Soutenance mémoire
« Ni tout à fait terrienne ni tout à fait maritime : ni chair ni poisson, juste ce qu’il faut pour faire une sirène. » (Julien Gracq, La forme d’une ville, 1985), est l’image que donne Julien Gracq de la ville de Nantes. Bâtie les pieds dans l’eau, au confluent de trois rivières et à proximité de l’océan, elle a construit sa richesse grâce à son fleuve. Le port maritime de Nantes a permis à la ville de s’ouvrir sur le Monde et de se développer. Moyen de défense puis de transport, voie de communication et de découvertes, les fleuves ont façonné l’histoire des grandes villes. Elles se sont développées avec eux et ont prospéré grâce à eux. Néanmoins, les années ont le pouvoir de transformer les choses : guerres, innovations techniques et technologiques ont poussé l’Homme à vouloir dompter les fleuves modifiant leurs cours et leurs histoires. Une barrière s’est alors installée, les fleuves ont été oubliés.
Aujourd’hui et depuis quelques années, les fleuves reprennent vie dans l’esprit de la population, et notamment des Nantais. Traversée de part et d’autre par le plus grand fleuve de France, la ville de Nantes a pour ambition actuelle de replacer la Loire au centre de l’aménagement urbain et ainsi de réconcilier les Nantais avec leur fleuve. C’est dans cette politique de revalorisation du fleuve dans l’aménagement des villes que mon projet s’inscrit. En effet, n’est-il pas important d’ouvrir un nouveau dialogue entre la ville et la Loire là où il a commencé ? Les plus grands navires et bateaux de marchandises ont amarré sur le Quai de la Fosse lors de l’apogée du port maritime de Nantes. Ces quais ne seraient-ils donc pas un lieu propice à réaménager selon les ambitions en vigueur ? C’est dans cette optique que le projet évoluera. Nous souhaitons faire renaitre cette zone emblématique de la genèse de la ville et avec elle, l’enjouement de la population pour son fleuve.
Nantes, ou l’ancienne Venise de l’Ouest
Une histoire forte entre ville et fleuve
Le rapport des Nantais à la Loire a évolué au cours de l’histoire. Tout d’abord, le fleuve a façonné la ville de Nantes dans son développement au fil des siècles. Dès le XIIIème siècle, Nantes s’ouvre sur le monde par ses voies fluviales et maritimes en vendant des produits locaux avec le Portugal, l’Espagne ou encore la Hollande. C’est par la Loire que reviennent les bateaux chargés des produits du Nouveau Monde. Au XVIIème siècle, le port nantais est le premier port négrier de France (Léa TALBOTTE, 2014). Les quais s’aménagent, la ville s’embellie. Dans la deuxième moitié du XIXème siècle, des activités en lien avec le fleuve voient le jour telles que les raffineries, conserveries ou biscuiteries : c’est l’industrialisation. L’accueil de ces industries fragmente l’espace avec la création de grands boulevards. Petit à petit une distance entre la ville et le fleuve commence à se former. Celui-ci est vu comme une menace pour la ville (Sylvain RODE, 2010). En effet, la première moitié du XXème siècle est ponctuée par de nombreuses crues provoquant d’importantes inondations et la destruction d’ouvrages comme les ponts. De plus, le fleuve est un frein au développement des voies ferrées et de la circulation en générale. La Loire, alors toujours occupée par un chapelet d’îles, voit de grands travaux de comblements de ses bras débuter dès 1926. Ils sont lourds en conséquence puisqu’ils modifient profondément la ville et ses paysages (Figure 1). La disparition de l’eau au cœur de la ville a laissé la nostalgie de la « Venise de l’ouest », mais elle est devenue irrémédiable (PLU de Nantes). Les crises économiques dès 1970 provoquent le déclin d’activités dont la fermeture des chantiers navals en 1987 en fait partie. Nantes s’oriente alors vers une économie tertiaire supérieure en misant sur les hautes technologies et l’innovation. La Loire est oubliée des Nantais : on la traverse seulement en automobiles, sans s’y arrêter.
