Rôle de l’enseignant par rapport aux représentations des élèves 

La prise de risque: une décision calculée

Face à une situation que le sujet va juger risquée, il devra prendre la décision de s’impliquer ou non dans la tâche. C’est donc ce qu’on appelle la prise de risque. Comme Didier Delignières le résume, «prendre un risque, c’est donc faire le choix d’un comportement.» (1991, Risque perçu et apprentissage moteur. In J.P. Famose, P. Fleurance & Y. Touchard (Eds.), Apprentissage moteur: rôle des représentations (pp. 157-171). Paris: EPS). La décision se fait en combinant deux facteurs: les coûts mis en œuvre pour réaliser la tâche, ainsi que les avantages que l’on peut retirer de celle-ci. En effet, le sujet va plus facilement prendre un risque lorsqu’il pense retirer un bénéfice de la situation (plus de gains que de coûts mis en œuvre). Néanmoins, comme nous l’avons vu dans la définition du risque, il y a toujours une part d’incertitude. Il faut donc, dans les représentations que le sujet a, qu’il y ait une incertitude pour qu’il souhaite prendre un risque et s’engager dans l’activité.
La prise de risque est plus ou moins facile à décider selon la personnalité, le caractère des individus. On sait qu’elle est plus présente chez les jeunes que chez les individus plus âgés, et chez les hommes plutôt que chez les femmes. En effet, prendre un risque engendre des émotions, cette décision est donc plus facilement prise chez les personnes aimant les nouvelles émotions. Chez les enfants, elle peut être due à l’éducation des parents, comme l’explique Gabriel Ramirez Morales. En effet, si les parents sont trop « protecteurs » envers leur enfant en bas âge, ils lui laissent très peu de liberté, plus tard l’enfant aura tendance à prendre moins de risque. L’auteur prend l’exemple d’une balade près d’un lac, si les parents ne laissent pas leur enfant courir, s’approcher du lac, l’enfant ressent alors l’angoisse de ses parents et aura donc sûrement toujours peur de prendre des risques. A l’inverse, un enfant qui est laissé plus libre et qui ne ressentira pas la crainte des parents, aura tendance à prendre plus facilement des risques plus tard.
G.Ramirez fait une comparaison des stades de l’enfance avec le sport, et indique que c’est autour de 10 ans que l’enfant prend goût au risque et donc que cette prise de risque commence à se ressentir dans toutes les activités. Nous pouvons donc noter l’importance de travailler sur la maîtrise des risques en EPS et donc le dépassement de soi, puisque cette discipline a des répercussions sur l’éducation de l’élève et de l’enfant.
A l’école primaire, toutes activités mises en place par l’enseignant visent un objectif: l’apprentissage. Or, pour qu’il y ait apprentissage, l’élève doit s’impliquer dans l’activité. En EPS, cela passe, comme nous venons de le voir, par le dépassement de soi, la prise de risque ainsi que la persévérance dans l’activité. Nous cherchons donc à savoir ce qui pousse les élèves à s’impliquer dans l’activité, à prendre des risques afin de progresser, d’améliorer leur estime de soi et de progresser au niveau moteur. A l’école, un ensemble de variables agissent sur l’apprentissage. Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement à la motivation qui se situe dans cet ensemble.

