Représentation d’un écosystème marin : EcoMata

L’application et les enjeux

L’objectif de ce stage étant avant tout de proposer une nouvelle approche aux méthodes classiques de modélisation d’écosystème, l’exemple est plus à objectif illustratif que prédictif. Les représentations des espèces, les adventices et les carabes, ont par conséquent été simplifiées. Par exemple, les cycles de vie des deux espèces n’ont pas été représentés et mais remplacés par des évolutions indépendantes des saisons pour alléger cette première approche. Les deux espèces exemples ont été choisies notamment car leur méthode de déplacement au sein de paysage est différente, de la dispersion pour les adventices, et de la migration pour les prédateurs.
Deux d’objectifs peuvent être fixées quand on étudie les écosystèmes dans les paysages agricoles : des enjeux agricoles et des enjeux écologiques, qui dépendent des cultures et du paysage. Dans notre cas, nous nous intéressons à la propagation des graines d’adventices, des mauvaises herbes, au sein d’un paysage agricole.
1. D’un point de vue agricole, nous chercherons à diminuer la quantité d’adventices présentes sur les cultures.
2. D’un point de vue écologique, l’objectif sera de diminuer l’utilisation des pesticides.
Un des moyens recherché est de trouver une organisation du paysage défavorable au développement des adventices, ou favorable à celui des carabes.
L’objectif étant d’étudier les évolutions possibles d’un paysage existant, ce qu’on appellera des dynamiques paysagères, le travail se décomposera en quatre étapes :
1. Création d’un modèle qualitatif.
2. Générer l’ensemble des paysages et sélectionner ceux que l’on désire tester.
3. Explorer les dynamiques sélectionnées.
4. Analyser les résultats

Pourquoi un modèle qualitatif

Présentation des modèles qualitatifs

Un modèle doit s’adapter aux connaissances disponibles sur le système qu’il représente, mais également à la tâche pour laquelle il est conçu (gestion de risques, prévisions, etc..). Un modèle qualitatif se caractérise par la représentation du système en états discrets, appelés domaines d’abstraction.
Pour une variable continue, ils sont obtenus à partir d’une segmentation du domaine d’existence en un nombre fini d’intervalles (discrétisation de la variable). On définit pour cela des états (ex : population élevée, faible, etc…) et des transitions qui permettent une évolution entre différentes états (ex : passer d’une population faible à moyenne), en définissant les interactions entre les différentes populations (ex : baisse du nombre de prédateurs fait augmenter le nombre de proies). Les domaines d’abstraction peuvent notamment servir à définir l’état de la population, comme c’est le cas pour les espèces animales menacées par l’UICN, Union Internationale pour la Conservation de la Nature. Le véritable enjeu se situe dans la définition des règles pour représenter ces changements d’états et ce qu’elles impliquent.

