Religion et violence dans l’oeuvre de Yūsuf Zaydān

UN CORPUS ENTRE HISTOIRE ET FICTION

Les romans

‘Azāzīl [Azazel]

‘Azāzīl (2008) raconte l’histoire de Hībā, un moine originaire de Haute-Egypte qui, au Ve siècle de notre ère, décide d’entreprendre un voyage dans les lieux fondateurs de la chrétienté et de l’élaboration du dogme chrétien, afin d’y chercher la vérité du message du Christ. Il se rend d’abord à Alexandrie, capitale de la culture hellénistique et siège d’une des majeures Eglises d’Orient ; ensuite à Antioche (au sud de laTurquie actuelle), à Jérusalem, à Ephèse (ville grecque d’Asie Mineure au bord de la Méditerranée orientale). Autant de lieux clés de cette période charnière de l’histoire du christianisme. Après son passage à Alexandrie, où il fait la rencontre de l’évêque Nestorius et de son maître Théodore de Mopsueste , et où il assiste à une conférence de la philosophe néoplatonicienne Hypatie (en hommage à laquelle il prendra ensuite le nom de Hībā), il se rend à Jérusalem, pour enfin s’installer dans un monastère près d’Alep. Tout au long de son voyage, un personnage imaginaire accompagne Hībā : il s’agit de Azazel, le diable, ou plutôt le démon propre de Hībā, sa conscience, sa voix intérieure. Celuici l’incite à mettre par écrit les expériences qu’il a vécues et les événements auxquels il a assisté. A travers le personnage de Nestorius, figure centrale des querelles christologiques qui ont opposé les églises orientales de l’époque, Hībā est le témoin du passage historique d’une période de cohabitation et de pluralisme religieux (qui voit coexister polythéisme, judaïsme et christianisme) à une autre où le christianisme s’impose comme religion officielle unique de l’Empire byzantin. Ce passage ne peut se faire sans générer de fortes tensions, d’abord entre les chrétiens et les fidèles des religions persécutées, puis au sein des églises orientales elles-mêmes. Ces dernières se confrontent notamment, lors de conciles restreints ou œcuméniques, au sujet de la nature du Christ. Commencées avec la prédication d’Arius et les violents débats qu’elle suscite (connus sous le nom de « crise arienne »), ces « querelles christologiques » ne cessent de façonner le dogme durant plus d’un siècle. Fixé une première fois au concile de Nicée (325), celui-ci continuera d’être ajusté et enrichi jusqu’au concile d’Ephèse (431), puis de Chalcédoine (451).

La violence des débats politico-religieux se traduit par une violence, parfois inouïe, entre les fidèles des différentes confessions ou tendances. Ainsi Hībā, à la fois héros et narrateur, assiste à Alexandrie aux prêches enflammés du patriarche Cyrille incitant les fidèles à purifier la ville des païens et des juifs, et à l’atroce assassinat d’Hypatie par un groupe de fanatiques. Il est témoin des débats théologiques, et des échanges d’anathématismes entre Cyrille et Nestorius, qui débouchent sur la condamnation et l’exil de ce dernier à l’issue du concile d’Ephèse (431). A travers les expériences de son héros, Zaydān interroge l’histoire, tout en élaborant par moments une relecture et une réécriture de cette dernière. La version qui en résulte s’oppose par plusieurs aspects à celle mise en avant par l’orthodoxie chrétienne.

Al-Nabaṭī [Le Nabatéen]

