Revue des propriétés magnétiques et magnéto-élastiques des matériaux ferromagnétiques

 LE CND PAR EMAT EN MILIEUX FERROMAGNETIQUES 

Le contrôle non-destructif (CND) permet la caractérisation de l’état de santé d’une pièce mécanique sans en altérer les propriétés mécaniques. Il s’oppose ainsi aux méthodes dites destructives. Les contrôles sont utilisés dans l’industrie lors des phases de fabrication et de maintenance de pièces mécaniques avec divers objectifs d’inspection tels que la caractérisation de matériaux, la mesure d’épaisseur, les contrôles de serrage, les contrôles à chaud, la détection et la caractérisation de défauts. Il existe une grande variété de méthodes de CND capables de répondre à ces différents objectifs industriels, parmi lesquels on peut citer les contrôles ultrasonores, électromagnétiques, thermographiques et radiographiques. Les contrôles par ultrasons utilisent un ou plusieurs traducteurs capables d’émettre et/ou recevoir des ondes élastiques dans le matériau inspecté. Ces ondes se propagent et interagissent avec la pièce mécanique. Le signal ultrasonore mesuré en réception contient la signature d’éventuels défauts structurels internes (fissures, vides ou inclusions) ou surfaciques (pertes d’épaisseur, fissures débouchantes), ce qui permet leur localisation et caractérisation par comparaison à un état mécanique sain. Les outils de simulation des méthodes ultrasonores de CND jouent un rôle industriel fondamental en facilitant l’interprétation des mesures (maîtrise de la signature ultrasonore de la géométrie de la pièce et des défauts recherchés), et en offrant un moyen efficace pour optimiser la conception des traducteurs et les configurations de contrôle. Ce sont les enjeux du développement de la plate-forme logicielle CIVA [Civa_Extende] de simulation des méthodes de CND développée au CEA LIST, qui comporte en plus de la simulation des contrôles ultrasonores (CIVA US), des modules de simulation de contrôle par courants de Foucault (CIVA CF) et par radiographie (CIVA RX).

Il existe trois principales méthodes pour émettre – et être sensible à – des ondes ultrasonores en CND par ultrasons, reposant sur des mécanismes physiques différents. La première, qui est la plus répandue industriellement à ce jour, utilise des traducteurs piézoélectriques. Ils sont constitués de pastilles en céramiques piézoélectriques capables de convertir une excitation électrique impulsionnelle en une déformation élastique dynamique ; il s’agit d’un couplage électromécanique (actif). Cette déformation engendre une onde ultrasonore qui se propage dans la pièce à inspecter, la bonne transmission à l’interface entre la face avant du traducteur et la pièce étant assurée par un couplant mécanique (solide ou liquide). Une deuxième méthode exploite la génération d’ondes ultrasonores par l’intermédiaire d’un laser. Cette technique prend de l’importance dans certains secteurs industriels comme l’aéronautique, offrant la possibilité d’opérer le contrôle sans contact. Une intensité lumineuse est rayonnée par un laser dans la zone d’intérêt ; la dilation thermique dynamique engendrée se convertit en onde élastique dans le matériau par un couplage thermoélastique ; la réception est réalisée par mesure interférométrique laser. Enfin, une troisième méthode met en œuvre des traducteurs électromagnétiques acoustiques (EMAT pour ElectroMagnetic Acoustic Transducer), qui font l’objet de cette étude. De plus en plus d’acteurs industriels s’intéressent à cette technique sans contact prometteuse. Ces traducteurs sont constitués d’une ou plusieurs bobines inductrices et d’un ou plusieurs aimants permanents (ou électroaimants). Ces éléments induisent des courants de Foucault et rayonnent des excitations électromagnétiques (dynamique et statique) qui interagissent avec la microstructure de la pièce inspectée (milieu conducteur, magnétique ou non). Ces interactions génèrent les sources dynamiques (volumiques et surfaciques) à l’origine de l’onde ultrasonore transmise par EMAT dans le milieu : il s’agit d’un couplage électromagnéto-élastique.

