Résistance aux antibiotiques : problématique et dissémination

Résistance aux antibiotiques : problématique et dissémination

L’utilisation des antibiotiques et ses conséquences

Aujourd’hui, la surconsommation et la mauvaise utilisation des antibiotiques préoccupent l’ensemble de la planète. En 1997, plus de 10 000 tonnes d’antibiotiques ont été utilisées en Europe : 52% pour un usage médical et 48% pour un usage vétérinaire dont 33% en médecine vétérinaire et 15% comme facteur croissance.

Dans le milieu médical
En thérapie humaine, les statistiques indiquent que, dans environ 40% des cas, les traitements antibiotiques ne sont pas utiles et que souvent, les patients ne respectent pas leur traitement, ce qui peut entraîner une augmentation du risque de résistance aux antibiotiques(Pechère et al., 2007). De plus, deux-tiers des antibiotiques sont vendus sans ordonnance. Même en Europe, où la dispensation des antibiotiques est soumise à un contrôle, les patients s’automédiquent en utilisant très souvent des doses trop faibles ou/et des durées de traitement trop courts(Grigoryan et al., 2007). On note une forte corrélation entre l’utilisation des antibiotiques et l’émergence de résistance à ces mêmes antibiotiques(Goossens, 2009). La figure 1 montre l’impact de la consommation d’antibiotiques sur le pourcentage de Streptococcus pneumoniae résistants à la pénicilline. Il apparaît que les pays ayant une consommation élevée d’antibiotiques connaissent une plus forte émergence de bactéries résistantes. L’émergence de bactéries résistantes est très variable selon le contexte environnemental. A l’échelle d’un hôpital, une souche bactérienne résistante peut être deux fois plus présente dans une unité de soins intensifs que dans une autre unité(Archibald et al., 1997). A l’échelle d’un continent comme l’Europe,  l’apparition des isolats de Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM) est plus fréquente dans les pays du sud de l’Europe que dans les pays du Nord. Troisième cause de maladies nosocomiales en Europe, ces bactéries sont un bel exemple de dispersion d’une souche résistante à travers le monde. En effet, la dispersion des SARM s’est faite dans le monde entier durant les vingt dernières années jusqu’à revêtir un caractère endémique dans certains hôpitaux(Goettsch et al., 2000). Si une disparité dans le phénomène d’émergence de bactéries résistantes est observée en fonction des différentes régions du globe, on peut noter une tendance globale à l’apparition de nouvelles souches résistantes ou multi résistantes. Par exemple, aux Etats-Unis, on constate que l’augmentation de l’apparition des SARM est similaire quelque soit le lieu géographique ou l’unité hospitalière(Styers et al., 2006). La majorité de ces bactéries sont résistantes à au moins trois antibiotiques, mais encore sensibles à la vancomycine. Les Entérocoques quant à eux sont largement résistant à la vancomycine et montrent une grande capacité à acquérir de nouvelles résistances, comme au chloramphénicol, à la tétracycline, à l’érythromycine, à la rifampicine ou encore à la bacitracine(Linden and Miller, 1999). Ces Entérocoques multirésistants sont aujourd’hui une des premières causes des maladies nosocomiales dans le Monde.

Dans le monde agricole
Au niveau de l’industrie agroalimentaire, les antibiotiques sont également utilisés en masse. Dans les élevages, ils ont en premier lieu un rôle thérapeutique (traitement d’une infection bactérienne) ou prophylactiques (prévention d’une infection possible). Depuis les années 50, les antibiotiques sont également utilisés dans l’industrie alimentaire comme facteur de croissance sous forme d’additif alimentaire. En effet, l’incorporation d’antibiotique dans l’alimentation des animaux engendre un gain de poids de 2 à 5%. Cependant, la présence constante d’antibiotiques exerce une pression de sélection sur la flore microbienne naturelle et sur les agents pathogènes présents chez ces animaux, favorisant ainsi le développement d’une flore résistante. C’est ainsi que l’on a pu détecter, dés 1960, la présence de bactéries résistantes dans les élevages et qu’aux Etats-Unis, en 1984, dix huit personnes, dans quatre états différents, ont été infectées par des souches de Salmonella résistantes provenant de différents élevages(Holmberg et al., 1984). Le meilleur exemple des conséquences de l’utilisation des antibiotiques comme facteur de croissance est celui de l’avoparicine. Il a été montré que cet antibiotique, utilisé comme additif alimentaire depuis une vingtaine d’années, favorisait l’apparition d’entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) dans les élevages(Bager et al., 1997). L’agriculture, enfin, utilise des micro-organismes non-pathogènes comme biopesticides. C’est le cas de Bacillus subtilis, B. thuringiensis ou encore Paenibacillus popilliae. Cette dernière bactérie a été employée, entre autre, pour combattre les insectes de type coléoptères au Japon et présente un niveau élevé de résistance à la vancomycine. Les gènes de résistance à la vancomycine de P. popillae semblent être à l’origine des gènes trouvés chez les Enterococci et vont alors conférer le même type de résistance à ces pathogènes(Patel et al., 2000). En 2006, l’Union européenne a interdit l’usage d’antibiotiques comme facteur de croissance, mais ils sont toujours utilisés dans d’autres parties du monde (Etats Unis, Canada, Australie, Chine).

