Représentation et mentalité de la femme savante

Les femmes et les Arts Libéraux

Dans un premier temps, nous nous proposons d’étudier les relations que pouvaient entretenir les femmes romaines avec les Arts Libéraux. Comme nous l’avons déjà souligné dans l’introduction, ces Arts, liés au monde masculin et marque de distinction de l’élite civique, n’étaient pas d’ordinaire enseignés aux femmes. Pourtant, on peut noter que dans chaque classe sociale, à des âges différents, des femmes se sont illustrées auprès de leurs pairset ont été reconnues pour leur culture. Il est donc essentiel, de comprendre comment et pourquoi certaines ont pu accéder à ce niveau. Cette question sera le sujet d’un premier chapitre. Cependant, il faut noter qu’elles ont également suscité les critiques et les doutes des auteurs antiques pour leur comportement en contradiction avec le portrait traditionnel de la femme romaine. C’est pourquoi dans un second chapitre, je propose d’étudier la réaction parfois violente des témoins de cette époque.

La femme savante en elle-même: les études et les jours

Les femmes romaines qui eurent accès à la culture classique furent souvent bercées toute leur vie dans les Arts Libéraux, à des degrés différents cependant. Toutes les classes sociales n’offraient pas les mêmes facilités, de même que les âges de la vie apportaient des rythmes d’apprentissage différents. Les raisons et les modalités de l’accession des femmes au domaine intellectuel divergent considérablement et,de ce fait, les arts dits libéraux sont pour certaines des arts nécessaires.À chaque catégorie, sa culture

Esclaves et affranchis : la culture comme amélioration de la condition

Des femmes serviles instruites

Nous disposons dans notre corpus d’exemples de femmes de condition servile qui ont eu une teinture des Arts libéraux ou qui ont eu un degré d’instruction jugé remarquable. Aux yeux de la loi romaine, l’esclave est considérée comme un objet de droit, dépourvue de librearbitre. Elle est placée sous la domination d’un maître qui a le droit de vie et de mort sur elle.
De ce fait, l’éducation des esclaves ne peut qu’être le fruit de la volonté du dominus ou de la domina.
Les esclaves attestées, fort peu nombreuses, sont le plus souvent affranchies comme c’est le cas par exemple de Romana , Porcia Lada qui étaient toutes deux éducatrices, l’une de garçons et l’autre de filles de condition servile, Eucharis ,jeune fille affranchie morte à l’âge de 14 ans, qui était « savante érudite dans tous les arts », ou encore le célèbre exemple de Caenis , l’affranchie d’Antonia Minor. Peut-être faut-il ajouter à cette liste d’autres femmes du catalogue qui ont un statut incertain. C’est le cas de Decerto , Cnide ou encore de Grapte . Il est important de noter qu’aucune de ces femmesn’est définie comme serva . On peut donc se demander si que pour elles les connaissances ont facilité leur changement de statut.

L’affranchissement est-il la conséquence de leur accès à la culture ?

