Raisonnement temporel en intelligence artificielle 

Modèle temporel pour la reconnaissance d’activités extension de l’approche de Weida

Introduction

Nous avons pu constaté, au chapitre précédent, que l’approche de Weida [Weida, 1993] s’appuie sur la logique de description pour définir un processus inférentiel de reconnaissance d’activités tenant compte, d’une façon limitée, des contraintes temporelles. Cette méthode explorée constitue, à notre avis, l’approche la plus intéressante à exploiter dans notre contexte de recherche. La principale raison justifiant l’utilisation de l’approche de Weida comme fondement de notre contribution est qu’elle nous permet d’utiliser la relation de subsomption pour transformer le problème de reconnaissance d’activités en un problème de classification pouvant être résolu de façon efficace. En fait, la relation de subsomption permet ainsi d’exploiter le paradigme de classification pour effectuer une correspondance efficace entre les événements observés et les actions/activités de la taxonomie [Bouchard et al., 2007]. Une autre raison justifiant l’utilisation de cette approche est sa proximité algébrique avec les modèles antérieures que nous avons élaborés et implantés [Bouchard et al., 2007][Roy et al., 2009], permettant ainsi de fournir une contribution compatible avec les modèles théoriques et les outils logiciels déjà en place au laboratoire.
Au niveau temporel, en explorant le modèle de reconnaissance d’activités de Weida [Weida, 1993], nous avons remarqué que la prise en compte du temps est caractérisée par des contraintes temporelles basées sur le modèle d’Allen et correspondant à des disjonctions temporelles de nature symbolique et qui peuvent décrire un ordre temporel d’une action par rapport à une autre [Allen, 1983]. Tel que nous l’avons mentionné dans l’introduction, dans le domaine de l’assistance cognitive, la quantification et la précision de l’information temporelles sont essentielles afin de mieux superviser et assister un patient possédant un déficit cognitif. Ceci nous permet de conclure que les relations temporelles symboliques induites dans l’approche de Weida ne permettent pas de reconnaître toutes les situations erronées qui nous intéressent, en l’absence de la prise en compte des durées et des délais réelles des événements. Ces informations sont pourtant vitales dans notre cas, où l’on fait face à un comportement erratique de la part d’un patient souffrant d’un déficit cognitif. Afin d’illustrer clairement cette problématique dans le contexte particulier du modèle de Weida [Weida, 1993], nous allons réutiliser le scénario simple décrivant une recette de cuisine de poulet mariné, spécifié sous la forme d’un graphe temporel de Weida à la figure Dans ce scénario, la seule information pouvant être encodée dans le modèle de l’activité concerne l’ordre d’une action par rapport à une autre dans le temps. L’action FairePoulet, par exemple, peut se réaliser avant ou après l’action FaireMarinade, tout en sachant que ces deux actions ne peuvent se réaliser qu’avant l’action MélangerPouletMarinade. On remarque, à partir de ce scénario, qu’il y a une absence totale de la connaissance quantitative de l’aspect temporel, comme, par exemple, la durée minimale de temps nécessaire pour assurer la cuisson du poulet ou bien pour préparer la marinade. Ainsi, dans le cas de cette recette, l’action FairePoulet devrait avoir une durée minimale d’environ 20 minutes. De façon plus précise, cette action devrait durer au moins 20 minutes, mais ne devrait pas non plus dépasser 60 minutes. Supposons qu’un patient Alzheimer réalise cette action et que celle-ci se prolonge pendant 100 minutes. Il s’agirait alors clairement d’une erreur pouvant générer un incendie et qui est, en fin de compte, un oubli lié à sa déficience cognitive menant à ce qu’on peut qualifier de débordement de la durée normal du temps requis à l’exécution de cette action. Par conséquent, le graphe temporel proposé par Weida ne permet pas d’encoder l’information quantitative permettant de reconnaître une telle erreur. Il en va de même pour les informations liées aux délais entre les actions. Par exemple, supposons que la marinade doit absolument être préparée avant le poulet et que celle-ci doit macérer au moins 10 minutes avant d’être mélangée à celui-ci. Il est encore une fois impossible de représenter correctement cette situation avec le modèle original de Weida.
