Restauration forestière, agroforesterie et services écosystémiques

Restauration forestière, agroforesterie et services écosystémiques

L’agroforesterie comme activité restaurative

La reforestation, ou restauration forestière, relève d’une approche formalisée d’abord dans la champ de l’écologie, dans le concept de restauration écologique. Il convient de distinguer la restauration écologique comme champ d’étude (je parlerai plutôt ici d’écologie de la restauration), du processus (qui est ce que j’appellerai effectivement restauration écologique), et du résultat (qui sera désigné ici comme écosystème restauré ou rétabli). La restauration écologique est définie par la Society for Ecological Restoration (SER) (McDonald et al. 2016) comme « processus qui assiste le rétablissement d’un écosystème qui a été dégradé, endommagé ou détruit ». La démarche promue par la SER pour la restauration écologique passe par la définition d’un écosystème de référence, qui fixe un objectif à atteindre (susceptible d’évoluer en fonction des mutations du projet de restauration) par le biais de différentes interventions ou non interventions. La restauration forestière pourrait donc être définie comme une forme particulière de restauration écologique pour laquelle l’écosystème de référence est un écosystème forestier, tropical humide dans le cas de l’Amazonie. Il existe une diversité dans la qualification des projets restauratifs, qui ne sont pas tous des projets de restauration écologique, puisque tous ne visent pas au rétablissement d’un écosystème de référence. Citons les activités restauratives, qui améliorent le potentiel de rétablissement d’un écosystème sans atteindre l’écosystème restauré, et les projets de réhabilitation, qui cherchent à rétablir un niveau de fonctionnalité des écosystèmes sans viser un écosystème de référence.

Parmi les moyens mis en oeuvre en restauration écologique, l’agroforesterie, système d’occupation du sol dans lequel les arbres sont associés spatialement et / ou temporellement avec des cultures et/ou des animaux d’élevage (Altieri 2013), est souvent mise en avant. Vieira, Holl, et Peneireiro 2009 soulignent les processus écologiques à l’oeuvre dans les parcelles gérées en agroforesterie (succession écologique, diversité fonctionnelle) pour défendre son usage au début du processus de restauration. Une revue sur l’efficacité de différentes techniques de réhabilitation, évaluées par le biais des services écosystémiques, a montré que les systèmes d’agroforesteries sont souvent les plus efficaces parmi les techniques de régénération assistées (avec intervention directe), mais moins que les régénérations spontanées (sans intervention humaine) (Shimamoto et al. 2018).

On pourrait pourtant interroger la légitimité des agroforêts comme moyen de restauration forestière. D’un point de vue formel, il s’intègre assez mal dans le cadre des écosystèmes de référence développés par la SER, qui prend bien les « écosystèmes culturels » en considération, mais à la condition de « présenter des états très similaires à ceux qui n’ont pas été modifiés ». Dater d’avant la révolution industrielle semble être un critère important. Si certaines agroforesteries correspondent facilement à ce critère comme les forêts-jardin indonésiennes, que dire d’autres plus récents tels que ceux qui sont développés actuellement dans le nord-est du Pará ?. D’un point de vue plus concret, la littérature traitant d’agroforesterie et de restauration écologique fait souvent référence à « l’agroforesterie » comme d’une entité unique possédant des vertus restauratives (Bhagwat et al. 2008; Shimamoto et al. 2018; Montagnini et al. 2004; Dosskey, Bentrup, et Schoeneberger 2012) alors qu’il en existe de très nombreuses variations qui ne sont pas équivalentes du point de vue de l’écologie de la restauration (Vasconcellos et Beltrão 2018), induisant un risque de confusion entre systèmes plus ou moins efficaces. Ces limites font particulièrement sens à l’échelle des parcelles restaurées, qui est l’échelle à laquelle s’applique le mieux la notion d’écosystème de référence.