Les EMAT permettent la génération et la réception d’ondes ultrasonores sans contact, et donc sans couplant mécanique avec la pièce. Cet avantage présente l’intérêt d’assurer de bonnes performances en environnements hostiles, tels qu’en présence de forts gradients de pression et/ou de hautes températures. Le fonctionnement sans contact offre également la possibilité d’effectuer des contrôles plus rapides en chaîne de production industrielle. De plus, les EMAT sont peu sensibles à l’état de surface du matériau inspecté, à l’inverse des techniques par laser par exemple. Ces traducteurs sont également capables de générer et recevoir une grande variété de types d’ondes (surfaciques, volumiques et guidées) et de polarisations (y compris des ondes transversales horizontales SH et de torsion, difficiles ou impossibles à générer par traducteur piézoélectrique) selon la configuration géométrique des bobines et la polarisation des aimants permanents. Par exemple, la sonde EMAT ‘bi-onde’ (Figure 0.2) conçue par le CETIM, partenaire industriel de la thèse, utilise la génération simultanée d’ondes volumiques de compression et de cisaillement dans le matériau inspecté grâce à des paramètres de conception dédiés du traducteur (bobine spirale et aimantation permanente normale). Ces deux types d’onde ultrasonore ayant des sensibilités différentes à un état de contraintes mécaniques volumiques (par effet acoustoélastique), cette sonde permet la mesure absolue sur site de l’état de serrage d’un assemblage vis-écrou (boulon) déjà serré. La méthode ‘bi-onde’ se démarque des méthodes conventionnelles (clés dynamométriques) par une meilleure précision de mesure, et des méthodes ‘mono-onde’ en éliminant le besoin de connaître la longueur exacte de la vis à vide (sans contraintes).

REVUE DES PROPRIETES MAGNETIQUES ET MAGNETOELASTIQUES DES MATERIAUX FERROMAGNETIQUES

De nombreux phénomènes multi-physiques, intervenant à des échelles spatiales différentes, sont impliqués lors de la sollicitation d’un milieu ferromagnétique par une excitation magnétique extérieure. Les propriétés macroscopiques d’aimantation et de déformations de magnétostriction de ces milieux, qui résultent d’un équilibre microscopique complexe, exhibent des comportements fortement nonlinéaires, pouvant être affectés par de nombreux facteurs physiques de natures différentes. Parmi ces facteurs, l’état de contraintes mécaniques (appliquées ou résiduelles) joue un rôle important sur les mécanismes à l’origine du comportement magnéto élastique d’un milieu ferromagnétique. Ce chapitre est une synthèse bibliographique détaillée relative aux propriétés magnétiques et magnétostrictives des matériaux ferromagnétiques, éventuellement sous contraintes mécaniques, à l’usage du concepteur ou de l’utilisateur ‘ultrasoniste’ d’un traducteur EMAT, pour faciliter l’introduction des approches théoriques permettant de modéliser la réponse magnéto-élastique des milieux ferromagnétiques généralement rencontrés en application du CND par EMAT. Cette revue est inspirée de nombreux ouvrages et manuscrits de thèse de la littérature, dont principalement [Lee_1955, Bozorth_1964, Chikazumi_1964, Cullity_1972, Couderchon_1979, Jiles_1998, Dapino_1999, Daniel_2011].

Théorie des champs électromagnétiques macroscopiques en milieux magnétiques continus 

Par choix de variable thermodynamique pour représenter l’état magnétique d’un milieu ou pour des raisons pratiques d’implémentation numérique, le champ d’excitation magnétique 𝐇 et le champ d’induction magnétique 𝐁 sont souvent confondus dans la littérature [Roche_2000]. Le formalisme adopté dans ce manuscrit interprète le champ d’excitation 𝐇 comme variable d’état. Les champs d’induction 𝐁 et d’aimantation 𝐌 découlent de cette excitation par la prise en compte des propriétés magnétiques du milieu étudié. Cette section introduit ces différents champs, présente les équations de Maxwell régissant leur couplage électromagnétique, et expose les différents comportements magnétiques des milieux généralement rencontrés industriellement.

