Représentation de la blessure psychique par le commandement dans l’armée de Terre

La blessure psychique encore appelée psychotraumatisme a longtemps été source d’incompréhension au sein des armées. Le traumatisme psychique se définit par la confrontation brutale à la mort ou à une scène horrifiante, avec pour conséquence un retentissement sur notre psychisme. Les militaires font régulièrement face à des situations potentiellement traumatisantes ; raison pour laquelle, les pathologies post traumatiques ont déjà été largement étudiées au sein des armées. Ces pathologies bien connues des médecins des forces font l’objet de points d’informations réguliers auprès de la population militaire. Le risque de survenue d’une blessure psychique en opération est connu à la fois des militaires mais également de leur  commandement. Or, l’esprit guerrier veut que le soldat se montre fort et résistant, c’est pourquoi ce type de blessure reste parfois tabou et honteux dans l’esprit des militaires. Le médecin des forces porte « une triple casquette » : médecin traitant, médecin expert dans le cadre des aptitudes et médecin conseil au commandement dans certaines prises de décision. En ce qui concerne l’aide au commandement, il arrive fréquemment que le point de vue du médecin et celui du chef militaire soient discordants, particulièrement lorsqu’il s’agit de traumatisme psychique. Cette blessure invisible déjà complexe à diagnostiquer peut s’avérer difficile à prendre en charge, lorsque le médecin des forces n’a pas le soutien des supérieurs du blessé.

Le traumatisme psychique

Définition du traumatisme psychique

Le traumatisme psychique, peut également être nommé de manière indifférente psychotraumatisme ou blessure psychique. Un traumatisme psychique peut survenir lorsqu’un individu est confronté à un événement potentiellement traumatisant entrainant un ensemble de réactions susceptibles de favoriser l’émergence de symptômes psychopathologiques. (1) Plus concrètement, c’est la confrontation brutale au Réel de la mort ayant pour conséquence un sentiment de détresse tel que la peur, l’impuissance, le dégoût ou encore l’horreur. De ce vécu, peuvent découler plusieurs types de pathologies, dont la plus connue est le trouble de stress post traumatique (TSPT).

Deux grands modèles
Il existe plusieurs pistes de réflexion concernant les mécanismes et les réactions secondaires à un traumatisme psychique.

La notion de « Stress »
La théorie biophysiologique utilise le terme de « stress » qui constitue un ensemble de réactions neuro-végétatives et hormonales ayant pour but de mettre l’individu en état d’alerte afin qu’il puisse réagir au mieux face à la situation de danger. Par exemple sur le plan physique, le rythme cardiaque et la fréquence respiratoire s’accélèrent, les pupilles se dilatent, afin que l’organisme soit dans des conditions optimales pour fuir ou bien se battre. Sur le plan psychologique, il existe également une adaptation, notamment au niveau des fonctions cognitives. Grâce aux hormones libérées par le système sympathique, l’esprit se focalise sur le danger et l’individu entre dans un état d’hyperéveil dans le but d’être plus réactif. Le stress s’inscrit dans une notion de continuité. En effet, historiquement, le mot « stress » était utilisé pour décrire le comportement du métal soumis à des forces et à des contraintes. (2) Le métal peut alors se déformer jusqu’à atteindre un point de rupture. De la même façon, lorsque l’organisme est soumis à une agression, il déclenche un ensemble de réactions physiologiques qui sont dites adaptatives dans un premier temps mais peuvent être dépassées lorsque la contrainte s’exerce de manière répétée, durable ou intense (3).

Dans l’approche francophone, il existe quatre catégories de stress dépassé (4) :
– La sidération : le sujet ne peut plus réfléchir ni bouger, il est figé et incapable de prendre une décision adaptée.
– L’agitation : le sujet gesticule dans tous les sens, ce comportement inadapté est en lien avec le besoin d’agir.
– La fuite panique : le sujet fuit de manière effrénée et irréfléchie ce qui risque parfois de le précipiter vers le danger.
– L’action automatique : le sujet est dans un état second, il est comme hypnotisé et répète toujours le même geste inutile de façon inappropriée (tourner en rond, chercher quelque chose).

Certaines situations de stress dépassé peuvent entraîner des décompensations graves : symptômes conversifs, réactions stuporeuses, décompensations délirantes aiguës et chroniques, réactions maniaques, réactions mélancoliformes… Dans l’approche anglo-saxonne du stress, il existe deux notions qui sont la détresse péritraumatique et la dissociation. La détresse péritraumatique correspond au sentiment de mise en danger de sa propre vie associée à des émotions négatives telles que la honte, la frustration ou la colère. La dissociation se définit par une altération de la conscience, une distorsion du temps, une dépersonnalisation (impression de voir la scène de l’extérieur) et une déréalisation (impression que l’environnement est irréel) ainsi que par un comportement moteur automatique qui rejoint l’action automatique du modèle francophone (3).

