Rechercher et exploiter des données : la construction d’une méthode opérationnelle

Environnement social

Intimement liés aux contextes économiques et politiques, les facteurs relatifs à l’environnement social sont largement déterminants pour bon nombre d’auteurs. Ils concernent d’une part l’accès aux aménagements. La qualité matérielle et de service de ces aménagements, ainsi que leur répartition dans l’espace peut entraîner des variations sur les comportements. Plus précisément, les infrastructures de santé permettent la mise à disposition et la diffusion d’outils, matériels ou immatériels, de contrôle des naissances. De même que les infrastructures d’éducation encouragent la diffusion de l’instruction dans la société. D’autre part, nous retrouvons l’action des normes sociales s’imposant aux individus, à la fois au sein de la société dans son ensemble, mais aussi de la cellule familiale. La répression du contrôle des naissances et le contrôle de la sexualité sont des facteurs influents, surtout pour les moins éduquées. Enfin, l’acceptabilité de l’accès à l’éducation pour les deux sexes et pour tous milieux sociaux dans les normes sociales peut entraîner des différences notables sur la fécondité différentielle. Par ailleurs, le poids que la société accorde à la religion a rôle considérable sur les comportements (cf. valeurs individuelles). Il faut noter que les mouvements de sécularisation et d’interprétation plus libérale des normes religieuses sont d’abord passés par les classes supérieures les plus éduquées. Parallèlement, les médias de masse dans la société véhiculent des valeurs modernes d’individualisme, promouvant le style de vie des classes supérieures, dont l’accès est idéalement permis par l’élévation de l’instruction. Pour finir, l’enseignement est variable d’une société à l’autre quant à la qualité de son contenu, ce qui conditionne une partie des comportements. De même, la forme de transmission qu’il prend n’est pas sans conséquence : on reconnaît un mimétisme des élèves par rapport aux enseignants qui sont des « faiseurs d’opinions » (Courbage, 1999), à la fécondité souvent basse.
Dans cette sous-partie, nous avons eu l’occasion de détailler les facteurs de la fécondité différentielle, et compris le poids de l’éducation comme facteur clé dans la transition. La description des déterminants permet de mieux comprendre le lien entre fécondité et instruction à l’échelle individuelle. Cependant, il convient de prêter attention dans la suite de notre étude à ne pas interpréter des résultats agrégés par des déterminants jouant un rôle à une échelle individuelle. Nous serions dans ce cas dans l’erreur écologique.

VERS DE NOUVELLES PERSPECTIVES SUR LA FÉCONDITÉ DIFFÉRENTIELLE : L’APPORT DU CADRE DE LA MONDIALISATION

Dans l’ensemble des travaux relatifs à la fécondité différentielle ou à la diffusion de la fécondité, très peu développent voire évoquent la mondialisation. Pourtant, il s’agit d’un concept qui semble capital au regard du lien que nous faisons entre les deux ensembles de travaux. Nous définirons dans un premier temps le sens que nous prêtons à la mondialisation.
Dans un second temps nous détaillerons notre hypothèse de travail sur l’adoption différentielle des normes véhiculées par la mondialisation.

