RABELAIS ET LE CRÉPUSCULE DE L’INTERPRÉTATION ALLÉGORIQUE

RABELAIS ET LE CRÉPUSCULE DE L’INTERPRÉTATION ALLÉGORIQUE

LES ÉDITIONS DE RABELAIS AU XVIIIe SIÈCLE

Recenser différentes éditions des oeuvres de Rabelais parues au cours du XVIIIe siècle nous paraît essentiel, puisque le nombre de publications est souvent proportionnel à la vogue que connaît une oeuvre. Comme le rappelle Robert Damton dans Édition et sédition, «[p ]Ius un livre est condamné par les autorités, plus il est demandé par le public; mais plus il est demandé, plus il est contrefait.4 » L’ auteur évoque ici les oeuvres interdites, mais il observe par ailleurs que les oeuvres légales les plus reconnues ont aussi été l’ objet de nombreuses contrefaçons, et ce, même si elles étaient publiées avec privilèges. Dans le cas qui nous intéresse, nous souhaitons relever le nombre d’ éditions de l’oeuvre intégrale de Rabelais, ainsi que celles ayant été délibérément expurgées de certains passages, voire de chapitres entiers. Les romans du Chinonais étaient considérés comme dangereux pour les moeurs par le clergé. En effet, ils étaient interdits par l’Église depuis 1544 et inscrits à l’Index librorum prohibitorum. Il était donc souvent délicat de les publier en France, pui,squ’ il était interdit de les lire.

Pour cette raison, nous ne concentrerons pas nos recherches uniquement sur les éditions françaises, mais nous inclurons aussi les éditions produites hors des frontières du royaume, comme à Amsterdam ou à Bruxelles par exemple. En effet, puisqu’en France, la censure était beaucoup plus sévère, les libraires devaient faire attention aux oeuvres qu’ ils publiaient, car ils risquaient l’ embastillement si des textes interdits étaient retrouvés dans leur commerce. Certains auteurs et libraires tentèrent tout de même de vendre clandestinement les livres proscrits à l’ intérieur du pays, mais plusieurs autres, par prudence, préférèrent faire publier leurs oeuvres à l’étranger. L’Histoire de l ‘édition française d’Henri-Jean Martin nous donne un aperçu de ce que pouvait être le métier d’éditeur chez les voisins européens de la France :

Les éditions expurgées

D’ autre part, nous voyons aussi des éditions des oeuvres de Rabelais où l’ éditeur croyait qu’ il était de la plus haute importance d’en retirer toutes les « saletés ». Il s’ agit en fait de supprimer les passages qui auraient pu heurter la sensibilité du public lettré du xvrue siècle, elle-même façonnée par l’univers du salon féminin et, plus généralement, par le « processus de civilisation23 ». L’abbé Pérau, qui publia les oeuvres de Rabelais chez Barillot et fils en 1752, fait partie de cette catégorie.24 Son édition, ainsi que le Rabelais moderne de l’abbé de Marsy, publié la même année, sont les seules que nous ayons retracées qui offraient une version expurgée des oeuvres de Rabelais. Puisqu’ elles témoignent au même titre que les autres de la réception de Rabelais au siècle des Lumières, nous jugeons qu’elles méritent tout autant que nous leur portions une attention particulière. Dan~ la préface de l’édition Barillot, l’ éditeur explique pour quelles raisons il a choisi d’offrir une version revue et corrigée des oeuvres de Rabelais: Nous avons encore la même idée de Rabelais [c ‘est un abîme de connaissance] : mais il s’en faut bien que nous ayons pour son Roman la même admiration que nos ancêtres.

Nos moeurs peut-être moins pures, sont certainement plus décentes. Ses obscénités nous révoltent; nous ne sommes pas moins choqués de l’obscurité qui règne dans tout son ouvrage, & du peu de vraisemblance qui se trouve dans ses portraits, & dans toute la suite de sa narration. 25 Comme c’est le cas dans plusieurs ouvrages que nous avons croisés jusqu’à maintenant, l’éditeur excuse les grossièretés en expliquant que cette façon d’écrire était normale à l’époque, alors qu’au XVIIIe siècle, ce n’est plus le cas. L’éditeur justifie le fait d’avoir retranché des oeuvres ce qui n’est plus convenable au nom des usages plus décents qui prévalent désormais au siècle des Lumières. Les passages éliminés le sont donc pour des questions de civilité et de bienséance, mais aussi à cause de l’ obscurité, voire de l’incompréhension que ressentent les lecteurs pour l’oeuvre. Plus loin, notre éditeur précise:

