Qu’est-ce que la navigation textuelle ?

Qu’est-ce que la navigation textuelle ? 

Au long de l’histoire, des instruments de recherche d’information ou d’aide à la lecture, fondés sur la notion de page, tels que la table des matières, les index, les renvoi, etc., ont été introduits. Dès l’arrivée de l’informatique, ces instruments, de nature typiquement statique, se sont multipliés et ils ont vu croître leur puissance. Actuellement, les logiciels de traitement textuel offrent potentiellement des instruments beaucoup plus puissants, ce qui est en général possible grâce à la possibilité de disposer, en arrière plan, de la représentation structurelle du texte.

Dans le cadre général de l’histoire du texte numérique (cf. chapitre 4), l’hypertexte place un jalon du point de vue conceptuel, et l’utilisation massive d’Internet a répandu son utilisation à grande échelle. L’implémentation classique de l’hypertexte consiste à offrir à l’utilisateur la possibilité d’activer un lien entre deux nœuds pour déplacer le point de lecture, ce déplacement pouvant être intra ou intertextuel. Plusieurs aspects, que l’on considère désavantageux, sont à souligner dans ce type de navigation hypertextuelle. Tout d’abord, l’activation du lien est « aveugle », dans le sens ou l’utilisateur possède peu d’information sur la cible du lien (un titre ou l’adresse URL qui est en général peu significative), et qu’il doit cliquer afin de tester la véritable pertinence du lien par rapport à ses intérêts d’information. Deuxièmement cette navigation est linéaire, c’est-à-dire qu’une seule voie de navigation est offerte au lecteur quand celui-ci active le lien. Troisièmement, l’orientation de la navigation n’est pas indiquée explicitement : le lecteur ne sait pas si le déplacement se fait vers l’amont ou vers l’aval du texte lu, ce qui entraîne, entre autres, des phénomènes de désorientation cognitive [Elm et Woods 1985] [Edwards et Hardman 1989] [Cotte 2004b]. Enfin et surtout, les liens sont placés dans le corps même du texte, ce qui implique qu’il n’est pas possible d’adapter les parcours dans ce texte au lecteur. En d’autres termes, aucune information ou connaissances complexes ne peuvent être associées à la navigation.

Le terme de navigation textuelle reçoit de multiples interprétations, la plus commune renvoyant inévitablement au processus mis en œuvre par les outils de navigation utilisés pour circuler dans les documents hypertextes. Néanmoins, notre conception de la navigation textuelle se démarque de la navigation hypertextuelle traditionnelle2 car nous considérons que circuler ou naviguer dans un texte est l’expression d’un processus cognitif qui convoque des connaissances qui sont propres à la finalité de la navigation [Minel 2003], [Couto et Minel 2004a, 2004b]. De ce fait, un documentaliste qui doit écrire un résumé d’un texte [EndresNiggemeyer et al. 1995] ne navigue pas de la même façon qu’un lecteur intéressé par l’évolution des sentiments d’un des personnages d’un roman [Mathieu 2004] ou qu’un linguiste qui explore les annotations placées par un système automatique [Pery-Woodley 2005].

Nous formulons l’hypothèse que la démarche du lecteur peut être assistée par l’exploitation de connaissances, présentes dans les textes, qui peuvent être, en partie, modélisées sous une forme déclarative. Autrement dit, il ne suffit pas de créer des liens mais il est nécessaire d’expliciter l’opération de navigation. De plus, ce processus de définition d’opérations de navigation doit être mis en œuvre par un « expert » capable d’encoder ces connaissances.

Comme on le verra, il existe une différence capitale entre la navigation textuelle que nous proposons et la navigation hypertextuelle. Cette différence réside dans le codage et l’interprétation des connaissances navigationnelles. Dans le cas de l’hypertexte, celles-ci sont encodées par l’auteur dans le texte même et en font partie. Notre approche consiste à séparer les connaissances navigationnelles de l’objet texte. En outre, nous considérons qu’un texte peut être visualisé de différentes manières et que chaque visualisation peut déterminer une façon de le naviguer.