LA MONDIALISATION

Popularisé dans les années 1980, le concept de mondialisation désigne un processus continu de mise en relation des sociétés et d’accélération des échanges. Inspirés de l’« économie-monde » de Fernand Braudel (1949), beaucoup d’auteurs explorent uniquement la mondialisation sous l’angle d’un « processus historique d’extension progressive du système capitaliste dans l’espace géographique mondial » (Carroué, 2002). Différentes étapes de la mondialisation se distinguent au cours du temps, mais notre attention se portera sur la dernière des étapes, dont les débuts peuvent être datés après la Seconde Guerre mondiale (Grataloup, 2008). Cette ultime phase se caractérise notamment par une réduction des coûts et temps des transports et des télécommunications. Nous assistons donc à un affranchissement de la contrainte de distance topographique, ce qui a conduit David Harvey à définir la mondialisation comme une « compression de l’espace et du temps » (Harvey, 1989). Parallèlement, la sociologie et l’anthropologie se sont emparées de l’objet mondialisation en proposant une lecture complémentaire à la géographie, notamment à travers les théories de la mondialisation culturelle. Le sociologue Roland Robertson réutilise l’idée de « compression » d’Harvey et prête à la mondialisation une seconde caractéristique, celle de « l’intensification de la conscience du monde comme totalité » (Robertson, 1992). Il introduit également une dialectique entre global et local, non conflictuel, mais complémentaire. Il y aurait ainsi « une interpénétration de l’universalisation des particularismes et de la particularisation de l’universalisme ». Nous retrouverons cette dialectique chez Anthony Giddens. Pour l’auteur, l’univers post-traditionnel amène à une reconfiguration du moi individuel par une diversit é de choix offerts par la mondialisation (Giddens, 1991). Ainsi, la conjugaison du local et du global entraînerait un « élargissement de l’horizon expérientiel de l’individu » (Mattelard, 2008).
Les rapports entre local et global font échos aux conséquences multiscalaires qu’implique la mondialisation pour un géographe. En effet, Christian Grataloup la définit synthétiquement comme : « le processus géographique de création du niveau géographique mondial : le Monde » (Grataloup, 2008). Néanmoins, ce niveau doit être entendu comme créateur d’une cospatialité, c’est-à-dire d’un « mode de relation entre des espaces occupant une même étendue ». L’intégration de la notion de cospatialité permet de ne pas penser le monde comme la somme des niveaux inférieurs, mais comme « une réticulation de hiérarchies enchevêtrées et articulées » (Dollfus, Grataloup, Lévy, 1997). Les discussions autour des enjeux spatiaux amènent à l’idée de l’émergence d’une société Monde en devenir. Cette société définit un espace commun avec ses propres normes : il y a donc émergence d’une « nouvelle sociologie de la mondialisation et des “mondialisés”, qui s’ébauche, déstabilisant, en partie au moins, les sociologies nationales, régionales ou locales » (Lévy, 2007).

L’ÉDUCATION : UN MARQUEUR D’UNE ADOPTION DIFFÉRENTIELLE DES NORMES ENTRE LES ESPACES ?

Grataloup aborde l’idée de l’émergence d’une société -Monde qui « ajouterait un nouvel échelon aux géotypes sociétaux déjà présents sans se substituer à eux, mais en influant sur eux et en étant influencé par eux ». L’instauration d’une nouvelle échelle géographique impliquerait donc l’existence de nouvelles normes communes. Dans notre cas, le processus de mondialisation amènerait à une uniformisation, à savoir la production d’une forme unique, des normes en matière de fécondité. Schématiquement, plus un individu participerait à cette relation d’apprentissage qu’est l’instruction, plus il serait conforme aux normes de fécondité attendues par le système monde. Nous retrouvons cette idée d’homogénéisation, c’est-à-dire de mise en cohérence des composantes d’une unité, dans la définition de la diffusion spatiale de SaintJulien, précédemment mentionnée (cf. PARTIE I, CHAPITRE 1, II, 3). Avec la diffusion de nouvelles aspirations et connaissances, les plus éduquées connaîtraient une circulation des « modèles transnationaux qui popularisent la famille restreinte » (Fargues, 2000) au-delà des frontières, et seraient donc les premières adoptantes de la baisse de la fécondité. À l’opposé, les femmes les moins éduquées adopteraient l’innovation plus tardivement, mais de manière beaucoup plus rapide que les plus éduquées (Ouadah-Bedidi, Vallin, Bouchoucha, 2012). Néanmoins, des effets de barrière pourraient subvenir de manière plus forte chez les moins éduquées, maintenant leurs niveaux de fécondité largement plus hauts. La localisation géographique détermine en grande partie la connexion des territoires au monde. La circulation des modèles se heurte alors à des frontières nationales et locales. Pour ces femmes, « l’environnement immédiat prévaut encore dans les choix de reproduction », la communauté locale faisant « écran » à la diffusion (Fargues, 2000).
Nous inscrivant dans les théories de la diffusion de la fécondité, nous supposons que les niveaux que nous observerons à la fin de notre recherche sont en partie le résultat de cette diffusion. Nous faisons l’hypothèse de l’existence chez les plus éduquées de continuités spatiales, relativisant ainsi les frontières administratives.

ÉTAT DES LIEUX DE LA FÉCONDITÉ ET DE L’INSTRUCTION EN MÉDITERRANÉE

Nous verrons que les niveaux de fécondité et d’instruction illustrent une dichotomie rive nord-rive sud récurrente dans les études sur la Méditerranée. Néanmoins, la réalisation de la corrélation entre les deux phénomènes permet de nuancer cette opposition.

UNE APPARENTE DICHOTOMIE NORD-SUD

La dichotomie nord-sud est fréquemment mise en évidence dans les études en Méditerranée et nous verrons qu’elle reste encore vive aujourd’hui en ce qui concerne l’éducation et la fécondité. Les variables que nous utilisons pour les cartes 1 et 2 seront détaillées et discutées dans la suite de ce mémoire (cf. PARTIE II, CHAPITRE 1, I).
La fécondité des femmes en Méditerranée présentée en carte 1 dispose d’une structure spatiale opposant une rive nord à faible fécondité, à une rive sud à plus forte fécondité. Au sein de la rive nord, la France se détache avec un maintien de la fécondité autour de 2 enfants par femme. Le Moyen-Orient, à l’exception de la Turquie et du Liban, concentre des taux plus importants que le Maghreb, supérieurs à 2,6 enfants par femme. Une partie de cette différence entre les deux régions peut être expliquée par l’héritage colonial et le poids essentiel de la diaspora, qui constituent au Maghreb « l’agent principal et direct de l’influence culturelle européenne » (Courbage, Todd, 2007). La localisation des territoires même à l’échelle nationale explique également une partie des résultats de la fécondité. Par exemple, la Libye semble influencée par le Maghreb, alors que l’Égypte possède un comportement proche de celui des pays du Moyen-Orient.
La carte 2 des femmes non-diplômées présente une structure spatiale également marquée par une opposition nord-sud. Les pays de la rive nord disposent de faibles parts de femmes non diplômées, alors que cette part est plus importante pour les pays de la rive sud. Le sud du Moyen-Orient se détache plus nettement avec une part des femmes non diplômées plus faible que l’Afrique du Nord. Plusieurs facteurs sont à prendre en compte pour expliquer les variations de la part des non-diplômées. D’une part, les systèmes familiaux encouragent en partie l’accès à l’instruction féminine de manière plus ou moins grande ; cet accès s’est produit de manière beaucoup plus précoce pour la rive nord que pour la rive sud. Courbage et Todd ajoutent d’autre part que le statut des femmes n’explique pas à lui seul les fortes proportions de sans diplôme dans le monde arabe. Ils avancent notamment l’argument de la position géographique pour expliquer en particulier le retard du Maroc, « excentré à l’intérieur du monde musulman » (Courbage, Todd, 2007). De plus, l’urbanisation des pays constitue un facteur fondamental des variations observées, puisqu’elle entraîne une diffusion accrue de l’instruction.
Après une comparaison des taux d’urbanisation en 2010, il apparaît que les quatre pays ayant des taux supérieurs à 80 % sont le Liban, Israël, la Palestine et la Jordanie , à savoir les pays qui possèdent les taux de femmes non diplômées les plus bas de la rive sud.

