Renforcer l’apprentissage de l’allemand à travers les lieder de Schumann

Cadre de l’étude : s’inscrire dans une démarche interdisciplinaire pour élargir le champ des connaissances

Faire le pari de l’interdisciplinarité

Genèse du projet

Les leçons de piano que j’ai reçues étant enfant remontent à tant d’années que je me refusais à entraîner mes élèves à l’expression chantée en allemand. Par-delà ce blocage, je garde néanmoins le souvenir du plaisir que je ressentais dans mes jeunes années lorsque je répétais mes exercices de solfège chanté devant cette professeure de musique qui ne manquait pas de souligner la justesse de ma voix. Si l’adolescence a eu raison de cette prédisposition vocale, je reste cependant persuadé que l’impact du chant s’est avéré déterminant sur mes orientations futures. De plus, j’ai remarqué à quel point les élèves français, généralement peu enclins à l’expression orale en langues étrangères, perdent toute inhibition lorsqu’ils fredonnent, avec un plaisir non feint, un air rythmé en anglais, et manifestent une aisance à retenir la phraséologie et les ressources lexicales qui accompagnent ces productions musicales. Comme le souligne un rapport du ministère de l’Éducation nationale d’août 2007, « la pratique de la chanson favorise l’acquisition de la musicalité de la langue. Elle permet d’identifier les composantes sonores du langage. La syllabisation et les rimes indiquent le rythme interne de la phrase et aident l’enfant à restituer la courbe mélodique d’une phrase. » . Mon choix pédagogique se portait donc — sans surprise — sur un projet qui alliait l’expression chantée à la pratique de l’allemand pour un groupe d’élèves qui baignaient dans un environnement musical encouragé par la mise en place d’un programme scolaire aménagé.

De l’importance d’un savoir transversal pour mutualiser les connaissances

Compte tenu de mes compétences musicales limitées, je ne pouvais donc envisager de prendre seul cette initiative qui nécessitait l’appui d’un – e de mes collègues de musique. Prônant l’intelligence collective, je crois qu’il est essentiel de pouvoir travailler en étroite collaboration avec des professeurs volontaires dans les autres matières afin d’offrir aux élèves l’enseignement qui stimulera leurs apprentissages dans un cadre pluridisciplinaire.

Pourquoi le Liederkreis, opus 24 de Schumann ?

Indépendamment du caractère interdisciplinaire de notre démarche pédagogique, je laissais à ma collègue de musique le choix du répertoire adapté à cette classe de cinquième.
De nombreux paramètres, notamment la maturité de ces élèves, m’échappaient sur le plan de la didactique du chant et ne m’autorisaient pas, en ma qualité de professeur d’allemand, à émettre un avis tranché sur le plan musical. Au cours de nos échanges sur la construction de cette séquence, j’évoquais le lied comme expression ultime du romantisme allemand et je soulignais la place particulière qu’il occupe, aujourd’hui encore, dans l’espace culturel germanophone. Le lied est une musique vocale accompagnée le plus souvent au piano. Le chant est tiré de poèmes romantiques et ce style permet de rapprocher le plus possible la voix des sentiments.
S’engageant dans cette voie pour ses recherches, madame Zanutto me suggéra rapidement de nous appuyer sur les compositions de Robert Schumann pour notre approche commune. Deux chants strophiques simples du Liederkreis — le « Cycle des chants », composé en 1840 — de l’opus 24 ont finalement retenu notre attention : le premier lied, « Morgens steh’ ich auf » — chaque matin, je me lève — ainsi que le huitième lied — « Anfangs wollt’ ich fast verzagen »— au début, j’étais sur le point de me laisser abattre.
Alors que l’œuvre de Robert Schumann s’était jusqu’ici limitée à un répertoire pour piano, 1840 se caractérise par une production prolifique de 150 lieder, année au cours de laquelle il compose son Liederkreis sur les poèmes de Henri Heine tirés du « Buch der Lieder » — le « Livre des chants » paru en 1827. C’est également une période marquée par un événement majeur dans la vie du musicien allemand : son mariage tant espéré avec Clara Wieck, compositrice et pianistede renom au XIXe siècle.
À la fois empreint de sentimentalité et d’ironie, l’univers poétique de Henri Heine trouve écho dans l’âme du compositeur allemand, en proie au tourment. En dépit d’un sujet central récurrent en plein cœur de cette période romantique — les souffrances résultant des amours malheureuses — qui répond aux affres du compositeur, le traitement musical proposé par Robert Schumann frappe par une approche radicalement différente. Le compositeur abandonne le piano pour offrir par le lied une expression lyrique et explicite de ces passions déçues. Contrairement à Henri Heine, submergé dans ses poèmes par l’amertume et la noirceur d’un pessimisme tenace, le compositeur allemand met au service de l’œuvre du poète tout son génie pour exalter musicalement une légèreté, une douceur, voire un enthousiasme, de fait entièrement absent de la poésie de Heine — des sensations particulièrement perceptibles dans les lieder 1 et 8 du Liederkreis, opus 24.C’est ce lyrisme chantant les sentiments humains et des paysages magnifiant la beauté de la nature à travers une langue limpide et colorée qui nous a incités à porter notre choix sur ces deux lieder de Robert Schumann. Ils nous ont paru correspondre en partie à l’univers de sens d’adolescents d’une classe de cinquième, prêts à investir tout leur énergie et leur enthousiasme dans un projet où ils devraient relever le défi d’une expression chantée dans une langue pas ou peu maîtrisée pour la plupart. Fondements théoriques de l’étude : le chant, outil de stimulation cognitive