Les avantages et les inconvénients

Les avantages : L’un des premiers avantages est de ne pas avoir à déterminer de façon précise (par des équations) les changements d’états et les interactions entre éléments d’un système. La modélisation qualitative fait abstraction d’une partie de la précision du modèle, notamment en lien avec la définition du domaine d’abstraction [15]. Il n’y est pas nécessaire d’expliciter précisément les relations entre populations. Le modèle qualitatif fonctionne donc particulièrement quand les connaissances du système sont incertaines et/ou incomplètes [14]. De plus, de nombreuses contraintes existent suite aux hypothèses réalisées pour utiliser les modèles numériques. Celles-ci ne sont pas toujours vérifiées et il devient alors très compliqué de réaliser une modélisation du système. Il existe cependant des parades, mais elles n’intégrent pas les événements rares qui peuvent cependant avoir une influence importante (ex : sinistre naturel comme une tornade). De plus, les modèles qualitatifs n’ayant pas besoin de données précises pour définir l’état initial du système, ceux-ci sont moins sensibles à la qualité des données initiales, qui peuvent influer sur l’évolution du modèle. Si la précision des données recueillies est moins bonne que celle du modèle, cela peut aboutir à des résultats erronés. Une volonté d’avoir une trop grande précision peut aussi mener à une perte de cette précision suite à une mauvaise connaissance des processus et aboutir à des résultats erronés. Avec un modèle numérique, il peut donc être dangereux de rechercher une grande précision, surtout si cela inclut des hypothèses contraignantes sur le modèle, pas toujours respectées.
Un autre avantage est qu’une seule utilisation d’un modèle qualitatif équivaut à une infinité de scénarios en modèle quantitatif [14]. En intégrant l’aléatoire dans un modèle numérique, un très grand nombre de chemins peuvent mener à une même situation finale, alors qu’un modèle qualitatif les intégrera en une seule simulation. Il est donc possible d’économiser du temps et des moyens pour comparer les issues possibles. De plus, un modèle qualitatif fournit en général le chemin d’évolution suivi par le système pour arriver à l’état final, alors que de nombreux calculs intermédiaires sont nécessaires en modèle quantitatifs, ce qui est coûteux ne serait-ce qu’en termes de temps. Les interprétations liées à ces sorties en sont donc plus intuitives. En l’effet l’information est plus facilement assimilable étant donné la nature des sorties (chemin suivi, état à un instant t).
Enfin, il est bien plus aisé pour un public sur le sujet de s’approprier un tel modèle, car son raisonnement est plus proche de celui de l’homme que les formalismes mathématiques. Aucune connaissance approfondie n’est nécessaire pour comprendre le système d’évolution, une fois celui ci créé ( ex : fait de comprendre qu’une hausse du nombre de prédateurs entraîne une baisse de la quantité de proies).
Ce ne sont pas cependant des modèles qui ne présentent que des avantages par rapport aux modèles numériques classiques. Les modèles qualitatifs possèdent aussi des inconvénients.
Les inconvénients : Dans certains modèles où persistent des variables continues [17], les modèles qualitatifs ne sont pas adaptés. Il est difficile de discrétiser certaines variables continues en un nombre fini d’états. Le nombre d’états nécessaire est alors trop important, et le modèle devient irréalisable.
Dans les cas où un degré de précision élevé est nécessaire, le modèle qualitatif est également peu adapté. Les domaines d’abstraction ne permettent pas une précision suffisante si on veut éviter un trop grand nombre de domaines d’abstraction.De plus, il peut être difficile de réaliser ces domaines d’abstraction, notamment dans le cas de variables multidimensionnelles (problème pour transition entre états).
Il est également compliqué de réaliser des comparaisons entre modèles qualitatifs de façon générique, notamment en écologie pour ce qui est des différences de vitesse de développement. Or de telles informations peuvent être primordiales pour la prise de décision [7]. C’est le cas quand il faut choisir un modèle prédictif qui servira de base après. Dans notre cas, l’aide à la décision aura pour objectif d’améliorer l’état global d’un écosystème selon plusieurs critères, en menant les actions les plus adaptées à ces objectifs.
Enfin, les représentations graphiques liés aux modèles qualitatifs sont moins simples à lire que celles des modèles numériques. Ceci est lié aux domaines d’abstraction car la continuité entre ces domaines est moins évidente que pour des valeurs numériques. Il existe en plus de nombreuses formes graphiques permettant de représenter des résultats numériques auxquels le public est habitué pour les modèles numériques(histogramme, graphique, tableau, etc…), ce qui accentue encore ce point.

Représentation de processus spatiaux

Il est également possible de représenter des éléments spatiaux, comme un paysage agricole, à l’aide de modèle qualitatif [16], même si peu de références portent sur ce point. Pour cela, on crée un découpage spatial avec les différentes zones, à l’aide d’un ou plusieurs critères. On réalise alors des diagrammes permettant de simplifier la représentation mais qui permettent aussi de connaître touts les liens entre les différents éléments (quels sont les objets qui ont des liens spatiaux). L’enjeu est alors de représenter les liens entre les éléments spatiaux, comme par exemple sur la durée. Dans notre cas, il s’agit de modéliser les migrations d’individus entre les populations de différentes entités spatiales, notamment dans les règles de décision pour les transitions (qui seront évoquées plus tard dans ce document).
Une première approche, utilisant des méthodes de modélisation qualitative, a été développé comme outil d’aide à la décision sur des domaines d’applications en écologie. EcoMata permet de modéliser de façon qualitative un écosystème marin soumis à une pression de pêche. EcoMata a pour objectif de modéliser des liens trophiques entre espèces marines (thon, sardine, etc…) qui sont mal connus dans la littérature, ou difficiles à évaluer [8], [10], [18] pour des populations de tailles importantes, avec de nombreuses interactions. Ce logiciel permet de modéliser les évolutions des populations dans le temps, en tenant compte des interactions inter-espèces, mais aussi de facteurs environnementaux (réchauffement climatique) et des pressions de pêche exercées sur certaines espèces. Un des objectifs développés est de trouver le plan à mettre en place pour maximiser la force de pêche sur le temps sans pour autant atteindre les stocks de poisson (éviter des états de populations trop médiocres). C’est ce qui est présenté en Figure 1, où un environnement à trois niveaux trophiques est proposé, avec une force de pêche présente sur les deux niveaux les plus élevés.
Pour permettre la représentation des ces populations au sein d’Ecomata, une méthode bien spécifique a été utilisée pour modéliser les évolutions des différentes espèces. Nous allons à présent voir ce que sont des automates temporisés, la méthode utilisée dans Ecomata.