UN LIEN QUI SE COMPLEXIFIE

Après avoir théorisé la relation entre éducation et fécondité au cours de la transition (cf. PARTIE I, CHAPITRE 2, II), nous ferons dans cette sous-partie un point sur les corrélations à observer en Méditerranée. Malgré la puissance de la relation théorique, beaucoup d’auteurs s’attardent sur les précautions à prendre quant à la forte variabilité de la relation pour certains pays de notre aire d’étude. C’est notamment le cas de la Syrie qui connaît entre 1960 et 1985 une fécondité de plus de 7 enfants alors que le taux d’analphabétisme des femmes a brutalement chuté à la suite de politiques économiques et sociales (Courbage, 1994). De plus, Courbage et Todd observent un décalage entre baisse de la fécondité et franchissement du seuil de 50 % de la population alphabétisée ; ce décalage est très fort pour l’Europe de l’Ouest et très réduit pour les Balkans et la rive sud-méditerranéen (Courbage, Todd, 2007). Nous ne rentrerons pas dans le détail de la progression de l’instruction au moment de la transition de la fécondité pour chaque pays. Néanmoins, nous proposons de retracer en partie l’évolution de la corrélation entre fécondité et part des femmes de 15 à 49 ans sans diplôme, avec le graphique 1 pour 1970 et le graphique 2 pour 2010.
En 1970, une grande partie des pays n’ont pas encore achevé voire commencé leur transition de la fécondité. Le coefficient de corrélation de Bravais-Pearson s’élève à 0,92. Nous retrouvons donc une corrélation positive extrêmement forte entre les deux phénomènes, appuyant le fait que plus un pays est éduqué, moins sa fécondité sera élevée. Le graphique 1 montre une relation linéaire certaine, soulignée par un coefficient de détermination (R²) d’une valeur de 0,85. Il laisse apparaître une opposition globale entre rive nord et rive sud de part et d’autre de la courbe des valeurs théoriques. Au milieu de la courbe, nous retrouvons deux pays de la rive nord qui sont en retrait vis-à-vis de leurs voisins par rapport à leur transition de la fécondité (l’Albanie) ou leur transition scolaire (la Bosnie). Ces deux pays sont accompagnés par le Liban et la Turquie, leader des transitions pour la rive sud.
En 2010, la situation se complexifie comme nous l’observons sur le graphique 2. La corrélation reste positive bien qu’elle semble affaiblie par rapport à 1970. De plus, la corrélation est non-linéaire. Nous privilégions donc le calcul d’un coefficient de corrélation de rang de Spearman, qui prend la valeur de 0,52. Nous retrouvons comme sur le premier graphique un groupe très homogène constitué essentiellement par des pays de la rive nord, auxquels s’ajoutent cette fois pleinement la Turquie et le Liban. Comme sur les cartes de fécondité, la France se détache une nouvelle fois de cet ensemble. La situation pour la rive sud en revanche est beaucoup plus éclatée qu’elle ne l’était en 1970. Comme précédemment relevé, le Maroc est le pays qui concentre le plus de femmes non éduquées. La position de la Palestine est également notable, comportant une très forte fécondité et un taux de femme non éduquée très faible. Nous tenterons dans la suite de notre travail, et notamment dans l’interprétation des résultats (cf. PARTIE III, CHAPITRE 3), d’apporter quelques éclairages quant à cette répartition, que nous remettrons en perspective avec l’ensemble des niveaux d’instruction.

L’ÉVOLUTION TEMPORELLE DE L’ÉDUCATION ET DE LA FÉCONDITÉ

La réflexion proposée en termes de niveaux doit être complétée par l’étude de l’évolution temporelle de nos variables, afin de mieux approcher les enjeux de notre terrain.
Nous proposons une mise en perspective temporelle par grands ensembles régionaux dans un premier temps, qui sera nuancée par l’analyse des évolutions nationales dans un second temps.

UNE DYNAMIQUE DE CONVERGENCE ENTRE LES ENSEMBLES RÉGIONAUX

La dynamique de convergence de certains phénomènes tels que la fécondité ou l’éducation depuis le milieu du XXe siècle ne fait aucun doute (Mencarini, Salvini, 2003).
Sur le graphique 3 modélisant la fécondité entre 1970 et 2010, nous observons une convergence entre les grands ensembles de la Méditerranée. Alors qu’en 1970 le nombre d’enfants par femme était de 6 pour la rive sud et 2,5 pour la rive nord, ces valeurs sont respectivement de 3 et 1,8 enfant par femmes aujourd’hui.
Il en va de même dans une moindre mesure pour le graphique 4, représentant l’évolution des femmes non diplômées sur une période similaire. La distinction entre les deux rives est ici un peu plus floue. En effet le Moyen-Orient a connu une très forte baisse de ses taux, atteignant 10 % des femmes non-diplômées de 15 à 49 ans, s’approchant ainsi de la rive nord. Malgré ses progrès en faveur de l’instruction, l’Afrique du Nord reste détachée du reste des régions.