La motivation: sa place et son rôle dans l’apprentissage

La motivation: une variable qui agit sur l’apprentissage

Dans un contexte scolaire, l’apprentissage est influencé par un ensemble de variables qui entretiennent entre elles des liens (un schéma récapitulatif est placé en annexe 1). Situons la motivation parmi cet ensemble. Le processus d’apprentissage se joue du côté de l’élève.
Pour parvenir à cet objectif, l’apprenant a un rôle principal mais celui de l’enseignant est également primordial. Deux « ensembles » fonctionnent en parallèle: celui de l’enseignant et celui de l’apprenant.
Tout d’abord, le professionnel a trois tâches principales en matière d’apprentissage: une réflexion didactique à actualiser, une mise en place pédagogique efficace et utile à l’élève ainsi qu’une évaluation réfléchie du travail de chaque élève.
En effet, il lui appartient d’organiser son enseignement, de se fixer des objectifs à atteindre et des contenus à maitriser pour y parvenir. Un enseignant dispose d’une liberté pédagogique qui lui permet de gérer à la fois le groupe classe mais aussi les contenus au service des apprentissages des apprenants.
D’autre part, un autre « ensemble » fonctionne en parallèle de celui de l’enseignant : celui regroupant les tâches de l’élève. En effet, l’une des tâches principales que doit accomplir l’apprenant est l’acquisition de connaissances, d’habiletés motrices ainsi que d’attitudes et de méthodes. Pour ce faire, il doit « traiter l’information » communiquée par l’enseignant pendant les activités en y apportant des ressources suffisantes (de l’effort, du temps, de l’attention…).
Le processus de l’apprentissage se compose donc de tâches inhérentes à l’apprenant mais aussi à l’enseignant. Cependant, il existe entre ces deux ensembles des caractéristiques individuelles propres à chaque élève qui correspondent en quelque sorte à un « filtre » entre les objectifs, relatifs aux contenus et attitudes, prévus par l’enseignant et leurs acquisitions effectives par les élèves. H.Wallon (1946) organise ces caractéristiques individuelles selon trois dimensions qui « contraignent » l’enseignant à adapter son travail. Tout d’abord il existe une dimension affective qui correspond aux émotions propres à chaque élève. L’aspect cognitif (les connaissances et capacités antérieures) est également une des caractéristiques que le professeur doit prendre en compte dans son enseignement. Enfin les habiletés motrices que possèdent les apprenants sont des variables à considérer dans un enseignement.
Une autre variable relative aux apprentissages entre en compte dans le processus d’apprentissage d’un élève que l’on peut placer entre l’affectif et le cognitif: la motivation.
L’intervenant doit donc tenir compte de ces caractéristiques quand il organise ses activités. Il peut même parfois avoir un levier d’action sur ces caractéristiques.
C’est pourquoi nous nous intéresserons davantage dans la suite de cet écrit à la motivation.

Les caractéristiques de la motivation

Il convient avant tout de définir la notion de « motivation ». D’une manière très générale, c’est ce qui pousse à agir, ce qui déclenche une action. Spontanément, ce terme renvoie à deux idées: celle d’énergie, de dynamisme c’est-à-dire la capacité de s’engager mais aussi la notion d’intention c’est-à-dire qu’un élève est motivé s’il sait quoi faire et dans quelle direction aller dans son activité.
« Le concept de motivation représente le construit hypothétique utilisé afin de décrire les forces internes et/ou externes produisant le déclenchement, la direction, l’intensité et la persistance du comportement »(Vallerand & Thill, 1993). A travers cette définition, on admet que l’origine de la motivation provient de l’individu mais aussi de son environnement. Elle est le déclencheur d’un comportement. En effet, le passage d’un état passif à un état actif par exemple suppose un dynamisme dans le comportement. R.Vallerand et E.Thill ajoutent également dans cette définition que la motivation dirige le comportement des individus vers des buts de façon plus ou moins intense. Pour cela chaque individu adapte l’effort consacré à chaque action en fonction de la motivation.
Cela conduit donc à comprendre que la motivation est un processus continu et non épisodique. En effet, si un élève, dans une activité, ne réalise pas une action, cela relève bien d’une motivation mais non orientée dans le sens du travail et de l’apprentissage. Toute agissement relève donc d’un processus motivationnel. Le rôle de l’enseignant est alors de chercher à déclencher, guider et dynamiser les forces pour que la motivation s’oriente vers l’objectif recherché: l’apprentissage. Son travail porte sur des conduites intentionnelles (vers un but que l’individu s’est fixé) et rationnelles (la conduite la plus adaptée, la « meilleure » pour un individu à un moment donné).