Les champs électromagnétiques macroscopiques

La théorie des champs électromagnétiques traite des interactions physiques élémentaires qui s’exercent sur des porteurs de charge électrique microscopiques constituant la matière (électrons, ions). Le champ d’excitation électrique 𝐄 provient du déplacement de ces porteurs de charges dans un milieu, comme du courant électrique circulant dans une bobine électrique. Le champ d’excitation magnétique 𝐇 est quant à lui associé à des mouvements spécifiques de rotation et de circulation des charges électriques dans un milieu. Les matériaux magnétiques sont constitués à l’état microscopique d’une distribution locale de moments magnétiques élémentaires, les moments angulaires orbitaux (rotation des électrons selon une orbite autour d’un noyau atomique) et les moments quantiques de spins des électrons (rotation des électrons sur eux-mêmes), qui tendent à s’aligner dans la direction d’une excitation 𝐇.

Certains milieux comme les matériaux ferromagnétiques présentent la caractéristique d’être localement organisés en régions spontanément aimantées, même en absence de champ magnétique extérieur, dont l’arrangement microscopique permet l’apparition d’une aimantation macroscopique rémanente. Cette caractéristique, exploitée notamment dans la conception d’aimants permanents [Moskowitz_1986], repose sur un équilibre énergétique spécifique qui s’exerce sur les moments magnétiques microscopiques des milieux et tend à les aligner selon certaines directions cristallographiques privilégiées, contribuant à l’apparition d’un moment magnétique à l’échelle macroscopique. Cette propriété est utilisée très tôt dans le principe de la boussole : le moment magnétique d’une aiguille ferromagnétique interagit avec le champ magnétique terrestre et s’aligne dans la direction du pôle nord.

Les champs électrique et magnétique des milieux sont couplés. L’interaction entre électricité et magnétisme est découverte en 1820 par Œrsted [Œrsted_1820], qui démontre expérimentalement qu’un fil conducteur alimenté d’un courant électrique interagit avec une aiguille aimantée. Cette expérience révèle qu’un courant électrique est capable de rayonner un champ magnétique qui force l’alignement du moment magnétique de l’aiguille aimantée dans sa direction. Les lignes de champ magnétique issues d’une boucle de courant électrique ou d’un aimant permanent sont très similaires, et ce qui permet notamment de modéliser le champ magnétique d’un aimant permanent rayonné dans l’air par équivalence avec celui d’une bobine électrique [Ravaud-et-al_2010]. En revanche, le flux circulant à l’intérieur de l’aimant est de sens opposé à celui traversant l’intérieur d’une bobine.