Des études corroborant le fait que l’expression musicale favorise l’apprentissage des langues

Au cours de ces vingt dernières années, les effets de la pratique et de l’écoute musicale sur les mécanismes de l’acquisition cognitive ont fait l’objet de nombreuses études. Ainsi, les sciences comportementales et la neuro-imagerie sont parvenues à mesurer une activité cérébrale importante chez les sujets exposés à des stimulations musicales. De même, elles ont mis en évidence les nombreuses interactions anatomiques et fonctionnelles qui se chevauchent entre le traitement musical et les compétences non musicales, qu’elles soient linguistiques, motrices ou émotionnelles. D’autres études ont démontré l’avantage des musiciens dans la perception des modulations fines des stimuli linguistiques. Ainsi, dans un article dans la revue spécialisée « Frontiers in Human Neuroscience » , les chercheurs suisses Mathias Oeschlin, Adrian Imfeld, Thomas Loenneker, Martin Meyer et Lutz Jäncke observent, dans leurs travaux menés à partir des techniquesd’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), que les musiciens qui possèdent l’oreille absolue ont une activation plus importante du sulcus temporal supérieur dans une tâche de perception de phrases manipulées sur le plan lexical ou prosodique. Dans leurs conclusions, les auteurs affirment que les modifications neuroanatomiques observées ne permettent pas seulement aux musiciens d’optimiser leurs performances en matière de traitement musical, mais aussi de développer des capacités de segmentation acoustiques dont le bénéfice va bien au-delà du champ des compétences musicales.
Selon les recherches de L. Robert Slevc à la University of California à San Diego, et de Akira Miyake à la University of Colorado à Boulder, dont les résultats sont publiés dans la revue « Psychological Science » , il existerait une corrélation entre les habiletés musicales et les aptitudes phonologiques dans l’apprentissage d’une seconde langue. D’autres expérimentations étayent également la thèse selon laquelle l’expertise musicale et la perception de la prosodie du langage seraient en grande partie liées. De ce fait, les musiciens détectent mieux des incongruités prosodiques dans une langue étrangère. Ils sont aussi plus réactifs à les déceler que les non musiciens . Parallèlement, lorsque des musiciens doivent comparer la prosodie des phrases enseignées à des mélodies qu’on leur propose ensuite, leurs performances s’avèrent nettement supérieures à celles des non musiciens — que ce soit dans leur langue maternelle ou une langue étrangère . Enfin, les musiciens détectent davantage les modifications de hauteur tonale qui les amènent notamment à distinguer les énoncés interrogatifs dans leur langue maternelle . Cette sensibilité à la perception de la prosodie se développerait dès le plus jeune âge : un entraînement musical de six mois permettrait déjà à des enfants non musiciens de huit ans de développer une plus grande sensibilité prosodique et une meilleure maîtrise des modulations tonales25 . En revanche, certaines personnes dites « amusiques » — présentant un trouble des habiletés dans la perception ou la production musicale — seraient susceptibles d’éprouver des difficultés de distinction des variations prosodiques dans des phrases interrogatives. . Le projet : renforcer l’apprentissage de l’allemand à travers les lieder de Schumann