La partie expérimentale

Au regard de notre problématique, nous avons fait le choix de faire pratiquer aux élèves l’activité cirque. En effet, elle s’inscrit dans la compétence 4 des programmes officiels et fait appel à « une activité d’exploit, de prouesse, de prise de risque, qui pousse l’enfant à se mettre en jeu ». De plus, elle engage une démarche de création, ce qui permet à l’enfant d’être acteur de ses apprentissages. Le rôle de l’enseignant est alors de créer les conditions (le temps, l’espace…) nécessaires pour que les élèves se mettent en scène à partir d’un projet collectif. Il cherche donc avant tout l’implication des élèves plutôt que la technicité. La mise en place d’un cycle d’acrosport nous a donc paru intéressant.
L’activité cirque étant composée de 4 familles (l’acrobatie, la jonglerie, le jeu de scène et l’équilibre), nous avons fait le choix de nous concentrer sur seulement deux d’entre elles: l’acrosport et le jeu d’acteur dans le but de laisser le temps aux élèves d’apprendre et de progresser. Ce sont deux activités qui amènent les élèves à une prise de risque émotionnelle, physique et psychologique. Enfin, elle demande à la fois une implication personnelle et collective donnant ainsi à cette activité une dimension sociale.

Le cadre d’expérimentation

Afin de répondre à la problématique énoncée précédemment et d’analyser l’impact de l’expérimentation menée dans ma classe, il semble important de contextualiser la situation.
En effet, les caractéristiques du public concerné, celles de l’école, la démarche d’enseignement…peuvent contribuer à expliquer et comprendre des résultats obtenus.

Le terrain d’étude

L’expérimentation s’est déroulée à l’école publique primaire de la Pierre Blanche située à Saint-Hilaire de la Côte, village rural localisé au centre du département isérois.
L’école accueille environ 120 élèves répartis en 5 classes.
Le sujet d’étude de ce mémoire s’inscrit dans la dynamique de travail de l’école puisque un des constats du projet d’école est que beaucoup d’élèves sont peu persévérants face à l’effort et donc renoncent rapidement face des obstacles de natures différentes. J’ai fait le choix de travailler sur cet axe car la persévérance est un état d’esprit qui, selon moi, est transversal à toutes les disciplines scolaires mais aussi à la vie d’un individu.
Afin de répondre à ce projet mais aussi à ma problématique, un cycle d’acrosport a été mis en place. Le matériel dont dispose l’école est assez limité. Cette expérimentation a donc eu lieu dans la salle de motricité de l’école dans laquelle les tapis nécessaires à cette activité étaient déjà installés et la configuration adéquate. Le terrain d’étude a donc été propice aux apprentissages et plus largement à l’observation des élèves.

Les participants

La classe dans laquelle a eu lieu l’expérimentation est constituée de 23 élèves: 14 élèves de CE2 et 9 élèves de CM1. Le groupe-classe se compose de 10 filles et 13 garçons.
Un élève autiste fait partie intégrante de la classe, il dispose d’une auxiliaire de vie scolaire présente lors de quelques séances de sport. L’ambiance générale de la classe est propice aux apprentissages, les élèves sont motivés pour apprendre et aucun d’entre eux n’a de difficultés scolaires persistantes.
Les conflits entre eux sont très peu nombreux, ce sont des élèves « solidaires » pour qui le travail de groupe et l’entraide sont possibles. Cependant, un manque d’autonomie et de persévérance dans le travail fait encore obstacle.

Le contexte d’expérimentation

L’expérimentation dans la classe a fait l’objet d’une modalité de travail particulière.
En effet, le volume horaire destiné à l’EPS a été partagé, pour ma classe, entre ma collège et moi à raison de 1h15 chacune. Le cycle d’acrosport que j’ai mis en place a donc été réparti en neuf séances(évaluation comprise) de 1H à 1h15 environ.

