Les facteurs de risque des microblessures

Objectif du projet

L’objectif de ce projet de mémoire est de caractériser les déterminants biologiques personnels infra-cliniques fortement modulés par le risque d’exposition aux microblessures anatomiques, et donc les indicateurs du risque de développer un TMS.
Les objectifs spécifiques sont :
 Déterminer les changements d’activation cérébrale et d’activité musculaire en lien avec des microblessures musculaires, au cours d’une tâche manuelle;
 Déterminer la relation entre les paramètres cérébraux, musculaires et de douleur.

Revue des connaissances sur les signaux physiologiques d’intérêt : EEG et EMG

Un signal représente l’évolution au cours du temps (pas toujours) d’une grandeur physique (courant, tension, pression, etc.). Ce signal est porteur d’une information produite par la source qui l’a émis. Analyser le signal, c’est extraire le plus fidèlement possible l’information produite par la source. L’extraction de ces informations peut se faire dans le domaine temporal ou fréquentiel. Chaque méthode d’analyse présente ses avantages et ses inconvenants. Les progrès de l’ingénierie et de l’informatique ont révolutionné le monde du traitement des signaux et ont réduit énormément le temps de calcul. D’une façon générale, les signaux physiologiques qui sont des grandeurs physiques prélevées sur le corps humain au moyen de capteurs appropriés varient de manière continue au cours du temps (30). Ils sont détenteurs d’informations relatives à l’état physiopathologique d’une personne dans une condition donnée. Le traitement numérique du signal, notamment des paramètres spécifiques tels que l’amplitude ou la pente du signal sur une fenêtre de temps précise permet de mettre en contexte la physiologie liée à une situation environnementale particulière. Dans le cadre de ce projet, les paramètres des signaux électroencéphalographiques (EEG) soit l’ERD/ERS et électromyographique (EMG) soit la densité de puissance spectrale (DPS) sont d’intérêts afin de vérifier nos objectifs spécifiques. Les deux prochaines sous-sections présentent ces deux instruments respectivement.

L’électroencéphalogramme (EEG)

Le neurone, cellule nerveuse, constitue l’unité fonctionnelle de base du système nerveux (31). Les neurones sont présents dans le cerveau et dans les muscles où ils prennent l’appellation de nerfs. Les neurones ont deux propriétés physiologiques à savoir : l’excitabilité et la conductivité. L’excitabilité est définie comme, la capacité de répondre aux stimulations et de convertir celles-ci en impulsions nerveuses. En ce qui concerne la conductivité, elle correspond à la capacité de transmettre les impulsions. Les neurones assurent donc la transmission des informations physiologiques sous la forme d’un signal bioélectrique appelé influx nerveux à l’intérieur de l’organisme. Ce signal est capturable par différentes techniques avec quelques instruments. Parmi ces instruments, on y trouve l’électroencéphalographe qui, avec les progrès technologiques actuels propose des modèles très simplifiés. Ils sont non invasifs, portatifs et permettent cette capture des potentiels d’action des neurones. La technique d’électroencéphalogramme (EEG) consiste à mesurer et enregistrer au moyen d’électrodes disposées à la surface du scalp le signal cérébral.
Pour l’enregistrement de l’activité du cerveau dans le présent projet, nous avons donc utilisé l’EEG (32), puisque pratique pour des études en mobilité comme en milieu de travail. L’EGG enregistre le signal du cerveau sous forme de micros tensions électriques induites par l’activité ou le fonctionnement cérébral. Concrètement, le signal analogique mesuré par une électrode est amplifié et converti en un signal numérique par un convertisseur intégré à l’appareil EEG. Ce signal numérique est par la suite transmis par Bluetooth afin d’être est traité avec un script développé dans le logiciel MatLab. Le traitement des signaux EEG réalisé dans MatLab visait d’abord l’identification et la sélection des différentes bandes de fréquences d’expression du cerveau appelées onde cérébrale. Autrement dit, le cerveau s’exprime essentiellement dans cinq (5) bandes de fréquences (delta, thêta, bêta, alpha et gamma) ; leurs amplitudes sont de l’ordre de 10 à 200 μV et leurs fréquences vont typiquement de 0,5 à 80 Hz (voir tableau ci-dessous).