Dissémination des résistances et Plasticité génomique des bactéries

Il existe deux types de résistances aux antibiotiques : les résistances innées ou naturelles et les résistances acquises. Les antibiotiques étant produits majoritairement par des bactéries, ces dernières possèdent donc des systèmes de résistances à ces antibiotiques : ce sont les résistantes dites naturelles qui confèrent une immunité contre les antibiotiques qu’elles produisent. Par ailleurs, certaines bactéries sont capables de résister naturellement à certains antibiotiques grâce à leur morphologie : les bactéries à Gram négatif sont résistantes à plusieurs antibiotiques grâce à l’imperméabilité importante que leur confère la présence de deux membranes Les résistances acquises sont à la base de la compréhension de la dissémination des résistances dans des espèces bactériennes différentes. Elles apparaissent grâce à la grande plasticité des génomes bactériens et à l’adaptation rapide des bactéries à de nouvelles conditions dans leur milieu. Plusieurs études mettent clairement en évidence ces disséminations à travers plusieurs espèces et écosystèmes différents. Par exemple, la résistance à la vancomycine, un antibiotique peptidique ciblant la paroi bactérienne, semble avoir été transmise aux Entérocoques résistants à la vancomycine (ERV) à partir des bactéries du sol productrices de cet antibiotique (Streptomyces toyocaensis et Amycolatopsis orientali). En effet, les déterminants génétiques codant pour cette résistance chez les ERV sont très similaires à ceux retrouvés chez les bactéries productrices(Marshall et al., 1998). Par ailleurs, ces gènes pourraient également provenir de P. popillae, comme cité ci dessus(Patel et al., 2000). De plus, il a été montré que l’utilisation excessive d’ampicilline a probablement entraîné la dissémination des gènes de résistance à cet antibiotique à partir d’Escherichia coli jusqu’aux pathogènes Gonococci et Haemophilius influenzae(Jacoby and Archer, 1991). La plasticité génomique chez les microorganismes est permise par différents mécanismes moléculaires permettant une dynamique importante de leur génome.

Mutation naturelle du génome
Il a été établi que les génomes bactériens possèdent une fréquence élevée de mutation. En effet, lorsque l’ADN bactérien se réplique, des substitutions de bases peuvent avoir lieu avec une fréquence estimée à 10⁻⁹ par paire de bases répliquée(Bridges, 2001). Cette fréquence de mutation permet l’apport de nouveaux déterminants génétiques de résistance comme une modification de la cible de l’antibiotique, une augmentation de l’expression des systèmes d’efflux de l’antibiotique ou encore une modification de certaines voies métaboliques cibles. Ainsi, les bactéries peuvent s’adapter rapidement à la présence de l’antibiotique dans leur milieu et mettre en place un système de résistance à cet antibiotique. Il a été montré que les souches bactériennes résistantes aux fluoroquinolones possédaient souvent des mutations ponctuelles au niveau de la cible de ces antibiotiques. Les fluoroquinolones vont interagir avec l’ADN gyrase et la topoisomérase IV, inhibant ainsi la réplication de l’ADN bactérien et son surenroulement(Gellert et al., 1977; Peng and Marians, 1993). La résistance à ces antibiotiques est corrélée à des mutations au niveau d’une région appelée Quinolone Resistance Determinant Region ou QRDR des gènes gyrA et parC, codant respectivement pour une sous-unité de l’ADN gyrase et de la topoisomérase IV(Piddock, 1999). Chez Campylobacter jejuni, une seule mutation dans la région QRDR de gyrA permet un haut niveau de résistance à l’enrofloxacine, appartenant à la famille des fluoroquinolones(Payot et al., 2002).