Il faut rappeler en préalable que dans le cas des femmes, l’affranchissement semble encore plus difficile que pour les hommes . Le premier constat que nous pouvons faire est que contrairement à la norme, qui veut que la femmeest souvent affranchie en même temps que son compagnon esclave, la majorité de nos exemples sont affranchies seules (exemples), ou elles sont liées à des compagnons restés en esclavage . Celles qui mentionnent leur ancien maître montrent qu’elles sont plus fréquemment la propriété de dominae . Elles sont donc employées dans la maison d’une matrone à des tâchesnobles, secrétariat, enseignement, etc.
Elles sont parfois affranchies avant l’âge légal de30 ans. Antonia Caenis offre un exemple de brillante réussite et devait être pour les esclaves qui en connaissaient l’histoire, un modèle à imiter, même s’il était à la limite du conte de fées.
Elle constitue une remarquable exception ce qui explique qu’elle ait laissé sa marque dans l’histoire. Elle fut presque impératrice. En effet,après la mort de sa femme Vespasien « reprit son ancienne maîtresse Caenis, affranchie d’Antonia à laquelle elle servait de secrétaire ».
En fait, « elle tenait à peu près le rang de légitime épouse » et conseilla l’empereur.
Il faut cependant noter d’emblée que Caenis en naissant dans la familia d’Antonia se trouvait au sommet de la une hiérarchie servile. Pour les esclaves au sein de la Ville, la plus haute distinction était celle d’esclave impérial. Caenis n’en était pas une à proprement parler mais elle appartenait à la nièce d’Auguste, belle-sœur de Tibère et grand-mère de Caligula, qui lui accorda le titre d’Augusta et mère de l’empereur Claude, ce qui la rapprochait considérablement de ce statut. Proche d’un milieu où la compétence intellectuelle était le principal levier de l’ascension et la condition essentielle de la liberté, il lui était donc facile d’accéder à un degré élevé d’enseignement. En général, les esclaves instruites dans les Arts Libéraux soit développent des compétences pratiques, comme secrétaires, médecins ou pédagogues soit jouent un rôle dans l’agrément culturel de leur maître, comme lectrices ou musiciennes . S’ils ont eu connaissances de talents intellectuels, les maîtres ont favorisé leur apprentissage à cette fin mais aussi parce qu’ellesont également une valeur marchande plus importante si elles savent lire et écrire et ont aussi un minimum de culture, tant littéraire que juridique.
De ce fait, elles se rencontrent plus volontiers dans les grandes familles ou dans la demeure impériale et accèdent donc à un niveau de vie qui est parfois supérieur à celui d’un citoyen romain. Les esclaves ayant des compétences dans les Arts d’agrément peuvent également devenir des courtisanes, des femmes aimées et admirées qui ont parfois bien plus de facilité à s’insérer dans les classes supérieures romaines. De plus, du fait de leur clientèle développée elles possèdent également une influence non négligeable qui leur permet d’améliorer considérablement leur train de vie et de se faire passer pour des femmes puissantes. C’est le cas de Cythéris, qui, bien qu’on ne dispose pas de preuve directe de sa culture, était courtisane et comédienne du temps de Cicéron, et elle aurait par ailleurs influencé de grands hommes tels que Marc Antoine . Cependant ces Arts d’agrément sont ceux qui sont les moins considérés par la société masculine même s’ils figurent parmi les Arts Libéraux. La situation d’une femme de condition servile cultivée peut donc, du fait de sa culture, voir ses conditions de vie s’améliorer. Non plus qu’un objet présent dans la maison,elle remplit un rôle bien précis qui lui permet d’espérer un statut bien plus valorisant que celui qu’elle aurait dû posséder normalement du fait de sa situation servile.

La servitude : Une situation d’apprentissage

Certaines de ces femmes cultivées sont par ailleursspécialisées dans l’enseignement.
Ainsi, Pompeia Gemella a été nourrice de l’empereur (il doit certainements’agir de Titus) et a reçu une stèle funéraire qui commémore ce fait. Quintilien précise les qualités nécessaires à une cette charge : qu’« avant tout que les nourrices ne parlent pas une langue incorrecte […] leur moralité doit entrer avant tout en ligne de compte, mais il faut cependant qu’elles parlent correctement. Ce sont elles que l’enfant entendra en premier lieu, c’est leur vocabulaire qu’il s’efforcera de reproduire et d’imiter ». En effet, c’est « parmi les contes de sa nourrice et au rythme des berceuses endormantes » que l’enfant va « s’accoutumer à se connaître en fables et, tout ensemble, à s’amuser et à s’instruire » . Ces femmes dont faisaient parties Pompeia Gemella mais aussi Barronia Galene devaient donc avoir acquis un certain niveau de culture pour pouvoir élever les enfants car elles devaient au moins savoir lire et écrire et connaître la littérature. D’abord, le rôle éducatif de ces femmes est avant tout d’apprendre au jeune enfant à parler correctement. Le choix de ces esclaves revêtait donc une importance particulière et n’était pas uniquement lié aux qualités requises pour les fonctions premières d’allaitement du nouveau-né.