La notion de « Trauma »

La théorie psychanalytique utilise le terme de « trauma » avec l’idée sous-jacente que l’évènement constitue un point de rupture. Le mot « trauma » vient du grec ancien et signifie blessure avec une notion de discontinuité. La blessure psychique en comparaison de la blessure physique fait effraction à un instant donné et vient menacer la vie ou l’intégrité de la personne. Freud décrivait le psychisme comme une vésicule vivante entourée d’une couche de protection vis-à-vis des éléments extérieurs : « le pare-excitation ». L’évènement potentiellement traumatisant, fait effraction à travers le pare-excitation pour s’immiscer dans la vésicule qu’est le psychisme. Selon Barrois, Briole et Lebigot, l’essentiel du trauma réside dans la confrontation avec le Réel de la mort (2). Freud décrit dans ce contexte, la réaction d’effroi marquée par une sidération qui découlerait de la prise de conscience de sa propre mortalité. La sidération correspond à une absence complète d’affect et à un vide de la pensée. Les symptômes pouvant découler de cet état d’effroi font partie de ce qu’on appelle la dissociation péritraumatique qui fait écho à ce qui a été décrit dans le modèle biophysiologique.

Cette théorie psychanalytique est née des écrits de Freud, Oppenhein et Kraepelin. Mais au sein de l’armée, la notion de stress et plus particulièrement celle de stress opérationnel n’est pas à négliger. Certains auteurs, considèrent que le stress a un effet de fragilisation du psychisme et d’amplification des symptômes du psychotraumatisme (5).

Stress et trauma : deux concepts à mettre en perspective

Nous tenons à souligner que le stress et le trauma, employés tous deux à décrire la blessure psychique, relèvent de deux registres bien distincts. Le stress n’est pas un trauma en soi et il n’existe pas d’équivalence clinique entre les deux. Mais, selon Chidac et Croq, la plupart du temps lorsqu’un événement potentiellement traumatisant donne lieu à une réaction de stress dépassé, celui-ci est vécu sur le versant traumatique (2). Il existe une notion importante sur laquelle la théorie psychanalytique (trauma) et la théorie biopsychologique (stress) s’accordent, c’est la notion de vécu subjectif du traumatisme psychique. On parle de variabilité interindividuelle pour expliquer le fait que chacun puisse vivre l’évènement de manière très différente. Il est possible qu’un évènement traumatisant ne le soit pas pour un individu alors qu’il bouleversera son camarade. Par ailleurs, la réaction immédiate post traumatique est marquée par les symptômes dissociatifs tel que la désorientation, la sidération secondaire à l’effroi mais également par un vécu d’irréalité, de dépersonnalisation qui est dû à l’orage neurovégétatif découlant de la réaction de stress (6).

A travers la description des deux grandes approches historiques de la blessure psychique, nous avons décrit la plupart des symptômes visiblesimmédiatement après l’évènement, mais qu’en est-il de la suite ?

L’état de stress aigu (ESA)

L’état de stress aigu correspond à un état anxieux caractérisé par une détresse psychique intense entre J2 et J30 du vécu traumatique d’un événement. Il se définit par l’association de symptômes dissociatifs (déréalisation, dépersonnalisation, amnésie dissociative) à des symptômes de l’état de stress post traumatique tel que le syndrome de répétition, les comportements d’évitement ou encore l’hyperactivité neuro végétative. Si ces symptômes persistent au-delà de 30 jours, on parlera alors d’état de stress post traumatique.

Le trouble de stress post traumatique (TSPT)

L’état de stress post traumatique est une pathologie qui répond à des critères précis, bien définis dans le DSM V, qui est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux écrit par l’Américan Psychiatric Association (7). Parmi les critères diagnostiques, on retrouve l’exposition à la mort ou à la menace de mort, incluant les blessures graves et les violences sexuelles. Quatre expositions différentes sont admises :
– L’exposition directe (lorsque l’individu lui-même est en danger),
– Le fait d’être témoin direct d’une scène horrifiante,
– L’exposition d’un membre de la famille ou d’un ami proche à un événement violent
– L’exposition répétée
Il existe ensuite quatre grandes catégories de symptômes qui constituent des critères diagnostiques. Tout d’abord, les symptômes dits envahissants tels que les flashbacks, les souvenirs ou les rêves répétitifs, qui sont des réactions dissociatives lors desquelles le sujet se sent ou agit comme si l’événement se reproduisait. Ces flashbacks peuvent être associés à une dépersonnalisation ou une déréalisation. L’évitement des indices pouvant rappeler l’évènement, tels que les lieux, les personnes ou les activités, constitue également un critère clinique pour le diagnostic.

