Restauration et mise en valeur des fronts d’eau urbains, problématiques associées

Depuis le milieu du XXème siècle, les fronts d’eau urbains font l’objet de nombreuses recherches. Ceux-ci sont définis de plusieurs manières mais toujours par ce qui en fait leur essence : ce lien physique entre le milieu urbain et le milieu aquatique. Plusieurs variations de leur définition ont été tentées, souvent en fonction de l’approche de l’étude concernée. Par exemple, certains auteurs, comme Shaziman et al. (2008), ne font pas la distinction entre les milieux aquatiques artificiels et ceux naturels dans ce cadre. Lors de la définition du sujet, la question s’est posée de l’analyse étymologique du terme « front d’eau urbain ». Qualifier ces espaces de « fronts » pourrait induire plutôt des zones réduites à une limite entre l’eau et le milieu urbain. Ainsi, il paraît possible de se demander si ce terme ne pourrait pas faire référence uniquement à la frontière entre les deux types de milieux. Nous concernant, notre définition des fronts d’eau urbains n’est pas aussi restrictive puisqu’ils prennent en compte la surface mais également les usages associés. Dans ce document, nous considérerons donc les fronts d’eau urbains comme étant des espaces présentant une rivière, un fleuve ou un plan d’eau, artificiel ou non, accolé à une zone urbaine.

Les fronts d’eau urbains existent depuis très longtemps, mais ont évolué au fil du temps avec les différents usages qui leurs sont associés. Tout d’abord pendant l’antiquité, les premières cités romaines ont été construites près des cours d’eau pour la profusion des ressources essentielles qu’ils fournissaient à l’Homme, comme l’eau et le poisson. Puis, les usages se sont développés jusqu’à l’époque médiévale où les fleuves ont commencé à être utilisés comme voies navigables. De plus, l’exploitation de la force motrice de l’eau a permis l’implantation de nombreux moulins, aujourd’hui grands symboles du patrimoine. Les cités médiévales n’ont cessé de s’étendre, toujours plus proches des berges fluviales, et à partir de la fin du XVIIIème siècle, l’Homme a modifié de manière radicale et insouciante la morphologie des cours d’eau afin de le rendre plus praticable : rectification du tracé linéaire, confinement par des quais bâtis, construction de ports, etc. A la fin du XIXème siècle, de grosses usines se sont installées, marquant le début de l’ère industrielle. Celles-ci utilisaient souvent les fleuves comme ressource en eau utile dans leurs processus de fabrication ou simplement comme zone préférentielle pour les rejets de pollutions, sans modération. Cette période est également marquée par une urbanisation intense, qui demande des quantités considérables de matières premières, telles que les granulats, prélevés dans le fond des rivières. Dans les années 1970- 80, ces rivières ont pour beaucoup été endiguées, bétonnées, pour protéger des inondations et ainsi permettre l’urbanisation de nouvelles zones dans les plaines d’inondation. Cette artificialisation s’est accompagnée de voies de circulation et parkings sur les berges pour répondre à la présence croissante des véhicules en centre- ville.

Depuis l’antiquité, l’évolution des fronts d’eau et tous ces aménagements et usages liés aux rivières ont eu d’importantes conséquences. Bien souvent synonymes de désastres écologiques, ces aménagements ont perturbé et détruit d’innombrables éléments de biodiversité. Les conséquences sont également de l’ordre de l’esthétique, se manifestant par des dégradations du paysage fluviale (digues en béton par exemple), la persistance de nombreuses friches industrielles, etc. Tous ces éléments ont mené les politiques territoriales d’aménagement à une tendance actuelle de restauration et de mise en valeur de ces fronts d’eau urbains.

Problématique et hypothèses

Ainsi, au fil de l’histoire, différents enjeux se sont suivis concernant les fronts d’eau urbains. Depuis le milieu du XXème siècle ont émergé dans les pensées les enjeux liés à la problématique environnementale. Ceux-ci sont venus s’ajouter aux enjeux économiques, récréatifs, sociaux, etc. Par ces multiples problématiques associées à ces espaces et aux conditions de certains fronts d’eau urbains, de nombreuses actions de restauration ont été menées à travers le monde. Celles-ci ont différents buts annoncés. Il peut s’agir de la mise en valeur du patrimoine culturel bâti, l’amélioration de l’environnement urbain, des opérations purement immobilières et commerciales ou encore la préservation de la biodiversité à travers les opérations de types « trames vertes et bleues ». Malgré la montée d’actions à enjeux écologiques, de nombreuses restaurations des fronts d’eau urbains servent d’abord des objectifs d’aménagement urbain (Rode, 2019).

Déroulement de l’étude

Afin de travailler sur cette problématique, nous avons utilisé une grille de lecture. En effet, Pour optimiser la complémentarité de notre travail en binôme, l’objectif a été de réaliser une grille de lecture commune qui nous a permis d’analyser les cas d’étude de la même manière. Ainsi, chaque étude se basant sur les mêmes critères de qualification et d’analyse, cela autorise plus aisément les comparaisons. Dans un premier temps, la grille de lecture a été élaborée en s’aidant de l’article « Urban waterfront regeneration » (Pekin, 2013). Tout d’abord, il faut savoir lorsqu’on étudie un projet de restauration de front d’eau urbain que les effets de l’eau en tant qu’élément d’aménagement peuvent être répartis en deux catégories. La première concerne les effets esthétiques. Ces derniers peuvent être visuels, auditifs, sensitifs ou encore psychologiques. La deuxième catégorie correspond aux effets fonctionnels de l’aménagement. Ils peuvent toucher différents compartiments comme des effets de contrôle climatique par exemple par diminution de la chaleur de l’air en influant sur le taux d’humidité. Des effets de contrôle du bruit, de circulation ou encore de récréation sont également compris dans cette catégorie.

Ainsi, lorsqu’un projet de restauration a été étudié durant ce PFE, nous avons pu identifier quels effets ont été recherchés par ces restaurations et ont motivé les politiques publiques selon cette nomenclature. Cependant cette catégorisation des effets ne prend pas en compte les bénéfices que les projets peuvent amener à la biodiversité. Nous avons donc rajouté une catégorie à ce propos dans les effets fonctionnels.

En ce qui concerne la typologie des restaurations de fronts d’eau urbains, Moretti en a élaboré une qui a été exposée lors d’une conférence en 2008. Il s’agit de la typologie suivante :
1. Nouvelle expansion urbaine : Construit sur des sites disponibles et nécessite d’anciens sites industriels ou ports dans la zone.
2. Fronts d’eau urbains et grands évènements : s’établissent après/pour de grands évènements dans les fronts d’eau urbains.
3. Nouveaux itinéraires de fronts d’eau urbains : Générés par de nouvelles utilisations comme des joggings qui lient deux autres fronts d’eau urbains.
4. Autour d’un port qui a des emplacements pour des cargos ou des bateaux de voyageurs
5. Réutilisation des zones portuaires.
6. Protection contre les inondations qui offre de nouvelles zones pour l’expansion.
7. Plages urbaines : environnement artificiel créé en milieu urbain.

Les acteurs autour de la gestion des fronts d’eau urbains sont nombreux. L’étude de cette gestion et de la manière dont se fait la restauration de ces fronts d’eau peut vraiment apparaître comme une fenêtre sur la gouvernance locale (Bassett et al., 2002). Ces acteurs peuvent se diviser en différentes branches. Il y a d’abord les décideurs, correspondant aux gestionnaires politiques. Les concepteurs leur sont étroitement liés mais correspondent à ceux qui imaginent et conçoivent les aménagements des fronts d’eau urbains. Ils n’ont que le pouvoir de proposition et d’expertise mais pas de décision finale. Dans cette catégorie se trouvent les urbanistes et les aménageurs notamment. Une branche peut également être considérée par le regroupement des acteurs sociaux. Il s’agit des habitants qui vivent proches de ces fronts d’eau urbains et y ont des usages associés, et du milieu associatif, composé d’associations de protection de l’environnement, de préservation du patrimoine, etc : « Depuis une vingtaine d’années, les gouvernements urbains affichent la volonté de donner la parole aux habitants et de les associer à la conception des projets dans le cadre de consultations ou de concertations. Leur implication dans le processus de fabrication de la ville, longtemps considérée comme secondaire, devient un élément moteur des politiques de la ville » (Gabriele Lechner, 2006). Enfin, certains acteurs sont plus spécifiques à certains cas, comme par exemple à Paris où les pompiers sont des usagers très fréquents de ces espaces puisqu’ils empruntent des passages au niveau des berges pour traverser la ville rapidement et agir avec efficacité. Cependant, des usages particuliers comme celui ci peuvent alors poser des contraintes de gestion supplémentaires non négligeables. La restauration et la mise en valeur des fronts d’eau urbains résulte alors de discussions, de négociations et d’innovations de tous ces acteurs. Leurs usages différents se traduisent par des intérêts différents et des perspectives d’évolutions variées pour ces sites. Comme dit précédemment, ce jeu d’acteurs est souvent source de conflits.

Cas d’étude n° 1 : Berlin

Présentation de la ville

Le premier cas d’étude de ce travail est la capitale allemande : Berlin. Peuplée de plus de 3 748 000 habitants, il s’agit d’un site intéressant du point de vue de la gestion des fronts d’eau urbains puisque la ville a été édifiée à la confluence entre deux cours d’eau que sont la Sprée et la Havel. Berlin se trouve dans une vallée de la plaine germano-polonaise qui présente de nombreuses zones humides. Il s’agit de la vallée de la Sprée, large de 5 km. La ville est également proche de grands lacs tels que le lac Tegeler See à l’Ouest et le lac Grosber Müggelsee à l’Est. En ce qui concerne le maillage hydrographique de Berlin, la Spree qui la traverse se forme par la réunion de deux cours d’eau que sont la Dahme et la Müggelspree. En arrivant dans la ville, le cours d’eau perd de sa largeur jusqu’à un certain point où il se sépare en deux chenaux autour de l’île du centre-ville de Berlin. La Spree traverse ainsi la ville du côté ouest en étant d’abord bordée par des industries, des habitations ou des espaces verts jusqu’à l’île puis continue son chemin, encadrée par des quais. Le sud de Berlin est traversé par un canal long de 10,3 km appelé Teltowkanal qui va rejoindre la Havel à la sortie de Berlin. De cette manière, tous les cours d’eau sont liés entre eux par plusieurs petits canaux, créant ainsi un maillage hydrographique du territoire (Figure 3).

Cas d’étude n°2 : Chicago

Ce cas de gestion de front d’eau urbain prend place à Chicago, la troisième ville la plus peuplée des Etats-Unis. La rivière Chicago se constitue en un système de cours d’eau et de canaux qui traversent la ville. Le total des tronçons combinés atteint un linéaire long de 251 km. Au début du XXème siècle, l’homme est intervenu sur le cours d’eau en détournant son écoulement dans la partie inférieure et en creusant un immense canal afin que la rivière Chicago aille se jeter plus loin dans la rivière Des Plaines, puis dans le fleuve Mississippi, et non plus dans le lac Michigan. La raison de cet aménagement est que ce lac constituait la source d’approvisionnement en eau potable de la ville de Chicago. Il fallait par conséquent éviter toute pollution par les eaux non traitées de la rivière Chicago. La pollution n’arrivant plus jusqu’au lac continuait alors son chemin et contaminait les autres rivières en aval, provoquant de nombreux conflits. La « solution » trouvée consistait alors à diluer l’eau de la rivière Chicago en apportant de l’eau propre du lac via l’ancienne terminaison de la rivière Chicago, en inversant le sens d’écoulement. Par conséquent, le niveau d’eau du lac a constamment baissé depuis, causant là encore des conflits entre États. En 1967, la Cour suprême des États-Unis a tranché en justifiant que la dérivation était nécessaire, mais l’a plafonnée à 90,6 m3/s, soit son débit actuel.

Le tronçon de rivière concerné ici a été canalisé en 1850 pour réduire le risque d’inondation et pour pouvoir y naviguer pour le commerce. Cet aménagement a entraîné la suppression des paysages riverains. Les berges et le lit de ce canal étant en béton, la présence de végétation et d’habitats est devenue très limitée. De plus, certaines parties des parois du canal ont même fini par s’éroder par manque de stabilité. Cette rivière recevait de grandes quantités d’eaux de ruissellement chargées en pollution. Elle a également été contaminée par des fuites et débordements d’eaux usées. Cet état fortement dégradé par la pollution ainsi que le manque d’oxygène a entraîné la perte d’une grande partie de sa faune et de sa flore.

Cas d’étude n° 3 : Emscher Park

L’IBA (Internationale Bauausstellung) Emscher Park en Allemagne est un projet de restauration de front d’eau urbain parmi les premiers de ce genre. Il s’agit d’un cas précurseur de la gestion des fronts d’eau urbains en matière écologique. Il a influencé ce type de projet jusqu’à amener un nouveau concept : le concept de renaturation ou “Renatierung” en allemand (Moraillon, 2008). A l’inverse des autres cas d’études, celui-ci s’est réalisé sur une plus grande échelle. En effet, il ne se situe pas uniquement dans une ville mais dans toute une vallée et s’étale sur une longueur de 300 kilomètres. 17 villes ont alors été concernées par ce grand projet qui a pris 10 ans pour se terminer. Parmi elles se trouvent des villes de plus de 300000 habitants telles que Essen ou Dortmund.

La vallée de la Ruhr était marquée par un contexte très industriel. Le site présentait de nombreuses friches. Ces industries s’étaient initialement implantées dans les lieux au début du XXème siècle par la découverte d’un grand bassin charbonnier. Cette vallée est alors rapidement devenue un lieu important de l’économie allemande par le développement de l’activité charbonnière et de la sidérurgie. Cette industrialisation a également amené une urbanisation éparse qui s’est intensifiée relativement rapidement. Cependant, la crise que connaît le charbon dès les années 1950 va aboutir à un délaissement des industries du secteur qui seront alors abandonnées en l’état de friches. Le milieu entier se retrouve impacté par une activité intense qui a eu lieu toute la première moitié du siècle dernier. A titre d’exemple, sur les 140 mines qui étaient présentes sur le secteur, seulement 7 ont conservé leur activité jusqu’en 2000. Ainsi, cette époque s’est achevée en laissant un territoire avec beaucoup de friches industrielles et pollué dans ses sols, son air et son eau. La rivière de l’Emscher a subi les nombreux rejets industriels durant tout ce temps en étant traitée qu’au fond de la vallée par une grande station d’épuration. En plus de ces pollutions, cette rivière était totalement canalisée (Figure 14). Le territoire avait alors perdu en attractivité, que ce soit d’un point de vue environnemental ou économique. C’est alors qu’a été lancé le projet de restauration IBA Emscher Park.

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Table des matières

I. Introduction
II. Problématique et hypothèses
III. Déroulement de l’étude
IV. Cas d’étude n° 1 : Berlin
1. Présentation de la ville
2. Présentation du projet
3. Analyse selon la grille de lecture
V. Cas d’étude n°2 : Chicago
1. Contexte
2. Présentation du projet
3. Acteurs autour du Wild Mile
4. Mise en œuvre
5. Résultats
6. Analyse selon la grille de lecture
VI. Cas d’étude n° 3 : Emscher Park
1. Contexte
2. Déroulé du projet
3. Premier bilan en 2008
4. Analyse selon la grille de lecture
VII. Cas d’étude n°4 : Madrid
1. Contexte
2. Mise en œuvre du projet
3. Résultats de la restauration
4. Analyse selon la grille de lecture
VIII. Cas d’étude n°5 : Paris
1. Contexte
2. Analyse selon la grille de lecture
IX. Cas d’étude n°6 : Québec
1. Contexte
2. Mise en œuvre du projet
3. Résultats de la restauration de la rivière Saint-Charles
4. Analyse selon la grille de lecture
X. Cas d’étude n°7 : Vienne
1. Contexte
2. Une ville et un fleuve liés
2.1. Le bras principal du Danube
2.2. Le canal du Danube
2.3. Le Nouveau Danube
2.4. Le Vieux Danube
3. Conclusion et analyse selon la grille de lecture
XI. Tableaux Récapitulatifs
XII. Réponses au questionnement
1. Aspects écologiques et économiques
2. Aspects politiques et de gestion
3. Aspects techniques
XIII. Vérification de l’hypothèse
XIV. Conclusion
XV. Bibliographie

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