La démarche d’enseignement

Les principes directeurs

Au regard des apports théoriques et afin de mener à bien notre expérimentation et répondre à la problématique de départ, nous nous sommes interrogés sur la démarche à suivre quant à la mise en place de la séquence; des choix pédagogiques en ont découlé.
Tout d’abord, dès le début du cycle de sport, la volonté de rendre l’élève acteur de ses apprentissages c’est-à-dire l’impliquer dans son projet et dans son travail a été le point clé de la séquence. En effet, en acrosport, les élèves étaient placés en situation de découverte, aucun modèle n’a été donné. Les seules exigences étaient l’essai, la conscientisation et l’intériorisation du mouvement, l’écoute de son corps, de soi et des autres.
Afin que les élèves deviennent acteurs de leur travail, une explicitation claire des enjeux du projet a été faite. Les objectifs et les attendus en termes d’habiletés motrices mais aussi de « comportements » ont été expliqués. Des échanges ont abouti à l’explicitation de critères de réalisation en lien avec les règles de sécurité, le positionnement des appuis…
Grâce à cela, l’activité a pris du sens et les blocages éventuels ont été vécus avec moins d’appréhension.
La posture de l’enseignant est importante dans la mise en place d’une séquence d’enseignement. C’est pourquoi, dans cette séquence, la valorisation des réussites et des progrès a été essentielle. Tout au long du cycle d’acrosport, les relations entre les résultats et les procédures ont fait l’objet d’une attention particulière. Plutôt que ne regarder que les résultats qui parfois s’avéraient décevantspour les élèves, la recherche des procédés amenant à l’échec a été favorisée. Les feedbacks des élèves ou de moi-même, au sein de ce cycle de sport, ont tenu une place centrale. L’intégration des outils numériques a été un véritable outil au service des apprentissages. Les photographies et vidéos prises pendant les entrainements ont servi d’appui dans les moments d’échanges.
D’autre part, dans le but de mener à bien leur projet final, un degré d’exigence a été imposé. S’ils étaient relativement « libres » dans leur travail, des critères esthétiques, moteurs, …précis ont été instaurés quant à la réalisation du projet final. Cette exigence sous-entend que l’entrainement est indispensable à la réussite et aux apprentissages.

Les modalités et outils de l’expérimentation

Afin d’évaluer l’évolution du comportement moteur, social et affectif des élèves tout au long du cycle d’acrosport, j’ai fait des choix quant aux modalités de travail mais aussi aux outils d’expérimentation.

Les modalités de travail

Dès les premières séances d’acrosport les élèves étaient assez « libres » dans l’activité.
Je les ai placés dans une démarche active. Ils ont eu la consigne de constituer les groupes qu’ils souhaitaient à condition que dans chaque groupe il y ait des filles et des garçons. Si des groupes ne parvenaient pas à travailler dans de bonnes conditions ou qu’ils étaient trop « homogènes », des changements ont été effectués de façon à agir sur les représentations sociales des élèves dans la perspective de notre problématique. A chaque séance les élèves conservaient les mêmes groupes.
D’autre part, nous avons fait le choix de mettre en place au sein des séances d’entrainement et de préparation à la production finale une structure qui se répète et qui alterne entre la pratique motrice des élèves et des discussions autour des réussites ou des difficultés éventuelles(en veillant cependant à ce que la pratique effective des élèves occupe la majorité des séances).
Par ailleurs, chaque séance se terminait par une phase de démonstration du travail effectué suivie d’un temps d’échanges, de discussions autour des réussites et des difficultés des élèves ainsi que des procédures attendues. Le but étant que chacun prenne conscience par les feedbacks de l’écart (si écart il y a) entre les figures considérées comme réussies et leur production. Au fur et à mesure de ce cycle d’acrosport, un affichage reprenant les critères de réalisationa été mis en place et complété à chaque séance.
D’autres outils nous ont permis d’affiner notre démarche expérimentale et de récupérer des informations nécessaires à nos observations et analyses.