De plus, les bactéries en réponse au stress peuvent entrer dans un état d’hypermutation de leur génome. Ce mécanisme, appelé réponse SOS, implique des ADN polymérases alternatives et moins fidèles(Friedberg et al., 1995). Cet état d’hypermutation va favoriser l’apparition de variants résistants(Bridges, 2001). Certains antibiotiques comme les fluoroquinolones induisent cette réponse SOS et l’entrée en phase d’hypermutation chez E. coli et Salmonella typhimurium(Beaber et al., 2004; Ysern et al., 1990). Chez Pseudomonas aeruginosa, bactérie pathogène opportuniste Gram négative, l’entrée en phase d’hypermutation est due aux nombreux stress que la bactérie subit au cours de l’infection qu’elle provoque et en particulier la réponse immunitaire de l’hôte et la présence de différents antibiotiques utilisés durant le traitement de cette infection. 36% des patients subissant une infection chronique à P. aeruginosa sont colonisés par une souche hypermutable et les phénotypes d’hypermutation sont directement corrélés avec les résistances multiples aux antibiotiques(Oliver et al., 2000).

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction
I) Résistance aux antibiotiques : problématique et dissémination
A) L’utilisation des antibiotiques et ses conséquences
1) Dans le milieu médical
2) Dans le monde agricole
B) Dissémination des résistances et Plasticité génomique des bactéries
1) Mutation naturelle du génome
2) Les éléments génétiques mobiles
3) Les mécanismes de transfert d’ADN
II) Les antibiotiques ciblant l’enveloppe bactérienne
A) L’enveloppe bactérienne
1) Composition et caractéristiques
a) La paroi bactérienne
b) La membrane plasmique
2) Synthèse du peptidoglycane
a) Formation du précurseur monomérique
b) Translocation du précurseur monomérique
c) Polymérisation du peptidoglycane
Les PBPs ou Penicillin Binding Proteins
Renouvellement des couches de la paroi
d) Régénération du translocateur lipidique
B) Diversité des antibiotiques ciblant la paroi bactérienne
1) Les antibiotiques non peptidiques
2) Les antibiotiques peptidiques à synthèse ribosomale
3) Les antibiotiques peptidiques à synthèse non ribosomale
C) Diversité des modes d’action des antibiotiques ciblant la paroi bactérienne
1) Perturbation de l’intégrité membranaire
2) Blocage de la synthèse de la paroi
a) Inhibition de la formation du précurseur monomérique
b) Inhibition des étapes tardives de la synthèse du peptidoglycane
Les β-lactames
Le lipide II, une cible privilégiée de nombreux antibiotiques
L’inhibition du recyclage de l’undécaprénylpyrophosphate
D) Mécanismes et régulation de la résistance aux antibiotiques ciblant
l’enveloppe bactérienne
1) Diversité des mécanismes de résistances
a) Ciblage direct de l’antibiotique
b) Modification de la cible de l’antibiotique
c) Diminution de la pénétration de l’antibiotique
d) Les systèmes actifs d’efflux d’antibiotiques
La diversité des pompes d’efflux bactériennes
Structure et fonctionnement des transporteurs ABC
Classification des transporteurs ABC
2) Les mécanismes de régulation des gènes codant pour les systèmes de résistance aux antibiotiques ciblant la paroi
a) Les « cell wall stress stimulon »
b) Les facteurs sigmas à fonction extracytoplasmique ou ECFs
c) les systèmes à deux composants
Fonctionnement
Caractéristique de la détection du signal
Exemple de phosphorelais impliqués dans la régulation de mécanisme de résistances aux antibiotiques ciblant l’enveloppe
III)La résistance à la bacitracine chez B. subtilis
A) B. subtilis et les Firmicutes
1) Le groupe des Firmicutes
2) B. subtilis, une bactérie « modèle »
B) Bacitracine
1) Biosynthèse
2) Mode d’action
C) Résistance à la bacitracine chez B. subtilis
1) L’UPP phosphatase BcrC
2) Le système BceRSAB
a) Proximité génétique et couplage fonctionnel
b) Fonctionnement et caractéristiques
Conclusion

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *