Propositions sur les repères, la place et le sentiment d’appartenance

Propositions sur les repères, la place et le sentiment d’appartenance

Avec « le conte comme point d’appui » (Chatagny, 1990), même s’il est un prétexte, Michka trouve une place au sein de la classe, une assurance, une confiance en lui. Il réussit à structurer ses prises de parole, à prendre conscience de ce qui se passe autour de lui.
Cela me permet de formuler les remarques suivantes :
– Socialement, relativement au groupe, la parole octroie un rang, un niveau d’importance, un ordre et une hiérarchie. La mélodie et le rythme de la parole donnent le ton, y accordent l’autorité. Les entendants peuvent utiliser la structure de la langue pour prendre une place sonore et se « faire écouter », même s’ils parlent pour ne rien dire. Les malentendants n’ayant pas de vision structurelle sonore claire de la dynamique de cette « symphonie de groupe » dans laquelle ils souhaitent jouer, ils interviennent souvent mal à propos (pour les autres), et ne peuvent se faire leur place dans le groupe qu’en émettant des paroles ou des sons dérangeants, décalés. Même si le malentendant maîtrise bien le langage oral, il ne maîtrise pas nécessairement les règles non écrites du fonctionnement de la discussion au sein d’un groupe, ni celles du code de la discussion. Quand le malentendant sent qu’il a compris, il se sent rassuré, et peut être très loquace. Il a alors une parole qui peut être ressentie par les autres comme débordante, voire envahissante. Le malentendant produit souvent des phrases qui n’en finissent pas, appondues les unes aux autres – et non emboîtées et organisées par une ponctuation et les subordonnants adéquats – au gré du développement de ses idées. Des sentiments de friction, de « fausses notes » et de malentendus en découlent. Ils engendrent vite un sentiment d’exclusion, un repli sur soi ou des conflits.
– La récréation est une situation stratégique à observer, au cours de laquelle ces difficultés d’intégration peuvent induire un désarroi aigu, qui se manifeste sournoisement. Dans les échanges sociaux libres, les activités des malentendants sont soit liées à un mouvement physique – dans lequel la place est clairement donnée par le langage visuel prédominant (par exemple le foot) – soit impliquées dans une relation intime avec une personne, mais jamais spontanément en groupe de parole.
– Situer la provenance et évaluer l’importance d’un son ou d’un énoncé est très difficile avec des appareils ou des implants. Ces prothèses amplifient tous les sons, les transposent sur la même « plage d’écoute », « aplatissant » et empêchant la localisation des multiples sources, leur perception tridimensionnelle. L’entendant discerne parmi les multiples sons qui lui parviennent ceux qui sont importants, auxquels il faut prêter attention, et ceux qui ne sont que du bruit de fond.
Il effectue cette hiérarchisation par la localisation des sources sonores ; cela lui permet par exemple
de concentrer son attention sur des paroles, au milieu du bouhaha d’un café ou de la rue, pour les comprendre, malgré le bruit ambiant. La perception auditive au travers des appareils supprime la possibilité de localiser les sources sonores : le malentendant ne peut hiérarchiser les divers sons, il
ne peut se concentrer sur certains sons plutôt que d’autres et, de ce fait, a de la difficulté à tenir une conversation en groupe ; raison pour laquelle le micro-link est beaucoup utilisé en classe (la voix de la personne qui le porte est directement en lien avec les appareils auditifs du malentendant).
– Ce phénomène est dû aux appareils qui amplifient le volume sonore et non à une déficience du cerveau ; c’est l’expérience que font les entendants, dont l’audition déficiente les amène à porter des prothèses auditives. Ils avaient pourtant appris à hiérarchiser et filtrer les sons d’après leur localisation, mais ils ne peuvent plus concentrer leur écoute sur la voix de l’interlocuteur, sur la musique, sur le chant des oiseaux ou sur le bruit du vent dans les arbres. C’est une raison pour laquelle ils renoncent souvent à cette prothèse, préférant l’isolement dans un plus grand silence à l’isolement dans un plus grand bruit, ressenti comme fatiguant, intrusif, voire agressif.
– Dans le langage écrit (particulièrement l’écriture), ce sont les signes de ponctuation et les mots de liaison – principalement les prépositions, les conjonctions de coordination et de subordination, mais également les pronoms – qui établissent cette hiérarchisation des plans, selon leur degré d’importance, pour indiquer l’occurrence des propos, diriger la modulation du ton de la voix interne, situer l’ordre et la succession des idées des causes et des effets dans le temps et dans l’espace.
L’utilisation qu’ils font de la ponctuation et des petits mots est donc très aléatoire. Pour cette raison, ils commettent fréquemment des « reprises anaphoriques » (Dolz, Gagnon, & Vuillet, 2011), comme par exemple : « la personne que je lui dis ». On retrouve cette difficulté, amplifiée, dans les langues étrangères. Les idiomes et les expressions courantes – au même titre que les ouï-dire, et la restitution « en relief » des degrés d’importance et de l’ordre chronologique – échappent également à la maîtrise du langage du malentendant. D’où l’aspect précieux du langage « linéaire » (allant d’une cause à un effet) caricatural, simple et imagé que l’on trouve dans les contes.