Le constat est donc évident : les relations temporelles du graphe comporte une faiblesse considérable au niveau de la précision quantitative qui est pourtant nécessaire, voir même vitale, afin d’identifier les anomalies de réalisations reliées au temps. De là, on peut dire que l’approche de Weida est insuffisante, du point de vue de la perspective temporelle adoptée dans le domaine de l’assistance cognitive, pour reconnaître adéquatement les activités d’un patient Alzheimer. Également, on note que l’approche de Weida suppose qu’on peut directement observer les actions de bas niveau servant de nœuds dans le graphe décrivant une activité. Cependant, dans le cas l’habitat intelligent, on peut observer seulement des événements de bas niveau (ex. déclenchement d’un détecteur de mouvement et d’un tapis tactile) constituant des indices sur l’action en cours (ex. déplacement de la cuisine vers le salon). L’approche souffre donc également d’un manque au niveau de la représentation des actions de bas niveau permettant de faire l’appariement entre les événements observés et l’action véritablement en cours. Afin de palier à ces limitations, nous proposons dans ce chapitre une version améliorée du modèle de reconnaissance d’activités proposé par Weida [Weida, 1993]. Celui-ci permet de modéliser les actions de bas niveau de façon à pouvoir faire l’appariement entre celles-ci et les événements observés, et de prendre en considération les durées et les délais au niveau quantitatif et de placer la représentation du temps dans un référentiel numérique. L’amélioration de l’aspect temporel est basée sur l’approche numérique de Dechter [Dechter et al, 1991] qui utilise le formalisme de graphe de contraintes, où les nœuds représentent des événements ponctuels et les arcs représentent des intervalles numériques, appelés aussi fenêtres temporelles, délimitant quantitativement le moment de départ et le moment de fin d’une action. Cette approche numérique est utile lors du processus de reconnaissance, où l’observation en provenance des capteurs nous fournie directement les données temporelles liées au déclenchement des capteurs, nous permettant ainsi d’inférer les durées et les moments de début et de fin des activités observées. Dans notre modèle, ces données temporelles tirées des observations pourront être formellement comparées aux intervalles correspondant aux activités prédéfinies de notre librairie (base de connaissances). Par exemple, la description d’une action/étape FairePoulet à l’intérieur d’une activité Préparer? ouletMariné pourra se voir attribuée une durée minimale de 20 minutes et une durée maximale de 60 minutes, représenté par l’intervalle [20, 60]. Lors de l’observation de la réalisation de cette activité, il faudra alors que la durée observée par l’agent assistant soit incluse dans cet intervalle, sinon il y a une anomalie temporelle. De la même manière, le délai minimum et le délai maximum entre deux actions impliquées dans la réalisation d’une activité sera également borné par un intervalle. Il s’agira alors, sommairement, de vérifier la relation de subsomption (inclusion ensembliste) entre les intervalles de temps modélisés dans la nouvelle du graphe temporel. Si les contraintes numériques ne sont pas satisfaites, on générera alors une erreur, soit un débordement de la durée normal du temps, soit un délai incohérent entre deux actions.
Les prochaines sections du chapitre serviront à décrire formellement cette nouvelle extension du modèle de Weida. Elles décriront également 1’implementation réalisée de ce nouveau modèle ainsi que les efforts déployés pour en faire la validation. La suite du chapitre se divise en trois parties. La première présente l’apport théorique proposé au modèle de Weida. La seconde résente notre contribution pratique, prenant la forme de 1’implementation de ce nouveau modèle de reconnaissance à travers une application réelle. La dernière partie présente une étude comparative des performances et apports de ce nouveau modèle amélioré par rapport au modèle antérieur de Weida. Nous conclurons le chapitre sur un bilan de nos travaux.