Les lieder de Schumann : un choix raisonné

L’intérêt pédagogique de l’expression chantée

Au cours des mois qui ont précédé la rédaction du présent travail, les articles scientifiques que j’ai consultés dans une littérature prolixe sur le sujet, m’ont confirmé que la pratique du chant permet non seulement d’exercer la prononciation et l’intonation de l’apprenant – e, mais l’aide aussi à développer une pratique fluide du discours dans la langue d’étude. L’intérêt phonologique et prosodique du chant est une composante d’autant plus importante dans l’enseignement des langues vivantes que les paroles chantées sont généralement prononcées à un débit réduit de moitié par rapport à l’expression parlée.
En mariant ce rythme ralenti à une structure mélodique qui s’accorde à l’intonation naturelle de la langue, la technique du chant peut s’avérer particulièrement efficace dans l’enseignement de la prononciation, de la grammaire et du lexique.
Par conséquent, l’enseignant – e veillera à choisir des chants dont la mélodie et le rythme se prêtent à cet exercice. Il est important de débuter avec une matière mélodique accessible aux jeunes apprenants qui, dans le cas contraire, ne manqueront pas de faire part de leur insatisfaction face aux difficultés qu’ils rencontrent.
L’expression chantée puise dans un fonds lexical extrêmement riche que l’enseignant – e peut exploiter pour sélectionner le support adapté à l’âge et au niveau des élèves. Le chant regorge de structures syntaxiques et d’expressions imagées dont le maniement entraîne les jeunes chanteurs à aborder une langue authentique. Il s’avère aussi être une méthode efficace pour appréhender l’exercice grammatical de façon moins académique. Les textes assimilés à travers le chant peuvent ainsi être exploités dans le cadre d’exercices de grammaire à la fois structurants et captivants pour les élèves.
Libérée de certaines contraintes formelles de langue, l’expression chantée se distingue par une créativité telle qu’elle aide les apprenants à lâcher prise en laissant s’exprimer leur imagination — ce qui favorise un apprentissage hors cadre. De fait, un grand nombre d’élèves éprouvent des difficultés à parler dans leur langue d’étude en salle de classe, son cadre anxiogène ajoutant un stress à l’élève . Le recours à l’expression chantée et la voie musicale peut alors réduire cette tension dans l’enceinte scolaire, parfois jugée « hostile », et avoir un effet désinhibant et relaxant sur l’apprenant – e.

Chanter des lieder de Schumann : un projet interdisciplinaire au service de l’apprentissage de l’allemand

Aborder les lieder de Schumann pouvait sembler une gageure pour ce projet pédagogique mené avec une classe de cinquième CHAM dont le niveau linguistique atteignait à peine le niveau A2 aux termes des descripteurs du Cadre européen commun pour l’enseignement des langues. Le choix d’un compositeur issu de la plus pure tradition romantique du XIXe siècle allemand était avant tout le fruit d’un pari commun : après mûre réflexion, ma collègue de musique et moi avons considéré que ces élèves, enthousiastes à l’idée de plonger dans un univers débordant de sentiments, de paysages et de métaphores entièrement inédits pour eux, étaient capables de dépasser les difficultés présumées de cette langue classique, que d’aucuns jugeront désuète dans l’enseignement contemporain de l’allemand.
Défendant le principe que le plaisir de chanter renforce le plaisir d’apprendre, nous nous sommes engagés avec conviction — quoiqu’animés par certaines appréhensions — dans ce partenariat interdisciplinaire, conçu comme une véritable gestion de projet pédagogique.

Une expérience sollicitant les expressions orale, chantée et écrite des participants

Les compétences linguistiques de chaque élève ont été évaluées individuellement en considérant que, pour le spectre de cette étude, une expression chantée collective aurait pu modifier sensiblement les performances en langue allemande. Celles-ci ont été mesurées sous l’angle d’activités langagières « classiques » — des expressions orale et écrite sous forme d’exercices de lecture et de mémorisation — mais aussi à partir d’une expression chantée. Ainsi, chacun des huit élèves a été reçu individuellement, aux trois étapes clés de la séquence, afin d’évaluer les prestations suivantes :

Une épreuve de lecture en allemand

Chaque participant – e était sollicité – e pour lire, une seule fois et sous l’œil de la caméra, deux strophes des poèmes de Henri Heine, repris dans le Liederkreis, opus 24 de Robert Schumann. Pour les besoins de l’expérimentation, il a été jugé que l’exercice de lecture pouvait être assimilé à une épreuve d’expression orale.

Une épreuve d’expression chantée des deux strophes

À l’issue de cet exercice de lecture, il était demandé à chaque élève de chanter, une seule fois et sous l’œil de la caméra, les deux strophes des poèmes de Henri Heine, sans fond musical. Ces auditions se sont déroulées en présence de ma collègue d’expression chantée.