Le conte, la parole et la posture

De l’écoute à la posture

Mes observations – basées sur six années de pratique de soutien auprès de malentendants – m’ont fait noter chez eux une posture et une tenue particulières, ce dont je n’ai trouvé mention nulle part dans la littérature, ni dans les cours sur les spécificités des malentendants. Cela a certainement été vu, mais – à ma connaissance – ni décrit ni discuté, tout au moins de la façon dont je le fais ici ; ou tout au plus en assimilant les malentendants à des handicapés mentaux. Il m’a donc paru indispensable de traiter spécifiquement de l’objet de la posture, qu’induisent l’écoute et la narration du conte, en lien avec le comportement d’un malentendant. Par ailleurs, c’est ce qui a suscité le conte en préambule, centré sur ce thème.
Au premier contact, en juin 2014, j’observe que Michka a des activités parasites. Il ne tient pas en place sur sa chaise, est seul à une table pour ne pas déranger les copains. Toute la table est jonchée de son matériel. Sa tenue est entre affalement et prostration. Il me fait une place à côté de lui.
En tant que SPS, nous faisons régulièrement une « information surdité » dans les classes et auprès des enseignants. J’élargis mon information au thème de la différence, et initie ce moment avec la narration d’un conte sur la posture (cf. prologue).
Michka rayonne dès qu’il comprend et peut partager sa compréhension. Par cette implication à sa propre intégration, sa participation, Michka est d’autant plus réceptif, mettant immédiatement en application ce qu’il a entendu (ex : position des pieds, de la base sacrée de la colonne vertébrale, jusqu’au sommet du crâne). Il montre qu’il a bien intégré la problématique de la posture, en relation avec la présence.
Je laisse chacun apporter sa morale de l’histoire. Michka propose la suivante : « on a toujours besoin d’un plus petit que soi ». Et moi je rajoute : « même si tous les présents nous sont offerts, si nous ne sommes pas là pour les recevoir – avec notre bassin comme un bol, prêt à être comblé d’eau de vie, droit et ouvert sur sa partie supérieure, la colonne verticale comme la tige de ravitaillement, reliant le crâne et le sacrum – tous ces cadeaux seront perdus pour nous, ils couleront à côté, et notre bol-bassin ne retiendra que peu : à la mesure de sa droiture, de sa réceptivité, de sa disponibilité »…
Michka retient cette « leçon », qui le fait réfléchir. Depuis, il fait de gros efforts pour se rappeler de se tenir droit, il en comprend la valeur. Il applique et explique même clairement aux autres (copains, profs, psychologue, parents, soeur) pourquoi il a changé, même visiblement. Ceci m’a été rapporté par ces personnes qui, interpelées par le changement vu en lui, lui ont posé des questions et m’ont répété ses explications.
Dans la fatigue ou dans l’ennui, Michka a tendance à s’affaisser. Sa réceptivité est directement visible dans sa posture – comme également chez l’entendant. Ou, comme exprimé par Tomatis : « Une courbe [de réponse acoustique] ascendante […] entraînera une verticalité de la colonne avec effacement maximal des ensellures au niveau des cervicales et des lombaires. A l’opposé, une courbe descendante donnera un dos arrondi, cyphosé, laissant la tête et la nuque s’infléchir en avant. C’est bien le cas de Beethoven, qui, progressivement prend une allure de plus en plus ramassée » (1991, p.102).

Propositions sur la posture et la tenue

Je rappelle ce que Leroi-Gourhan (1964) décrit comment étant une caractéristique morphologique et fonctionnelle de l’homme – par comparaison avec les grands singes – avec des répercussions déterminantes pour son évolution : la verticalisation ; elle libère la main, qui se retrouve déchargée de la fonction locomotrice. La main prend alors en charge de multiples tâches, dont celle de la préparation de la nourriture avant qu’elle ne soit dans la bouche ; l’outil, puis l’agriculture transforment les aliments mis à la bouche, la nourriture est sélectionnée, choisie, apprêtée, attendrie, cuite et moulue et n’exige alors plus qu’une légère mastication pour pouvoir être avalée. La bouche est libérée. Les mâchoires, la langue, les lèvres peuvent êtres utilisées pour les mimiques et le langage. La station verticale induit une autre conséquence : le positionnement du crâne, en équilibre au sommet de la colonne vertébrale. Un crâne en équilibre et une bouche libérée ne nécessitent plus une musculature puissante pour assurer leur fonctionnement. Soumise à des forces réduites, l’ossature de l’ensemble du crâne s’allège, s’affine, devient plus mobile, ce qui laisse la place pour l’augmentation du volume du cerveau. La nature humaine est indissociable de la posture verticale, dressée.
La posture et la tenue du malentendant sont liées à sa déficience auditive qui suscite le développement de stratégies compensatoires. Les données neurologiques étant pour le moment lacunaires, j’en suis réduite à une hypothèse : une stratégie compensatoire est la sollicitation supérieure à la « normale » de la capacité intellectuelle. Il en résulterait chez le malentendant une aptitude à utiliser cette capacité plus développée que chez un entendant – ce qui ne veut pas dire qu’il soit plus intelligent, et certainement pas moins intelligent.
Comme je l’ai déjà noté plus haut (§ 4.2.1), je n’ai trouvé mention de la posture et de la tenue dans aucune littérature, dans aucun cours ou séminaire sur les malentendants au sein de la HEP, et dans aucune conférence de l’ECES. Toutefois si j’insiste sur cet aspect, c’est qu’il me paraît particulièrement important. En effet, le malentendant qui n’est pas intégré – qui n’a aucune appartenance – adopte une posture, une tenue et un comportement qui ne donnent une bonne image ni à lui-même, ni à l’extérieur. Il apparaît affaissé, « avachi », négligé – ce qui n’est pas le cas des malentendants intégrés et jouissant d’une appartenance forte et valorisante. Ce qui m’amène aux remarques suivantes :
– Le malentendant a particulièrement besoin de concret, d’images, de manipulation, de relation à la matière et au physique. Ceci se manifeste par l’intermédiaire de la posture. La position redressée n’est pas naturelle, elle doit s’acquérir par un effort conscient et est ressentie comme une source de fatigue. Une posture affaissée ne favorise pas l’adressage en vis-à-vis : la relation entre la posture et l’ouïe est attestée par l’expression « dresser l’oreille ». Celui qui ne veut pas entendre – ni voir, être vu ou entendu – rentre la tête dans les épaules et se voûte. C’est une posture qu’adoptent souvent les élèves malentendants, et ils posent leur tête sur la main qui n’écrit pas, le coude appuyé sur la table ; c’est aussi leur façon de prendre une pause, de relâcher les tensions, parce que la mise en oeuvre des stratégies compensatoires demande de l’énergie. Par rapport à cela, se tenir droit leur demande un effort supplémentaire, et à l’extérieur de leur « chez-soi » ils n’ont que peu d’endroits, d’occasions et de possibilités où « se lâcher » et trouver du répit.
