Rodogune et La mort d’Agrippine ou le chaos politique

Rodogune et La mort d’Agrippine ou le chaos politique

La suprématie de l’idée dynastique dans Héraclius de Pierre Corneille Héraclius (1647)

En plus de tracer une accession au pouvoir, est une pièce de la légitimité associée à l’hérédité. Toute Pintrigue tourne autour du nom. Ce nom constitue à lui seul un statut, un rang et une identité. Dans cette tragédie, identité et nom sont indissociables. Alors que dans la tragi-comédie Pulchérie, nous étions face à une séparation du nom et du statut («je suis impératrice et j’étais Pulchérie »22), ici, nous sommes face à une reconquête du nom et avec lui, de la fonction et des devoirs qui y sont rattachés. L’on ne dissocie par son nom de son devoir, les deux éléments se servent Pun Pautre et, en fait, ne recouvrent qu’une seule réalité. Dans cette pièce, le sang, l’hérédité détermine complètement l’individu. Dans un premier temps, Corneille s’attache à montrer qu’au sein d’une même famille, les tempéraments sont similaires.

Dans le passage « Prince digne en effet d’un trosne acquis sans crime,/Digne d’un autre père. Ah! Phocas! Ah Tyran!/Se peutil que ton sang ait formé Martian ?23 », l’on voit bien que l’idée de dépassement de la lignée est exclu. La vertu d’un fils semble impossible, car le père est tyrannique. Sous le nom de Martian est en fait désigné Héraclius. La facticité du lien de parenté entre Héraclius et Phocas, avant même d’être expliquée (cela est établi à la scène suivante), apparaît à travers la différence de caractère entre les deux hommes. La révélation finale répond au questionnement du premier acte, un tyran ne peut engendrer un homme vertueux. L’importance de l’hérédité découle d’un autre principe, la transmission du crime :

-Dans le fils d’un tyran l’odieuse naissance -Mérite que l’erreur arrache l’innocence,

-Et que, de quelque esclat qu ‘il se soit revestu,

-Un crime qu ‘il ignore en souille la vertu. (Héraclius24\ II, 3, v 573-576)

Le fait que la vertu soit atténuée par les méfaits de l’ascendance suggère que la responsabilité dépasse le cadre de la vie du personnage. Chacun d’eux doit répondre de ses crimes et de ses ancêtres. Le poids des aïeux est d’autant plus important qu’ils sont présents dans la tragédie. Les références à Maurice et à son épquse sont nombreuses dans l’oeuvre et le couple impérial a un pouvoir d’action grâce aux billets25 révélant l’identité d’Héraclius. Les diverses allusions à la similitude parents-enfants rendent leur description nécessaire puisque, si Maurice passe pour vertueux, il en sera de même pour Héraclius (ce phénomène ne s’étend pas à Pulchérie, les rôles hommes-femmes sont trop distincts pour permettre ce rapprochement).

La transmission des fautes et l’aspect héréditaire du caractère imposent tout de suite une hiérarchie claire parmi les personnages. Alors que les héritiers de Maurice sont nécessairement vertueux, le tyran et son fils sont dans une position inverse. Ce constat transparaît dans les propos de tous les personnages, c’est l’évidence sur laquelle se fonde la tragédie. L’on voit bien ici que la prise du pouvoir d’État par Phocas n’a pas eu d’impact sur l’idéologie dominante et, plus largement, sur les appareils idéologiques d’État. C’est ici que se trouve la faille de Phocas puisqu’« aucune classe ne peut durablement détenir le pouvoir d’État sans exercer en même temps son hégémonie sur et dans les Appareils idéologiques d’État»26. La conception même de l’hérédité dans l’idéologie dominante condamne par avance Phocas à la situation de tyran, et ce d’autant plus que cette prédominance de l’hérédité se traduit par un devoir vis-à-vis des aïeux. La figure la plus représentative de ce phénomène est Pulchérie :

La tyrannie ou la dissociation du pouvoir d’État et de PÉtat Dans la première partie de l’oeuvre, deux entités contraires sont présentes, l’idée du Roi et Saul. Autour de cela, Pierre du Ryer a construit deux loyautés, celle au Roi, celle à Satll, être fidèle à l’un, c’est trahir l’autre. Comme le choix est entre le Père et le Monarque, ce problème est centré sur Jonathas et Michol. Comme ce sont les deux personnages à travers lesquels le dramaturge donne la définition du souverain, ils sont dans la fidélité au Roi et désavouent le Père. La rupture entre Saûl et sa fille intervient lors du procès de David. Quand Michol défend David, Saûl précise que « C’est perdre le respect » auquel elle répond «Oiiy Sire, je le perds,/Mais le perdant ainsi, je croy que je vous sers» . L’on assiste à un phénomène assez semblable pour Jonathas : « Ouy je serois fâché de vous avoir pour Pere,/Si l’amour de mon Père inutile pour moy/Me devoit empescher de périr pour mon Roy >> ».