En résumé

Ce chapitre nous permet de constater que la prévalence des troubles musculo-squelettiques liés au travail reste encore très importante malgré les nombreuses études sur le sujet. D’où la question suivante : pourquoi une personne développe un TMS tandis qu’une autre personne en est exempte, bien que les deux personnes soient exposées à un poste de travail manuel similaire? Au meilleure de nos connaissances, la littérature ne rapporte aucune étude utilisant un EEG en lien avec les troubles musculo-squelettiques liés au travail manuel, dans des conditions réalistes. Les données EEG connexes et disponibles sont pour la plupart issues des études sur la douleur ou sur un unique mouvement de base, expérimental, loin d’être ce qui reflète le milieu réel. Ainsi, le but de ce travail est d’identifier les paramètres d’activation cérébrale et musculaire pouvant constituer un témoin du risque d’exposition à une microblessure. Pour ce faire, le chapitre suivant expose l’approche méthodologique, basée sur l’étude des mesures électrophysiologiques individuelles, infra cliniques.

Méthodologie

Les instruments EEG et EMG ont de faibles valeurs de tension (quelques micro-volts) et sont sensibles à l’environnement ainsi qu’aux perturbations (41). De plus, dans cette étude, des instruments portables ont été utilisés afin de valider la faisabilité de leur utilisation en mobilité et notamment en milieu de travail. Par ailleurs, il est reconnu qu’une multitude de sources d’interférence avec les signaux EEG et EMG peuvent influencer les mesures. De ce fait, nous devons élaborer et suivre un protocole expérimental rigoureux, en particulier dans un environnement réaliste, afin de faire une collecte de données de bonne qualité.
Dans ce chapitre, nous avons décrit les caractéristiques de notre protocole expérimental (annexe 5). Nous avons aussi décrit le traitement des données issues des signaux physiologiques EEG et EMG et présenté les statistiques descriptives ainsi que les analyses statistiques.
Ce projet de maitrise était une étude exploratoire avec un protocole quasi-expérimental transversal, dont la défit tenait de la collecte de données EEG et EMG en situation fonctionnelle dynamique. Afin d’induire cette fonction, les participants novices ont été soumis à des opérations manuelles expérimentales qui reflètent bien la réalité du poste de coiffure.

Population

Puisque la collecte de données sur les personnes nécessite une participation avec un consentement libre et éclairé (formulaire de consentement joint – annexe 3), une approbation éthique était donc nécessaire. Celle-ci a été obtenue auprès du Comité d’Éthique de la recherche de l’UQAC (certificat No 602 558 01). Personnellement, la demande d’éthique a été un outil d’apprentissage majeur dans la mesure où une implication a été nécessaire de la rédaction à la soumission de la demande d’approbation d’éthique, et enfin d’apporter des corrections suivant les recommandations du Comité d’Éthique de la recherche (CER) de l’UQAC. Douze (12) adultes volontaires, en bonne santé et âgés de 26,83± 4,13 ans, dont deux femmes ont constitué l’échantillon de ce projet recrutés par convenance et de façon volontaire. Tous étaient des droitiers, selon le questionnaire de latéralité d’Édimbourg (annexe 3), sans antécédents de troubles neurologiques ou psychiatriques, asymptomatiques pour un TMS dans les 30 derniers jours précédant la collecte de données et novices au métier de coiffeur/coiffeuse. Ils ont exécuté avec succès, dans un ordre aléatoire deux tâches de coiffure sur un poste simulé en laboratoire dont une tâche à faible risque et l’autre avec risque élevé d’exposition au micro blessures musculaires.

Critères d’inclusion

 être âgé(e) de 18 ans ou plus;
 être apte à la prise de décision, ceci vérifié avec le mini mental test;
 être asymptomatique pour un TMS dans les 30 derniers jours précédant la collecte de données vérifié avec le questionnaire quick exposure (42);
 ne pas travailler régulièrement debout plus de quatre heures par quart de travail.

Critères d’exclusion

 présenter un antécédent de lésion cérébrale, de trouble psychotique ou d’épilepsie;
 présenter une affection neurologique ou psychiatrique non contrôlée;
 travailler régulièrement comme coiffeuse / coiffeur et
 travailler en posture debout prolongée plus de quatre heures par quart de travail.