Les Automates temporisés

Les automates temporisés ont été proposés par Alur et Dill [2] pour des modèles en temps réel. Il s’agit d’automates, définis à partir d’un nombre d’états finis (issus des domaines d’abstraction), qui sont capables de manipuler des horloges qui évoluent de manière continue et avec un même pas de temps.
Une transition entre deux états est limitée par une garde, condition(s) à vérifier pour que la transition puisse avoir lieu (soit temporelle, soit sur l’état du système). Chaque localisation peut posséder un invariant, qui limite les valeurs possibles d’une ou plusieurs variables, notamment les horloges, pour éviter qu’un état ne perdure dans un état (un invariant est une condition à vérifier pour pouvoir rester dans la localisation actuelle). Des définitions plus précises sur le fonctionnement des automates et leurs interactions sont développées en Annexe 1. L’outil utilisé pour réaliser ces automates sera Uppaal, un outil de recherche en développement. Son fonctionnement est présenté en Annexe 2.

Création des automates constitutifs du modèle

Comme évoqué précédemment, nous cherchons les évolutions des populations au sein d’un paysage agricole en évolution. Pour cela, il est donc nécessaire de représenter ces populations, proies et prédateurs, pour modéliser leur évolution. De plus, nous intéressant à des enjeux agricoles, il faut aussi représenter la possibilité d’utiliser des herbicides pour représenter le rôle des agriculteurs. Toutefois, le paysage agricole doit pouvoir évoluer, afin de pouvoir tester différentes évolutions. Pour cela, il est nécessaire de séparer le paysage en plusieurs éléments (ou constituants). Pour chaque élément, il faudra donc représenter l’occupation du sol, mais aussi les populations qui y sont présentes. Enfin, les populations n’étant cantonnées dans un seul élément du paysage, il est nécessaire de créer des automates permettant le déplacement des individus au sein du paysage. Les prédateurs se déplacent selon un processus de migration entre éléments contigus, alors que les proies se propagent par dispersion sur des éléments qui peuvent être plus distants.
En conclusion, nous allons créer des automates temporisées pour représenter les éléments suivants :
— Des automates de population, proie et prédateur, pour chaque élément de paysage
— Des automates pour l’occupation du sol et pour les pesticides pour chaque élément de paysage
— Un automate contrôleur par élément de paysage pour y faciliter la communication
— Des automates entre éléments contigus pour représenter la migration des prédateurs
— Des automates pour modéliser la dispersion des proies dans tous le paysage