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Table des matières

1. Introduction
2. Le traumatisme psychique
2.1 Définition du traumatisme psychique
2.1.1 Deux grands modèles
2.1.2 L’état de stress aigu (ESA)
2.1.3 Le trouble de stress post traumatique (TSPT)
2.1.4 Autres tableaux cliniques post traumatiques
2.2 Évolution de la perception du traumatisme psychique et de sa prise en charge
2.2.1 Historique
2.2.3 Les préjugés négatifs
2.3 Actions et aides déjà mises en place
2.3.1 Guide du parcours du militaire blessé et de sa famille
2.3.2 Le plan famille
2.3.3 Les commissions de suivi des blessés
2.3.4 Cellule d’aide aux blessés de l’Armée de Terre
2.3.5 Maison ATHOS
2.3.6 Conseiller Facteur Humain
2.3.7 Sas de fin de mission
2.3.8 Premiers Secours Psychologiques en Opération
3. Représentation de la blessure psychique
3.1 Représentations sociales
3.2 Représentations sociales en santé
3.2.1 Représentations sociales de la maladie
3.2.2 Psychiatrie et représentations sociales
3.3 Représentations des pathologies psychiatriques au fil des guerres
4. Problématique
5. Matériel et méthodes
5.1 Élaboration de l’étude
5.2 Démarches réglementaires
5.3 Matériel
5.3.1 Population étudiée
5.3.2 Échantillonnage raisonné théorique en variation maximale
5.4 Méthode
5.4.1 Entretien semi-dirigé
5.4.2 Recueil des données
5.5 Méthode d’analyse des résultats
5.5.1 Retranscription des données
5.5.2 Méthode de conception de la grille d’analyse de contenu
5.5.3 Grille d’analyse de contenu
5.5.4 Analyse statistique textuelle
6. Résultats
6.1 Représentation de la blessure psychique
6.1.1 Retour d’expériences d’événements traumatiques vécus par les subordonnés, rapportées par le commandement
6.1.2 Évocation du terme « blessure psychique », définition
6.1.3 Sentiments, ressenti en lien avec le traumatisme psychique
6.1.4 Symptômes décrits par le commandement
6.1.5 Conséquences de la blessure psychique
6.1.6 Notion « d’effet de mode »
6.2 Prise en charge de la blessure psychique
6.2.1 Rôle du commandement
6.2.2 Rôle du groupe, du collectif
6.2.3 Dispositifs actuels proposés dans la prise en charge du trauma
6.2.4 Difficultés rencontrées par le commandement
6.2.5 Tous les traumatismes psychiques sont-ils bien pris en charge ?
6.3 Point de vue du commandement sur les actes des médecins d’unité
6.3.1 Relations avec les médecins
6.3.2 Attentes envers les médecins
6.3.3 Position du médecin face à « l’effet de mode »
6.4 Question de la formation du commandement
6.4.1 Nécessité de former à la prise en charge d’un blessé psychique
6.4.2 Qui faut-il former ?
6.5 Idées supplémentaires
7. Analyse des résultats
7.1 Repérage du traumatisme psychique par le commandement
7.1.1 Au travers de l’expérience du traumatisme d’un subordonné
7.1.2 Le commandement traumatisé psychique
7.1.3 Pertinence de la définition
7.1.4 Perception de leurs compétences
7.1.5 Difficultés rencontrées par le commandement
7.2 Effet de mode et contagion
7.2.1 Conséquences sur le groupe, question de l’identification
7.2.2 Question de la vérité et de l’imputabilité
7.2.3 Position du médecin
7.2.4 L’influence de la société
7.3 Prise en charge et interactions avec le médecin d’unité
7.3.1 Mise en avant des aides déjà en place
7.3.2 Persistance de traumatisés non pris en charge
7.3.3 Regard du commandement sur le médecin
7.4 Formation : une proposition à envisager
7.4.1 Freins à la mise en place d’une formation
7.4.2 Qui faudrait-il former ?
8. Discussion
9. Mon vécu personnel de cette expérience
10. Conclusion

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