Régulation de l’expression des gènes et initiation de la traduction

Régulation de l’expression des gènes et initiation de la traduction, un rôle central pour eIF4E 

De l’ARNm à la protéine : les régulations post-transcriptionnelles de l’expression des gènes

Il y a près de 3,8 milliards d’années, les premiers organismes unicellulaires sont apparus sur la terre sous la forme de cellules procaryotes, alors composées d’un cytoplasme et de molécules d’ARN ou d’ADN (encore discuté) comme seul support de l’information génétique indispensable à l’expression des caractères du vivant. Au cours de l’évolution, les cellules se sont complexifiées, faisant l’acquisition d’un noyau qui permet d’isoler l’information génétique du reste de la cellule, caractéristique majeure des cellules eucaryotes. L’ADN contenu dans le noyau est divisé en unités de lecture appelées gènes qui codent pour les caractères de l’organisme qui les contient.

L’apparition d’organismes pluricellulaires a ensuite nécessité la mise en place de mécanismes de plus en plus complexes pour réguler l’expression des gènes, puisque toutes les cellules d’un même organisme possèdent un génome identique, mais n’expriment pas les mêmes gènes au même moment ou au même endroit. La transcription, c’est-à-dire le passage de l’ADN en ARN, a longtemps été considérée comme le mécanisme majeur de régulation de l’expression des gènes, ce qui est le cas chez les procaryotes. Mais depuis la fin des années 1990, un grand nombre d’études a montré chez les eucaryotes qu’une large partie des régulations de l’expression des gènes opère en réalité après la transcription des ARNm (Moore, 2005; Halbeisen et al., 2008), (Keene, 2010), complexifiant le schéma classique de la régulation des gènes : « l’ADN est transcrit en ARN qui est traduit en protéine ».

Les régulations post-transcriptionnelles peuvent s’effectuer au cours de nombreuses étapes telles que la maturation des ARNm, le transport nucléocytoplasmique, l’efficacité de la traduction, la stabilité du transcrit, les modifications post-traductionnelles ou encore le turnover des protéines .

La transcription est effectuée au niveau du noyau par un grand nombre de facteurs de transcriptions, d’enzymes ARN polymérases et autres acteurs (Remenyi et al., 2004). L’ARNm, une fois synthétisé, va passer par plusieurs étapes de maturation nucléaire avant d’être traduit en protéines :
– Chez les eucaryotes, l’extrémité 5′ des transcrits va être coiffée d’une guanosine méthylée (coiffe ou m7GTP) pendant que l’ARN polymérase II continue leur élongation (Gu and Lima, 2005). La liaison de la coiffe, par des protéines telles que le complexe CBC (cap binding complex, composé de CBP80 et CBP20) ou le facteur d’initiation de la traduction eIF4E, est cruciale pour protéger les ARNm d’une dégradation par les exonucléases 5′-3′ présentes dans le noyau et dans le cytoplasme.
– Les introns des pré-ARNm (régions non codantes) sont ensuite excisés par l’étape d’épissage (Wang and Burge, 2008).
– L’extrémité 3′ est allongée par l’ajout d’une queue poly (A) (Gilmartin, 2005). Cette étape de maturation nucléaire est considérée comme une modification appliquée par défaut pour la plupart des ARNm, excepté les ARNm codant pour les histones, qui sont clivés en 3’UTR mais non polyadénylés (Gilmartin, 2005). La longueur de la queue poly(A) des ARNm pourra ensuite être modifiée dans le cytoplasme, ce qui permet de distinguer une polyadénylation nucléaire et cytoplasmique (Zhang et al., 2010).

Une fois maturé, l’ARNm est pris en charge par des RBP (RNA Binding Protein) pour être exporté vers le cytoplasme. Les RBP sont des protéines qui lient l’ARNm et forment des complexes mRNP (messenger RiboNucleoProtein) de manière stable ou transitoire. En fonction de leur identité, elles lient des structures communes, ou éléments cis, tels que la coiffe et la queue poly(A), ou des motifs spécifiques que l’on retrouve dans les régions non codantes en 5′ ou 3’UTR (untranslated regions) de l’ARNm. Ces motifs sont des séquences nucléotidiques spécifiques reconnues par des RBPs qui vont contrôler la stabilité, la traduction, et la dégradation des ARNm qui les portent.

Les mRNPs vont dicter la destinée de l’ARNm dans la cellule. La disponibilité d’un messager et son recrutement au niveau de la machinerie de traduction dépend de sa séquence nucléotidique, et par là même, des RBPs avec lesquelles il se lie (Moore, 2005). Une fois l’ARNm dans le cytoplasme, les RBPs peuvent agir sur différents paramètres (Abaza and Gebauer, 2008):

1. « The pioneer round of translation » : Chez les mammifères, la plupart des ARNm nouvellement synthétisés sont d’abord soumis à un premier tour de traduction, important pour le contrôle de la qualité des messagers. Ce processus est initié par le complexe protéique CBC qui se fixe sur la coiffe dès que celle-ci est ajoutée sur l’ARNm dans le noyau (Isken and Maquat, 2008; Maquat et al., 2010). Ce premier tour de traduction va permettre notamment la vérification de la qualité de l’ARNm et, dans le cas échéant, la dégradation des ARNm qui portent un codon stop prématuré (Nonsense mediated RNA decay (NMD)).

2. La stabilité et la dégradation des ARNm : L’équilibre polyadénylation/déadénylation cytoplasmique va jouer un rôle important dans le métabolisme des ARNm (Zhang et al., 2010). Dans le cytoplasme, la stabilité des messagers, mais aussi leur traduction, peuvent être régulées par l’ajout d’une queue poly(A) plus longue (Richter, 1999). Des exemples de régulation de la traduction de messagers spécifiques par polyadénylation/déadénylation seront abordés dans la partie (II.A) de cette introduction. La dégradation des ARNm peut se faire par le recrutement de protéines de décoiffage, de déadénylases, d’exonucléases, d’acteurs du RNA silencing ou de l’exosome. L’exosome est un complexe protéique capable de dégrader les acides ribonucléiques au niveau du cytoplasme, du noyau et du nucléole. L’ensemble de ces mécanismes participe au turnover des ARNm, à la régulation de leur demi-vie, mais aussi à la régulation spécifique de l’expression des gènes dans des conditions de stress ou dans des processus développementaux. Il est intéressant de noter qu’il existe également des mécanismes de polyadénylation/déadénylation et de dégradation des ARNm par l’exosome dans le noyau, impliqués dans la surveillance des ARN et dans la réponse de dommage à l’ADN : DDR (DNA Damage Response) (revue (Zhang et al., 2010)).

3. La localisation spécifique des ARNm : ce procédé va réguler à la fois le moment et le lieu où l’ARNm est traduit. La localisation de l’ARNm peut se faire par association du messager au cytosquelette comme dans l’embryon de drosophile, où l’ARNm nanos est transporté au pôle postérieur de l’œuf associé au cytosquelette par l’intermédiaire d’un motif spécifique qu’il porte en 3’UTR (Gavis et al., 1996). La localisation subcellulaire spécifique joue un rôle important au niveau des processus de patterning des embryons, mais peut aussi participer à des mécanismes de traduction localisée pour répondre à des besoins cellulaires spécifiques. Il existe par exemple des points de traduction active dans l’extrémité des prolongements cytoplasmiques des fibroblastes, au niveau desquels pourraient se trouver des ARNm spécifiques codant pour des facteurs impliqués dans la motilité ou la polarité cellulaire (Willett et al., 2011). Ce type de traduction localisée d’ARNm spécifiques se retrouve également au niveau des synapses des neurones (Jung et al., 2006). De plus, les RBP peuvent participer à la séquestration de l’ARNm dans des structures cytoplasmiques, au niveau desquelles les ARNm sont dégradés, comme dans les P bodies (Processing Bodies), ou stocker en attente de leur dégradation ou de leur traduction comme dans les Granules de Stress (GS) .

4. La traduction : la régulation se fait en inhibant ou en augmentant le recrutement des ARNm dans les polysomes. L’activité de la machinerie traductionnelle joue un rôle crucial au niveau des régulations post-transcriptionnelles et se présente comme le centre d’intérêt de ma thèse.

Les protéines, synthétisées à partir de l’ARNm, pourront subir ensuite toute une série de modifications post traductionnelles qui régulent leur conformation et leur activité enzymatique le cas échéant, leur localisation, leurs partenaires ou leur temps de vie. L’ensemble de ces mécanismes régule également l’expression des gènes mais ne seront pas ou très peu abordés dans cette thèse, seulement dans le cadre de modifications spécifiques qui contrôlent les mécanismes de traduction.

Quel est l’intérêt de ces modifications post-transcriptionnelles ? 