Les outils

Tout d’abord, la mise en place du matériel relatif à la sécurité en acrosport a été mis en place à chaque séance: des tapis de sol suffisamment épais mais aussi l’affichage des règles de sécurité représentées par des pictogrammes et mis en évidence avec les élèves lors des séances de découverte. Enfin, afin d’étayer les feedbacks des élèves ou de moi-même,le matériel numérique a été indispensable: appareils photos ainsi qu’une tablette numérique pour les vidéos.
D’autre part, pour l’analyse de l’aspect moteur et de la dimension sociale, je me suis appuyée essentiellement sur les observations des photos et vidéos des élèves prises lors des séances. Mais pour l’analyse des aspects affectifs d’autres outils plus spécifiques ont été mis en place. Effectivement, chaque élève disposait d’une feuille de route (annexes 3) qu’ils reprenaient à chaque séance et qu’ils devaient remplir ou compléter en faisant apparaitre leur avancement au niveau moteur et au niveau de la mise en scène: la ou les figure(s) réussie(s) (validée(s) par moi-même) et ce qu’ils envisageaient de faire pour mettre en scène l’émotion attribuée. Afin de ne pas bloquer certains élèves et par manque de temps, les ressentis des élèves ont été demandés à chaque démonstration et écrits sur la « feuille des ressentis » (annexe 4) par mes soins.
Notre problématique portant sur les représentations des élèves, nous avons décidé de mettre en place un questionnaire à destination des élèves qu’ils ont rempli en amont mais aussi en aval de cycle d’acrosport afin de mesurer l’évolution de leurs perceptions de l’activité et de leur corps vis-à-vis d’elle (annexes 5 et 6).
Enfin, le rôle des spectateurs a été important autant dans les feedbacks (critères de réalisation à respecter) que dans le respect de l’autre (regard porté sur les camarades). Ils avaient donc une fiche reprenant les critères de réalisation, la consigne était de la remplir le plus objectivement possible et exprimer l’évolution du groupe au cours du cycle au vu des différentes démonstrations.

Des résultats à leur analyse

La notion d’implication est très subjective. C’est pourquoi, pour évaluer le degré d’engagement des élèves dans le cycle d’acrosport je me suis basée sur des critères observables qui, selon moi, correspondent à la définition de ce qu’est l’implication.
Pour les besoins de l’étude, des prénoms quelconques ont été attribués aux élèves observés: Aymeric, Laura, Eliot et Boris. Ces quatre élèves (dont Aymeric, un enfant autiste), représentant au mieux la classe, ont fait l’objet d’une observation particulière par le biais de questionnaires, de vidéos et photographies ainsi que d’entretiens oraux. En agissant sur les représentations sociales, fonctionnelles et cognitives, j’ai pu mesurer le degré d’implication de ces quatre élèves à trois niveaux: la motivation, la prise de risque et la capacité à prendre du recul par rapport à leur pratique.