Représentation et mentalité de la femme savante

Les femmes savantes semblent avoir été minoritaires dans la Rome Antique. Ces femmes parfois peu appréciées ont subi le courroux des auteurs masculins de leur époque du fait de leur marginalité par rapport à l’image traditionnelle que les Romains se faisaient de la femme. En effet, en plus d’être soumise et obéissante, la femme romaine devait être irréprochable dans toutes ses actions, la moindre faiblesse pouvant entraîner la dégradation sociale et, parfois, des condamnations à mort, pourles cas d’adultère par exemple. Pourtant quelques femmes ont bravé l’opinion publique en revendiquant leur accès à la culture et aux arts Libéraux, se mettant parfois sur un pied d’égalité avec l’élite masculine. Elles demeurent néanmoins des exceptions. Cependant, des femmes, bien que considérées pour leurs compétences intellectuelles, n’ont reçu aucun reproche de la part de ces auteurs masculins, pourtant enclins à tourner les faits en critique. Il donc conviendra de comprendre en quoi la science féminine engendre soit l’opprobre soit l’approbation.

L’image de la femme dans la société romaine

La place de la matrone dans la société se définit comme un pilier essentiel à la transmission des valeurs civiques et morales. C’est pourquoi son image revêt autant d’importance aux yeux des Romains. Officiellement la femme romaine n’a aucun pouvoir.
Son autorité s’exerce au contraire dans la domus où elle doit s’occuper de l’éducation des enfants, au filage la laine, obéir au pater familias et régir la domesticité. Il paraît donc important de confronter l’idéal matronal à l’image de la culture de la femme savante.