Le fleuve, de nouveau au centre de l’aménagement de la ville
Portée par une croissance démographique constante (+ 0.6% par an), le dynamisme économique et l’attractivité de la ville de Nantes en font une destination de plus en plus prisée par les entreprises et leurs salariés. Avec 291 604 habitants en 2012, la ville de Nantes est la 6ème ville de France. Elle se situe au cœur d’une métropole qui compte plus de 600 000 habitants (INSEE, 2012). Cette ville dynamique où « il fait bon travailler » cherche à se développer davantage en mettant en place un urbanisme durable qui répond aux enjeux futurs.
Depuis les années 1990, les aménagements urbains s’attachent à redonner à la ville des points d’ancrage et des repères souvent oubliés, c’est pourquoi, Nantes Métropole a actuellement pour ambitions de réorganiser le territoire dans sa relation avec la Loire et ses berges. La ville de Nantes a donc lancé de nombreux projets d’aménagements depuis une vingtaine d’années afin de valoriser cette entité paysagère, pionnière de la création de la ville (Annexe 3). Le fleuve est le maillon phare de tous les projets structurant le futur cœur métropolitain. Nous pouvons citer comme exemple la première phase de réaménagement de l’île de Nantes favorisant la mixité fonctionnelle et sociale et permettant un rapport privilégié avec le fleuve. De même, le quartier de Malakoff accueille désormais des espaces publics et des jardins au fil du fleuve tandis que le Bas-Chantenay abritera bientôt de nouveaux logements les pieds dans l’eau (Nantes métropole, le Grand débat, 2014).
C’est dans cette nouvelle politique d’aménagement, tournée vers la réappropriation historique et environnementale des lieux, que mon projet s’inscrit. A l’instar de nombreuses zones, les quais de la Fosse n’ont pas encore été réaménagés d’après les ambitions en vigueur. Ces quais représentent pourtant un emplacement primordial du développement de la ville puisqu’ils sont le lieu des premiers transits de marchandises et de matières premières avec les autres pays. Ainsi, il semble important de repenser l’aménagement de ce lieu emblématique afin d’abaisser les barrières qui se sont formées avec le fleuve, entité qui a fait vivre et prospérer la ville.
Les quais de la Fosse : une zone d’intérêt à réaménager
Présentation générale de la zone
Histoire des lieux
Le premier quai construit à la Fosse est édifié en 1516. Il faudra attendre le développement du commerce transatlantique pour voir, en 1622, l’édification d’un nouveau quai. La Fosse présente alors un quai de pierre de plus de 600 mètres de long qui ne va cesser d’être agrandi. Les trafics de coton, de bois exotiques ou encore de tabac provenant de Martinique, Guadeloupe ou des Amériques par les navires négriers nantais, se concentrent sur le quai de la Fosse (Figure 2). En 1785, Nantes arme jusqu’à 200 navires et devient le plus grand port d’Europe (PLU de Nantes). En novembre 1903, un pont à transbordeur (Figure 3), conçu par l’ingénieur F. Arnodin, est utilisé pour la première fois par le grand public. Celui-ci a pour but de relier l’île Sainte-Anne au quai de la Fosse et ainsi permet à deux ou trois cents ouvriers des chantiers navals de rejoindre en deux minutes leur lieu de travail. A la moitié du XIXème siècle, le développement du chemin de fer transforme la physionomie des lieux puisque deux gares sont construites aux extrémités du quai. L’activité du quai perdure jusqu’au début du XXème siècle puis décline petit à petit (Gabriele LECHNER, 2006). La seconde guerre mondiale a aussi des conséquences puisque les bombardements de septembre 1943 n’épargnent pas la «maison des Tourelles» où Henri IV aurait signé l’édit de Nantes en 1598. Les bateaux à voile de l’époque se faisant de plus en plus rares, le pont à transbordeur fût démoli en 1958. Puis la construction navale cesse définitivement.
