Quels espaces vécus pour les trois communes : L’école comme lieu de rencontre et de sociabilisation ?

Trois communes rurales aux morphologies différentes, des dynamiques démographiques similaires

Après avoir présenté le cadre théorique en se focalisant sur les termes clés qui structurent la recherche et avoir démontré les liaisons pouvant être faites d’un terme à un autre, il semble indispensable de présenter le terrain étudié. Il convient donc de situer géographiquement les communes et les différents typologies dans lesquelles elles se trouvent, puis de présenter la morphologie des trois communes et d’en préciser l’évolution. Enfin, il est nécessaire de parler des écoles regroupées au sein d’un Regroupement Pédagogique Intercommunal (R.P.I.) en faisant un petit historique et le point actuel sur ce service public qui subsiste encore au niveau des trois communes. Ce dernier point est important dans le cadre de ce mémoire puisqu’il constitue l’axe d’entrée de cette recherche sur le terrain, notamment au travers de la réalisation de cartes mentales par les enfants, de leurs pratiques spatiales, de l’étude de l’école comme facteur déterminant ou non dans l’installation de ménages dans ces communes et de l’école comme lieu de rencontre.

Peut-on parler de communes rurales ?

Le terrain étudié est composé de trois communes : Garrigues, Lugan, St-Agnan. Ces dernières ont comme particularité d’être intégrées au sein d’un territoire commun, la Communauté des Communes Tarn-Agout (CCTA), regroupant 22 communes à cheval sur deux départements (le Tarn avec 20 communes et la Haute-Garonne avec 2 communes). Ce territoire regroupe en son sein environ 30 000 habitants , et a la particularité de se trouver à mi-chemin entre le métropole toulousaine et la ville moyenne d’Albi (Cf. Illustration 1). En effet, les trois villages se trouvent à 40 km environ de Toulouse et à 50 km d’Albi. Cependant si on prend le facteur distance-temps, celui-ci est fortement diminué par la présence de l’autoroute A68 AlbiToulouse (du Pastel) qui traverse ce territoire depuis 1992/1993. Ce qui influe sur la démographie de ce territoire et de ces trois communes, comme il sera démontré plus loin.

Morphologie de trois communes rurales

Les communes étudiées ici, bien qu’ayant en commun ces différentes typologies, se distinguent l’une de l’autre par le développement du bâti de ces communes, entre un développement dès les années 1980 en lotissement et le phénomène de mitage qui disperse l’habitat en différents endroits dans la commune.
Saint-Agnan a vu dès les années 1980, son développement se faire en lotissements majoritairement, comme le précise l’ancien maire de Saint-Agnan « Parce qu’on a fait une première réserve foncière, en 1981-1982. On a commencé en 1981, et en 1982 on avait déjà vendu deux lots du lotissement. »(Entretien n°4), ce qui a permis un habitat concentré en une seule et même zone (hormis quelques maisons relativement isolées, comme des anciennes fermes et de l’habitat ancien). Cela nous est confirmé par Madame le maire au travers de cette phrase : « Je suis en train de travailler sur la carte communale, et il y a 56% des maisons qui sont à moins de 300 mètres de l’église ou de la mairie. » (Entretien n°3). Ce qui permet d’avoir une structure en village, et une centralité, sur cette commune, affirmée.
Cela se confirme au travers des perceptions des habitants de la commune interrogés. La question suivante leur a été posée : Je vais vous demander de placer sur cette carte ce qui est pour vous le centre de la commune. Où se trouve la centralité de cette commune ? Pour répondre à cette question, une carte de la commune leur a été présentée. Il leur a été demandé d’ entourer la zone qu’ils considéraient comme étant le lieu de la centralité, le centre de la commune, et d’indiquer si pour eux, il y en a vraiment un. Ainsi, l’intégralité des personnes habitant à Saint-Agnan ont répondu par l’affirmatif à cette question, en désignant le  »village » même : « A Saint-Agnan c’est le village, plutôt vers la mairie et l’école, mais l’ensemble du village correspond bien à une centralité. Il y a un vrai cœur de village. » (Entretien n°8). (cf. Illustration n°2 et Annexe n°3
Concernant Lugan et Garrigues, cette centralité semble moins, voire pas du tout présente à l’heure actuelle. Cela s’explique par le développement en mitage dans ces deux communes, même si les profils sont bien différents.
Pour la première commune (cf. Illustration n°3), cette morphologie de l’habitat très dispersé nous est confirmée par le maire, comme l’explicite bien la phrase suivante : « Lugan c’est une commune très éclatée en habitat […]. Mais il fallait arrêter ce type de politique (de mitage), le recentrer comme on le fait, dans le cadre des nouvelles lois. » (Entretien n°2). En effet, cette commune s’est développée autour de trois bourgs/hameaux différents. Le premier, se trouve proche des équipements communaux que sont la mairie, la salle des fêtes et l’école (Annexe n°4).
Dans les perceptions des habitants, la majorité considère cette partie de la commune comme étant la centralité, « Pour moi, c’est là où il y a la mairie. Mais la mairie par éducation et définition psychologique et par réflexe. Là où il y a la maire c’est le centre. C’est plus pour ça. »(Entretien n°18), même pour ceux habitant dans un autre lieu de cette commune. « C’est au niveau de la mairie.
Pour moi, le centre du village c’est là où il y a le cœur de l’activité (avec l’école, la salle des fêtes). » (Entretien n°6). Le second lieu de développement se trouve au lieu dit « Pas du Loup », où, ici, de grandes parcelles se sont vendues avant les années 2010, ce qui renforce encore cette impression de mitage (Annexe n°5). Le troisième lieu où s’est développé l’habitat, se trouve au lieu dit de « La Courbe » (Annexe n°6). Ces principaux lieux d’habitations sont perçus comme étant éclatés par certaines personnes interrogées, et remet en cause chez eux la notion de village dans cette commune : « M. : Déjà Lugan, ça ressemble pas à un village. […] Il y a une mairie, une salle des fêtes et puis des maisons, partout. C’est très diffus, l’habitat est vraiment très dispersé. C’est quand même pas super fréquent ça. »

Un élan démographique commun : quel profil pour la population des trois communes ?