L’idéal matronal

Le mariage : une institution traditionnelle

Le mariage est reconnu depuis longtemps comme un pilier de la civilisation romaine, même si certains y voient quelques désagréments. Metellus Macedonicus (~210 av. J.-C. – 115/116 av. J.-C.) déclare que « si nous pouvions vivre sans épouse nous nous passerions de cet ennui. Mais puisque la nature a imposé aux générations de ne pouvoir ni vivre sans elle sans quelques désagréments, ni vivre du tout sans elle il faut regarder le salut et l’avenir plutôt qu’un plaisir sans durée » . Ce discours donne un aperçu assez sinistre sur la considération accordée aux épouses et les bonheurs attendus de la vie conjugale. Il est vrai, par ailleurs, que les alliances des Metelli étaient des affaires politiques et constituèrent l’un des socles de leur puissance. Cependant, comme il le souligne si bien, il faut bien se marier par civisme, par devoir politique, par intérêt ou encore par tradition. Il est également important de souligner qu’à Rome on ne se marie pas par amour. C’est un droit car il permet la légitimité des enfants à naître et un devoir car il permet de perpétuer les droits civiques du citoyen romain. Il faut bien le dire, chez les femmes savantes, les mariages, et surtout les mariages heureux, sont rares. En général les femmes savantes ne sont pas le choix premier des Romains qui aiment que leurs épouses soient instruites, mais pas trop.Pourtant on a quelques exemples de femmes qui, bien que reconnues savantes par leurs pairs, n’en ont pas moins connu un bonheur conjugal durable. L’exemple le plus connu reste celui de Turia qui vécut quarante et un ans avec son époux . Mais cet exemple est encore un cas à part qu’il nous faudra approfondir par la suite. Turia n’est cependant pas la seule. Pamphila, historienne reconnue dont ses écrits ont été réutilisés, est connue pour avoir partagé «sa vie durant trente ans » avec son mari qui l’aida dans ses recherches . C’est là un exemple remarquable de tradition. On peut également parler de l’impératrice Livie dont Auguste, à sa mort, lui dit « Livie, n’oublie pas notre union tant que tu vivras, adieu ! » . Belle façon de rappeler à sa femme que leur union fut parfaite. Sulpicia, l’amie de Martial, a eu « quinze années de mariage » dont l’auteur parle avec respect et admiration car il est rare dans ce milieu de trouver un tel couple. Cet élément essentiel est donc un marqueur fort de la vie romaine et montre en quoi les femmes instruites ont pu à ce point gêner les auteurs. Une bonne romaine est une romaine qui non seulement se marie, mais qui doit se marier sans passion et sans devoir. La culture semble donc avoir eu un impact sur la vie conjugale des femmes.
La femme représente donc le pilier de la vie domestique et doit veiller aussi bien à son bon fonctionnement qu’à l’harmonie familiale. Elle s’occupe de la maison et de ses propriétés. C’est pourquoi elle doit faire preuve d’une grande qualité, elle doit être obsequens, aimable et soumise. C’est un terme très fort quand on sait que l’affranchi doit le même « respect » à son maître. On se rend donc compte de la subordination de la femme devant l’homme. Elle doit également être complaisante envers son mari qu’elle doit chercher à rendre heureux. Elle participe également à l’aspect privé de sa carrière publique. En effet, elle reçoit des invités et accompagne son mari lors des dîners et des autres évènements sociaux. Ainsi la femme a également un rôle religieux dans la carrière de son mari avec notamment la fête de la Bona Dea. Livie, elle, dispose d’une qualité religieuse supérieure dans le sens où elle est Augusta de même que les impératrices qui lui succèderont. Ces femmes de la famille impériale n’ont pas seulement des devoirs religieux, elles en reçoivent également. Pour faire toutes ses tâches il n’est peut être pas absolument nécessaire de savoir lire et écrire.
Néanmoins, et bien que ces femmes, surtout celles des classes les plus aisées, peuvent laisser ce travail à des secrétaires ou des servantes lettrées, les aptitudes à la cultures sont valorisées car elles peuvent ainsi superviser le travail de ces domestiques et donc prendre une véritable part à la gestion de la domesticité. Enfin il est important de souligner le rôle de la mère. En effet, une femme se marie pour avoir des enfants et« transmettre ainsi la pureté du sang de la gens » .Cependant on peut souligner le fait que la femme ne transmet pas réellement le sang mais qu’elle sert de courroie de transmission à une postériorité qui est celle de son époux. En effet on remarque que les enfants ne portent pas le même nom que leur mère. L’éducation des  enfants devient alors la préoccupation de la matrone romaine ainsi que le choix des conjoints de ces derniers. Cette information est importante quand on sait que, comme nous l’avons déjà souligné, le rôle de la femme éducatrice est une caractéristique marquante de ces femmes savantes.
L’idéologie de la position dans la société de la femme romaine peut être ici illustrée par une inscription funéraire célèbre en vers datant de la période républicaine et trouvée à Rome. Il s’agit bien évidemment de celle de Claudia . Elle bénéficiait de ce caractère aimable tant apprécié par les Romains puisque « sa conversation était charmante ». De plus elle a été une bonne épouse puisqu’elle « veilla sur sa maison ». Enfin, elle a rempli son rôle d’épouse en mettant au monde deux enfants dont un est cependant déjà mort.

La place de la culture chez la femme dans l’imaginaire romain

La « pudicitia» : la vertu au féminin

« La femme mariée idéale est muette et ne s’exprime pas en l’absence de son mari »

