Régulation des canaux ASIC par les lipides et la température

LA DOULEUR ET L’HOMME

Un concept universel et intemporel

À travers les époques
Depuis tout temps, l’histoire de l’Homme et celle de la douleur sont étroitement liées. La signification de la douleur et son traitement évoluent au fil des civilisations. Autrefois, notion abstraite et religieuse, elle devient concrète et physiologique avec l’évolution des connaissances et les avancées de la médecine moderne. Les plus anciennes traces évoquant la douleur et son traitement datent de plusieurs milliers d’années avant Jésus-Christ dans des zones géographiques disparates (Pérou, Asie Mineure, Inde et Chine). Les premiers témoignages à propos de son traitement relatent l’utilisation d’opium et de feuilles de coca, notamment contre les douleurs dentaires. Les Egyptiens recouraient à l’électricité pour soulager certaines douleurs articulaires en utilisant des poissons électriques (poisson-chat électrique du Nil et torpille ocellée). Dans les civilisations primitives, la douleur causée par un dommage physique visible (p. ex., blessure de guerre) est bien comprise, alors qu’une douleur invisible liée à une maladie interne, l’est beaucoup moins. Les douleurs internes étaient mystiques, elles semblaient être causées par l’intrusion d’un démon ou de fluides magiques dans le corps humain. Les traitements contre les douleurs invisibles étaient alors prodigués par des « médecins prêtres », des shamans et des sorciers. Ils avaient pour but d’extraire hors du corps la substance maléfique lors de cérémonies religieuses. Il faut attendre la civilisation gréco-romaine, pour que la douleur ne soit plus perçue comme quelque de chose de divin mais comme un phénomène naturel (Sabatowski et al., 2004).

L’Antiquité
Durant l’Antiquité, d’abord en Grèce puis à Rome, les « médecins prêtres » sont remplacés par des « médecins philosophes » qui démystifient la douleur. En Grèce, deux écoles s’opposent. Pour Alcméon, Démocrite et Hippocrate la douleur est une sensation dont le centre de perception est le cerveau (Sabatowski et al., 2004).

Alors que pour Platon et Aristote la douleur est une émotion au même titre que le plaisir et dont le cœur en est le siège (Perl, 2007). Alcméon (Vème siècle av. J.C.) est considéré comme un des premiers à avoir pratiqué des vivisections sur animaux pour poser les bases de l’anatomie (Lloyd, 1975). Il faut attendre deux siècles plus tard, à Alexandrie, pour que de nombreuses dissections détaillées (plus de 600), réalisées par Hérophile et Erasistrate, permettent de décrire avec plus de précisions l’anatomie du cerveau. Alcméon décrit le cerveau comme l’organe central des sensations et distingue déjà deux sortes de nerfs. Il fait le distinguo entre ceux permettant la perception des sensations et ceux permettant le mouvement. Un demi siècle plus tard la théorie des humeurs est développée par Démocrite (460-370 av. J.C.) et popularisée par Hippocrate (460-370 av. J.C.) dans le « Corpus hippocratique ». Cette théorie qui perdure jusqu’au XIXème siècle, présente la douleur comme la conséquence d’un déséquilibre entre les 4 humeurs que sont : le sang (l’air), le phlegme (l’eau), la bile noire (terre) et la bile jaune (feu) [Figure 1]. Pour la première fois, la douleur apparait comme un phénomène naturel qui se détache complètement de l’aspect religieux. Elle n’est plus prise en compte comme une entité singulière mais comme un élément utile dans un processus complexe : la maladie (Sabatowski et al., 2004 ; Lazorthes, 2009). Mais à cette époque et pour les siècles à venir, en Grèce, la théorie la plus populaire est celle de Platon (428-348 av. J.C.) et d’Aristote (384-322 av. J.C.). Pour eux, le cœur est le centre de la perception des émotions et de toutes les fonctions vitales. Le cerveau ne sert qu’à refroidir la chaleur issue du cœur et à réguler le sommeil. D’après leur théorie, l’excès de chaleur entraine une augmentation de la sensibilité tactile responsable de la sensation douloureuse. A la différence d’Alcméon, Platon et Aristote ne pratiquent pas et ne reconnaissent pas les avancées anatomiques faites grâce aux dissections, car la dissection des défunts n’est pas acceptée par la société athénienne (Sabatowski et al., 2004 ; Perl, 2011). A Rome, il faut attendre le 1er siècle av. J.C. pour voir la médecine se développer. Pour la première fois, l’inflammation accompagnant l’infection d’une plaie est décrite et caractérisée par Celse, un médecin grec arrivé à Rome. Il énonce sa théorie sur l’inflammation dans le « quadrilatère de Celse » : rubor, tumor, calor et dolor, sont quatre signes correspondant respectivement à la rougeur, l’œdème, la chaleur et la douleur, caractéristiques du processus inflammatoire (Lazorthes, 2009).