– De même, l’adressage reconnu est lié à une posture redressée – qui permet de se situer dans un groupe, en y intervenant dans un moment opportun – et celui qui n’est pas entendu, lorsqu’il s’adresse aux autres, se replie sur lui-même et se réfugie dans le fait de marmonner en aparté. Pour trouver une place dans le groupe, et induire la dynamique qui en relève, une adresse langagière est nécessaire, mais elle est difficilement accessible à ceux qui souffrent de surdité, et qui doivent plutôt tendre l’oreille, se pencher, prendre le risque de sortir de leur propre équilibre.
– Le corps et ses besoins physiques spécifiques ont peu de place dans le temps d’étude. Le mobilier scolaire tente d’y remédier, en substituant à la satisfaction des besoins physiques, le confort et une liberté de mouvement, par des chaises mobiles. Mais l’élève avachi n’est pas redressé pour autant, et ces sièges mobiles ne favorisent pas la concentration et peuvent même mener au relâchement de l’attention.
– Pour donner un sens à un mot, l’enfant malentendant doit pouvoir lui associer une image.
« Cheval », « voiture » sont faciles à associer à une image. « Idée », « pourtant » ne le sont pas. Ainsi, pour un malentendant, une phrase est une succession d’images – qui ont chacune un sens – séparées par des mots qui n’ont pas de sens. C’est comme s’il disposait un texte lacunaire, dont les mots qu’il comprend seraient des pièces de puzzle. Pour remplir les vides, il doit trouver des pièces dont les formes soient compatibles avec les pièces adjacentes, et l’imagination est constamment en alerte ; de plus il doit attendre le dernier mot de la phrase – ou d’un texte – pour pouvoir lui donner un sens ; l’apparition d’une image, même à la fin, peut remettre en cause l’interprétation de tout ce qui précède. D’où la nécessité d’être précis et de vérifier la compréhension, à mesure de l’avancement, afin de ne pas provoquer un décalage. Respecter la possibilité de garder les nuances :
« … nous voulons la Nuance encor… » (Verlaine, 1884) tout en ne perdant pas l’objectif de vue.
– Le besoin de passer par les images et le concret est inhérent à la compréhension, chez tous les enfants. Pour ceux qui ont une audition optimum, la possibilité de se détacher de ce concret vient rapidement, et participe à l’évolution du langage, des concepts et de la pensée. Chez les malentendants, le concret, en tant que support à la compréhension, reste nécessaire très longtemps ; l’évolution de la pensée, des concepts et du langage est différente : le cerveau est sollicité autrement.
Leur humour est particulier, très physique, même chez les adultes. Le contact avec le monde étant autre, l’équilibre de la croissance entre les plans physique, émotionnel et mental est aussi différent, avec des manifestations visibles.
– Le malentendant ne fait pas une crise d’adolescence comme les entendants ; il reste « gentil » et
attaché à ce qu’il connaît. Sa pensée est également plus proche de ce qui est tangible et connu, qui fait référence à des origines sécurisantes. Typiquement son besoin de jouer participe de cette spécificité, indispensable à l’appropriation d’une notion. L’enseignant qui rappelle à l’ordre un élève malentendant, en disant : « Arrête de jouer, à ton âge, tu es grand maintenant! », croit que c’est un caprice alors que c’est un besoin impérieux.
– Correct, rectitude, droiture, droit, redressement, justesse, légitime, direction, diriger… sont des mots qui impliquent une tenue, une posture, qui évoquent la verticalité. Ils sont les antinomiques de avachi, mou, affalé, débraillé. Le juste, le héraut, le héros, le maître, le bon… ne s’imaginent pas autrement que dressés. Michka est sensible à la rigueur et la cohérence intellectuelle, à ce qui est juste, à ce qui est droit… en opposition complète avec sa posture et sa tenue lors de notre première rencontre. Le chemin parcouru depuis, en terme d’intégration et d’appartenance lui a permis de prendre conscience de sa posture et de sa tenue qui, en retour, favorisent une intégration encore meilleure et un sentiment d’appartenance plus fort et plus valorisant.