C’est en tout cas l’idée répandue de l’image de la femme dans la société romaine. Comme pour les hommes qui disposent de la virtus, les femmes ont elles aussi une grande qualité qui est recherchée, celle de la pudicitia . Cette vertu idéale de la matrone romaine se retrouve dans la littérature mais aussi l’épigraphie même publique et regroupe toutes les vertus de la femme romaine : la chasteté, le contrôle de soi, la soumission et la piété. C’est, dans l’imaginaire romain, la qualification d’une femme qui a conservé sa pureté physique, la virginité, mais également morale avec l’idée de la fidélité à son mari. Le poète Stace nous donne par ailleurs un aperçu de ce que devait avoir une matrone romaine.
« Je te vouerai par les flambeaux nuptiaux une femme cultivée, et adaptée à ton génie, telle que t’en donneraient la caressante Venus ou Junon, par sa beauté, sa simplicité, son urbanité, sa fortune, sa naissance, sa séduction, son élégance »
Dans ce passage où l’Enéide s’adresse à Lucien au sujet de sa future femme « la chaste Polla », Stace nous présente un idéal moins restrictif puisque, selon lui, l’épouse doit s’harmoniser non seulement par des vecteurs moraux mais également intellectuels. On peut rapprocher ce fait à la peinture de Terentius Neo et sa femme où on voit l’époux mettre en avant sa femme pour ses connaissances intellectuelles. Enfin on se rend compte, par la citation de Vénus et de Junon, qu’il combine l’idéede la matrone et de l’amante. C’est un fait nouveau lorsque l’on sait que normalement, l’idée de plaisir dans les relations de couple est répréhensible car jugée insultante.
De plus, la vertu matronale est symbolisée par l’activité qui est traditionnellement celle de la femme depuis l’origine de Rome, le lanificum . En effet, Romulus, en créant le statut matronal après le rapt des Sabines, les aurait exemptées de toute tâche autre que le travail de la laine. Cette antique coutume reprend par ailleurs le mythe de Pénélope, la femme d’Ulysse qui attend son mari en filant la laine. La matrone lanifica incarne donc l’épouse vertueuse par excellence. On retrouve cette vertu sur l’inscription de Claudia où son mari souligne qu’elle « travailla la laine » .De même elle est présente dans l’épitaphe de Julia Paula par la comparaison avec Arachné .Par ailleurs, Auguste n’a-t-il pas repris ce thème auprès des femmes de sa famille pour appuyer sa politique d’un retour à l’âge d’or romain?
Cette image d’Archné est également reprise par Domitien sur son forum. On constate donc la durée de cette figure dans la nostalgie impériale. La femme doit donc être un exemple de vertu et de soumission et doit obéir en tout point à son mari car elle demeure sous la puissance paternelle (patria potestas ).

« Les précieuses ridicules »