Une épreuve de « texte à trous » des deux strophes lues et chantées

Une fois les deux premiers exercices terminés, un « texte à trou » était finalement proposé à chacun des élèves. L’objectif de cet exercice consistait à mesurer leur niveau d’assimilation lexicale des deux lieder. Nous savons que la mémoire est sélective et que notre surdité à certaines langues est « élective » . En tant qu’enseignant d’allemand, cet exercice me permettrait de vérifier que l’entraînement à de nouveaux phonèmes par le chant dépassait le simple champ de l’éveil à de nouveaux graphèmes et qu’il était aussi susceptible de contribuer à l’acquisition de nouveaux lexèmes. Cet exercice sous forme de support écrit leur étant proposé à trois reprises, les élèves se sont engagés à ne pas apprendre par cœur les textes pour éviter de brouiller la qualité des données collectées. Par ailleurs, aucune information préalable ne leur était fournie sur la date et l’heure de l’exercice, ce qui entretenait un effet de surprise.
Placée sous l’angle — encore peu exploité — de l’interdisciplinarité et de la créativité pédagogique, cette séquence s’est avérée riche d’enseignement pour ses instigateurs et ses bénéficiaires. Si elle a contribué à conforter ou infirmer des théories dont je me suis inspiré, cette expérience nous a avant tout surpris par le champ des possibilités innovantes qu’elle offre en matière de la didactique de l’allemand. En dépit du contexte inédit dans lequel cette séquence s’est déroulée et du cadre restreint de l’étude, je me propose maintenant d’analyser qualitativement ces résultats partiels — à la fois encourageants et en attente de validation — que j’ai recueillis à la faveur de cette expérimentation.

Interprétation des données : des thèses partiellement vérifiées à travers le spectre de cette étude

Une étude entravée par un contexte d’alerte sanitaire généralisée et des conditions de confinement inédites

Si le cadre théorique et les objectifs de cette étude avaient été préalablement définis, la crise sanitaire liée à la propagation du COVID-19 pendant le printemps 2020 a perturbé le bon déroulement de la présente étude qui n’a pas pu être menée à terme. Compte tenu de la fermeture des établissements scolaires, une partie des tâches prévues pour les huit séances de la séquence n’a pu être réalisée qu’en partie. Malgré les données encore parcellaires dont nous disposons et le peu de recul scientifique qu’elles nous autorisent, les résultats consolidés à travers l’observation et l’appréciation des élèves germanistes de la classe de cinquième CHAM permettent pourtant de confirmer et d’invalider certaines des thèses exposées dans les premières pages de cette étude. Les réflexions qui suivent reflètent les positions que je défends comme enseignant de l’allemand à l’issue de ce travail.

« L’oreille musicale », un avantage dans l’acquisition phonétique de l’allemand ?

Si j’ai eu l’occasion de m’interroger sur la prétendue supériorité des musiciens dans l’appropriation des nouveaux phonèmes , les profils suffisamment variés sur lesquels s’est appuyée cette étude m’ont permis d’observer la rapidité et l’aisance avec lesquelles les jeunes chanteurs francophones acquéraient des sons a priori non maîtrisés en début de séquence. J’en veux pour preuve les difficultés initiales qu’ils éprouvaient à prononcer le ich-Laut [ç] et le [h] aspiré en début de syllabe dans les deux vers suivants de Heine.

Le chant au service de la correction prosodique de l’allemand ?

Les travaux que j’ai consultés, et notamment le deuxième chapitre de la thèse de madame Ritt-Cheippe consacré au « Paysage sonore en classes bilingues : quelles difficultés dans les textes lus en classe de cours élémentaire bilingue ? Corpus et méthodologie » soulignent les progrès sensibles des apprenants sous l’effet de l’expression chantée dans leur habileté à discriminer les systèmes vocaliques français et allemand. Cette aptitude développée par l’oreille musicale confirmerait donc la thèse selon laquelle des élèves pratiquant le chant auraient une capacité amplifiée à distinguer le contour prosodique des deux langues. Le résultat de ces recherches faisant écho aux questions posées dans cette étude, je sollicitai quelques apprenants pour des exercices de lecture n’ayant aucun rapport avec les poèmes de Henri Heine.
Désireux d’élargir les résultats concluants sur le plan de l’acquisition phonétique à la maîtrise de la prosodie allemande par ces élèves chanteurs, je fus quelque peu surpris par l’hétérogénéité des données que je recueillis et qui ne m’autorisent donc pas, à ce stade de ma réflexion, à confirmer les résultats des recherches précédemment menées à plus grande échelle et sur des périodes plus longues. Cependant, ce point me paraît primordial dans l’apprentissage de l’allemand et méritera de ma part une investigation plus poussée dans la poursuite de ma carrière éducative.