Deux siècles plus tard, le cerveau est rétabli comme le centre des sensations par Galien (131-201 apr. J.C.), le médecin de l’empereur Marc-Aurèle. Il décrit le cerveau comme le centre du système nerveux central connecté aux nerfs périphériques. Bien qu’il associe la douleur au toucher et à des irritations externes, il pense qu’elle peut aussi résulter de sensations internes. Selon lui, la sensation douloureuse est accompagnée d’une perception consciente, qui nécessite une communication entre l’organe affecté et le cerveau via un fluide se propageant dans le corps. Pour la première fois la douleur est définie comme un signal d’alarme permettant la prise de conscience par l’individu d’un changement de son équilibre interne ou externe. En plus des poissons électriques et de l’opium déjà utilisés par d’anciennes civilisations, Galien développe l’utilisation d’autres plantes à alcaloïdes (p. ex., mandragore, belladone, jusquiame).

Durant plusieurs siècles, les découvertes de Galien n’eurent pas le rayonnement escompté, car de part leur popularité, la philosophie d’Aristote et de Platon qui place le cœur au centre de toutes les perceptions, resta la plus communément acceptée (Sabatowski et al., 2004 ; Perl, 2007).

Du Moyen Âge à la Renaissance
Au Moyen Âge, alors que l’Occident est plongé dans l’obscurantisme, en Orient les ouvrages des philosophes et médecins de l’Antiquité sont traduits en arabe. On assiste à l’expansion du monde arabo-musulman, d’où viennent les avancées médicales majeures de cette époque (Lazorthes, 2009). En Occident, la religion est omniprésente. A nouveau, la douleur est l’œuvre de Dieu, elle est associée au pêché. En se basant sur l’Ancien Testament, le Christianisme veut pousser au dépassement de la souffrance. La douleur de la crucifixion du Christ est présentée comme salvatrice et rédemptrice (Ribau et Duchange, 2003 ; Sabatowski et al., 2004). L’église catholique très conservatrice paralyse les avancées de la science et de la médecine. Elle s’oppose aux vivisections, aux dissections des cadavres et interdit la diffusion du savoir issu de la civilisation gréco-romaine. Les prières et le silence remplacent les médecins pour supporter les épreuves divines, les traitements pour soulager la douleur sont assimilés à de la magie et sont donc par conséquent proscrits. Dans son œuvre « le Canon », Avicenne (980-1037 apr. J.C.) un philosophe, scientifique et médecin arabe, reprend les idées de Galien et confirme le lien entre le système nerveux, les sensations et la conscience. Mais, il se détache des médecins de l’Antiquité en présentant la douleur comme un sens à part entière, bien distinct du toucher. Il démontre qu’un patient atteint d’une pathologie peut perdre le sens du toucher tout en conservant la perception douloureuse et inversement (Ribau et Duchange, 2003 ; Perl, 2007 ; Perl, 2011). En Occident jusqu’à la fin du Moyen Âge, l’Eglise gardera la main mise sur la science. Elle s’appuie sur les guerres, les épidémies et les famines qui frappent l’Occident pour renforcer le sens divin donné à la souffrance. Ces événements sont vécus comme des manifestations de la colère de Dieu (Lazorthes, 2009).

Vésale dissèque le corps humain partie par partie, alors que Galien n’avait disséqué que des singes et transposé ses observations à l’homme. Dans son ouvrage « De humani corporis fabrica libri septem » il décrit de manière détaillée l’anatomie du système nerveux périphérique et du cerveau et fait le distinguo entre la substance blanche et la substance grise [Figure 2] (Lazorthes, 2009). C’est à cette période que débute l’ère de la chirurgie moderne, notamment grâce à Ambroise Paré (1509-1590), chirurgien sur les champs de bataille. Il prône la ligature vasculaire et la compression pour limiter les douleurs chirurgicales. C’est lui qui décrit pour la première fois la douleur du membre fantôme suite à une amputation (Ribau et Duchange, 2003).

Au début du XVIIème siècle, selon Descartes (1596-1650), la douleur « n’est ni plus ni moins qu’un système d’alarme, dont la seule fonction est de signaler une lésion corporelle ». Il a une vision mécanique du corps, dans lequel les nerfs sont comme des cordes que l’on peut remuer ou tirer. Pour décrire la relation entre les nerfs et le cerveau, il utilise une métaphore dans laquelle un nerf est assimilé à une corde et le cerveau à la cloche d’une église. Dans ses méditations métaphysiques (méditation sixième), il décrit les voies de la douleur en prenant l’exemple d’une douleur au pied. Pour lui, la douleur se transmet grâce aux nerfs jusqu’au cerveau via la moelle épinière : « ces nerfs doivent passer par la jambe, par la cuisse, par les reins, par le dos et par le col, pour s’étendre depuis le pied jusqu’au cerveau » (Descartes, 1664). La théorie de Descartes est le point de départ des idées développées au XIXème siècle.