Action et transformation consciente

Emprise sur le réel : être acteur et créateur

Par l’action et la création, nous avons une emprise sur le réel ; cette emprise témoigne de notre faculté de façonner notre destin. Comme précédemment, les thèmes de l’action, de l’engagement créatif et de l’implication dans le réel ne peuvent être traités sans évoquer les autres thèmes. La créativité prend sa source dans une posture intérieure redressée : l’intention, et sa portée dépend de la conscience de l’interdépendance de tout : l’inclusion. L’action commence par la curiosité :
J’observe qu’il a la faculté de suivre deux activités en parallèles : il suit parfaitement les exposés, fait des commentaires pertinents, lève la main pour répondre aux questions, tout en réfléchissant, en écrivant son histoire, en vérifiant la justesse de ce que j’écris… Et malaxe beaucoup moins sa gomme, dessine peu de graffitis. Il me semble qu’il « souffre » plus d’un « trop », débordant, que d’un « pas assez », manque de compréhension, d’aptitude (notions approfondies par Cifali, 1994 ; Imbert, 2007 ; Ouaknin, 1994 et Ricoeur, 1983). Ce « trop » d’énergie, pas facile à canaliser, l’envahit, l’étouffe, s’il ne peut l’investir dans une activité ; il s’active donc dans des activités parasites pour se soulager, mais alors, souvent, il dérange les autres, et cet investissement d’énergie « à perte » ne lui donne pas de satisfaction, le renferme ; alors que, créative, l’activité le valorise tant aux yeux des autres que de lui-même, en lui procurant un sentiment d’auto-efficacité (Bandura, 2007), un apaisement et un enthousiasme jubilatoire. Il est donc enthousiaste de pouvoir s’investir dans une activité créative telle que l’écriture de son histoire, d’autant plus que je m’intéresse à ce qu’il me raconte. Et Michka réalise qu’il a des potentialités que la plupart de ses camarades de classe n’ont pas – ou dont ils n’usent pas – c’est la capacité de partager son attention, et d’être pleinement attentif à deux activités différentes simultanément : il est d’accord avec l’idée qu’il a le pouvoir de transformer ses divagations activistes en rassemblement créatif.
[…] Michka découvre qu’il peut être là, attentif à ce qui se passe simultanément dans la classe, et à ce qui se trame en lui. Cela n’exclut pas sa présence et sa participation à la progression du travail.
Et quand il entend les remontrances de l’enseignant à ses camarades parce qu’ils ne suivent pas, il réalise que les autres n’arrivent pas à faire deux choses en même temps. Je le lui fais remarquer et ça l’étonne. Il se découvre la nouvelle compétence d’être concentré et décentré. (10.10.2014)
Je vois qu’il commence à entrevoir la possibilité d’apprendre à se connaître grâce à, et au milieu des autres, en réussissant à distinguer les différences, chez eux comme chez lui, pour reconnaître les vraies similitudes. C’est-à-dire discerner entre ce qui est superficiel, aléatoire ou altérable et ce qui est plus radical, profond, inaltérable. Il entrevoit le bénéfice de sortir de la confusion, alors qu’avant il craignait d’être perçu trop distinctement, semait le trouble pour que l’on ne sache pas où le trouver. D’après ce que je comprends, cette peur d’être trouvé est aussi un héritage historique de sa famille. Je le soutiens à prendre conscience de ce processus créatif de la perception de soi qui consiste à gagner en clarté et, par là, en liberté.
Avant de raconter le début de « conte des deux comtes » à toute la classe, je leur suggère d’observer les différentes compréhensions de l’imaginaire, propres à chacun qui entend une histoire, selon les liens à sa propre histoire en mémoire… Nous comparerons plus tard. (06 au 10.10.14)
Je leur suggère d’écrire leur journal de ce qu’ils aiment, ou aimeraient. Je leur parle du film « écrire pour exister »24. Ils ne disent rien. Michka me regarde, les regarde, est rassuré que je leur parle aussi librement qu’à lui, devant les enseignants, et que mes propos sont aussi appréciés par eux, même s’ils sont différents (ce qu’il commence à réaliser : il n’est pas tout seul à être différent) et qu’ils comprennent sans doute aussi différemment : nous avons un grand respect mutuel.
Il raconte la première partie de son histoire « conte pour compter » (biographie arrangée comme une histoire fictive). (15 au 19.12.14)
La transformation est radicale. Il raconte. Il passe d’un comportement compulsif, recroquevillé sur lui-même, à une attitude créative engagée et ouverte. Entre chaque moment de participation active à ce qui se passe en commun dans la classe, plutôt que de s’occuper avec sa gomme, ses schémas et ses circuits, il rive son attention sur la narration et l’écriture de son histoire, qui semble lui ouvrir