Extension théorique du modèle de Weida

La première extension que nous proposons au modèle de Weida concerne les concepts utilisés pour décrire les actions de bas niveau. En fait, Weida représente les actions en utilisant carrément des concepts au sens de la logique de description [Baader et al., 2007]. Ces concepts sont en fait primitifs et reviennent à un simple ensemble de termes organisés par niveau de généralité dans une taxonomie. Cette vision de l’action s’avère suffisante si l’on suppose, comme Weida, que les « capteurs » du système sont capables d’observer directement ces événements / actions. Cependant, dans le contexte de l’habitat intelligent, la notion de concept en logique de description se revêt statique et insuffisante pour décrire la dynamique d’un comportement (i.e. les changements résultant de l’application de cette action dans l’environnement) [Bouchard et al., 2007]. C’est pourquoi les nœuds de notre graphe temporel ne peuvent être représentés par de simple concept en logique de description. On doit donc proposer l’utilisation d’une structure de concept « augmenté » permettant de représenter adéquatement les actions d’une activité.
Dans notre extension du modèle de Weida, les nœuds du graphe correspondront dorénavant à des concepts dynamiques d’actions [Bouzouane, 2005] formalisées en logique de description en définissant une paire <W, A> qui représente un modèle état-transition. À l’intérieur de cette structure algébrique, W représente l’ensemble des états possibles du monde et A représentant l’ensemble des actions qui s’applique sur ces états. Une action a e A sur l’ensemble W est une relation binaire a ç WxW, tel que <w, e> e a si et seulement si a(w) = {e|(w,e) eWxW}, où w et e représentent, respectivement, l’état suivant. Ainsi, les actions sont déterministes et opèrent sur les formules d’assertions, qui sont des cas particuliers de formules de la logique du premier ordre [Borgida, 1996]. Si les expressions des concepts et les assertions en logique de descriptions des faits à propos de l’état du monde, qui signifie l’environnement du patient, elles peuvent alors être satisfiables ou non, en fonction de l’état courant. Par conséquent, les états du monde peuvent correspondre à des structures sémantiques. Soit w = < Dom(w), (.)lw > une structure sémantique tel que Dom(w) représente le domaine d’interprétation, c’est-à-dire l’ensemble non vide d’objets appelés individus existant dans le monde à l’état w à un moment spécifique. La fonction QIw exprime une fonction d’interprétation associée à w, assignant à chaque symbole de concept C un sous ensemble de domaine Dom(w)xDom(w) de manière à ce que les formules qui définissent la sémantique de la logique de description soient satisfaites [Baader et Nutt, 2003]. Soit les symboles C et D, qui désignent des concepts et r le nom d’un rôle au sens de la logique de description. La relation de subsomption existante entre les concepts est dénoté comme suit : D < C ou C subsume D, ce qui signifie que Dlw ç CIw dans l’état W. Une assertion de la forme C(i) spécifie que l’individu / est une instance du concept C et une assertion r(ij) indique que le couple d’individus (i, j) se trouve dans l’extension de r. Les actions interviennent au niveau assertionnel qui correspond à l’extension des concepts et rôles. Dans le but d’associer une interprétation aux assertions, la fonction (.)Iw est étendue aux individus.

Sémantique de l’action en logique de description

Une action a(w) est une structure utilisant une formulation tiré de celle proposée dans le travail de Fikes et Nilsson [Fikes et Nilsson, 1971] concernant le langage STRIPS qui utilise les notions de préconditions et de postconditions. • La précondition pre(a) de l’action a consiste en une conjonction de formules d’assertions qui concernent les objets de concepts ainsi que les rôles qui s’associe avec ces objets. L’ensemble des états dans lequel l’action a(w) peut être effectuée correspondant au domaine : Dom(a) = {w e W| w |= pre(a)}. Par conséquent, toutes les assertions qui composent pre (a) doivent satisfaire chacun des états w tel que a(w) * 0 . • La postcondition pos(a) représente les effets produits par l’exécution de l’action a(w) qui peut être exprimé par les formules d’assertion induites dans post(a) représentant les ajouts à l’interprétation des concepts et des rôles qui concerne l’action a(w), ainsi, pour les assertions qui spécifient les suppressions à l’interprétation des concepts et des rôles, qui est dénoté par pos~(a). L’ensemble des états résultant de l’exécution de l’action a correspond au co-domaine CoDom(a) = {e e W | e |= pos(a)}.