Or, l’intérêt des agroforêts en restauration se comprend différemment à l’échelle du paysage, et ce à plusieurs titres. Plusieurs arguments écologiques peuvent être avancés d’abord. Bien agencées dans le paysage, certaines agroforêts peuvent jouer un rôle de corridor écologique, participant ainsi au rétablissement complet de paysages restaurés par d’autres moyens, en particulier les réserves naturelles (Bhagwat et al. 2008). Par ailleurs, agencées autour de réserves naturelles, elles jouent un rôle de tampon face aux invasions biologiques (de Almeida Campos Cordeiro et al. 2018), et on peut aisément supposer qu’elles joue également ce rôle d’un point de vue climatique.

L’agroforesterie 

restauration écologique intégrée dans la construction sociale des paysages Mais l’intérêt principal des agroforêts se trouve dans leur caractère d’activité économique et sociale, et pas seulement restaurative, à l’inverse de la mise en réserve par exemple. En générant des ressources, à la différence d’un grand nombre de projets de restauration en général coûteux, l’agroforesterie offrirait alors des conditions sociales et économiques de restauration écologiques plus aisément atteignables (Vieira, Holl, et Peneireiro 2009). Ainsi, l’un des objectifs affichés de l’agroforesterie est l’optimisation de l’usage des terres qui permettrait une productivité plus élevée que les monocultures à partir des mêmes ressources (intrants, surfaces), à conditions sociales, écologiques et économiques égales (Altieri 2013). La pratique de l’agroforesterie pourrait donc permettre de libérer de l’espace pour d’autres occupations du sol et d’autres modes de restauration écologique. La productivité des agroforêts rendrait également possible l’intégration de projets restauratifs dans des systèmes de production sans exclure les dimensions économiques et sociales des pratiques agricoles (Dosskey, Bentrup, et Schoeneberger 2012). En somme, c’est bien parce que l’agroforesterie n’est pas qu’une pratique de restauration écologique qu’elle est particulièrement intéressante pour… la restauration écologique. De là, il devient impossible de penser la vocation restaurative des agroforêts sans prendre en compte leur aspect économique et social. Cela invite à lire la notion d’écosystème de référence dans une perspective constructiviste : l’écosystème de référence, qui s’inscrit dans un paysage géré, est nécessairement socialement construit. Cette perspective est essentielle pour éviter de reproduire les désastres humanitaires et néo coloniaux des grands parcs nationaux africains. En effet, définir l’écosystème de référence, c’est légitimer ou non une action ou un processus comme relevant de l’écologie de la restauration. En cela, il s’agit d’un concept normatif, et il devient dangereux de considérer que sa définition puisse relever uniquement du domaine de compétence d’une science présentée comme neutre. D’autant plus que les incertitudes liées à sa définition sont grandes : sur quelles données se baser pour reconstituer l’écosystème de référence ? Comment adapter sa définition aux changements climatiques ? Quelle place des écosystèmes culturels ? Comment mesurer la réalisation des objectifs ?

La notion de service écosystémique, un outil de dialogue sur la construction des paysages Tenter de construire des réponses démocratiques à ces questions et à celles posées par la construction de la restauration écologique à l’échelle des paysages, réponses que les sciences et les techniques seules ne sont pas en mesure d’apporter, pourrait bien se faire à travers des forums hybrides, espaces publics ouverts où des groupes, des experts et des profanes débattent (le terme devant être pris au sens large, le débat passant par les controverses, les confrontations d’intérêt…) de choix techniques et collectifs (Callon, Lascoumes, et Barthe 2014). Il est postulé ici que les débats autour de l’adoption, la perpétuation, l’adaptation de l’agroforesterie et d’autres modes d’occupation du sol et de gestion des paysages qui tentent de concilier agriculture et restauration écologique (land sharing) peuvent ouvrir la voie à de tels forums. La restauration écologique et la manière dont les personnes la perçoivent et la construisent sera abordée ici à travers la notion de service écosystémique, définis comme les bénéfices que les êtres humains reconnaissent tirer des écosystèmes qui supportent, directement ou indirectement, leur survie et leur bien-être (Barnaud et al. 2018). Ainsi définis, ils offrent en effet une approche, partielle et teintée d’un utilitarisme dont il convient de se méfier, qui permet d’expliciter les choix des acteur·ices dans la construction des paysages, de révéler des interdépendances entre acteur·ices et entre modes d’occupation du sol (voir chapitre 2.3 ), et qui peut également être utilisé comme outil de concertation (Moreau 2019). Dans le cas de la restauration forestière, il peut aussi être utilisé comme un indice du degré de réhabilitation.

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Table des matières

Table des matières
Index des figures
Index des tableaux
Agradecimentos / Remerciements
Lexique
Noms vernaculaires de groupes d’abeilles utilisés dans ce mémoire
Espèces cultivées : noms binomiaux, noms portugais et usages
Termes spécifiques et acronymes .
Vocabulaire de la restauration écologique
Résumé
Abstract
Introduction
1 Services écosystémiques et restauration forestière : débats théoriques, projet scientifique et abordage méthodologique
1.1 Restauration forestière, agroforesterie et services écosystémiques : débats et positionnement
1.1.1 L’agroforesterie comme activité restaurative
1.1.2 L’agroforesterie : restauration écologique intégrée dans la construction sociale des paysages
1.1.3 La notion de service écosystémique, un outil de dialogue sur la construction des paysages
1.2 Résultats du groupe Refloramaz : inventaire des expérience de restauration dans le Nordeste du Pará
1.2.1 Le contexte du nord-est du Pará
1.2.2 Perception des services écosystémiques
1.2.3 Motivations et freins à la mise en place d’activités restauratives dans le Nord-Est du Pará
1.2.4 Une classification qualitative des agroforêts du Nord-Est Paraense
1.3 Processus de définition de la recherche
1.3.1 Évolution de la question de recherche et des objectifs
1.3.2 Travaux exploratoires
1.3.3 Mise en place d’une méthodologie et seconde collecte de données
2 Travail exploratoire : pratiques de restauration forestière et contributions de la nature visées
2.1 Approfondissement de la typologie de restauration forestière
2.1.1 Analyse de l’intensité des pratiques : une concordance forte avec la classification qualitative .
2.1.2 Spécificité de Tomé-Açú .
2.2 Usages du sol et perception des services écosystémiques chez les agriculteur·ices familiales de Tomé-Açú
2.3 Formalisation des services écosystémiques et de la place des abeilles et de la pollinisation . 35
2.3.1 Définitions
2.3.2 Intégration de l’agriculture familiale de Tomé-Açú dans ce cas d’étude
3 Influence de différents modes d’occupation du sol dans des propriétés en agroforesterie familiale sur la diversité et la composition des communautés d’Apidés à Tomé-Açú
3.1 Méthodes
3.1.1 Relevés de terrain .
3.1.1.1 Échantillonnage
3.1.1.2 Caractéristiques des échantillon .
3.1.2 Analyses
3.1.2.1 Identifications .
3.1.2.2 Analyses statistiques .
3.2 Résultats .
3.2.1 Évaluation du protocole d’échantillonnage .
3.2.2 Abondances et diversité en fonction de l’occupation du sol
3.2.3 Communautés
3.3 Interprétation et discussion
3.3.1 Abondances et diversité en fonction de l’occupation du sol
3.3.2 Communautés
3.4 Perspectives . .
4 Rapport aux abeilles et à la pollinisation chez les agriculteur·ices familiales en agroforesterie de Tomé-Açú .
4.1 Méthodes .
4.1.1 Entretiens
4.1.2 Free-listing .
4.2 « L’abeille, elle, elle n’est pas très bien définie » : des ethnoclassifications
4.2.1 Résultats de l’inventaire ethnospécifique
4.2.2 Une classification hiérarchique ? .
4.2.3 Des fonctions attribuées permettent la définition d’une classification latérale
4.3 Ethnoclassification, services et disservices : la perception des abeilles par leurs interactions au sein du socioécosystème . .
4.3.1 Des abeilles, des cultures, des perceptions : des pollinisations
4.3.2 Des valeurs attribuées par fonctions .
4.3.3 Une relation aux abeilles qui évolue avec les pratiques . .
4.3.4 Résumé et perspectives
Conclusion .
Synthèse des résultats
Limites .
Perspectives
Bibliographie
Annexe I : formules utilisées pour les analyses Construction de classes par classification ascendante hiérarchique Analyses des résultats du free-listing
Annexe II : figures en couleur .
Résumé
Abstract

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