Sur ce point, Saul ressemble énormément à Phocas. Leur qualité de tyran vient en majeure partie de leur amour filial, mais, en raison de cela, les enfants se désolidarisent du père («je voy mes enfans parmy les conjurez »100, «Donc chacun me trahit! »101). Toutefois, ce renoncement est présenté comme le deuxième de la tragédie. Le premier à avoir abandonné, c’est Satil, l’objet, c’est la fonction royale : «Quoy, vous despouillez-vous de ce courage extresme/Qui dessus vostre front assure un Diadesme ? /Refusez-vous de vaincre, & de vivre pour nous ?/Et vous mesme aujourd’huy vous abandonnez-vous ? »102. Le déclencheur de la pièce, c’est donc la dissociation entre l’image de Saul et l’image de la Royauté. Michol et Jonathas ne reprochent pas de faits particuliers à Satil, L’on voit bien que la rupture est idéologique. Sa descendante ne fait pas référence à une atteinte au Droit, mais à une idée communément admise, à une idéologie. La déchéance du souverain n’est justifiée qu’après le procès entamé par les enfants.

La perdition de Saûl se révèle sous trois aspects, la présence d’un mauvais conseiller (Phalti), l’injustice, et le recours aux enfers. Phalti intervient principalement dans les scènes relatives à David et dans celles où apparaît Michol. Le rôle de Phalti, c’est d’accuser David de trahison et de déloyauté. Toutes les annonces d’une éventuelle infidélité de David • émanent de sa bouche : « David marche aujourd’huy parmy vos ennemis,/Et soustient contre vous ceux qu’il vous a soubmis »103 ou « David estoit à craindre estant auprès de vous »104. Le problème de l’éventuelle culpabilité de David n’est pas un point central de la pièce, l’on se contente de rappeler sa vertu. L’histoire de ce personnage est connue par tous les spectateurs, son innocence est une évidence pour tous, ce n’est pas le noeud de la tragédie. L’intérêt de cette question est la mise en avant de la duplicité de Phalti et de la faiblesse de Saûl qui devient l’instrument de son conseiller.

Ici, la trahison vient de la jalousie à rencontre du mariage entre Michol et David : «Ainsi Phalti travaille, & ne se met en peyne/Que pour rendre son Roy l’instrument de sa hayne,/Que pour en obtenir sans règle & sans raison/Le prix d’un lâche Amour, & d’une trahison »105. Phalti n’est pas l’unique entourage de Saul, un autre conseiller est présent, Abner. Ce dernier s’apparente beaucoup plus à Jonathas et Michol, leurs discours sont à peu près les mêmes et plusieurs fois, du Ryer nous montre Abner s’opposant à Salil. La présence d’un deuxième intermédiaire indique la culpabilité de Satil. Il n’est pas soumis à des informations erronées, la préférence des conseils de Phalti sur ceux d’Abner devient un choix. L’injustice est donc l’apanage de Phalti, mais aussi de Saûl.

Les raisons de la rancoeur vis-à-vis de David apparaissent à travers Saûl, Michol et Jonathas. Le problème est que deux images de David circulent dans la pièce, la première – qui se retrouve chez Saûl et Phalti – est celle d’un rebelle concurrent de Saûl, la deuxième – incarnée par tous les autres personnages – est celle d’un sujet loyal injustement traité. Cette situation est résumée par les vers: «Vous craignez l’innocence, & j’excuse auiourd’huy/Qu’un Rival de David ne parle pas pour luy »106. L’on voit bien ici que des deux images, une seule passe pour juste, le sous-entendu étant ici que Saûl et Phalti sont conscients du leurre tendu à David. Mensonge ou pas, dans la première partie de la pièce, cette image de David reste présente, et, évidemment, cela justifie la déchéance de Saûl. Ce sont maintenant trois passions qui forment le caractère de Saûl, l’amour filial, la haine et le désir de gloire personnelle – les deux dernières sont très liées, la quête de la gloire entrainant la haine du rival. Ces deux points sont exposés au tout début de l’oeuvre. La condamnation de David, « ce n’est là qu’un prétexte à ceste passion,/Que l’on a pour l’honneur, & pour l’ambition/Il regarde la gloire ainsi qu’un avantage/Qu’il craint iniustement que David ne partage,/Comme s’il ignorait qu’après de grands exploits/La gloire des subjets est toute pour les Roys »107.

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Table des matières

Résumé
Remerciements
Table des matières
Introduction :
I : Déchéance du tyran et ascension du souverain légitime « 
La suprématie de 1 ‘ idée dynastique dans Héraclius de Pierre Corneille
Le souverain idéal ou la vertu élevée par Dieu et l’État
Saùl : quand être tyran, c’est être père
La tyrannie ou la dissociation du pouvoir d’État et de l’État
La légitimité retrouvée : « Commençant à régner, il a cessé de vivre »
II : Duels politiques et religieux chez Rotrou et de Bouscal
La déchéance de Brutus, prélude à la mort de l’idéal républicain
La nécessité monarchique
La faiblesse du pouvoir terrestre ; la tétrarchie dans le Véritable Saint Genest
Cour céleste et cour terrestre : entre subordination et opposition
La suprématie de l’empire de Cieux sur le monde terrestre
Ill : Rodogune et La mort d’Agrippine ou le chaos politique
Les problèmes inhérents à la régence dans Rodogune
L’État : un instrument au service des Grands
L’État comme instance supérieure chez les Parthes
La mort d’Agrippine et la diversité des instances de pouvoir
Désincitation de l’Etat et désacralisatiori des Cieux
Conclusion
Références bibliographiques

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