DES DISPARITÉS INTERNES AUX RÉGIONS

Après avoir dégagé les grandes tendances par ensembles régionaux, il convient d’approcher un peu plus les évolutions nationales. Nous présentons avec les cartes 3 et 4 l’évolution de la fécondité générale entre 1970 et 2010 d’une part, et celle de la part des femmes sans diplôme d’autre part.
La carte 3 apporte des nuances considérables par rapport aux graphiques par ensembles régionaux. En effet, la diminution considérable de la fécondité au Moyen-Orient n’est pas causée par l’ensemble des pays, Israël et la Palestine connaissant une baisse plus nuancée. De la même manière sur la rive sud, il existe une grande hétérogénéité dans les taux d’évolution, qui témoigne d’une temporalité de la transition de la fécondité très différente d’un pays à l’autre.
D’après la carte 4, l’ensemble des pays de notre aire connaît des taux d’évolution négatifs supérieurs à 50 %, traduisant une hausse considérable de l’instruction dans les pays.
Une majorité des pays des Balkans, l’Espagne et le Portugal ont connu la plus forte baisse durant cette période, suivis de près par l’Italie, mais aussi la Jordanie et la Palestine. Deux possibilités s’offrent quant à l’interprétation des territoires aux taux d’évolution relativement plus faibles. La première explication concerne l’avancement précoce du pays dans sa transition scolaire, comme pour la France par exemple. La seconde explication concerne des pays dont la progression de l’instruction est ralentie, comme le Maroc, que Courbage et Todd interprètent par la situation d’isolement géographique du pays (Courbage, Todd, 2007). Lorsque l’on raisonne en termes de convergence, la dichotomie rive nord/riv e sud est moins claire. Elle souligne surtout une diversité quant à la place de chaque pays dans la transition scolaire.

LE CADRE STRUCTUREL DES DYNAMIQUES

Pour compléter l’observation des dynamiques, il convient de s’intéresser aux cadres structuraux dans lesquels elles s’inscrivent. Nous aborderons dans un premier temps les politiques de fécondité, puis nous nous pencherons sur la structure des systèmes éducatifs.

LES POLITIQUES DE FÉCONDITÉ

Les politiques de fécondité font référence à des mesures visant à encourager ou limiter directement le niveau de fécondité d’un pays. Nous détaillerons plusieurs cas saillants tout autour de la Méditerranée.
Dans les Balkans, l’effondrement du système économique et social lié à la chute du régime communiste a mis fin aux politiques incitatives qui permettaient aux femmes de concilier maternité et emploi. Néanmoins, en Slovénie et dans une moindre mesure en exYougoslavie, cela n’a eu que très peu d’impact sur la tendance à la baisse de la fécondité déjà amorcée avant 1990. La baisse de la fécondité est surtout attribuée à la légalisation précoce de l’avortement, autour des années 1960, qui constituait le principal moyen de contrôle des naissances (Mrdjen, Penev, 2003). Suite à cela, seule la Bulgarie a mis en place une politique nataliste visant à interdire l’avortement entre 1968 et 1974 (Kalaidjiev, 1982).
En France, la tradition catholique et la répression de la contraception n’a pas empêché les couples avant la fin de XVIIIe siècle d’avoir recours au coït interrompu (Leridon, 1987), comme en témoigne Jean-Baptiste Moheau (1778) « ces secrets ont pénétré dans les campagnes ; on trompe la nature jusques dans les villages ». L’Italie, le Portugal et l’Espagne, touchés par la crise économique, ont instauré tardivement des politiques natalistes, ce qui n’a pas pu limiter le maintien de la fécondité à des niveaux très bas.
Le cas de la Syrie est à souligner. Alors que le gouvernement maintient une politique pro nataliste, la crise économique qui touche le pays dans les années 1980 a durablement affecté les populations et entraîné une baisse considérable de la fécondité.
Le Maghreb offre un exemple éclairant de la diversité des politiques possibles. Dès leur indépendance (1956 pour le Maroc et la Tunisie, 1962 pour l’Algérie), ces pays adoptent des politiques de population très diverses. La Tunisie a recours à une politique de limitation très ferme. Elle connaît la transition de la fécondité la plus précoce, ce que beaucoup expliquent par une modification du code familial qui reconnaît désormais des droits égaux entre hommes et femmes (Fargues, 1988). Le Maroc affiche cette même volonté, mais en offrant des moyens financiers plus modérés. En affirmant que « la meilleure pilule c’est le développement » à la Conférence mondiale de la Population de Bucarest en 1974, l’Algérie prend le parti de ne pas contrôler sa population. On assiste plus tard à une chute très rapide de la fécondité, qui n’a pas attendu le premier programme national de limitation de 1983. Finalement, les trois pays atteignent à la fin des années 1990 des niveaux de fécondité aux alentours de 2 enfants par femme. Aujourd’hui, aucun changement de politique n’est observé dans les récentes mutations que la région connaît, comme le ralentissement de la baisse au Maroc et en Libye, la stabilisation en Tunisie ou la remontée en Algérie (Ouadah-Bedidi, Vallin, Bouchoucha, 2012).
Il est souvent admis, à tort, que les politiques de fécondité influent aisément sur la fécondité des pays. En réalité, ces politiques ont un effet assez nuancé et difficile à mesurer, ce que la description précédente a pu montrer pour la Méditerranée. En effet, elles sont inefficaces si elles vont à l’encontre des dynamiques dont la population est à l’origine, nous rappelant la précondition de Coale (1973) selon laquelle la fécondité doit être un choix conscient. Elles peuvent néanmoins encourager ou freiner une dynamique. Finalement, les politiques qui visent à agir directement sur la fécondité se sont avérées inefficaces. Pour Jacques Véron (1996), une politique de fécondité doit s’accompagner d’une politique de développement plus large, plus particulièrement en matière de santé. De manière plus générale, il est préférable pour un pays d’agir sur le contexte dans lequel s’est forgée la volonté de limiter ou d’accélérer les naissances et sur des variables plus indirectes telles que le marché du travail ou l’instruction (Vallin, 2012).