Les Automates de Populations

Les bases dans les règles d’évolutions sont les équations de Lotka-Volterra, présentées dans les équations 1 et 2. Les automates représentent les fluctuations de populations situées dans chaque élément de paysage, et permettent les liens entre les proies et les prédateurs. La figure 7 présente les principaux états des deux automates. Les populations sont caractérisées par quatre états « principaux », correspondant aux états de populations, à savoir High, Medium, Normal et Extinct. Les autres localisations de l’automate sont des états qualifiés de transitoires, car il n’est pas possible pour le système d’y rester indéfiniment. En effet, soit il existe des contraintes temporelles obligeant à les quitter, soit par leurs caractéristiques qui obligent qu’elles soient quittées avant toute autre évolution du système. Pour cela, on utilise des invariants pour empêcher que l’automate persiste dans un état de transition, mais aussi des états appelés urgent et commited qui arrêtent le temps du système et empêchent à d’autres éléments d’évoluer tant que ces états n’ont pas été quittés. Pour rappel, ces éléments sont définis en Annexe 2, qui concerne l’utilisation Uppaal.
Il est évident que, comme pour Lotka-Volterra, les évolutions des espèces sont interdépendantes. Par exemple, une hausse du nombre de proie facilitera des hausses de la population de prédateur. De plus, les proies sont soumises à l’action humaine dans les champs, sous forme de pesticide si leur population devient trop importante. La communication entre les automates est donc très importante, que ce soit par l’utilisation de messages directs, des synchronisations, ou par la mise à jour de variables globales dans le système. L’exemple de l’automate du prédateur créé sous Uppaal est présenté en figure 8, afin d’en montrer la complexité. Il est possible d’y distinguer les 4 états principaux, ainsi qu’une multitude d’états de transitions, pour répondre à toutes les évolutions du système. Les 4 états principaux correspondent aux états de population décrits précédemment (High, Medium, Normal et Extinct). Les temps de transition entre ces états principaux dépendent en plus de l’occupation du sol et de l’autre espèce présente. Ces temps sont obtenus par l’interrogation des paramètres définis lors du paramétrage du modèle. Ce paramétrae a été permis à l’aide d’un modèle simplifié de type LotkaVolterra. Juste en modifiant ces paramètres d’entrée du modèle, il est donc possible de faire évoluer le comportement de l’automate sans avoir à le retravailler intégralement. L’ensemble des paramètres utilisés est défini en Annexe 3. Chaque automate représente donc une population, de proies ou de prédateurs et géré ses évolutions.

Les Automates de Migration et Diffusion

L’un des enjeux de ce travail est la représentation des déplacements d’individus au sein de paysage, que ce soit contrôlé, la migration des carabes, ou non, la diffusion des adventices.
Dans le cas des prédateurs, la migration se réalise entre deux éléments contigus du paysage. De plus, elle ne peut se réaliser que si certaines conditions sont réunies, et son déclenchement reste aléatoire dans ce cas là. Une migration peut donc réunir les conditions nécessaires sans pour autant se réaliser. Cette possibilité dépend de l’état de populations des deux éléments géographiques contigus, et de leur occupation du sol respective. De plus, si plusieurs migrations sont possibles incluant un même élément paysager, il existe un ordre de priorité dans l’exécution des migrations. Ces règles de priorité s’appliquent quand plusieurs migrations se déclenchent pour un même élément. L’ensemble des règles sont présentées en Annexe 5. L’ensemble des règles de migration est résumée dans le tableau 1. Dans ce tableau, une migration est possible si la valeur est différente de 0, et plus elle est éloignée de zéro, plus la migration est prioritaire. Le signe indique si la migration s’effectue depuis N1 vers N2. Un signe indique de N1 vers N2, et inversement. Les valeurs présentés dans le tableau 1 ne sont que des valeurs relatives, permettant de situer le degré de priorité entre plusieurs migrations.

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Table des matières
Glossaire 
Table des Figures 
Liste des tableaux 
Table des Annexes
Avant-propos 
Introduction 
1 L’application et les enjeux 
2 La Modélisation qualitative 
2.1 Pourquoi un modèle qualitatif
2.1.1 Présentation des modèles qualitatifs
2.1.2 Les avantages et les inconvénients
2.1.3 Représentation de processus spatiaux
2.1.4 Représentation d’un écosystème marin : EcoMata
2.2 Les Automates temporisés
2.3 Model Checking et TCTL
2.4 Notion de coût en model-checking
3 Création des automates constitutifs du modèle 
3.1 Les Automates de Populations
3.2 Les Automates de Paysage
3.3 Les Automates de Migration et Diffusion
3.4 Les variables globales et le paramétrage du système
4 Contraintes liées aux automates 
4.1 Problème de taille de paysage
4.2 Limitation du nombre de transition
5 Sélection et Analyse d’un échantillon de paysage 
5.1 Sélection de Paysages
5.2 Génération des Paysages sélectionnés
5.3 Requêtes adressées aux modèles
5.4 Automatisation pour la vérification des requêtes
5.5 Analyse des résultats
6 Résultats 
6.1 Extraction des parangons
6.2 Résultats des Requêtes
7 Discussion 
7.1 Concernant la sélection de l’échantillon
7.2 Concernant les requêtes adressées
Conclusion 
Références 

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