Du point de vue du lecteur, la navigation textuelle que nous proposons est alors très différente de la navigation hypertextuelle au sens ou nous considérons que le lecteur, qui active lui aussi des connaissances d’interprétation [Kintsch 2003] [Baccino 2004] doit pouvoir interagir en choisissant la voie de navigation qui lui semble la plus appropriée pour sa tâche de lecture. Notre proposition de navigation textuelle implique quatre éléments constitutifs :
– disposer d’une représentation du texte pouvant décrire différents phénomènes linguistiques servant, à un utilisateur, de guide à la lecture ;
– la possibilité de pouvoir isoler les connaissances visuelles et navigationnelles et de représenter celles-ci de manière précise ;
– un agent (une personne, une équipe d’experts, un système, etc.) capable d’encoder ces connaissances en utilisant un langage formel ;
– un système qui interprète les connaissances encodées par les agents, permettant à l’utilisateur de naviguer dans les textes.

La navigation textuelle est-elle utile ? 

La navigation textuelle est-elle nécessaire ? Est-elle utile ? L’argument le plus souvent revendiqué est celui référant au nombre de documents publiés sur la toile. Voyons un autre argument. Le 14 décembre 2004, Google a annoncé qu’il aspirait à numériser, en six ans, 15 millions d’ouvrages provenant de prestigieuses bibliothèques américaines et britanniques (New York Public Library ; universités de Michigan, de Harvard, de Stanford, d’Oxford).

Le projet Google Print, fortement contesté de différents points de vue (économiques, culturels, stratégiques…), est une sorte de bibliothèque universelle permettant à tout internaute de consulter entièrement le contenu de ses ouvrages, mais lui interdisant de les télécharger, de les sauvegarder et de les imprimer. La possibilité d’avoir une énorme masse de documents que l’on ne peut manipuler qu’à travers des outils logiciels, et en conséquence par des interfaces homme-machine, semble un champ prometteur quant aux applications de notre approche. Dans cette perspective, notre approche de la navigation textuelle vient enrichir l’architexte [Souchier et Jeanneret 1999] constitué par et autour de cette bibliothèque universelle.

Travaux motivant la réalisation de cette thèse 

En 1998, une collaboration entre le laboratoire LaLICC de l’Université Paris–Sorbonne et le groupe de T.A.L. de l’Université de la République d’Uruguay, est mise en place. La plateforme logicielle ContextO [Crispino et al. 1999], visant le filtrage sémantique des textes et implémentant la plate-forme conceptuelle FilText, est le fruit de la collaboration entre différents chercheurs. Ma participation dans le développement de ContextO [Couto 2002] a eu trait spécifiquement aux aspects de visualisation interactive d’information [Hascoët et BeaudouinLafon 2001] [Card et al. 1999] et à ceux d’interaction avec les utilisateurs [Shneiderman 1998]. Le développement et, notamment, l’utilisation de la plate-forme ContextO nous a permis de constater l’importance de l’interactivité dans le traitement de filtrage et, également, le bénéfice dû aux interfaces adaptatives. Les opérations de visualisation, la possibilité d’avoir différents types de vues et divers filtrats pour un même document source, et la coordination automatique de vues, éléments d’une approche dynamique à la construction automatique de résumés [Crispino et Couto 2004], représentent pour l’utilisateur des outils lui permettant d’interpréter et de mieux comprendre les filtrats fournis par ContextO. C’est dans le cadre du projet RÉGAL [Ferret et al. 2001] [Sabah 2002] [Couto et al. 2004] que nous avons pu mettre à l’épreuve nos choix de visualisation et d’interaction. L’objectif principal de ce projet a consisté à fournir à l’utilisateur des outils d’exploration d’un document dont il ne peut pas juger la pertinence par rapport à ses objectifs de recherche, malgré la description présentée par un moteur de recherche ou le résumé indicatif généré par un système de résumé automatique. Notre participation dans le projet RÉGAL nous a permis, d’une part, d’abstraire la notion de vue par rapport à un document et, d’autre part, d’incorporer la notion d’opération de navigation. C’est ainsi que notre conception des outils de visualisation et navigation repose sur un principe général concernant l’objet textuel à produire : à partir de l’objet textuel source T, le résultat de la fouille du texte est un nouvel objet textuel Tf qui intègre d’une part l’objet T et une représentation décorée de T appelée Td (autrement dit, le résultat de la fouille est une fonction de T et de Td), et d’autre part un ensemble de vues étant donné que le système permet d’avoir plusieurs vues pour un même texte (une vue étant une forme sémiotique FS du texte Td, celle-ci peut se concevoir comme une fonction de FS et de Td). Nous pouvons alors décrire le rôle des vues dans la fouille de textes avec l’expression suivante :