Comme le dit si bien Lucien (120 -180 apr. J.-C.), « le ridicule peut encore se tolérer : chez un homme, mais non plus chez une femme. Il en est, cependant, qui affectent d’avoir auprès d’elles des gens de lettres qu’elles soudoient, dont elles font suivre leurs litières, et qui se figurent que rien ne relève leurs attraits comme de s’entendre appeler savantes et philosophes, de voir mettre leurs poésies presque au rang de celles de Sapho. En conséquence, elles promènent partout les mercenaires qu’elles tiennent à leurs gages, rhéteurs, grammairiens, philosophes : elles écoutent leurs leçons, chose plaisante, au moment de leur toilette, pendant qu’on les coiffe, ou durant le repas. Le reste de la journée, elles n’en auraient pas le loisir. Souvent, lorsque le philosophe traite quelque grave sujet, une servante survient, qui présente à sa maîtresse le billet d’un amant : le discours sur la continence demeure suspendu, et ce n’est qu’après avoir répondu au galant message qu’on se remet à l’écouter ».
Bien que cette attestion soit postérieure à notre période, elle n’en demeure pas moins un exemple flagrant du ridicule des femmes. Aussi, lorsqu’Pline le Jeune parle de la femme de Saturninus écrit-il « vous croiriez entendre Plaute et Térence parler en prose » pour se moquer de son ami qui vante partout les talents épistolaires de sa femme. Caerellia, quant à elle, va jusqu’à s’introduire en cachette dans la maison d’Atticus pour lui dérober un livre de Cicéron qu’il n’a pas encore édité . Le ridicule de Claudia lors du procès est un autre exemple flagrant de cette image moqueuse qu’on veutfaire passer de la femme savante. Pour beaucoup, elles ne sont que le pâle reflet du géniemasculin et, lorsque l’une d’elles cherche à valoriser son savoir, ce n’est que pour mieux démontrer l’idée qu’elles n’ont en fait aucun talent pour les Arts Libéraux. Mais est-ce une assurance de la part de ces auteurs ou simplement de la jalousie face à ses femmes qui se revendiquent de plus en plus philosophes, historiennes ou femmes de lettres ? Juvénal (̴̴ 90-125 apr. J.-C.) ne se lasse pas de dépeindre la femme savante comme une femme de peu de caractère qui ferait mieux de se taire plutôt que d’essayer de faire de l’esprit :
« Plus assommante encore est cette autre qui, à table, loue Virgile, justifie Didon prête à mourir, met les poètes en parallèle, les compare…Les grammairiens mettent bas les armes, les rhéteurs s’avouent vaincus, tout le monde fait silence. Impossible à un avocat, à un crieur public, à une femme même, de placer un mot… J’abhorre la femme qui reprend et déroule sans cesse la méthode de Palaemon, sans manquer jamais aux règles du langage ; qui, férue d’érudition, me cite des vers que je ne connais pas… Je veux qu’un mari puisse se permettre de lâcher un solécisme»
Il ne se cache donc pas de l’ennui profond qu’il ressent à l’écoute de ses femmes qui veulent tant paraître érudites. Il démontre l’idée ici que même les plus érudits en matière d’Art Libéral préfèrent s’abstenir de tout commentaire face à ces femmes qui se mettent en avant. Il va même jusqu’à donner ses conseils : « Femme qui veux paraître éloquente, allons, vite, sois homme; et, retroussant la tunique au genou, offre un porc à Sylvain, baigne-toi pour un sou ! ». Voilà qui illustre bien la pensée des auteurs de son époque ! Juvénal démontre ici une idée plus forte en expliquant que la vrai culture doit être masculine et qu’une femme cultivée empiète sur un domaine réservé aux hommes. Elle pervertit donc les relations sociales car en étant plus compétence qu’un homme elle renverse l’ordre social. En effet, il précise bien que parfois lui-même ne connaît pas les vers cités par ces femmes savantes et que les hommes doivent faire attention à leur langage car ces femmes vont jusqu’à critiquer des fautes, qu’on pourrait à peine remarquer.
La femme savante est donc souvent la risée de la société romaine ce qui entraîne une dévalorisation de l’importance de leur savoir dans les sources antiques. Ces femmes n’étant reconnues que comme « des hommes inférieurs », elles ne bénéficient pas de la même promotion que les grands noms masculins de leur temps.

Un esprit d’homme dans un corps de femme

Bien plus que des stéréotypes, certaines femmes sont connues pour leurs caractères exceptionnels qui les firent passer pour des femmes exécrables. Leurs défauts ont certainement été exagérés, défigurés et réinventés pour coller au mieux avec l’image qu’on chercher à leur donner. En effet, pour la plupart, ces femmes ont fait parti de groupes politiques ou de milieux importants qui ont poussé les auteurs à devoir remodeler leur image pour pouvoir inciter les lecteurs à penser comme eux. Ces femmes sont donc considérées comme des hommes au féminin.