Poste de travail

Des études montrent que 30 minutes dans une même posture sont dommageables pour la santé (22, 23, 43). Le poste de coiffure s’exécute en position debout prolongée (posture à risque de TMS, car quasi statique et prolongée). Les opérations de coiffures exigent des mouvements répétitifs des bras, en plus du cou en flexion pendant des périodes de 30 minutes et plus (posture à risque de TMS tel que les bursite, tendinite, mal de dos etc.). De plus, on sait qu’une opération qui dure moins de 30s/cycle est une opération à un taux de répétition élevée. Par conséquent, elle est donc à risque de TMS (44). Au-delà de 30s/cycle autrement dit 2 cycles/ minutes, le taux de répétition est faible. Ces données nous ont permis d’aménager un poste de coiffure simulé au laboratoire avec des séquences opératoires dans la tâche bien contrôlées à faible et haut risque de micro blessures.

Le poste de travail expérimental

Nous avons aménagé en laboratoire un poste de coiffure simulé. Pour ce faire, nous avons installé sur une table ajustable une tête de mannequin mobile sur 180 degrés. Sur la table étaient disposés deux peignes à petites dents, une paire de ciseaux et un métronome pour guider la cadence des mouvements lors de l’exécution de la tâche. L’espace autour de la table, dans un rayon d’un mètre, était libéré de façon à permettre au participant qui joue le rôle de coiffeur /coiffeuse de se mouvoir s’il le souhaite tout autour de la table, et donc de la tête à coiffer pour exécuter la tâche expérimentale.

La tâche manuelle expérimentale de travail

Avec l’aide d’un coiffeur expérimenté de la région, deux tâches de coiffure simulées au laboratoire reflétant ce qui est vécu dans un milieu réel de coiffure, ont été conçues. L’une répondait au critère de tâche « avec opérations à faible risque d’exposition aux microblessures »; c.-à-d. impliquant des mouvements répétitifs dans des opérations qui durent 1s/cycle. L’autre tâche impliquant des mouvements répétitifs dans des opérations qui durent moins de 2s/cycle et répondant au critère de tâche « avec risque élevé d’exposition aux microblessures de TMS ».

Opération, cycle et tâche

L’ensemble des opérations consistait à saisir 1) le peigne à petites dents avec la main non dominante, 2) la paire de ciseaux avec la main dominante (droite) puis, toujours dans le même ordre, 3) prendre à l’aide du peigne une mèche depuis la racine, 4) glisser le peigne jusqu’au bout de la mèche et 5) finalement couper le plus petit possible le bout de cette mèche tel qu’illustré dans la figure 3c ci-dessous. Ces ensembles d’opérations formaient un cycle. La tâche constituait en conséquence une suite répétitive de ces cycles pendant 30 minutes. De plus, au préalable, l’angle du coude du participant avait été ajusté à 90° par rapport à la tête du mannequin pour la tâche à faible risque de microblessures et ce en position statique à l’aide d’un goniomètre (figure 3a). De façon à amener le participant à effectuer ses opérations de coupes dans une zone d’inconfort durant la tâche à risque élevé de microblessures, nous avons ajusté le niveau de la table de travail à 10 cm vers le haut par rapport à la zone de travail confortable (Figure 4). Cette augmentation de la hauteur de la table, assure un angle de coude inférieur à 60° (figure 4b).

Matériel et mesures

Échelle numérique d’évaluation de la douleur

Il s’agit pour le participant de donner oralement une valeur entre 0 et 10 qu’il attribue à l’intensité de douleur perçue, 0 pour aucune douleur et 10 pour une douleur insupportable. Cette collecte du niveau de la douleur a été faite avant de commencer toute tâche et tout le long de chacune des tâches à intervalle régulier de cinq (5) minutes.

Questionnaire Quick Exposure Check d’évaluation de la présence d’un TMS

Le questionnaire Quick Exposure Check (QEC) est largement utilisé dans des études en santé au travail portant sur les TMS (42, 44). Il nous a permis de recenser et de caractériser le statut des participants, ainsi que de confirmer les critères de participations à ce projet pour ce qui a trait au TMS.