Localisation
Le quai de la Fosse s’étend au nord de la Loire, sur la rive droite, essentiellement au niveau du centre-ville, de la rue Jean-Jacques Rousseau jusqu’à la place de Jackonsville (Figure 4). Notre zone sera cependant délimitée par le pont Anne deBretagne et la place de Jackonsville. Pour bien comprendre l’environnement qui entoure les quais, nous allons décrire brièvement l’activité des secteurs avoisinants.
Tout d’abord, les quais de la Fosse font face à l’île de Nantes (Figure 4 – n°2) qu’ils rejoignent via le pont Anne-de-Bretagne d’une longueur de 160 mètres, enjambant le bras de la Madeleine. Au-delà du pont se trouve l’ancien hangar à bananes abritant aujourd’hui le Grand Eléphant créé par la compagnie Royal de Luxe dans le cadre du renouveau urbain de l’île de Nantes. Le manège des monstres marins ou la branche prototype de l’arbre aux Hérons sont d’autres constructions des « Machines de l’île » situées à la croisée des mondes inventés de Jules Verne et de l’histoire industrielle de Nantes. Cette zone rénovée est désormais très fréquentée par les Nantais et les nombreux touristes. L’île de Nantes connaît un grand essor en termes d’activités, d’innovations et de dynamisme. De nombreux projets d’aménagements y ont vu le jour ces dernières années (Nantes Métropole, La Loire en ville, 2013). Elle est le trait d’union entre le nord et le sud de Nantes.
Plus au nord des quais de la Fosse, nous retrouvons deux grandes places : la place Mellinet et la place Canclaux (Figure 4 – n°3). Ces quartiers historiques de Nantes sont célèbres pour leurs grandes maisons et hôtels de caractère dont certains sont répertoriés au patrimoine Nantais (Archives de Nantes, 2016). A l’ouest des quais nous pouvons observer principalement des quartiers résidentiels (Figure 4 – n°4) et des parcs assurant un cadre de vie agréable aux habitants. Enfin, en poursuivant la route plus à l’ouest des quais de la Fosse (Figure 4 – n°5), nous passons devant le mémorial de l’abolition de l’esclavage qui a ouvert ses portes au public le 25 mars 2012. Ce monument est l’un des plus importants au monde consacré à la traite négrière, à l’esclavage et à son abolition. Ensuite, nous pouvons rejoindre le centre hospitalier universitaire de Nantes ou bien le centre-ville avec ces célèbres places : place du Commerce, place Royale, place Graslin etc.
Aperçu de l’état des lieux dans sa globalité
Pour bien cerner notre terrain d’étude afin d’en déterminer les points forts et les points à valoriser, un état des lieux précis est important. Grâce à une carte fournie par la commune de Nantes, nous avons pu représenter les différents usages, constructions et activités présentes sur la zone (Figure 5). De plus, des photos récentes des lieux ont été annexées afin de se comprendre plus concrètement cet espace (Figure 6).
Les quais
Activité actuelle des quais
Voies de circulation
Sur la longueur de la zone d’étude, nous trouvons une route à deux voies et à double sens de circulation de part et d’autre d’une ligne de tramway (Figure 5). Chaque voie a une largeur de 2,55 mètres. Cette route est très passante puisqu’elle permet de rejoindre le centre-ville, le centre hospitalier et donne un accès à l’île de Nantes via le pont Anne de Bretagne. Plusieurs feux de signalisation sont présents pour fluidifier le trafic. La circulation y est souvent abondante provoquant des embouteillages aux heures de pointe.