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Table des matières
REMERCIEMENTS 
SOMMAIRE 
PARTIE I LA FÉCONDITÉ DIFFÉRENTIELLE : CADRE ANALYTIQUE ET TENDANCES EN MÉDITERRANÉE
CHAPITRE 1 LA FÉCONDITÉ, UN OBJET TRANSDISCIPLINAIRE 
I. Cadre théorique général
II. La diffusion de la fécondité
CHAPITRE 2 LA RELATION AVEC L’ÉDUCATION
I. L’éducation
II. Exploration des liens éducation-fécondité
III. Vers de nouvelles perspectives sur la fécondité différentielle : l’apport du cadre de la mondialisation
CHAPITRE 3 SITUATION EN MÉDITERRANÉE
I. État des lieux de la fécondité et de l’instruction en méditerranée
II. L’évolution temporelle de l’éducation et de la fécondité
III. Le cadre structurel des dynamiques
PARTIE II RECHERCHER ET EXPLOITER DES DONNÉES : LA CONSTRUCTION D’UNE MÉTHODE OPÉRATIONNELLE
CHAPITRE 1 DU CONCEPT À L’INDICATEUR
I. La mesure de la fécondité
II. À la recherche d’un indicateur de l’éducation pour différencier les comportements féconds
CHAPITRE 2 LA CONSTITUTION DE LA BASE DE DONNÉES 
I. Les sources de données en démographie
II. Le protocole de collecte et de traitement des données
CHAPITRE 3 L’HARMONISATION : BOÎTE NOIRE DE LA COMPARABILITÉ INTERNATIONALE 
I. La quête de l’harmonisation ou comment « comparer l’incomparable »
II. Le processus d’harmonisation des niveaux de diplôme
III. L’harmonisation spatiale
PARTIE III APPLICATION DE LA BASE DE DONNÉES 
CHAPITRE 1 RÉSULTATS CARTOGRAPHIQUES 
I. La cartographie de l’instruction
II. La cartographie de la fécondité par instruction
CHAPITRE 2 LA MESURE STATISTIQUE DE LA DISPERSION
I. De l’intérêt de la pondération des indicateurs
II. Analyse statistique
CHAPITRE 3 ÉLÉMENTS DE SYNTHÈSE
I. Les écarts d’adoption différentielle des normes de fécondité
II. Typologie exploratoire de la fécondité différentielle
CONCLUSION 
BIBLIOGRAPHIE 
TABLE DES MATIÈRES 
TABLE DES FIGURES 
TABLE DES TABLEAUX 
TABLES DES CARTES
TABLE DES GRAPHIQUES 
ANNEXE 

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