Une bonne expression chantée peut-elle contribuer à la maîtrise des règles grammaticales de l’allemand ?

Autre pierre d’achoppement dans ce questionnement sur l’impact du chant dans l’apprentissage de l’allemand, la maîtrise des règles grammaticales me semblait, du point de vue de pédagogique, d’une importance capitale. Comme nous l’avons vu au cours des pages précédentes , si les comptines et les chansons adossées à des méthodes de langues présentent d’indéniables avantages en matière d’acquisition lexicale et culturelle, si le caractère répétitif du refrain et de certaines strophes accélère la mémorisation du contenu sonore, le cadre restreint de cette expérimentation en classe CHAM ne m’a toutefois pas permis de vérifier son applicabilité à des compétences pragmatiques telles que la maîtrise des règles grammaticales en expressions écrite et orale. Par ailleurs, il semblait difficile d’apprécier, de façon exhaustive, cette compétence au contact d’apprenants de niveau A2 qui, malgré une motivation sans faille, ne possèdent pas encore toutes les connaissances pour assimiler textuellement les structures littéraires des poèmes de Henri Heine qui s’affranchissent de certaines contraintes formelles de la langue allemande. L’analyse de l’acquisition de cette compétence sous l’effet de l’expression chantée devra, elle aussi, être l’objet d’une recherche plus poussée dans mon futur métier d’enseignant.

Conclusion : des possibilités encore inexploitées

À l’heure où le plaisir d’apprendre est un enjeu capital dans les méthodes pédagogiques, l’apprentissage d’une langue étrangère par la voie du chant apparaît comme une solution simple et agréable. De nombreuses expériences l’ont démontré : les enseignements qui font appel aux pratiques cinématographiques, théâtrales ou musicales renforcent le niveau de concentration et l’efficacité dans le processus d’apprentissage.
Aujourd’hui plébiscitée comme l’un des supports de la communication interculturelle, l’expression chantée nous aide à apprendre les langues. Des études scientifiques ont souligné que le cerveau humain dispose de plusieurs aires destinées à recevoir les mots et les sons.
Localisée dans l’hémisphère gauche, la zone du traitement musical fonctionne plus rapidement que celle du traitement verbal se trouvant dans l’hémisphère droit. C’est l’une des raisons qui explique que nous mémorisons une chanson plus rapidement qu’un poème. De même, des travaux de recherche ont montré qu’il est plus facile d’apprendre l’alphabet par le chant que par la parole. Ceci a été vérifié auprès de jeunes enfants qui n’en étaient qu’aux balbutiements de l’acquisition de la langue.
Par ailleurs, la médecine nous apprend de façon assez troublante que les patients atteints des maladies d’Alzheimer et de Parkinson ainsi que des sujets souffrant de stress post-traumatique ne perdent pas l’usage du chant. S’ils sont totalement démunis jusqu’à ne plus se souvenir de leur propre identité, ils continuent à entonner sans faillir les chansons de leur enfance. Ces capacités encore inexploitées de la mémoire à travers l’expression chantée méritent que nous nous y attardions dans l’apprentissage des langues étrangères, et notamment de l’allemand.
Les stimulations cérébrales générées par le rythme de la musique pourraient aussi jouer un rôle déterminant dans l’apprentissage des langues. Ainsi, certains établissements psychiatriques ont décidé d’accompagner les rituels des repas d’un fond musical, celui-ci aidant les patients à se concentrer sur l’ingestion de leurs aliments. Tout porte à croire que cette démarche pourrait être largement mise en œuvre dans les nouvelles pédagogies d’apprentissage des langues.
La simple écoute d’une bande sonore peut-elle vraiment nous aider à apprendre une langue comme l’allemand ? Sans aucun doute : les productions musicales d’aujourd’hui évoquent souvent les sujets d’actualité et de société qui nous interpellent. Puisant dans les expressions du quotidien sans négliger les références littéraires, poétiques et philosophiques, elles s’avèrent parfois plus bénéfiques qu’un classique manuel d’apprentissage. Dès les premières notes d’une mélodie, le mécanisme du cerveau se met en branle. Les interprètes de ces chansons nous aident à améliorer notre prononciation et enrichir notre fonds lexical. Plus nous éprouvons du plaisir à écouter ces chansons, plus nous sommes tentés de les repasser, approfondissant par la répétition notre compréhension des paroles tout en enrichissant nos connaissances lexicales.
À dire vrai, il n’existe pas de règles infaillibles pour apprendre la langue allemande, souvent considérée à l’emporte-pièce comme « difficile » et « élitiste ». Si sa rigueur grammaticale et structurelle en a détourné plus d’un, gageons que s’ils avaient rencontré ce plaisir associé à l’expression artistique du chant dans leur apprentissage, ils auraient sensiblement revu leur jugement. En didactique comme dans d’autres domaines, tout est question de dosage.
Pour ma part, je ne dirai jamais assez à quel point l’expérience pédagogique décrite au cours des pages précédentes a été source de satisfaction personnelle et d’inspiration pour ma future carrière d’enseignant de l’allemand. Je revois le sourire et la ténacité de ces élèves alors qu’ils abordaient l’apprentissage des lieder de Robert Schumann, un univers musical et littéraire a priori éloigné de leurs préoccupations de jeunes adolescents. Je me remémore leurs difficultés, leurs succès, leur enthousiasme, leur joie d’apprendre dans un partage désintéressé au cours d’une expérience qui faisait sens à leurs yeux.
Je ne dirai jamais assez à quel point cette expérimentation pédagogique, placée sous le signe de l’interdisciplinarité, nous a convaincus, ma collègue de musique et moi, de l’intérêt incontestable d’une telle démarche dans nos deux matières. Je ne peux qu’inviter l’ensemble du corps enseignant à s’engager sur cette voie de la mutualisation des compétences et des savoirs à une époque où l’éducation est confrontée à de nouveaux défis.