SYNTHESE 

La vie de Calpurnia n’est pas très bien connue. On sait que ses parents sont morts prématurément et que la jeune femme a été élevée par les soins de sa tante et de son grand père. Calpurnia est la deuxième ou la troisième épouse de Pline le Jeune, suivant les auteurs.
Pline le Jeune a entretenu une correspondance avec Calpurnia Hispulla, la tante paternelle de Calpurnia et avec Calpurnius Fabatus, le grand pèrede Calpurnia. Ce dernier serait peut être le chevalier qui se retrouve impliqué sous Néron dans l’accusation d’inceste de Lepida, femme de Cassius, avec son neveu . Calpurnius souhaite vivement avoir des petits enfants, ce dont il fait part dans sa correspondance avec son petit fils par alliance. Cependant son vœu ne fut malheureusement jamais exaucé, le couple n’ayant pas réussi à avoir d’enfant. Dans les deux dernières lettres du recueil on apprend par ailleurs la mort de Calpurnius.
On ne connaît réellement de Calpurnia que ce que nous en dit Pline le Jeune. Ainsi elle avait « en elle la plus vive intelligence » qui s’alliait « à la plus parfaite conduite » . Elle avait « de plus le goût des lettres » . Dans une autre lettre qu’il adresse cette fois ci à Calpurnia Huspilla, la tante de Calpurnia, il vante la bonne éducation qu’a reçue sa jeune épouse durant son enfance. « Elle [Calpurnia] se montre digne de son père, digne de vous, digne de son grand-père ». De même il écrit : « et l’on ne saurait attendremoins de celle que vos soins ont formée, que vos leçons ont instruite,qui dans votre fréquentation n’a eu sous les yeux que des exemples de vertu et d’honneur. » . En fait l’image que nous en donne l’orateur est celle de la femme idéale selon ses critères : elle est jeune, belle, gaie, instruite, sérieuse, vertueuse. Elle « lui assure le bonheur le plus enviable en alliant l’habileté de l’âge mûr au charme de ses dix huit printemps » . On sait qu’elle était admirative devant le travail de son époux et qu’elle apprenait par cœur ses écrits . Ainsi, pour garder Pline près d’elle et connaître ses récitations, la jeune femme n’hésite pas à se dissimuler pour assister à ses réunions . Enfin il faut souligner le fait que Pline le Jeune côtoyait des philosophes tels que Saturninus ou encore Fannia qui faisait parti d’un courant stoïcien . Lui-même devait également être un philosophe stoïcien. On reconnaîtpar ailleurs la portée philosophique de ses ouvrages. Si Calpurnia a eu accès à ces livres elle a certainement dû à son tour avoir connaissance de cet art.
Ainsi cette image que Pline présente de sa femme donne une idée de l’accession à la culture que pouvaient espérer les femmes romaines de cette époque. Le fait que Calpurnia ait épousé un homme de lettres, qui plus est homme public, lui permet d’accéder à un haut niveau de culture. Elle cherche, par ailleurs tous les moyens possibles pour demeurer un esprit utile auprès de son époux que ce soit par les cercles littéraires – car Pline était directeur du cercle le plus important de son temps – ou par la récitation des textes de Pline. Dans cette partie du Ier s. apr. J.-C. les femmes accèdent donc plus facilement à la culture et aux arts de la pensée en rencontrant moins de résistance. On notera ici la satisfaction de Pline de savoir sa femme intelligente qui est aussi souhaitable chez une femme que ne l’est la vertu, critère toujours aussi présent de la bonne conduite d’une matrone romaine sans pour autant spécifier le degré de connaissance qu’elle possédait.

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Table des matières
Introduction
1. LES FEMMES ET LES ARTS LIBÉRAUX
1.1. Chapitre 1 : La femme savante en elle-même: les études et les jours
1.1.1. À chaque catégorie, sa culture
2.1.1. À chaque âge sa culture
3.1.1. L’utilité de la culture dans le destin des femmes
1.1. Chapitre 2 : Représentation et mentalité de la femme savante
4.1.1. L’image de la femme dans la société romaine
5.1.1. Une critique de la femme savante : Lesbia et les autres
6.1.1. Les exceptions de la culture dans la littérature
2. CATALOGUE PROSOPOGRAPHIQUE ET ICONOGRAPHIQUE 
1.2. Fiches Prosopographiques
7.1.1. Femmes de l’aristocratie et matrones romaines
8.1.1. Egéries poétiques
9.1.1. Pérégrines et femmes de métiers
1.3. Catalogue iconographique
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
ANNEXE N° 1 : Tableau 1 : Les femmes romaines dans la littérature
ANNEXE N° 2 : Tableau 2 : Les femmes romaines dans les épitaphes

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