La prise de risque émotionnelle

Les élèves avaient pour objectif de jouer une émotion, un sentiment au fil de leur représentation finale. Ils ont eu des difficultés à introduire cette dimension émotionnelle. Le premier questionnaire distribué aux élèves faisait aussi l’objet de questions portant sur le jeu d’acteur. Seulement deux élèves (Eliot et Boris) sur lesquels une attention a été portée pensaient pouvoir jouer une émotion devant leurs camarades. Suite à la première séance, Boris a finalement changé de représentation mais dans le sens inverse. En effet, jouer une émotion devant un public ne semblait pas lui poser de problème. Cependant, suite au travail fait sur l’activité acrosport, cet élève a changé de position. Selon lui, il était capable de jouer devant un public mais pas une émotion. Suite à la lecture de ses réponses, j’ai engagé une discussion avec lui pour connaitre les raisons de son changement de position.
Pour lui, jouer une émotion a été difficile car il ne parvenait pas à la décrire et avait un sentiment de honte envers les spectateurs.
Pour tous les élèves, le jeu d’acteur a été intégré à la représentation. D’ailleurs, Eliot s’est particulièrement investi dans ce sens là, lui et son groupe ont relevé le défi avec brio.
La prise de risque émotionnelle c’est aussi accepter le regard de l’autre . Deux des élèves observés pensaient ne pas pouvoir oser jouer devant un public. Au regard des vidéos et prestations des groupes, tous y sont parvenus avec plus ou moins d’assurance.
Comme toute activité artistique, l’acrosport fait appel à la créativité et à l’émotion. Il s’agit de raconter une histoire basée sur les ressentis. Il a été difficile pour les élèves de percevoir ce à quoi correspondait d’une part le jeu d’acteur et d’autre part les émotions. Le visionnage de vidéos présentant le jeu d’acteur a été indispensable afin que les élèves puissent entrer pleinement dans l’activité. J’ai fait le choix d’introduire les émotions à la séance 5 car je voulais m’assurer que toutes les figures avaient été travaillées auparavant et qu’elles puissent être mis en scène . Le travail sur les représentations de l’activité elle-même (le jeu d’acteur) a donc été effectué (vidéos et photos) mais il a été complété par une séquence en vocabulaire (champs lexicaux des émotions). Durant celle-ci des scènettes relatives à des émotions ont été effectuées. Les feedbacks immédiats des élèves ainsi que les vidéos des élèves eux-même sont participé à rendre les élèves acteurs de leurs apprentissages et donc à s’impliquer davantage.
Il a été difficile pour les élèves d’accepter le regard de l’autre lors de chaque représentation. Il a donc fallu impliquer les spectateurs par le biais d’une grille de critères les plus objectifs possible (reprenant ceux inscrits sur l’affichage) afin que chaque acrobate ne se sentent pas jugés mais bien observés. Grâce à cela, un climat de confiance a été instauré et les remarques des spectateurs (positives ou négatives) ont été de plus en plus constructives au fil du cycle. Chaque acrobate pouvait alors agir sans appréhension du regard de l’autre.
Durant ce cycle d’acrosport, la capacité des élèves à prendre du recul par rapport à leur pratique a été constructive et a montré leur degré d’implication dans l’activité.