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Table des matières

Introduction : l’expression chantée au service de l’universalité de l’émotion 
1. Cadre de l’étude : s’inscrire dans une démarche interdisciplinaire pour élargir le champ des connaissances
1.1. Faire le pari de l’interdisciplinarité
1.1.1. Genèse du projet
1.1.2. De l’importance d’un savoir transversal pour mutualiser les connaissances
1.1.3 De l’approche interdisciplinaire par opposition à la polyvalence pluridisciplinaire
1.1.4. Les Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI)
1.2. Pourquoi le Liederkreis, opus 24 de Schumann ?
2. Fondements théoriques de l’étude : le chant, outil de stimulation cognitive
2.1. Des études corroborant le fait que l’expression musicale favorise l’apprentissage des langues
2.1.1. Des interactions indéniables entre musique et mémoire
2.1.2. La musique rend-elle plus intelligent ?
2.1.3. La musique peut-elle être assimilée à un langage ?
2.1.4. Une oreille par définition musicale
2.1.5. L’expression chantée pour une remédiation linguistique efficace
3. Le projet : renforcer l’apprentissage de l’allemand à travers les lieder de Schumann 
3.1. Les lieder de Schumann : un choix raisonné
3.1.1. L’intérêt pédagogique de l’expression chantée
3.1.2. Chanter des lieder de Schumann : un projet interdisciplinaire au service de l’apprentissage de l’allemand
3.1.3. Un projet à quatre mains, sur des périmètres délimités par domaine de compétences
3.1.4. Une double sollicitation sur le chant et la recherche documentaire
3.1.5. Une énergie créatrice au service d’un projet transmédiatique
3.1.6. Des séances filmées pour mesurer la progression des jeunes chanteurs
3.1.7. Une expérience sollicitant les expressions orale, chantée et écrite des participants
4. Interprétation des données : des thèses partiellement vérifiées à travers le spectre de cette étude 
4.1. Une étude entravée par un contexte d’alerte sanitaire généralisée et des conditions de confinement inédites
4.1.1. « L’oreille musicale », un avantage dans l’acquisition phonétique de l’allemand ?
4.1.2. L’expression chantée, un outil de motivation à l’enrichissement lexical ?
4.1.3. Le chant au service de la correction prosodique de l’allemand ?
4.1.4. Une bonne expression chantée peut-elle contribuer à la maîtrise des règles grammaticales de l’allemand ?
Conclusion : des possibilités encore inexploitées 
Bibliographie
1. Monographies
2. Articles spécialisés
3. Article de presse
4. Thèse
5. Ressources institutionnelles
Sitographie 
Annexes

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