Échelle de Borg modifiée d’évaluation du niveau de fatigue perçue

L’échelle de Borg modifiée permet une auto-évaluation de l’intensité de l’effort fourni durant une tâche. Elle est graduée de 0 à 10, 0 étant l’absence d’effort et 10 l’effort le plus difficile. Elle a été utilisée pour recueillir au début et à la fin de chaque tâche le niveau de fatigue générale des participants. Ceci était une recommandation du comité d’éthique pour savoir quand arrêter l’expérience, si jamais le participant franchissait le seuil de 5 sur 10 lors de l’exécution de sa première tâche.

EMG

Pour la capture du signal électromyographique, nous avons utilisé le système FREEEMG (BTS@). Après avoir nettoyé la peau et placé les électrodes sur les muscles d’intérêt, soit le trapèze moyen, le deltoïde et les muscles infra épineux, bilatéralement. Le signal EMG a été capturé avec six électrodes actives pré-amplifiées (gain: 1000) et a été filtré à travers une bande passante comprise entre 25 et 450 Hz avec une fréquence d’échantillonnage de 2000 Hz.
Les mesures de référence dont la contraction volontaire maximale (CVM) pour la normalisation des données EMG ont été réalisées telle qu’illustrée dans le tableau 1, pour chaque muscle.
Pour la CVM, trois tentatives étaient faites et la valeur moyenne des pics le plus élevés des trois tentatives a été considérée comme représentative de la référence dans les calculs subséquents. Les mesures de références servent à la normalisation des données recueillies sous conditions expérimentales (voir détail dans tableau 2 plus bas).
Au cours des conditions expérimentales, les enregistrements EMG étaient faits durant 4 minutes (figure 5). Les délais entre chaque période d’enregistrements étaient de neuf (9) minutes. Le temps de repos entre les deux tâches était de 15 minutes. Chaque tâche comptabilisait trois enregistrements au total, soit 12 minutes de collecte de données. Après la prise des mesures de référence, aussi bien pour l’EMG (tableau 2) que pour l’EEG (mesures avec l’EEG dans la section suivante), les participants étaient invités à pratiquer la tâche à faible risque d’exposition pendant 3 minutes. Après cette pratique, l’expérimentation débutait par l’exécution de l’une des deux tâches selon l’ordre de la randomisation préétabli; et, simultanément les enregistrements EEG et EMG étaient amorcés. Les données EMG et EEG étaient synchronisées.
Les signaux EMG ont été traités avec les routines du programme BTS Analyzer, propre au logiciel de BTS@ que nous avons utilisé. Après rectification du signal, le Root Mean Square (RMS) a été traité dans des fenêtres superposées de 250 ms. La même procédure a été utilisée pour la contraction maximale volontaire (CVM), mais avec un fenêtrage temporel de 100 ms dû à la durée maximale de cinq secondes de cette procédure(45).
Une fois les signaux traités, nous avons procédé à la normalisation des signaux selon l’équation suivante : EMG normalisée = [RMS_EMG durant la tâche / RMS_ CVM] × 100%. La procédure de normalisation des signaux permet de comparer les activités musculaires entre différents muscles et entre les tâches expérimentales. Cette façon de faire constitue une ligne directrice importante dans la procédure méthodologique avec l’EMG(46). Cette procédure a été appliquée pour chaque muscle.
Pour déterminer la fatigue musculaire durant chaque tâche, nous avons calculé la densité spectrale de puissance (DSP). D’abord les signaux EMG normalisés ont été via la transformé de fourrier rapide transposés dans le domaine fréquentiel. Ensuite DSP a été calculé selon l’équation suivante : DSP = (EMG normalisé)2 (47). Plus la valeur DSP est élevée, moins le muscle est fatigué; autrement dit mieux le muscle est en condition pour produire la force nécessaire pour la tâche qui lui est demandée(17). Le calcul DSP est présentée plus en détail dans les prochaines sections, puisque celle-ci a été utilisée aussi bien pour évaluer la fatigue musculaire que pour calculer les paramètres d’activation cérébrale du signal EEG.