une nouvelle perspective. Pourvu que cela ne soit pas un feu de paille ou d’artifice, bien beau, mais passager ! J’espère qu’en lui s’allume ce feu sacré, que j’ai rencontré déjà maintes fois chez d’autres élèves, suite à l’approche par les contes et la possibilité d’en créer un, soi-même, dans lequel sa propre histoire ait une voix. Je souhaite que, là aussi, opère la magie des symboles et la mise à distance – aussi sacrée que la proximité – entrelacées, en équilibre ; et que cet intervalle créé puisse être consacré à trouver du sens à être en lien avec soi, tout en étant au milieu des autres ; Caillois (1939), dans « l’homme et le sacré », décrit ces besoins de sens, recherchés par tout être humain, quel que soit sa culture. Quand Lévinas (1995) écrit sur « l’altérité de l’autre [qui] est le lieu originel de la transcendance », il développe parfaitement cette notion de pont, espace, démarquant et reliant, entre le visage de l’autre et la parole qui lui est adressée : « Toute rencontre commence par une bénédiction, contenue dans le mot bonjour » (p.109). Chaque rencontre avec Michka est de cet ordre ; et ces « bonjours » et « au revoir » rythment les chapitres, de son histoire, de notre connaissance réciproque et respective, des prises de conscience, à travers mon soutien, le récit de mes observations en lien avec sa narration créative.
Créer un conte lui ouvre des perspectives sur lui-même, une nouvelle façon d’envisager sa vie, ce qu’il a vécu jusqu’à maintenant :
Il me disait qu’il n’avait pas de biographie, puisqu’il n’avait rien vécu d’intéressant, pas d’histoire importante. Il s’est quand-même rapidement rendu compte qu’il pouvait raconter beaucoup d’événements, et encore plus de ressentis, dont il était souvent le seul détenteur, et surtout le plus fiable ; et que l’intérêt ne résidait pas tant dans les événements que dans ce que l’on en faisait, dans la façon dont on les partageait.
Une grande partie de mes transcriptions ont disparu suite à un problème technique (mon ancien ordinateur qui a « planté » en même temps que le disque dur externe)… Néanmoins, ce qui reste de la transcription de la biographie de Michka :
« Je suis né le jeudi 4 janvier 2001 à Aix-en-Provence alors que mes parents étaient en vacances chez mes grands-parents paternels. Trois ou quatre mois plus tard, je partais pour Moscou là ou habitaient mes parents. Nous habitions à Tshistie Prudy (traduit : les mares propres) au centre de la plus belle métropole du monde : Moscou. » « Le premier souvenir que je peux évoquer remonte à l’époque de Zurich. Quand j’avais 3 ans, on a déménagé de Moscou à la plus grande ville de Suisse parce que mon père a trouvé du travail dans une grande banque suisse. Je me rappelle parfaitement de mon appartement, de ma crèche, de la station de tram, de la maison des amis… On vivait au 4ème étage d’un immeuble sur une rue au nom imprononçable… » (15 au 19.12.14)
Tout naturellement, à partir de là, en filigrane du programme, Michka est enthousiaste à l’idée d’écrire son histoire, un conte dans lequel il puisse laisser libre cours à son imagination inventive luxuriante, sur la base d’une vaste culture générale, dans des domaines éclectiques.
J’apprends alors que son grand-père a écrit un livre de contes, en russe. Michka souhaite lui demander de m’en offrir un exemplaire. Je suis très touchée par cet « élan d’inclusion », puisque cette publication s’adressait particulièrement à la famille. Petit détail de taille, je ne peux pas lire les contes en russe et ai moi-même l’occasion de demander du soutien à mon élève pour la traduction…
Et pour ne pas risquer d’inverser les rôles de manière irrespectueuse, mais plutôt profiter de la motivation de Michka à valoriser la connaissance des langues, je lui propose de travailler à la traduction des contes de son grand-père, en français, en allemand et en anglais. Il pourra y joindre son propre conte en français, traduit par lui également en russe, et – également avec de l’aide – dans les deux autres langues. Son engouement est tel, qu’il transfère immédiatement son attention
vagabonde sur ce travail. J’imagine qu’il va raconter à un rythme naturel (le rêve mêlé à son souvenir de premier conte), et lui propose de l’enregistrer : il a une rapidité dans le langage, comme dans l’écriture, que la formulation ne permet pas toujours de relire ou réentendre clairement ; j’ai aussi besoin de béquilles pour entendre et comprendre sa parole !
Échange de mails pendant les vacances de Noël… Il semble avancer à l’écriture de son histoire. En fait, il avance dans la traduction du premier conte, écrit par son grand.