En terme énergétique, transcrire un gène sans traduire l’ARNm présente un coût pour la cellule. Cependant, la régulation post-transcriptionnelle présente l’énorme avantage de pouvoir fabriquer une protéine, ou inversement, d’interrompre la production de la protéine ou de l’éliminer, à un endroit donné et à un moment donné. Il est par exemple estimé chez la levure que la durée totale nécessaire à l’expression d’un gène codant une protéine ribosomale est de cent minutes (Warner, 1999). Disposer d’ARNm prêts à être traduits permet à la cellule de répondre à des besoins rapides, sans avoir à modifier le programme de transcription des gènes. Inversement, dans certaines conditions de stress, la cellule peut interrompre la production des protéines très rapidement, ce qui lui permet d’économiser une quantité d’énergie importante consommée par les mécanismes de traduction. En effet, la traduction et la fabrication des ribosomes représentent la plus grande dépense énergétique de la cellule (Warner, 1999). Joblin et collab. ont suggéré que le coût moyen de la synthèse protéique serait d’environ 70 à 100 mmol d’ATP par gramme de protéines (Jobling, 1985), ce qui signifie, selon Fraser et Rogers, que 98% des coûts de production dans un organisme sont occasionnés par la synthèse protéique (Fraser and Rogers, 2007). Ainsi, la capacité à gérer le coût énergétique induit par la traduction va influencer la survie de la cellule ou de l’organisme en condition de stress. En réponse à la plupart des stress, le niveau global de traduction est inhibé, permettant ainsi à la cellule d’économiser de l’énergie (Lopez-Maury et al., 2008). De plus, la traduction de certains ARNm aboutissant à la synthèse de protéines spécifiques est induite afin de favoriser la réponse au stress. Cette régulation traductionnelle est réversible, mais aussi rapide et parfois spatiale, ce qui présente un avantage important dans le cadre de la plasticité cellulaire.

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Table des matières

INTRODUCTION
Avant-propos
I. Régulation de l’expression des gènes et initiation de la traduction
A. De l’ARNm à la protéine
B. l’étape d’initiation de la traduction
B.1. Les étapes de la traduction
B.2. L’initiation de la traduction
B.2.1. L’initiation coiffe dépendante
B.2.2. L’initiation indépendante de la coiffe
B.2.3. La régulation de l’initiation
C. eIF4E et son inhibiteur 4E-BP au centre des régulations
C.1 eIF4E
C.1.1. Evolution et caractéristiques
C.1.2. Structure
C.1.3. Régulation
C.2. 4E-BP
C.2.1. Evolution et caractéristiques
C.2.2. Régulation
C.2.3. Structure et zones d’ombres
D. eIF4E/4E-BP et cancer
II. eIF4E et ses 4EIPs, un réseau d’interactions complexes dans le contrôle post transcriptionnel de l’expression des gènes
A. Régulation d’eIF4E par les 4E-IPs dans le cytoplasme
A.1. 4E-IPs et inhibition de la traduction spécifique de certains ARNm
A.1.1. Exemple de la Maskin
A.1.2.Neuroguidin et CYFIP1, deux 4E-IPs impliquées dans des processus de neurogénèse
A.1.3. Exemple particulier de Bicoid
A.2. 4E-IPs et régulation de la dégradation des ARNm
A.2.1.eIF4E, un rôle dans la séquestration et la stabilisation des ARNm dans le cytoplasme
A.2.2. 4E-T/Gemin5/DDX3, des 4E-IPs impliquées dans la modulation du rôle d’eIF4E au niveau de la dégradation des ARNm
A.3. Les complexes multifonctionnels de régulation de la traduction
B. 4E-IPs et régulation d’eIF4E dans le noyau
B.1.Localisation et fonction d’eIF4E dans le noyau
B.2. 4E-IPs et régulation de l’export des ARNm eIF4E-sensitive
B.2.1 La protéine à homéodomaine PML, une 4E-IP inhibitrice générale de l’export des ARNm eIF4E-dépendant
B.2.2. La protéine LRPPRC, une 4E-IP cofacteur d’eIF4E dans l’export des ARNm
B.2.3. PRH-HOXA9, deux 4E-IPs régulatrices de l’export dépendant d’eIF4E
C. eIF4E, un site d’interaction très convoité!
C.1 YXXXXL , la clé évolutive pour accéder à eIF4E?
C.2 4EIPs wanted
C.3. Effet des 4EIPs sur la liaison à la coiffe
Objectifs de la thèse
RESULTATS
Chapitre 1: Etudes des relations structure/fonction au cœur des régulations de l’étape d’initiation de la traduction
A. Analyse structurale du complexe eIF4E/4E-BP
Article 1
Réflexion sur la nature désordonnée de 4E-BP
B. Etude de la relation structure/fonction des trois classes d’eIF4E avec leurs partenaires
Introduction
Matériels et méthodes
Résultats
Discussion
Chapitre 2: Identification et caractérisation d’une nouvelle 4E-IP: Angel1
A. A la recherche de nouvelles 4E-IPs: découverte de la protéine Angel1 comme nouveau partenaire d’eIF4E
Article 2
B. Caractérisation fonctionnelle d’Angel1
Matériels et méthodes
Résultats préliminaires
Discussion
DISCUSSION GENERALE, PERSPECTIVES
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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