EEG

Les signaux EEG ont été collectés à l’aide du système EEG D’EMOTIV @ (49). Le casque EEG d’EMOTIV est muni d’un filtre numérique à réjection à 60Hz (fréquence d’oscillation de la tension électrique en Amériques du Nord). Il est également muni d’un filtre sinc (sinus cardinal) numérique d’ordre 5 intégré qui supprime toutes les fréquences au-dessus d’une fréquence de coupure donnée, sans affecter les basses fréquences, et à une réponse en phase linéaire. La réponse impulsionnelle du filtre est une fonction sinc dans le domaine temporel, et sa réponse en fréquence est une fonction rectangulaire. Le système EEG EMOTIV inclut un accéléromètre embarqué pour corriger les artefacts et un gyroscope pour corriger les bruits de signaux induits par les mouvements de la tête, optimisant ainsi le signal. Le signal EEG était capturé avec 14 électrodes actives pré-amplifiées (gain: 10 dB) et filtré à travers une bande passante comprise entre 0,2-43 Hz, avec une fréquence d’échantillonnage de 128 Hz.
Après avoir nettoyé la peau du cuir chevelu et humidifié adéquatement les électrodes, le casque EEG a été placé selon la configuration illustrée à la figure 1. De prime à bord la prise de mesures de référence était effectuée. Dans ce travail, les mesures de références ont été faites avec le participant assis au repos et placé à une distance de 1,5 mètre, face à un mur sur lequel était fixée une page blanche contenant une grosse tache noire. L’enregistrement était fait 1) lorsque les participants avaient les yeux fermés et 2) les yeux ouverts fixant la grosse tache noire sur le mur en face. L’EEG était enregistré durant 60 secondes pour chacune de ces deux conditions de base. Les 30 premières secondes ont été effectuées les yeux ouverts et les 30 dernières secondes les yeux fermés. Les mesures de références servent à la normalisation des données recueillies sous conditions expérimentales. Pour ce travail la référence considérée est celle avec les yeux ouverts.
Durant les conditions expérimentales, les enregistrements EEG étaient faits pendant quatre minutes (figure 5). Les délais entre chaque période d’enregistrements étaient de neuf (9) minutes; au total 12 minutes de collecte de données pour chaque tâche.
Les signaux EEG ont été traités avec les routines du logiciel Matlab (Version 2016; The MathWorks Inc, Natick, MA, USA).
Une fois les signaux traités, nous avons procédé à la normalisation des signaux de cette façon : % puissance normalisée = [(puissance durant la tâche / puissance moyenne durant la valeur de référence) × 100%].
Nous avons calculé la densité spectrale de puissance (DSP) des signaux EEG à partir des signaux normalisés. La section «f » suivante présente le calcul de la DSP aussi bien pour l’EEG que pour l’EMG. De plus, à partir de la DSP nous avons calculé deux paramètres utiles pour évaluer l’activation cérébrale au cours des deux tâches expérimentales. Le premier est le niveau d’inhibition corticale ou « event related désynchronization (ERD) » et le second est le niveau de facilitation corticale ou « event related synchronization (ERS) ». L’ERD désigne une diminution localisée en pourcentage de l’amplitude de l’onde dans une bande de fréquence donnée. L’ERS décrit une augmentation en pourcentage d’amplitude de courte durée de l’onde pour la même bande de fréquence. Les valeurs ERD et ERS sont ainsi complémentaires et égale à 100% dans une même bande de fréquence (50, 51). Autrement dit, l’ERD et l’ERS représentent le pourcentage de changements relatifs de la puissance de l’activité du signal EEG durant une tâche par rapport à une condition de référence, dans une bande de fréquence spécifique. Ces deux paramètres, ERD et ERS, permettent d’étudier l’activité des interneurones corticaux qui sont le support de l’information d’inhibition et de facilitation corticale. Des études chez des patients souffrant de douleur chronique montrent une augmentation de l’ERD comparé aux patients sans douleur (52-54).
Par ailleurs, les études où le contexte implique une tâche physique comme dans le présent projet, les ondes bêta (β) sont celles généralement étudiées(55, 56). C’est ce qui explique le choix de porter nos analyses sur cette bande de fréquence. Les ondes Beta (β) sont comprises entre 13 et 30 Hz. Aussi, sur la base de la littérature et tenant compte du contexte de notre étude, parmi les 12 électrodes actives du casque EEG, nous avons choisi de procéder aux analyses sur les signaux recueillis à partir de quatre (4) électrodes. La figure 1 présente la disposition de ces électrodes (57). En effet, parce que les régions motrices corticales qui contrôlent principalement les mouvements corporels se situent au niveau du cortex temporal et préfrontal, les quatre (4) électrodes choisies sont celles positionnées vis-à-vis de ces deux régions du cortex, bilatéralement.