La subsomption entre les actions

Après avoir étudié la sémantique de la structure d’action en logique de description, on définit maintenant la relation de subsomption qui va permettre d’organiser les nouveaux concepts d’actions en une taxonomie. Soit a et b, deux structures d’actions construites suivants le modèle que nous venons de présenter dans la section précédente, il existe une relation de subsomption entre ces deux actions, où b est le subsumant et a le subsume, si le domaine et le co-domaine de l’action a sont respectivement inclus dans le domaine et le co-domaine de l’action b. D’une façon formelle, une action b subsume une action a, qui se dénote par a <a b si et seulement si Dom(a) ç Dom(è) et CoDomfaJ çr CoDomfZ^. Le symbole <a indique la relation de subsomption entre les concepts d’actions. La sémantique de cette relation de subsomption d’actions est une extension directe de la relation de subsomption traditionnelle qui provient de la logique de description. Si a <a b alors pour tout état w ç W : w |= pre(a) -» w |= pre(b). De même pour les préconditions : Dom(a) ç Dom(b) et CoDom(a) ç CoDom(b). Cette extension de la relation de subsomption peut être vue comme un élément de base sur lequel s’appuie le processus de reconnaissance d’activités qu’on veut étendre et que nous définirons plus loin dans ce chapitre.

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Table des matières

Résumé
Remerciements
Table des matières
Liste des figures
Liste des tableaux
Liste des algorithmes
1 Introduction 
1.1 Contexte
1.2 Problématique : la reconnaissance d’activités et le temps
1.3 Illustration de la problématique liée aux erreurs d’origine temporelle
1.4 Travaux existants sur la reconnaissance temporelle
1.5 Méthodologie de recherche
1.6 Organisation du mémoire
2 Raisonnement temporel en intelligence artificielle 
2.1 Introduction 
2.2 Approche symbolique
2.2.1 Logique temporelle d’Allen
2.2.2 Représentation du temps basée sur la notion d’instant
2.2.3 Comparaison des approches d’Allen et de McDermott
2.3 Représentation numérique du temps
2.3.1 L’approche temporelle de Dechter
2.3.2 Conclusion sur les approches numériques
2.4 Approche mixte
2.4.1 Approche de Kautz et Ladkin
2.4.2 Approche de Meiri
2.4.3 Comparaison entre les approches de Kautz et Meiri
2.5 Conclusion du chapitre
3 La reconnaissance d’activités temporelles 
3.1 Introduction
3.1.1 Définition d’une activité de vie quotidienne (AVQ)
3.1.2 Les origines de la reconnaissance d’activités
3.1.3 Classification des différents types de reconnaissance d’activités
3.1.4 Reconnaissance d’activités dans un environnement intelligent
3.1.5 Reconnaissance d’activités intégrant l’aspect temporel
3.2 Les principaux travaux sur la reconnaissance temporelle
3.2.1 Approche de Kautz
3.2.2 Approche de Jakkula et Cook
3.2.3 Approche de Weida
3.3 Conclusion
4 Modèle temporel de reconnaissance de plans: extension du modèl Weida 
4.1 Introduction 
4.2 Extension théorique du modèle de Weida
4.2.1 Sémantique de l’action en logique de description
4.2.2 La subsomption entre les actions
4.2.3 Extension numérique des contraintes temporelles de Weida
4.2.4 Bilan de notre apport théorique
4.3 Implementation et validation de notre nouveau modèle étendu
4.3.1 Architecture logicielle de notre implementation
4.3.2 Le simulateur d’habitat intelligent SIMACT
4.3.3 Modèle d’activité de la vie quotidienne utilisée pour les tests
4.3.4 Approche expérimentale utilisée pour collecter les données de SIMACT
4.3.5 L’application de reconnaissance temporelle
4.3.6 Étude comparative des performances du nouveau modèle
4.3.7 Présentation des résultats
4.4 Positionnement de ce travail au sein du LIARA
4.5 Bilan de la contribution de ce mémoire
4.6 Conclusion du chapitre 
S Conclusion générale 
5.1 Réalisation des objectifs fixés en introduction
5.2 Bilan sur le modèle développé
5.3 Limitations et perspectives de développement futur
5.4 Bilan personnel sur ce travail de recherche
Annexe A : Introduction aux logiques de description
Bibliographie

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