Prendre du recul par rapport à sa pratique

Une focalisation sur les procédures

Une évolution de l’état d’esprit des élèves a été relevée par rapport à l’EPS en général mais aussi par rapport leur pratique. En effet, au fil de la séquence les élèves se sont focalisés davantage sur les procédures qui ont permis les résultats plutôt qu’uniquement sur les résultats. En s’appuyant sur les critères objectifs élaborés en début de cycle, les élèves spectateurs ont formulé des remarques constructives lors des « démonstrations » de fin de séance. De plus, dans les questionnaires remplis par les élèves, il est intéressant de voir que Boris par exemple a fait le lien entre les procédures (je sais comment me placer) et la prise de risque (j’accepte de me mettre à n’importe quel niveau de la figure) et donc la progression. Il a donc compris qu’en maitrisant les règles d’acrosport et les procédures possibles, la prise de risque ne peut qu’être payante et donc le faire progresser. En cela, la tension de l’élève due au risque a été moindre.
Enfin, les réponses aux questionnaires de fin de séquence ont révélé pour ces élèves une véritable prise de recul par rapport à leur pratique. En effet, suite aux présentations du travail des groupe lors de chaque séance, ils avaient des difficultés à revenir sur leur travail et verbaliser leurs ressentis . Au fil de la séquence ils se sont focalisés davantage sur les procédés mis en place et leurs évolutions possibles.
Ces constats répondent à l’hypothèse selon laquelle on n’avance pas sur l’estime de soi et sur sa pratique uniquement en pratiquant l’activité. Une mise à distance est nécessaire par le biais de débriefings et de feedbacks. Ceux-ci alimentent une représentation cognitive qui complète la simple expérience.
Le lien qui a été établi par les élèves entre la procédure et les résultats de leur travail s’est mis en place progressivement grâce à plusieurs « outils ». Tout d’abord, une interruption de l’activité des élèves pendant les séances d’acrosport avait lieu pour rappeler les règles de l’activité, pour installer un nouvel apprentissage, pour revenir sur des erreurs éventuelles les liant ainsi aux procédures utilisées. Ces feedbacks immédiats provenaient à la fois du professeur et des élèves spectateurs. Il s’agissait par le biais de ces débriefings de mettre en échec les représentations de certains élèves ou au contraire de les confirmer pour que chacun progresse dans sa pratique.
D’autre part, des retours ont eu lieu à chaque fin de séance pendant lesquels les élèves spectateurs avaient pour mission d’observer les représentations et d’en dégager des remarques . Cette phase a été intéressante dans le sens où les critères des spectateurs pour « évaluer » la pratique des élèves acrobates ont été de plus en plus objectifs.En effet, lors des premières séances, leur jugement portait sur la hauteur des figures, sur les obstacles plus que les réussites…mais au fil du temps les critères se sont affinés et ils tendaient à juger davantage les procédures utilisées, les règles de sécurité et d’appuis.
Par ailleurs, j’ai noté que les remarques des élèves spectateurs avaient plus d’impact sur les élèves acrobates que les feedbacks de l’enseignant. Des discussions très riches s’engageaient entre les élèves à propos des pratiques et mettaient les élèves en situation de réflexion. Un climat de confiance et d’entraide s’est installé au fil du cycle de sport rendant chaque élève acteur de son apprentissage et régulateur de sa pratique.
Enfin, des feedbacks en différé ont permis de mettre en image les remarques faites lors des séances. Effectivement, le visionnage de vidéos et de photos des élèves tout au long de la séquence a été un point d’appui à l’apprentissage par exemple pour le « montage » et le « démontage » des figures, les appuis… Les retours sur les pratiques prenaient alors tout leur sens et permettaient aux élèves de percevoir concrètement leurs réussites, leurs difficultés et les liens avec les procédures.
Un changement de comportement des élèves a eu lieu pendant le cycle d’acrosport. Ils ont pris conscience que prendre du recul par rapport à son travail permet de progresser dans un but de maitrise de l’activité et donc de performance dans celle-ci. Chez les quatre élèves observés, Boris et Eliot sont très compétitifs. Au cours de l’activité, leur comportement a changé dans le sens où ils sont passés d’un stade où ils voulaient réaliser les figures les plus complexes possible à un stade où ils préféraient travailler sur des figures moins complexes mais bien les faire en s’entrainant à plusieurs reprises.