L’Epoque contemporaine (XVIIIème et XIXème siècles) 

Physiologie

Durant cette époque, de multiples découvertes sont faites et les grandes théories sur
la douleur sont énoncées. Au début du XIXème siècle, Sir Charles Bell puis François Magendie, démontrent que les racines dorsale et ventrale des nerfs spinaux remplissent des fonctions différentes. Ils attribuent la responsabilité de la contraction musculaire à la racine ventrale et la fonction sensitive à la racine dorsale (Perl, 2007). Dans les années 1840, Johannes Peter Müller expose son concept sur la spécificité des nerfs sensitifs et Emil du Bois-Reymond, élève de Müller, décrit la nature électrochimique de l’influx nerveux. Pour Müller, la sensation ne dépend pas de la nature de la stimulation mais du nerf stimulé lui-même. Un même type de stimulation peut produire différentes sensations et inversement (Perl, 2007). En 1858, Moritz Schiff démontre grâce à des lésions de la moelle épinière que la sensibilité tactile et la douleur mettent en jeu des voies différentes. Il confirme ainsi les théories d’Avicenne datant du XIème siècle (Perl, 2007). Durant cette période sont également mis en évidence les récepteurs cutanés du toucher (mécanorécepteurs) que sont : les corpuscules de Pacini (1835), les corpuscules de Meissner (1853), les disques de Merkel (1875) et les corpuscules de Ruffini (1893) (Moayedi et Davis, 2013).

A la fin du XIXème siècle, Magnus Blix et Alfred Goldscheider observent qu’il existe des régions cutanées dédiées au chaud, au froid et à la pression. Max Von Frey confirme ces travaux et émet l’idée qu’il existe des structures spécifiques pour chaque sensation, y compris pour la douleur. Il faut attendre 1906 pour que Charles Scott Sherrington suggère que toutes les modalités capables d’endommager les tissus peuvent être nocives. Sherrington est à l’origine des termes de nociception et de nocicepteurs dont les définitions seront énoncées plus loin dans ce manuscrit (Sabatowski et al., 2004 ; Perl 2007 ; Perl 2011 ; Moayedi et Davis, 2013).

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Table des matières

INTRODUCTION
A – LA DOULEUR ET L’HOMME
1. Un concept universel et intemporel
a. À travers les époques
i. L’Antiquité
ii. Du Moyen Âge à la Renaissance
iii. L’Époque contemporaine (XVIIIème et XIXème siècles)
b. De nos jours
i. Terminologie de la douleur
ii. Anatomie générale des voies de la douleur
iii. Les différents types de douleurs
iv. Impact socio-économique
2. Pharmacologie clinique du traitement de la douleur
a. Antalgiques
i. Palier 1 : antalgiques non morphiniques
ii. Palier 2 : antalgiques opioïdes faibles
iii. Palier 3 : antalgiques opioïdes forts
b. Co-antalgiques
3. Anatomophysiologie des voies sensorielles et nociceptives périphériques
a. Fibres sensorielles et nociceptives
i. Classification des fibres afférentes
ii. Fibres Aα et Aβ
iii. Fibres Aδ et C
b. Nociception et nocicepteurs
i. Nocicepteurs cutanés
ii. Nocicepteurs articulaires
iii. Nocicepteurs viscéraux
iv. Modulateurs biochimiques inflammatoires nociceptifs
c. Canaux ioniques : transduction et transmission du message douloureux
i. Thermotransduction chaude
ii. Thermotransduction froide
iii. Chémotransduction
B- LES CANAUX ASIC
1. Découverte et phylogénie
2. Propriétés des canaux ASIC
a. Propriétés structurales
i. Les différentes sous-unités ASIC
ii. Structure des canaux ASIC
b. Propriétés biophysiques et fonctionnelles
i. Sélectivité ionique
ii. Mécanismes d’activation et d’inactivation
iii. Diversité des courants
3. Pharmacologie et régulation des ASIC
a. Protéines partenaires
b. Modulateurs exogènes synthétiques
c. Modulateurs exogènes naturels
d. Modulateurs endogènes
e. Modulateurs physico-chimiques
4. Rôles des canaux ASIC dans la douleur
a. Distribution des ASIC dans les voies de la douleur
b. Douleur cutanée
c. Douleurs musculaire et articulaire
d. Douleur viscérale
e. Douleur migraineuse
RÉSULTATS
A- RÉGULATION DES CANAUX ASIC3 PAR DES LIPIDES INFLAMMATOIRES
1. Préface de l’étude
2. Article
B- THERMORÉGULATION DES CANAUX ASIC
1. Préface de l’étude
2. Résultats de l’étude
3. Conclusion de l’étude
DISCUSSION
A- NOUVEL ACTIVATEUR ENDOGÈNE D’ASIC3
B- ACTIVATION D’ASIC3 PAR LE FROID
CONCLUSION GÉNÉRALE

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