Transformée de Fourrier rapide

Les signaux physiologiques comme ceux prélevés via l’EMG et l’EEG sont de nature non stationnaire, c’est-à-dire que leur fréquence et leur phase varient avec le temps (58, 59), justifiant l’utilisation de méthodes d’analyse temps-fréquence telles que la transformée de Fourier de courte durée (en anglais : short-time FFT ou ST-FFT) (60). Les méthodes d’analyse temps-fréquence généralisent la représentation du signal dans l’espace de dualité temps-fréquence 𝑇𝐹𝑠(𝑡𝑘,𝑓𝑘). Cette représentation permet d’apprécier comment le contenu fréquentiel d’un signal évolue au cours du temps (61, 62). De plus, elle nous informe de la nature des fréquences contenues dans le signal et de la période d’apparition des fréquences (63). L’analyse temps-fréquence par la transformée de Fourier de courtes durées consiste à segmenter le signal EEG en époques (segments de très courte durée) de telle sorte que chaque segment soit considéré comme étant « stationnaires ». L’approche de base implique l’application d’une transformée de Fourier rapide (FFT) sur chaque segment du signal multiplié par une fonction de fenêtre à verrouillage de temps appropriée avec une résolution fixe (64). Si on considère un signal EEG à temps discret 𝑠(𝑡𝑘) apparaissant à chaque instant 𝑡𝑘, la transformée de Fourier de courte durée de ce signal est défini suivant l’équation (1) suivante (65, 66):

Estimations des évènements liés à l’activation corticale : l’ERD et l’ERS

La méthode de la densité spectrale de puissance a été sélectionnée et utilisée dans le cadre de cette étude pour calculer l’ERD et l’ERS. Les données EEG sont recueillies, normalisées et enregistrées. Les moyennées afférentes ont été effectuées. Les données sont segmentées dans une fenêtre de hamming glissante à verrouillage temporel de durée d’une seconde (époque) puis la fonction d’autocorrélation (permet d’avoir la puissance) des données est ensuite calculée. La transformée de Fourier rapide (FFT) est finalement appliquée à chaque segment, ainsi que l’extraction des bandes de fréquences d’intérêt pour notre étude. La FFT de la fonction d’autocorrélation du signal EEG nous permet d’obtenir la densité spectrale de puissance pour chaque bande de fréquence, dans chaque fenêtre considérée. Ainsi, en faisant glisser la fenêtre dans le temps, on obtient la densité spectrale de puissance totale de chaque bande de fréquence du signal physiologique. Pour cette étude, il s’agit de la bande de fréquence bêta (13-30 Hz). Afin d’obtenir le pourcentage de changements relatifs liés aux événements dans la bande bêta, l’ERD et l’ERS ont été estimés à partir de l’équation 2 ci-dessous (50) :

Analyses statistiques

Nous avons procédé aux tests statistiques descriptifs dont les résultats sont présentés avec des mesures de tendance centrale. L’analyse descriptive des données nous a permis de faire le choix des variables pour une analyse de variance. La distribution paramétrique des données a été vérifiée par le test de Shapiro Wilk. Une fois que la normalité des données ait été confirmée, une analyse de variance (ANOVA) (activation cérébrale X activité musculaire X niveau de douleur) a été conduite pour déterminer les différences au travers de chaque condition expérimentale. Si nécessaire, un test post-hoc a été utilisé pour localiser les différences. L’indice êta-carré partiel (η2 partiel) pour la taille de l’effet a également été calculé. η2 partiel ≤0,01 est considérée comme un effet de petite taille; 0,01 <η2 partiel <0,06 un effet de taille moyenne; η2 partiel ≥0,014 est considéré comme un effet de grande taille. La valeur η2 partiel est un indice de mesure de la taille d’effet, il doit être rapporté uniquement lorsque la valeur de F est significative. La valeur êta-carré partiel indique la proportion de la variance spécifique expliquée par le facteur lorsque l’effet des autres facteurs est contrôlé (68). Un test de corrélation de Pearson a été fait pour déterminer si existant ou pas des liens entre nos variables d’intérêts. Le programme statistique SPSS (version 24,0 pour Windows) a été utilisé pour effectuer toutes les analyses statistiques; la signification était de 5% (P <0,05).