Propositions : devenir interprète et créateur de sa propre vie

Lui prêter attention par l’écoute de son langage, reconnaître l’importance de ses besoins et de ses envies, parfois étranges, donner à Michka la possibilité de créer sa vie sur cet entendement particulier, semble l’induire – comme les élèves – à s’affirmer. Il découvre qu’il a des potentialités, des idées, une histoire de vie qui peut être intéressante – au moins pour une personne qui s’y intéresse. Il apparaît que l’approche de l’histoire par sa narration, en l’habillant d’un nouveau genre – le conte – constitue un instrument de nature à éviter le blocage. La nature stéréotypée du genre du conte est par définition sans lien direct avec le réel, et de ce fait, elle introduit la distance qui protège celui qui va pouvoir se sentir en sécurité ; il peut ainsi se concentrer sur la création de son oeuvre (sa vie) à partir de l’intérieur. Il n’est plus dans la crainte du danger d’être repéré, traqué. Et donc ne se croit plus obligé de fuir la réalité. S’il n’a pas le pouvoir de transformer la réalité extérieure, il a celui de transformer – par l’instrument du conte – son lien au réel. Il devient créateur de sa vie par l’interprétation qu’il en fait, en lui-même.
En écoutant ou en racontant des contes, il écoute ce qui lui parle de lui autant que des autres ; son subconscient est l’éducateur du conscient et joue le rôle d’oreille filtrante ; il choisit de retenir ce qu’il veut, ce qui le nourrit et qu’il peut digérer. Les contes participent à cette reconnaissance du sens à travers les mots. Les images suscitées, souvent symboliques, n’exigent rien : seul le plaisir de l’écoute du moment, de la résonnance de ce qui parle en soi, compte. C’est la raison pour laquelle, je n’ai pas fait du conte un prétexte de travail, mais un outil de travail.
Ce que Michka en retire du point de vue de son développement personnel est la capacité à se raconter, ce qui signifie qu’il s’accepte. Alors qu’au début du travail en juin 2014 il tend à être replié sur lui-même et à se dénigrer, au fil du temps, non seulement il cesse de se dénigrer, non seulement sa posture est de plus en plus souvent consciemment droite, mais il s’accepte au point de pouvoir assumer des évènements dont il dit « avoir honte ». Auparavant toléré dans la classe, mais en marge, il est de plus en plus apprécié au sein du groupe d’élèves, au point d’y tenir un rôle positif reconnu par tous (désigné chef de classe), d’être écouté et même sollicité pour de l’aide.
Il est clair que, relativement au conte, Michka est un enfant particulier : son grand-père écrit des contes, et il est très réceptif à ce type de récit. Son envie d’écrire également des contes, et de traduire ceux de son grand-père, ont donné à ce travail une consistance particulière.
Si l’on admet que la façon d’appréhender le monde par les entendants est la façon normale, et que c’est par cette appréhension « normale » du monde que l’individu entendant agit et a une emprise sur le réel, force est de constater que le malentendant n’a pas une appréhension du monde « normale ». Elle est modulée par son handicap d’une part, par les stratégies compensatoires qu’il a mises en place, d’autre part. La transmission par voie orale du savoir, des connaissances, des informations, de même que des sentiments, des états d’âme, etc., recouvre pour le malentendant diverses spécificités, que je tente de caractériser par les remarques suivantes : – Contrairement aux entendants, les malentendants ne peuvent se permettre le luxe de n’écouter que la structure de la langue et la signification des mots et des phrases, ils doivent saisir et comprendre le sens et l’intention du message. Ils essaient toujours de comprendre le sens derrière les sons ; il s’ensuit que les « dialogues de sourds » ne se produisent pas entre eux: ils ne sont vécus qu’avec, et par, les entendants !
– Cette nécessité impérative de comprendre le sens, pour retenir et se rappeler de quelque chose, amène le malentendant à inventer (orienté sur le concret), et à mettre en place des stratégies souvent complexes. Les entendants, eux, ont plus de facilité à imaginer (en lien avec l’abstrait), les malentendants à inventer ; toutes deux sont des stratégies (de survie psychologique), d’inclusion, de compréhension. Dans le même ordre d’idées, les « trucs » d’apprentissage « ordinaires » ne « parlent pas » à celui dont le cerveau entend autrement. Ce dernier a de la peine à retenir les règles, du fait qu’il relève d’abord les particularités avant la généralité. Par exemple, sa rencontre du mot « mâle » met à mal la règle qu’un mot au féminin se termine par « e » ! Singularité du sujet unique, pluralité des sujets infinis…
– La surdité accentue fortement le besoin de cohérence, de respect d’une règle énoncée et de justesse autant que de justice. Elle recherche la sécurité d’une compréhension « en connivence » avec l’autre, pour introduire de la complicité, de la solidarité. La loyauté qui découle de la fidélité à la relation, rend plus difficile le deuil de ces vérités partagées, passagères. Le regard et l’écoute attentive de l’autre font du malentendant un être non seulement particulièrement sensible, mais aussi dépendant de ce qu’il comprend du monde, par l’intermédiaire de l’oreille de cet autre. Cette condition à son intégration influe sur son comportement, qui ressemble à celui du petit enfant influençable, ou têtu. Mais arrivée à maturité, cette aptitude peut être transformée en compassion. – Le conte – sa prise en compte de l’invisible – propose une éducation et un enseignement : une possibilité de construire cette maturité sur la base de la reconnaissance. Il inclut l’acceptation de la frustration du « pas tout », favorise l’inhibition et la pacification de l’anxiété. – La qualité « d’écoute » des yeux, « complétée » par celle des autres sens, y compris, paradoxalement, par l’ouïe, est remarquablement aiguisée chez un malentendant ; elle est également le reflet de son propre besoin d’être entendu. Tout à l’écoute de ce que l’autre dit, il est absorbé par le processus d’imaginer le sens de ce qui est transmis, ce qui parfois peut faire croire qu’il est ailleurs. Je dirais qu’il est, en permanence, dans « l’intimité » de l’écoute. Cette qualité d’attention, les entendants la trouvent dans des contextes particuliers – comme le bistrot – peuplés, habités, vivants, enveloppés dans un bruit de fond commun, dans lesquels ils se sentent entouré d’un « cocon » physique et acoustique, dont l’écrin protège le partage, brouille l’écoute étrangère indésirable, favorise l’audace de se dévoiler et la disposition d’être dans cette écoute intime, sans crainte que les autres entendent. Pour le malentendant, ces conditions, rajoutées au naturel, font écran. Pour suivre ce qui se passe, il est dans cette nécessité d’attention en permanence, de manière ordinaire, et cela l’épuise ; il ne peut prendre distance autrement qu’en débranchant ses appareils.
– En écoutant ou en racontant des contes, il écoute ce qui lui parle de lui autant que des autres, son subconscient sera l’éducateur du conscient et jouera le rôle d’oreille filtrante ; il choisit de retenir ce qu’il veut, ce qui le nourrit et qu’il peut digérer. Les contes participent à cette reconnaissance du sens à travers les mots. Les images suscitées, souvent symboliques, n’exigent rien : seul le plaisir de l’écoute du moment, de la résonnance de ce qui parle en soi, compte. C’est la raison pour laquelle, je n’ai pas fait du conte un prétexte de travail, mais un outil de travail.