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Table des matières

INTRODUCTION
Le CND par EMAT en milieux ferromagnétiques
Contexte de la thèse
Étude bibliographique
Bilan bibliographique
Problématiques détaillées de la thèse
Présentation des travaux effectués
CHAPITRE 1 Revue des propriétés magnétiques et magnéto-élastiques des matériaux ferromagnétiques
1.1. Théorie des champs électromagnétiques macroscopiques en milieux magnétiques continus
1.1.1. Les champs électromagnétiques macroscopiques
1.1.2. Équations de Maxwell en milieux continus
1.1.3. Classification des comportements magnétiques des milieux
1.2. Description des propriétés magnétiques macroscopiques des milieux ferromagnétiques
1.2.1. Comportements non-linéaires, cycles d’hystérésis et susceptibilités magnétiques caractéristiques
1.2.2. Milieux ferromagnétiques doux et durs
1.2.3. Susceptibilités intrinsèque et apparente : champ démagnétisant
1.2.4. Facteurs physiques affectant la qualité d’aimantation macroscopique
1.3. Description des mécanismes microscopiques à l’origine des propriétés magnétiques nonlinéaires
1.3.1. Structure microscopique organisée en domaines magnétiques de Weiss
1.3.2. Réarrangements des domaines de Weiss et parois de Bloch sous l’effet d’une excitation magnétique
1.3.3. Composition chimique et déplacements irréversibles des parois de Bloch
1.3.4. Influence de la fréquence d’excitation
1.3.5. Anisotropie magnéto-cristalline
1.4. Description des propriétés magnéto-élastiques macroscopiques des milieux ferromagnétiques
1.4.1. Les phénomènes de couplage magnéto-élastique des milieux
1.4.2. Description des déformations macroscopiques de magnétostriction
1.4.3. Origine du couplage magnéto-élastique et anisotropie magnéto-cristalline
1.4.4. Influence des contraintes mécaniques sur les courbes macroscopiques d’aimantation et de magnétostriction
Conclusions du chapitre
CHAPITRE 2 Modélisation des lois anhystérétiques d’aimantation et de magnétostriction des milieux ferromagnétiques
2.1. Modèles micromagnétiques et interactions magnéto-élastiques
2.1.1. Énergie d’échange Wex
2.1.2. Énergie d’anisotropie magnéto-cristalline Wan
2.1.3. Énergie de Zeeman Wz
2.1.4. Énergie magnétostatique Wma
2.1.5. Énergie élastique Wσ
2.1.6. Champ effectif Heff traduisant l’équilibre quasi-statique
2.2. Approche phénoménologique de Sablik–Jiles–Atherton de modélisation du comportement magnéto-élastique anhystérétique
2.2.1. Introduction historique aux approches phénoménologiques de modélisation du comportement magnétique des milieux
2.2.2. Principe du modèle SJA du comportement magnéto-élastique anhystérétique
2.2.3. Paramètres du modèle JA à contrainte mécanique nulle
2.2.4. Définition de la loi anhystérétique de magnétostriction λ ms (H,σ)
2.2.5. Simulation de courbes magnéto-élastiques anhystérétiques avec le modèle SJA
2.2.6. Limites de l’approche phénoménologique du modèle SJA
2.3. Approches multi-échelles de Daniel et al. de modélisation du comportement magnétoélastique anhystérétique
2.3.1. Principe du MME complet du comportement magnéto-élastique réversible
2.3.2. MME simplifié du comportement magnéto-élastique réversible
2.3.3. Utilisation du MME simplifié à partir de mesures expérimentales
2.3.4. Prise en compte de l’effet 𝚫E dans le MME simplifié
2.3.5. Comparaisons entre le MME simplifié de Daniel et le modèle SJA
2.3.6. Prédiction de l’effet des contraintes mécaniques multi-axiales sur les propriétés magnétoélastiques
Conclusion du chapitre
CHAPITRE 3 Modélisation des sources électromagnéto-élastiques de rayonnement ultrasonore en milieux ferromagnétiques
3.1. Modèle de sources électromagnétiques de transduction ultrasonore
3.1.1. Revue des modèles de sources électromagnétiques de la littérature
3.1.2. Définition énergétique du tenseur des contraintes électromagnétiques de Maxwell en milieux ferromagnétiques
3.2. Modèle de densité de sources magnétostrictives
3.2.1. Tenseur des déformations macroscopiques de magnétostriction ɛ ms
3.2.2. Modèle de densité volumique de force équivalente de magnétostriction fms
3.2.3. Modèle de densité volumique de forces piézomagnétiques équivalentes
3.3. Méthode de transformation des sources volumiques de transduction ultrasonore en contraintes surfaciques équivalentes
3.3.1. Origines, motivations, et principes de la méthode
3.3.2. Contraintes surfaciques équivalentes à l’ordre deux en milieux élastiques de géométries complexes
3.3.3. Application théorique de la méthode des contraintes surfaciques équivalentes développées à l’ordre deux
Conclusion du chapitre
CHAPITRE 4 Simulation des mécanismes de transduction ultrasonore induits par EMAT en milieux ferromagnétiques
4.1. Présentation du logiciel CIVA pour la simulation de CND par EMAT
4.1.1. Le module de simulation CIVA CF
4.1.2. Le module de calcul CIVA US
4.1.3. Hypothèse de couplage magnéto-élastique faible
4.2. Simulation des sources et de leur rayonnement ultrasonore induits par une configuration EMAT donnée en milieux magnétiques linéaires
4.2.1. Description de la configuration d’inspection étudiée
4.2.2. Simulation des sources électromagnéto-élastiques de transduction ultrasonore induites par EMAT en milieux magnétiques linéaires
4.2.3. Simulation du rayonnement ultrasonore transmis par EMAT en milieux magnétiques linéaires
4.3. Efficacité de transduction ultrasonore d’un EMAT selon ses paramètres d’excitation et les propriétés du milieu inspecté
4.3.1. Influence des paramètres d’excitation de l’EMAT sur les sources de transduction ultrasonore
4.3.2. Influence des propriétés magnétiques et magnéto-élastiques du milieu sur les sources de transduction ultrasonore induites par EMAT
Conclusion du chapitre
CONCLUSION

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