En résumé

On a l’habitude de représenter un signal par une fonction continue dans le temps et de le visualiser sur un oscilloscope ou un appareil représentant la variation d’amplitude d’un phénomène en fonction du temps (électroencéphalogramme, électromyogramme, cardiogramme, sismographe, microphone, …). L’information essentielle de ce signal (message simplifié) peut être perturbée par plusieurs facteurs de sources différents. Ils convient donc de choisir les outils appropriés pour la collecte du signal et aussi son traitement. Le choix d’un bon traitement assure l’extraction des informations utiles contenues dans le signal; c’est dans cette optique que les signaux EEG et EMG ont été traités selon une analyse fréquentielle avec des routines dédiées. En somme, les variables utiles ont été quantifiées et groupées pour procéder aux analyses statiques; les résultats de ces analyses sont présentés dans le chapitre suivant.

Résultats des analyses statistiques

Résultat objectif spécifique 1

Cet objectif vise à déterminer les changements dans l’activation cérébrale et l’activité musculaire en lien avec l’exposition aux microblessures musculaires.

Changements corticaux et musculaires à travers la tâche A

Les résultats montrent un changement intra sujet significatif des niveaux de l’activation cérébrale (F=121, p= 0.00), de l’activité musculaire (du muscle deltoïde droit) (F=4.71, p=0 .02) et de l’interaction entre l’activation cérébrale et l’activité musculaire (F=11.2, p=0.001). Les comparaisons appariées avec ajustement de Bonferoni montrent que l’activation cérébrale soit la valeur de l’ERD est en moyenne de 12,09% dans la première période de la tâche avec faible risque d’exposition aux microblessures; puis l’ERD diminue durant la période intermédiaire à 8,01% pour remonter légèrement et à la fin de la période à 10,87%. La densité de puissance spectrale de l’activité musculaire ne montre pas un changement significatif durant cette tâche.

Changements corticaux et musculaires à travers la tâche B

Les résultats ne montrent aucun changement ni pour l’EEG ni pour l’EMG durant cette tâche à risque élevée de microblessures. La valeur de l’ERD est en moyenne de 11.35 % dans la première période de la tâche puis 12,08% à la période intermédiaire et 11,54% à la dernière période de la tâche. Les valeurs moyennes de l’EMG ne ressortent pas non plus significativement différentes tout au long de cette tâche avec (0.071 μV2) dans la première période de la tâche et (0.060 μV2) dans la dernière période.

Changements corticaux et musculaires entre les tâches A et B

Les résultats montrent un changement significatif des niveaux de l’activation cérébrale entre les deux conditions expérimentales (F=88.02, p= 0.025), et aussi de l’activité musculaire non significative (F=2.66, p= 0.127). En particulier, au milieu de la tâche, l’activation cérébrale est en moyenne de 12.08% pour la tâche à risque élevé (B) contre 8.01% pour la tâche avec faible risque d’exposition aux microblessures (A). Pour ce qui est de l’activé musculaire, en particulier on observe une différence non significative entre les deux conditions. L’activité musculaire est en moyenne de (0.10 μV2) pour la tâche A et de (0.06 μV2) pour la tâche B

Résultat de l’objectif spécifique 2

Cet objectif spécifique visait à vérifier la relation entre les paramètres d’activation cérébrale, l’activité musculaire et la douleur, durant les deux tâches expérimentales.