Les lettres de Rabelais

En plus des éditions des oeuvres de Rabelais, nous nous sommes aperçue qu’il existe une autre catégorie d’éditions. Ce sont celles des lettres écrites par Rabelais, ainsi que les commentaires qui ont été faits à leur sujet depuis le XVre jusqu’au xvrw siècle. Nous nous trouvons donc face à des lettres suivies de longs commentaires des éditeurs, en plus d’une série d’épitaphes ou autres textes écrits à propos de notre auteur. Ce sont de nouvelles éditions de textes ayant déjà été publiés par le passé, nous avons choisi de les inclure ici. Les lettres dont il est question ici sont les Lettres de François Rabelais, escrites à l ‘Evesque de Maillezais. Ces lettres auraient été écrites pendant le voyage que Rabelais effectua en Italie en compagnie du cardinal Du Bellay. Comme le titre l’indique, elles auraient été écrites à l’évêque de Maillezais afin de lui faire part de ce qui se passait à Rome au moment où Rabelais s’y trouve, mais aussi pour le mettre au courant des dernières nouvelles de la France. On y rencontre non seulement des propos anodins, comme ceux qui concernent des graines pour un jardin, mais encore certaines négociations auxquelles Rabelais semble prendre part. Quelques propos portent quant à eux sur des événements politiques qui méritent probablement que nos deux interlocuteurs y prêtent attention.

Le sainct Père par élection du Consistoire, a envoyé par devers luy [Charles V] deux Legats, sçavoir est le Cardinal de Senes, & le Cardinal Cesarin. [ … ] J’entends que c’est pour l’affaire de Florence, & pour le differend qui est entre le Duc Alexandre de Médicis, & Philippes Strossi, duquel vouloit ledit Duc confisquer les biens qui ne sont petits [ … ] & avoit mis gens en cette ville pour l’empoisonner ou tuër quoy que ce fust. 36 Nous en retrouvons une nouvelle édition à Bruxelles, chez François F oppens en 1710 sous le titre Les lettres de François Rabelais escrites pendant son voyage d’Italie, nouvellement mises en lumières, avec Observations Historiques par Mrs. De Sainte- Marthe, Et un Abrégé de la vie de l ‘Autheur, mais elles ont aussi été insérées à la fin de l’édition expurgée de 1752 chez Barillot, ainsi que dans plusieurs autres éditions complètes des oeuvres de Rabelais. Dans les deux cas, ces lettres sont aussi accompagnées d’autres documents, comme des observations sur les lettres; une « Vie de Rabelais» et, dans le cas de l’édition Barillot, du Parallèle burlesque que Dufresny avait développé entre Homère et Rabelais.

Dans l’ édition de Foppens, elles sont suivies d’observations qui débutent par une présentation de l’évêque de Maillezais (Geoffroy d’Estissac) et de sa généalogie. Les observations présentent aussi toutes les personnes qui sont nommées dans les lettres, faisant ainsi un historique des principaux noms que les lecteurs doivent connaître pour se remettre en contexte. Nous retrouvons aussi des explications relatives à des concepts ou à des mots plutôt flous ou même tout simplement oubliés pour les lecteurs du XVIIIe siècle. Il n’y a que seize lettres, qui tiennent sur 44 pages, mais les observations sont beaucoup plus volumineuses, qui s’étendent sur un peu plus de 200 pages. L’ auteur de ces observations a cru bon d’expliquer tout ce qui se trouve dans cette correspondance en détail, au point même de s’étendre en des propos fort incidents. Quoi qu’ il en soit, ces lettres et ces observations nous en apprennent beaucoup sur les relations que Rabelais pouvait avoir avec les personnages importants de son époque, ainsi que les mécanismes qui étaient à l’oeuvre dans la société du XVIe siècle, car ces lettres font état de certaines situations politiques auxquelles il avait la chance de participer et où il lui arrivait de pouvoir donner son avis, comme lors d’échanges et de négociations entre personnes haut placées.

Pour terminer, nous remarquons donc que les oeuvres de Rabelais ont été rééditées à de nombreuses reprises pendant le XVIIIe siècle. Ces rééditions témoignent d’une certaine demande pour les romans de cet auteur. En effet, comme nous l’avons vu, à l’époque, plus une oeuvre était demandée par le public, plus elle était éditée. De plus, lorsque cette oeuvre était interdite en France, la demande était aussi souvent plus grande. Puisque les romans du moine défroqué ont été mis à l’ index par l’Église, il est certain que les lecteurs recherchant les ouvrages proscrits ont dû les demander. Au surplus, il n’est pas étonnant de voir que la plupart des éditions des oeuvres de 1 ‘humaniste qui parurent au XVIIIe siècle furent éditées chez les voisins européens de la France.

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Table des matières

REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 LES ÉDITIONS DE RABELAIS AU XVIIIe SIÈCLE
1.1 Les éditions complètes
1.2 Les éditions expurgées
1.3 Les lettres de Rabelais
CHAPITRE II RABELAIS DANS LES SALONS ET CHEZ LES PHILOSOPHES DE L’ÂGE CLASSIQUE
2.1 Rabelais à la lumière des salons
2.2 Rabelais chez les philosophes
2.2.1 Voltaire, lecteur de Rabelais
2.2.2 Diderot, lecteur de Rabelais
2.2.3 Rabelais lu par les auteurs du XVIII. »
CHAPITRE III RABELAIS ET LE CRÉPUSCULE DE L’INTERPRÉTATION ALLÉGORIQUE
3.1 L’ allégorie au XVIIIe siècle
3.2 L’ influence du déclin des lectures aJ1égoriques sur l’interprétation de Rabelais
CONCLUSION
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE

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