être assimilée à un paiement de dividende dans la mesure où elle entraîne un transfert de fonds de l’entreprise vers les actionnaires » (Albouy et Dumontier (1992, page 14)).
– La distribution d’actions gratuites. L’entreprise offre à ses actionnaires des actions nouvelles suite à une division d’actions ou à une incorporation de réserves.

– Le dividende en actions : L’entreprise distribue des actions à ses actionnaires. La procédure classique est de laisser le choix à l’actionnaire entre un paiement du dividende en liquidités ou en actions .

– Les « vrai-faux dividendes » : C’est la forme la moins orthodoxe de distribution. Ce sont par exemple les avantages dont peuvent bénéficier les actionnaires majoritaires : salaire plus élevé, avantage en nature… Ces distributions vont à l’encontre du principe d’égalité entre actionnaires.

La distribution de liquidités aux actionnaires ne peut se faire que par deux moyens : le dividende classique et le rachat d’actions. Les autres mécanismes répondant à des logiques différentes (distribution non monétaire ou occulte), nous ne nous intéresserons dans le cadre de cette thèse qu’à ces deux instruments de distribution.

LE DIVIDENDE 

Le dividende est défini par Frankfurter et Wood (2003, page 3) comme « la distribution de revenus (présents ou passés) en actifs réels aux actionnaires de l’entreprise en proportion de leur participation au capital » . Dans les sociétés cotées, la distribution peut avoir lieu en actions ou en liquidités. Cette dernière forme, qui est la plus commune, est celle qui retient notre attention.

Nous rappelons ici la législation française en matière de dividende (1.1.), puis nous exposons les pratiques managériales de distribution de dividende (1.2).

CADRE FRANÇAIS DES POLITIQUES DE DIVIDENDE

Cette partie décrit les aspects principaux des politiques de dividende en France.

Le dividende est décidé par l’assemblée générale des actionnaires, sur proposition du conseil d’administration. Il est payé une fois par an . Le dividende se déduit du bénéfice distribuable. Ce dernier correspond au bénéfice de l’exercice diminué des pertes antérieures et des sommes à porter en réserve (légale ou statutaire) et augmenté, le cas échéant, du report à nouveau bénéficiaire. Si le bénéfice est insuffisant pour distribuer ce que souhaite l’entreprise, elle a la possibilité de prélever la somme nécessaire sur certaines réserves dites facultatives. Les réserves obligatoires ne peuvent pas être ponctionnées pour le paiement du dividende dans la mesure où elles constituent une sécurité pour les créanciers. Toute distribution est interdite si l’entreprise n’a pas encore épongé ses pertes antérieures (Albouy et Dumontier (1992)).

Lorsqu’une société distribue un dividende, il est d’abord soumis à l’impôt sur les sociétés en tant que bénéfice imposable. Il est ensuite imposé au niveau du revenu de l’actionnaire en tant que dividende reçu : impôt sur le revenu pour les personnes physiques, impôt sur les sociétés pour les personnes morales. Le dividende est donc imposé deux fois. Jusqu’en 2004, afin d’atténuer cette double imposition, un avoir fiscal était distribué aux particuliers et aux entreprises. Cet avoir fiscal ne pouvait être distribué que par les entreprises françaises, ce qui créait un déséquilibre par rapport aux sociétés étrangères cotées en France. En 2005, le système a donc été réformé et l’avoir fiscal supprimé. Désormais un système d’abattement remplace l’avoir fiscal pour les particuliers. Et pour les entreprises, l’avoir fiscal a disparu.

PRATIQUES MANAGERIALES DE DISTRIBUTION DE DIVIDENDE 

Au-delà des législations qui façonnent la forme des dividendes, les politiques de distribution respectent un formalisme historique. Lintner (1956) est le premier à avoir décrit les pratiques managériales dans ce domaine et depuis 50 ans elles semblent avoir peu évolué. Il montre, grâce à l’étude de 28 entreprises américaines disparates, la similitude des comportements des managers dans ce domaine.

Pour décider d’une politique de distribution, les managers s’intéressent au taux de distribution . Les changements de ce taux sont stratégiques. Pour le modifier, il faut de bonnes raisons, compréhensibles des investisseurs. Ces changements se justifient par une modification stable des revenus courants de l’entreprise. Les ajustements du dividende sont mineurs par rapport à la variation des revenus. Ainsi apparaît un des traits caractéristiques des politiques de distribution, le lissage des dividendes. Les dirigeants ne veulent pas augmenter la distribution s’il existe un risque de devoir la baisser dans un ou deux ans. Et ils montrent un réel frein à baisser le montant des dividendes payés. Ils ne le feront que si les revenus de l’entreprise sont en baisse durable. Cette attitude des managers vis-à-vis du dividende en fait un outil peu flexible.