Après avoir exploré la phase charnière de construction du christianisme qui se déroule aux IVe et Ve siècles, l’auteur se penche sur une autre période clé de l’histoire des monothéismes : l’avènement de l’islam au VIIe siècle. Native d’Egypte comme Hībā, la protagoniste de AlNabaṭī (2010), Māriya, est une jeune femme copte qui, pour des raisons d’intérêt politique et économique, est mariée à un commerçant nabatéen, Salāma, avec lequel elle part s’installer dans une ville du nord-ouest de la péninsule arabique, qui semble correspondre à la célèbre cité nabatéenne de Petra. Contrairement à Hībā, l’héroïne de ce nouveau roman naît dans une Egypte où le christianisme constitue déjà – dans ses deux tendances melkite et jacobite – la religion unique. Au sein de la communauté nabatéenne, elle découvre le syncrétisme religieux qui caractérise la péninsule arabique juste avant l’avènement de l’islam : à cette époque en effet, polythéisme, judaïsme et christianisme y cohabitent pacifiquement, parfois au sein d’une même famille. La religion de Muḥammad met fin  à cette pluralité, s’imposant très vite, par la guerre et la conquête, comme la nouvelle foi dominante, auprès des Arabes d’abord, et des peuples conquis plus tard. Au début de l’expansion islamique, les habitants de la région se divisent alors entre ceux qui demeurent attachés au passé, comme la vieille mère de Salāma, Umm al banīn, que le chagrin suite à la destruction du temple de la déesse préislamique Al Lāt mène à la mort, et ceux qui adhèrent à la nouvelle foi. Dans la région nabatéenne, située dans une périphérie éloignée du berceau de la religion de Muḥammad, et dont les habitants – les Nabatéens – sont de langue et culture arabe , les conversions à cette dernière se font souvent plus pour des  raisons d’ordre politique (liées aux alliances tribales) et économique (le commerce) que par conviction. Cette région constitue aussi le point de départ des généraux arabes partant à la conquête de l’Egypte. Ainsi, le roman fournit aussi des informations sur les relations entre l’Egypte et les « Arabes » (par ce terme on entend dans ce roman les Nabatéens) dans la période qui précède la conquête du pays par ‘Amr ibn al-‘Āṣ. On y découvre, notamment, que ces derniers entretiennent avec ce pays « depuis des milliers d’années » (min ulūf al-sinīn) des relations commerciales, qui ont parfois donné lieu à des alliances de sang, à des mariages, comme dans le cas de Hagar, l’épouse égyptienne d’Abraham, et de la jeune protagoniste de notre roman, Māriya. L’un des objectifs de Zaydān semble être de montrer que la conquête de l’Egypte par les armées musulmanes a été moins foudroyante et étonnante que ce que le discours véhiculé par l’historiographie musulmane tardive nous laisse croire. Pour l’auteur, il s’agit dans ce roman d’une part de traiter la manière dont s’est effectuée l’expansion de la dernière des trois religions du Livre, et d’autre part d’aller à l’encontre d’une rhétorique du conflit et de la confrontation entre chrétiens et musulmans, menée en Egypte à la fois par les autorités coptes et musulmanes.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : ZAYDĀN ROMANCIER ET ESSAYISTE : UN PROJET «GLOBAL » D’ANALYSE DE LA VIOLENCE ET DU RELIGIEUX
CHAPITRE I : UN CORPUS ENTRE HISTOIRE ET FICTION
1.1. Les romans
1.2. Al-Lāhūt al-‘arabī wa uṣūl al-‘unf al-dīnī [La Théologie arabe et les origines de la violence religieuse]
CHAPITRE II : LA PENSEE DE YŪSUF ZAYDĀN
2.1. Un continuum de traditions religieuses
2.2. Héritage païen et religions monothéistes
2.3. Hérésies chrétiennes et islam
2.4. Egypte arabe, Egypte copte : un combat de légitimité
2.5.Violence et religieux entre théorie et fiction
DEUXIEME PARTIE : ROMAN HISTORIQUE, ROMAN A THESE, ESSAI : DES GENRES AU SERVICE DE L’OBJECTIF DIDACTIQUE
CHAPITRE III : ROMAN HISTORIQUE
3.1. Histoire et mytho-histoire
3.2. Les sources de l’information historique
3.3. Techniques de la vraisemblance
3.4. Le rythme de la narration historique
CHAPITRE IV : ROMAN A THESE ET TECHNIQUES D’ORIENTATION DE LA LECTURE
4.1. Récits exemplaires et système binaire de personnages : le rapport de l’homme à la religion
4.2. Redondances
4.3. Binarités et redondances coraniques dans Maḥāll et Guantanamo
4.4. Système de corrélations entre les romans
CHAPITRE V : L’EPITEXTE OU LE DISCOURS HORS DE LA FICTION
TROISIEME PARTIE : ZAYDĀN ET SON LECTEUR
CHAPITRE VI : CONSTRUCTION DE L’AUTORITE
6.1. La réputation
6.2. L’autorité discursive
CHAPITRE VII : UNE ECRITURE PERFORMATIVE
7.1. Des textes « exigeants »
7.2. Le parcours du héros comme paradigme de celui du lecteur
CHAPITRE VIII : CONSTRUCTION DU LECTEUR
8.1.Théorie de l’acte de lecture et repérage des lecteurs encodés
8.2. Hypercodage culturel et référentiel
8.3. Hypercodage idéologique
8.4. Hypercodage rhétorique et stylistique
CONCLUSION

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