Discussion et conclusion

Discussion

L’originalité de ce projet de maîtrise se situe dans le fait que la problématique des TMS est abordée en termes de risque lié à la physiologie individuelle. Le fil conducteur était de caractériser les déterminants physiologiques / biologiques personnels infra-cliniques fortement modulés par le risque d’exposition aux microblessures anatomiques. Ces microblessures dont on n’est pas encore conscient. Un des deux objectifs spécifiques de ce mémoire de maîtrise était de déterminer les changements d’activation cérébrale et d’activité musculaire en lien avec des microblessures musculaires, au cours d’une tâche manuelle. Nos résultats montrent un DSP musculaire diminuée et un ERD de l’activation cérébrale élevée; les deux paramètres pris conjointement suggèrent un patron physiologique inverse (à un patron observé durant une tâche plus sécuritaire) en présence de contraintes biomécaniques à risque élevé de production d’un TMS. Nos résultats tendent à confirmer l’hypothèse de départ de ce travail à l’effet que la désynchronisation neuronale (l’augmentation de l’ERD) suggère une baisse de régime de l’activation corticale (69, 70) et subséquemment un impact délétère sur l’activité musculaire dont la puissance s’en trouve diminuée également.
Nous nous sommes appuyés sur la littérature pour faire nos analyses avec les ondes Beta. En effet, un surmenage de l’activation corticale peut, entre autres, se traduire par une augmentation de l’ERD sur les fréquences Beta lorsque le cerveau activité (55, 71, 72). Nos résultats semblent en accord avec la littérature.
Par ailleurs, nos résultats montrent que les signaux EMG et EEG montrent respectivement une baisse de densité spectrale de puissance et une augmentation de l’ERD vers la fin de la tâche (B) à risque élevé de microblessures. Ceci rejoint les travaux de Spielholz qui démontrent qu’il faut attendre au moins 15 minutes de contraintes biomécaniques pour observer des altérations biologiques [40].
Par contre, aucune corrélation significative n’a été trouvée entre les variables physiologiques, ni avec la douleur. Cependant, la mesure de la corrélation n’est peut-être pas la meilleure façon de représenter le phénomène observé. Par exemple, le seuil du patron ERD / EMG c.à.d. le seuil des données ERD et PDS_EMG obtenues pourrait être une façon de rendre compte de l’état physiologique d’un travailleur manuelle. De plus, le fait qu’aucune corrélation n’ait été observée, cette étude reste quand même à confirmer chez les personnes souffrant de douleur chronique et assignée à des tâches manuelles plus complexes et ce durant de longues périodes.
Nos résultats montrent qu’il est possible de quantifier ce qui se passe in vivo chez le travailleur manuel exposé au risque de développer un TMS, en utilisant un EEG et un EMG portatifs. Ces deux proxys permettent de déterminer un patron EMG-EEG observable vers la 25ième minute de la tâche. Bien que plus d’études soient nécessaires afin de bien caractériser le patron témoin d’un risque élevé de microblessures, les connaissances générées par ce mémoire de recherche pourraient contribuer à la prévention en santé au travail en plus des actions ergonomiques.

Conclusion

Ce mémoire est le rendu d’une étude exploratoire dont l’intention était d’examiner de fournir des données qui serviront à estimer la taille de l’échantillon nécessaire à une étude d’envergure. En effet, cette étude expérimentale était un premier jalon d’une étude de plus grande taille qui se ferait chez les coiffeurs et coiffeuses au sein même des salons de coiffure.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
1.1 Contexte et problématique
1.1.1 Les facteurs de risque des microblessures
1.1.2 L’impact des troubles musculo-squelettiques
1.1.3 Cas particulier des TMS chez les coiffeurs
1.1.4 Objectif directeur du projet
1.2 Revue des connaissances sur les signaux physiologiques d’intérêt : EEG et EMG
1.2.1 L’électroencéphalogramme (EEG)
1.2.2 L’électromyographie
1.3 En résumé
CHAPITRE MÉTHODOLOGIE 
2.1 Population
2.1.1 Critères d’inclusion
2.1.2 Critères d’exclusion
2.2. Poste de travail
2.3. Protocole expérimental
2.4. Matériel et mesures
2.4.1 Échelle numérique d’évaluation de la douleur
2.4.2 Questionnaire Quick Exposure Check d’évaluation de la présence d’un TMS
2.4.3 Échelle de Borg modifiée d’évaluation du niveau de fatigue perçue
2.4.4 EMG
2.4.5 EEG
2.4.6 Transformée de Fourrier rapide
2.4.7 Estimations des évènements liés à l’activation corticale : l’ERD et l’ERS
2.5 Analyses statistiques
2.6 En résumé
CHAPITRE RÉSULTATS
3.1 Statistiques descriptives
3.1.1 Perception de la douleur durant les deux tâches
3.1.3. Statistique descriptif ERD / EEG
3.2 Résultats des analyses statistiques
3.2.1 Résultat objectif spécifique 1
3.2.2 Résultat de l’objectif spécifique 2
DISCUSSION ET CONCLUSION 
4.1 Discussion
4. 2 Conclusion
LIMITES DES TRAVAUX DE RECHERCHE 
PERSPECTIVES 
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *