Resituer la dimension communicationnelle de la créativité collective contextualisée

Le sens de la créativité dans cette étude 

Délimiter la notion de créativité et son étendue pourrait faire l’objet d’une recherche en soi. La difficulté d’en circonscrire une définition unique découlerait de l’origine même du terme américain Creativity, utilisé par J.- P. Guilford lorsqu’il décrivait ses expériences en laboratoire dans les années 1950 comme un concept d’: « actions qui permettent d’arriver à connaître ce qui était caché ou ignoré » (Anzieu & Martin, 2013 : 267) et de sa traduction textuelle vers la langue française : la créativité, comme nom commun. En changeant de langue, le terme gagne en ambigüité dans la mesure où il couvre deux notions : en premier, une aptitude ou un ensemble prédisposé de caractéristiques qui peuvent se cultiver (Anzieu, dans Aznar, 2012) ; en second, le recours à un ensemble de techniques propres au développement de cette aptitude (Demory et al., 1986). L’engouement pour cette deuxième définition, par la multiplication de méthodes et d’experts de l’enseignement de cellesci, positionne la pierre d’assise de notre problématique. Avant même d’entrer au cœur du sujet de notre étude, il nous apparait incontournable de circonscrire la créativité en tant que phénomène référant plus largement à une potentialité et, par le fait même, au concept « d’actions » identifié par Guilford. Nous tenterons, tout au long de cette étude, de déconstruire certaines idées reçues quant aux méthodes employées en marge du phénomène.

Dans les faits, le terme créativité n’apparait que dans les dernières décades du XXe siècle. Avant, l’on employait les termes création, invention ou imagination créatrice. La distinction nette entre création et créativité est plutôt rare. Lorsqu’elle est faite, le terme création décrit plus particulièrement l’activité de conception et de production, c’est d’ailleurs le sens que nous lui donnerons lorsque nous ferons référence au processus de création (Aznar, 2012; Tremblay, 2008).

Selon certains, créativité serait l’appellation moderne pour imagination (Feller, 1977). Fréquemment associés, ou substitués, les deux termes possèdent en effet une certaine résonnance, c’est pourquoi il est nécessaire d’en faire la distinction. Afin de réduire l’étendue de l’entendement de cette appellation « trouble », commençons par clarifier quelques termes clés auxquels nous référerons au fil du texte.

Runco (2006) propose, dans l’ouvrage « Creativity », la différenciation entre plusieurs concepts attachés et souvent considérés en tant que synonymes. Il effectue les distinctions entre intelligence créative, découverte, invention, intention, adaptation, sérendipité, etc. Autant de définitions que de champs d’application. Retenons, afin de servir nos propos, l’imagination, l’originalité et l’innovation.

D’abord, l’imagination se définit comme une capacité de représentation de l’esprit humain (visuelle, sonore, temporelle, etc.) : […] a special feature or form of human thought characterized by the ability of the individual to reproduce images or concept originally derived from basic sense but now reflected in one’s consciousness as memories, fantasies, or future plans (Singer 1999, dans Runco, 2006 : 377).

Elle peut se voir utilisée comme stratégie d’idéation . L’originalité, quant à elle, est plus difficilement dissociable de la créativité puisqu’elle est partie intégrante de sa définition. Pour Guilford, « est original ce qui sort de l’ordinaire, ce qui est inhabituel, ce qui surprend par rapport à la réponse qu’on attendait » (dans Demory et al., 1986 : 50). L’originalité sous-entend une forme de nouveauté, d’unicité, ou de non-conventionnalité, mais n’implique pas nécessairement une finalité ou une amélioration. L’innovation, toujours selon Runco, se distingue de la créativité dans le dosage originalité-efficacité : « Innovation often requires that the result is maximally effective (it should sell or be publicly useful). Originality is secondary, though necessary » (Runco, 2006 : 386).

L’ambigüité persistante autour de la signification de la créativité conduira Runco (2006) à proposer le retrait de créativité à titre nominatif afin d’en restreindre l’utilisation à titre qualificatif exclusivement (aptitude créative, pensée créative, génie créatif, etc.). Revenant sur cette proposition quelques années plus tard, ilsouligne les avantages de cette ambigüité : elle permet d’envisager plus largement le champ d’application et de catalyser les emprunts aux différentes disciplines. Profitant de cette ambigüité soulevée par l’auteur, nous approfondirons, dans ce qui suit, l’entendement de la créativité pour cette thèse, en référent aux concepts et notions qui soutiennent nos choix.

Trois postulats bordant cette recherche

La créativité couvrant une vaste étendue, il serait difficile de circonscrire notre problématique sans considérer un certain nombre de concepts. De manière à éviter les méprises ou les détours incommensurables, nous garderons à l’esprit la volonté de contextualiser l’étude et non de faire une synthèse du champ couvert par la créativité. Nous proposons, en ce sens, trois postulats sur lesquels reposent nos réflexions afin de soulever la problématique, rendre intelligible notre question de recherche et mettre en scène le décor de cette recherche.

Premièrement, bien que soient forgées des définitions contemporaines de la créativité, il est intéressant de constater à quel point les préconceptions scientifiques du phénomène (les origines divines et mystiques) teintent le discours contemporain. Encore aujourd’hui, pour certains artistes, designers, écrivains, etc. le processus de création comporte un aspect mystérieux et indéfinissable, une « zone trouble ». Même du côté des industries culturelles, alors que celles-ci prétendent définir les activités de production et d’échanges culturels, le processus de création demeure un processus aléatoire échappant à la systématisation, et dont les ressorts demeurent mystérieux (Tremblay, 2008).

Deuxièmement, nous constatons que selon les domaines, les auteurs ont défini la vision partagée de la créativité par différents qualificatifs. Organisationnelle, lorsque liée à un système complexe visant le développement de nouveaux produits, services ou procédure novateurs (Amabile, 1996; Woodman et al., 1993). Sociale, lorsqu’abordée par les psychologues et sociologues cherchant à trouver des solutions à des problèmes sociaux ou familiaux (Todd Lubart et al., 2015). Collective, lorsqu’elle « se manifeste au sein de groupes, dans le cadre d’institutions ou d’entreprises » (Bonnardel, 2006 : 38). Cette dernière définition reflétant notre situation, nous avons choisi d’aborder la créativité d’un point de vue collectif, tout en nous appuyant par des modèles systémiques et organisationnels de la créativité, développés à partir des années 1980-90  , positionnant la créativité dans une perspective holistique, dynamique et multidimensionnelle (Yeh, 2011). En ce sens, la définition d’Amabile adopte une vision systémique du phénomène : “Creativity is best conceptualized not as a personality trait or as a general ability but as a behavior resulting from particular constellations of personal characteristics, cognitive abilities, and social environment” (1983, dans Schoenfeldt & Jansen, 1997 : 73).

Troisièmement, la créativité implique la nouveauté, une rupture avec l’habituel, une « réorganisation du champ de perception » (Moles, 1970). Cette notion de réorganisation se traduit chez De Bono (2013 : 215) comme un besoin de mouvement : « le mouvement est une opération mentale d’une extrême importance, qui se situe au centre de l’acte créatif. Sans maîtrise de cette technique, il n’y aurait pas de créativité possible ». Il en va de même chez Cossette (1998) pour qui la créativité procède par une « reprogrammation » des habitudes. En fait, le principe même du mécanisme créatif expliqué par Koestler (1965), Fustier (1985) et Aznar (2011), impliquant les notions de divergence et de convergence , sous-tend cette réorganisation constante de la pensée, voire de l’activité. Les chercheurs ayant étudié la personnalité créative ont par ailleurs soulevé l’importance des capacités au mouvement, par la nécessité d’ouverture d’esprit, la capacité à prendre des risques et à développer une tolérance aux situations ambigües (Csikszentmihalyi, 2006; Todd Lubart et al., 2015).

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Table des matières

SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE
PARTIE I
CHAPITRE 1 – LES PARADOXES DE LA CRÉATIVITÉ
CHAPITRE 2 – CRÉATIVITÉ ET COMMUNICATION : APPROFONDISSEMENTS
CHAPITRE 3 – LA CRÉATIVITÉ COMME PHÉNOMÈNE D’ÉCHANGES ET D’INTERACTIONS
PARTIE II
CHAPITRE 4 – INSTRUMENTS DE TRAVAIL, DE RÉFLEXION ET « D’EXPÉRIENCE VÉCUE »
CHAPITRE 5 – MODÉLISATION DE LA CRÉATIVITÉ COLLECTIVE ET AUTRES CLÉS CONCEPTUELLES
CHAPITRE 6 – OBSERVATION DES PHÉNOMÈNES ÉMERGEANT DE LA CRÉATIVITÉ DE GROUPE
PARTIE III
CHAPITRE 7 – PORTRAIT DE L’ACTIVITÉ DES GROUPES EN SITUATION
CHAPITRE 8 – LES EFFETS DE LA CRÉATIVITÉ COLLECTIVE CONTEXTUALISÉE
CHAPITRE 9 – APPORTS ET LIMITES DE LA RECHERCHE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLE DES MATIÈRES
ANNEXES

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