Des enquêtes plus récentes auprès de managers confirment les résultats de Lintner (Baker, Farrelly et Edelman (1985), Baker et Farrelly (1988), Baker et Powell (1999b), Baker, Powell et Veit (2002)). Seule l’importance du ratio de distribution par rapport aux montants distribués semble plus faible.

Un autre type de dividende existe afin de contrer la rigidité du dividende ordinaire. Ce sont les superdividendes ou dividendes exceptionnels. Ces dividendes sont souvent plus élevés que les ordinaires. Ils sont payés de façon irrégulière et peu fréquente. Ils ont tendance à disparaître, peut-être au profit du rachat (De Angelo, De Angelo et Skinner (2000)).

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 – LITTERATURE, THEORIES ET CONCEPTS
CHAPITRE 1 –DISTRIBUTION DE LIQUIDITES AUX ACTIONNAIRES
SECTION 1. INSTRUMENTS DE DISTRIBUTION
SECTION 2. POLITIQUES DE DISTRIBUTION
CONCLUSION DU CHAPITRE 1 – VERS LE CHOIX DU CADRE THEORIQUE DE L’AGENCE
CHAPITRE 2 – CONFLITS D’AGENCE ET GOUVERNANCE D’ENTREPRISE
SECTION 1. CONFLITS D’AGENCE DANS LE CADRE DE L’ETUDE DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION
SECTION 2. GOUVERNANCE D’ENTREPRISE ET DEFENSE DES INTERETS DES ACTIONNAIRES
CONCLUSION DU CHAPITRE 2 – POLITIQUES DE DISTRIBUTION ET GOUVERNANCE
CHAPITRE 3 – LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION COMME MECANISME DE GOUVERNANCE
SECTION 1. EFFET DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION SUR LES CONFLITS D’AGENCE
SECTION 2. INTERACTION ENTRE POLITIQUES DE DISTRIBUTION ET MECANISMES DE
GOUVERNANCE ALTERNATIFS
Premier Modèle : Hypothèses théoriques relatives à la détermination des montants des politiques de distribution
SECTION 3. DETERMINATION DU CHOIX DE L’INSTRUMENT DE DISTRIBUTION
Second Modèle : Hypothèses théoriques relatives au choix de l’instrument de
distribution
CONCLUSION DU CHAPITRE 3 – SYNTHESE
PARTIE 2 – POLITIQUE DE DISTRIBUTION DES ENTREPRISES FRANCAISES : ETUDES EMPIRIQUES
CHAPITRE 4 – ETUDE QUALITATIVE SUR LES POLITIQUES DE DISTRIBUTION EN FRANCE
SECTION 1. OBJECTIFS ET METHODOLOGIE DE L’ETUDE
SECTION 2. RESULTATS DE L’ANALYSE QUALITATIVE
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
CHAPITRE 5 – METHODOLOGIE DES ETUDES QUANTITATIVES
SECTION 1 – CONSTITUTION DE L’ECHANTILLON ET COLLECTE DES DONNEES
SECTION 2 – MESURE DES VARIABLES
SECTION 3 – DESCRIPTION DE LA METHODOLOGIE
CONCLUSION DU CHAPITRE 5 – SYNTHESE
CHAPITRE 6 – TEST DU MODELE EXPLICATIF DU CHOIX DES MONTANTS DE DISTRIBUTION
SECTION 1 – DESCRIPTION DES POLITIQUES DE DISTRIBUTION, DE L’ACTIONNARIAT ET DE LA
GOUVERNANCE EN FRANCE
SECTION 2 – RESULTATS DES TESTS DES HYPOTHESES EXPLICATIVES DES MONTANTS DE
DISTRIBUTION
SECTION 3 – DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 6
CHAPITRE 7 – TEST DU MODELE EXPLICATIF DU CHOIX DE L’INSTRUMENT DE DISTRIBUTION
SECTION 1 – POLITIQUES DE DIVIDENDE ET DE RACHAT D’ACTIONS EN FRANCE
SECTION 2 – RESULTATS DES TESTS DES HYPOTHESES EXPLICATIVES DU CHOIX DE L’INSTRUMENT
DE DISTRIBUTION
SECTION 3 – DISCUSSION DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 7
CONCLUSION GENERALE
Bibliographie
Table des Matières des Annexes
Liste des Tableaux
Liste des Figures
Table des Matières

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