Une volonté de se voir évoluer

Non seulement les élèves se sont focalisés sur les procédures qui permettent de réussir  ou de progresser mais ils avaient en plus le souhait de visualiser leur progression. Les élèves ont pu constater les résultats de leur engagement et de leur persévérance dans le travail à travers plusieurs outils.
Tout d’abord, lors de la troisième séance, la fiche représentant les différentes figures à travailler leur a été distribuée. Elle était un point d’appui à leur travail au cours des séances.
D’autre part, les élèves ont pris très vite l’habitude de visionner les photos et vidéos de leur travail. Une fois l’appréhension de se voir dépassée, ils étaient donc demandeurs non pas pour le plaisir de se voir mais bien dans l’idée de s’améliorer. Le questionnaire final révèle l’intérêt qu’ont trouvé les élèves à utiliser les outils numériques et en quoi ceux-ci ont constitué une aide précieuse. Enfin, les élèves étaient au départ assez hostiles aux « démonstrations » de fin de séances, peu d’entre eux souhaitaient montrer aux autres le travail effectué. Mais petit à petit ils ont su tirer partie de ces moments d’échanges. A la fin de la séquence, tous les groupes avaient le souhait de présenter leurs figures et d’échanger avec toute la classe.
Face à la volonté des élèves de percevoir leurs progrès, j’ai décidé d’introduire un tableau à compléter à chaque séance. Il constituait un véritable outil pour les élèves et permettait aux élèves de changer ou conserver leur représentation d’eux vis-vis de l’activité.
Ce tableau leur a aussi permis de se fixer des « objectifs »à chaque séance au sein du groupe.
Le visionnage des vidéos a également pris une autre dimension lorsque j’ai décidé d’introduire une comparaison des photos et vidéos prises de chaque groupe en milieu puis en fin de séquence. Les échanges ont été d’autant plus intéressants que les élèves devaient d’abord s’exprimer eux-mêmes sur leur travail, les autres ensuite. En tant qu’enseignante, mon rôle a été d’apporter les outils dont avaient besoin les élèves pour visualiser leur progression et ainsi prendre des risques et persévérer dans l’effort et dans l’entrainement.
Pour conclure cette analyse, le cycle d’acrosport semble avoir porté ses fruits, les élèves ont été dans une démarche où le but visé était, semble-t-il, la « maitrise » de l’activité (lien entre procédures et résultats).
Agir sur les représentations sociales mais surtout cognitives a eu un impact sur le comportement des élèves. En effet, au regard du déroulement de la séquence, les moment d’échanges et de discussions semblent avoir été porteurs dans cette activité. L’élaboration de critères objectifs avec les élèves a participé à rendre les spectateurs actifs dans l’observation des « acrobates » permettant ainsi à chacun de bousculer ou conforter les représentations de leurs habiletés vis-à-vis de l’activité.
Cependant, l’introduction d’une émotion dans la production finale a été compliquée pour certains élèves. Un travail plus approfondi, en amont de la séquence, relatif aux émotions aurait sans doute permis de rendre la séquence encore plus pertinente au regard de la problématique.
La notion d’implication est subjective. Afin d’augmenter le degré d’engagement des élèves, un travail de longue durée est nécessaire. C’est pourquoi, il serait intéressant d’inscrire
cette séquence dans un travail d’équipe, de cycle voire même d’école en lien avec le parcours artistique et culturel.

 

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Table des matières
Introduction 
1. Le cadre théorique
1.1 Le dépassement de soi en EPS
1.1.1 La définition du dépassement de soi
1.1.2 Le risque en EPS: un danger contrôlé
1.1.3 La prise de risque: un décision calculée
1.2 La motivation: sa place et son rôle dans l’apprentissage
1.2.1 La motivation: une variable qui agit sur l’apprentissage
1.2.2 Les caractéristiques de la motivation
1.2.3 Les deux pôles de la motivation: intrinsèque et extrinsèque
1.3 Le concept de représentation
1.3.1 La définition
1.3.2 Les différentes représentations
1.3.3 Rôle de l’enseignant par rapport aux représentations des élèves
2. La partie expérimentale 
2.1 Le cadre d’expérimentation
2.1.1 Le terrain d’étude
2.1.2 Les participants
2.1.3 Le contexte d’expérimentation
2.2 La démarche d’enseignement
2.2.1 Les principes directeurs
2.2.2 Le plan de séquence
2.3 Les modalités et d’outils de l’expérimentation
2.3.1 Les modalités de travail
2.3.2 Les outils
3. Des résultats à leur analyse 
3.1 Des élèves motivés
3.1.1 La participation active des élèves
3.1.2 Une motivation intrinsèque d’accomplissement
3.2 La prise de risque
3.2.1 Sur le plan des habiletés motrices
3.2.2 La prise de risque émotionnelle
3.3 Prendre du recul par rapport à sa pratique
3.3.1 Une focalisation sur les procédures
3.3.2 Une volonté de se voir évoluer
Conclusion 
Bibliographie 
Annexes

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