Nous trouvons également la ligne de tramway numéro 1 permettant de traverser la ville longitudinalement. En effet, elle s’étend de François-Mitterand à l’est de la ville jusqu’à la Beaujoire à l’ouest. Ce réseau ferroviaire passe par la place du Commerce et la gare SNCF. Elle partage des arrêts avec l’ensemble des autres lignes de tramway et de busway présentes dans l’agglomération. Au niveau de notre zone d’étude nous comptabilisons deux arrêts. Le premier est nommé « Gare maritime », il est situé en face du musée naval le Maillé-Brézé tandis que le second, « Chantier naval » est situé légèrement avant le pont. Cette ligne est très fréquentée et représente un réel avantage pour notre projet puisque la zone d’étude est accessible facilement grâce à ce moyen de déplacement.
Comme nous pouvons le voir sur la carte, des pistes cyclables sont présentes dans les deux sens de circulation. Chacune d’entre elles a une largeur d’un mètre et demi. Nous observons que celles-ci sont assez étroites et non séparées de la route, pourtant très utilisée par les automobilistes. Ceci ne semble pas assurer une grande sécurité aux cyclistes. Enfin, une station de bicloo, vélos mis en location par Nantes Métropole, est installée le long des bâtiments.
Parkings
Un parking dénommé « Chantiers navals » est situé sur les quais et a une capacité de 105 places dont trois pour les personnes à mobilité réduite. Celui-ci est payant et accessible tous les jours de la semaine, 24h/24. Il est géré par Nantes Métropole Gestion Equipements. Il est aujourd’hui très peu fréquenté. En effet, la zone étant desservie par le tramway, les personnes ont tendance à utiliser ce moyen de transport pour se déplacer. De plus, le secteur des quais de la Fosse est surtout constitué de logements et de petits commerces mais il est exempt d’entreprises. Il présente donc peu d’intérêt pour les travailleurs. L’utilité de ce parking est donc très contrastée. De plus, quelques places sont présentes entre le trottoir qui longe les bâtiments et la piste cyclable. Celles-ci sont également payantes et présentent des zones réservées pour les livraisons par exemple. La largeur des places est de 2 mètres.
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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : DIAGNOSTIC DE LA ZONE D’ETUDE
1.1 Nantes, ou l’ancienne Venise de l’Ouest
1.1.1 Une histoire forte entre ville et fleuve
1.1.2 Le fleuve, de nouveau au centre de l’aménagement de la ville
1.2 Les quais de la Fosse : une zone d’intérêt à réaménager
1.2.1 Présentation générale de la zone
o Histoire des lieux
o Localisation
1.2.2 Aperçu de l’état des lieux dans sa globalité
1.2.3 Les quais
o Activité actuelle des quais
o Structure des quais
o Politique d’aménagement de la zone
1.2.4 La Loire, le plus grand fleuve français
o Ses caractéristiques générales
o Qualité de l’eau
o Richesse faunistique et floristique de la Loire
o Ses statuts de protection aujourd’hui
1.2.5 Bilan de l’état des lieux
1.3 Des enjeux importants pour un renouveau urbain
1.3.1 Des projets collaboratifs en vue de la ville de demain
1.3.2 Hiérarchisation des enjeux pour notre zone d’étude
1.3.3 Programme d’actions
PARTIE 2 : PROJET D’AMENAGEMENT DES QUAIS DE LA FOSSE
2.1 Aménagement de la voirie
2.1.1 Pistes cyclables
2.1.2 Elargissement du trottoir
2.1.3 Une voirie requalifiée pour une meilleure sécurité
2.2 Aménagement des quais
2.2.1 Mise en place d’un espace vert
o Aire de jeux
o Des prairies fleuries
o Des jardins plantés
o Une aire de pique-nique
2.2.2 Une promenade au bord de l’eau
2.3 Aménagement sur la Loire
2.3.1 Installations de jardins flottants
o Objectifs
o Structure des jardins flottants
o Composition de chaque île
2.3.2 Mise en place d’un bateau-restaurant
2.3.3 Rendre le Ponton Belem accessible au public
Conclusion
Bibliographie
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