Tf (T, Td, {V1(FS1, Td, O1), V2(FS2, Td, O2), … Vn(FSn, Td, On) })

Les éléments O1, O2, …, On représentent des ensembles d’opérations de visualisation et sont donc associés à des vues. Cela signifie que chaque vue est fonction d’une forme sémiotique, d’un texte décoré et d’un ensemble, spécifique à celle-ci, d’opérations de visualisation. La fouille du texte T reste fonction de celui-ci, de ses décorations (Td) et des vues possibles sur lui. Le travail accompli au sein du projet RÉGAL nous a permis de souligner l’importance des aspects de visualisation et d’interaction pour un système de fouille de textes. Parallèlement, nous avons commencé à formaliser ceux-ci, ce qui nous a amené à constater qu’il s’agissait des connaissances amalgamées à la plate-forme car, de fait, tant les représentations visuelles du texte que les opérations de navigation étaient spécifiques et encodées dans l’applicatif. Afin d’abstraire ces connaissances des systèmes, un langage formel de représentation de ces connaissances devait être proposé.

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Table des matières

Introduction
1. Problématique
Qu’est-ce que la navigation textuelle ?
La navigation textuelle est-elle utile ?
2. Travaux motivant la réalisation de cette thèse
3. Principales contributions
4. Plan de la thèse
Préambule
Modélisation des connaissances
Une plate-forme de navigation textuelle et ses applications
Chapitre 1 Motivations
1.1. Introduction
1.2. La plate-forme conceptuelle FilText
1.3. La plate-forme logicielle ContextO
1.3.1. Un développement collaboratif
1.3.2. Première implémentation : pouvoir visualiser le contexte d’extraction de phrases
1.3.3. Deuxième implémentation : vers la mise en œuvre d’interfaces utilisateurs
1.3.4. Le résumé automatique guidé par le « point de vue » de l’utilisateur et assisté par des interfaces adaptatives
1.3.5. Quelques éléments de réflexion à propos de l’intérêt d’interfaces adaptatives
1.4. Projet RÉGAL
1.4.1. Structure des textes et exploration des documents
1.4.2. Conception des outils de visualisation et navigation
1.4.3. Utilisation de ContextO dans le cadre du projet RÉGAL
1.5. Synthèse
Chapitre 2 Interfaces Homme-Machine et Visualisation Interactive d’Information
2.1. Introduction
2.2. Définition et objectifs des IHM
2.3. Styles d’interaction
2.4. Comment dessiner l’interface utilisateur ?
2.4.1. Principes généraux de dessin
2.4.2. Affichage de l’information
2.4.3. Organisation des menus
2.5. Visualisation interactive d’information
2.5.1. Brushing and linking
2.5.2. Panning and zooming
2.5.3. Focus-plus-context
2.5.4. Greeking
2.6. Synthèse
Chapitre 3 Navigation Textuelle et Hypertexte
3.1. Introduction
3.2. L’hypertexte
3.2.1. L’approche traditionnelle
3.2.2. Désavantages de l’approche traditionnelle
3.2.3. Le problème de la désorientation cognitive
3.2.4. L’hypertexte adaptatif
3.2.5. L’hypertexte dynamique
3.3. La navigation textuelle
3.3.1. Exploitation de connaissances
3.3.2. Une approche de la navigation textuelle
3.3.3. Qualité de la navigation textuelle
3.4. Synthèse
Chapitre 4 L’objet « Texte »
4.1. Introduction
4.1.1. Nature physique
4.1.2. Dimension spatiale et mise en forme
4.1.3. Définitions du terme « texte »
4.2. Texte ou Document ?
4.2.1. Notion de document
4.2.2. Un débat actuel
4.2.3. Conclusion
4.3. Le passage au numérique
4.3.1. L’hypertexte
4.3.2. Les livres électroniques
4.3.3. Conclusion
4.4. Synthèse
Conclusion

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