L’oralité, le paradoxe du malentendant

De l’écoute à l’entendement

On pourrait croire que, pour aider sérieusement un élève malentendant, lui donner un texte devrait suffire pour palier au manque d’audition. Ce n’est pas ce que j’ai observé, et c’est ce que j’appelle le paradoxe du malentendant. Mon observation est la suivante : pour pouvoir comprendre un texte écrit, pour pouvoir comprendre ce qu’il lit, l’élève malentendant doit idéalement l’entendre. Comme pour l’élève entendant, pour l’élève malentendant l’oralité est un passage dont il est fortement souhaitable qu’il précède l’écrit.
[…] Michka m’a d’ailleurs proposé de m’apprendre le russe !
Nous jouons ensuite en individuel, avec Michka, comme si nous étions des personnages qui parlaient d’autres langues (avec les accents typiques) « en français », pour développer la reconnaissance des rythmes et des prononciations. Chacun essaie de deviner « l’origine » de l’autre dans son accent en français. Et nous racontons des choses apparemment anodines comme : ce que nous aimons, d’où nous venons. Cela nous amène à décrire des paysages, des lieux où l’on parle ces langues, nous en venons à imaginer la qualité de la terre de ces endroits et essayer de se mettre dans l’ambiance du climat, des odeurs, de la culture. Cela nous permet d’aborder un apprentissage par son côté vivant, ludique. (15 au 19.09.15)
Le ton de départ est donné, comme l’initiale d’un mot, une destination de voyage, il colore notre mode de communication : le jeu et la représentation pour raconter de manière légère ce qui peut être profond. (Un conte pourrait être le contexte pour mettre en parole tous ces personnages, même si ce ne fut pas le cas ici).
Le but de cette présentation est simplement de prendre conscience de la force des idées toutes faites, et d’ouvrir ce champ à ce qui est moins évident. Rentrée du 27 octobre :
Anglais : to match… Michka repère très bien les mots-clé. We are staying… We aren’t going on our own. Il a besoin de répéter à voix haute ce qu’il entend pour retenir. Révision pour le travail d’anglais, en individuel, il se prend au jeu des colliers de mots, et se débrouille très bien : trouver un mot de vocabulaire qui commence par la dernière lettre du précédent, suite de mots qu’il transforme en comptine. (27 au 31.10.14) Michka aime les jeux de sens, les jeux de mots et il découvre un peu plus les jeux de sons que nous avions commencé un mois plus tôt, avec les accents en français.

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Table des matières

Remerciements 
Table des matières 
Prologue: conte de « Toup’tit, bonhomme qui avait un très beau coup d’bol » 
1. Introduction 
1.1. Fidélité à mes intentions de faire une belle histoire de ma vie d’enseignante
1.2. Outil essentiel de ma recherche : expérience de deuil et de reconnaissance
1.3. Contexte
1.4. Genèse de mon projet de mémoire
1.5. Re-nomination de mon sujet pour passer au présent, et m’inscrire dans un nouveau projet pour l’avenir
1.6. Nouveau départ : reconnexion, reconnaissance
1.7. Des épreuves aux preuves
2. Le conte comme instrument de connaissance 
2.1. L’universalité du conte : il est anonyme et inclut toutes les teintes culturelles
2.2. La posture du conteur et des auditeurs : le conte apprend à dresser l’oreille
2.3. La thérapeutique du conte : outil de compréhension de soi et du monde
2.4. La pédagogie du conte : outil de transmission essentiellement oral
2.5. La médiation du conte : il est relation et support de mémoire
3. Démarche méthodologique 
3.1. Stratégie
3.2. Question de recherche
3.3. Hypothèse
3.4. Instrument de travail
3.5. Aspects pratiques
3.6. Éléments observés
3.7. Positionnement éthique « sur le compte du conte »
4. Mise en marche sur le chemin du récit 
4.1. Intégration et appartenance
4.1.1. Quand la vie choisit sa place auprès de Michka Et qu’à travers ma place de SPS j’entre dans son histoire
4.1.2. Comment l’enfant «malentendant» pose des repères, conquiert sa place et s’y inscrit
4.1.3. Propositions sur les repères, la place et le sentiment d’appartenance
4.2. Le conte, la parole et la posture
4.2.1. De l’écoute à la posture
4.2.2. Propositions sur la posture et la tenue
4.3. Action et transformation consciente
4.3.1 Emprise sur le réel : être acteur et créateur
4.3.2. Propositions : devenir interprète et créateur de sa propre vie
4.4. L’oralité, le paradoxe du malentendant
4.4.1. De l’écoute à l’entendement
4.4.2. Propositions sur l’expression orale et l’écriture, sur l’ouïe et la lecture
4.5. Mémorisation et relation aux apprentissages
4.5.1. Apprendre et mémoriser
4.5.2. Proposition sur l’accès à la mémoire et aux apprentissages
5. Synthèse 
Point de vue sur, et de, Michka
Point de vue de l’école
Point de vue de la famille
Point de vue général
6. Conclusion 
7. Bibliographie 
ANNEXES 
Annexe 1 : Mémoire de contes, initiation du chef indien 
Annexe 2 : Objectifs et plan de travail proposés pour l’année et projet pédagogique 
Résumé

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