L’ influence de l’aire urbaine de Toulouse favorisée par la présence de l’autoroute A68 (avec un échangeur entre Saint-Sulpice et Lavaur à Gabor) va également entraîner sur les trois communes rurales que sont Garrigues, Lugan et Saint-Agnan, une certaine croissance démographique sur la période 1968-2012. Ce qui a déjà été développé un peu plus tôt dans ce mémoire.
La commune de Garrigues sur la période de 1968 à 2012, a connu un taux d’évolution de 121,4 %, soit 153 habitants en plus sur cette même période. Cela peut s’expliquer par l’arrivée sur la commune de jeunes ménages, de par la construction de lotissement et de maisons individuelles au courant des années 90. Cependant, on remarque une légère baisse de la population municipale entre 2007 et 2012. On peut expliquer cela par le départ de certains ménages de la commune et par son solde migratoire négatif, car le solde naturel lui, est positif sur cette période.

Un service public qui subsiste : le RPI et les écoles

Avant même la création du RPI, l’école de Saint-Agnan et celle de Garrigues étaient en classes uniques (élèves de la Grande Section jusqu’au CM2) menacées toutes les deux de fermeture. C’est alors que les deux communes se sont entendues afin de regrouper leurs élèves respectifs sur un seul lieu afin d’éviter la fermeture. C’est l’école de Saint-Agnan, plus adaptée qui est restée ouverte (décision à la fois de l’académie et de la préfecture). Mais en 1992, le problème de la légitimité d’un RPI regroupant deux communes s’est posé. En effet, au regard de la loi, les RPI devaient réunir non pas deux mais trois communes. De fait, la commune de Lugan dont l’école était elle aussi classe unique menacée de fermeture, rejoint les communes de Saint-Agnan et de Garrigues afin de créer un RPI à trois communes et deux classes avec un effectif global de trente élèves. En 1994, avec des effectifs qui augmentaient, un troisième poste d’enseignant est ouvert.
Le SIRP (Syndicat intercommunal du Regroupement pédagogique) prend alors la décision de demander un ouverture à Garrigues. C’est ainsi que Garrigues ré-ouvre une école provisoirement installée dans la salle du conseil municipal (en attendant la construction de l’école en 1996). Ainsi, étaient présentes trois classes pour trois communes (une dans chaque commune).
La présence d’un école dans chaque commune, s’explique par la volonté des anciens maires de Garrigues et de Lugan, de conserver l’école dans le village, au travers de l’argument que ce lieu donne  »vie » au village : « Et là, on est passé à trois communes avec Lugan quiavait des problèmes d’effectif aussi. Et avec les trois communes, l’effectif est remonté, la confiance est revenue. Cette querelle de clochers s’est atténuée parce que les gens ont pris conscience que c’était plus raisonnable de travailler en RPI à trois. Maintenant, moi, le RPI, j’aurais souhaité que ce RPI on le regroupe sur un même lieu, l’école. […] Et puis bon, là on est retombé sur, on s’est heurté à des maires qui souhaitaient retrouver leur école. » (Entretien n°4).
Aujourd’hui, cette idée de regroupement en un seul lieu de l’école, se retrouve dans les propos de tous les maires des communes étudiées, qui regrettent le coût qu’engendre le fonctionnement à trois écoles. Cependant, ils s’accordent sur le fait que la formule au niveau du  »social » est intéressante, donnant  »vie » au village encore aujourd’hui : « Je dirais qu’après c’est un aspect pratique et financier, pratico-financier. C’est qu’il est dommage, peut-être, que l’on ait trois communes, trois sites différents. Mais ça c’est surtout sur l’aspect financier, parce que effectivement au niveau du lien social, la formule est pas mal. Mais bon, elle coûte cher. Ça a un coût. »(Entretien n°3) ; « Si on enlève l’école à mon avis là… Mais il a fallu se bagarrer pour l’école aussi. Attention, ça se fait pas tout seul. Mais à mon avis c’est fondamental. […] Ça contribue à l’âme du village. »
(Entretien n°2) ; « …c’est que la notion  »d’esprit de clocher », je pense, a fait que il y a eu une école dans chaque village, ce qui est bien pour l’animation du village. » (Entretien n°1).
C’est en 2002 qu’une quatrième classe s’ouvre à Saint-Agnan, le temps que la commune de Lugan agrandisse. Le RPI dispose de 4 classes pour 3 écoles. Concernant les effectifs, pour l’année 2015-2016, Garrigues a 20 élèves, 23 élèves à Saint-Agnan et 46 élèves à Lugan (ce qui fait 89 élèves pour 3 écoles et 4 classes). Il est important de noter que ces chiffres sont stables sur les dernières années.

D’un questionnement à la formulation d’hypothèses

Des premières lectures traitant du sujet de ce mémoire, qui restait assez général, sont apparues les premières interrogations, complétées par des phases d’observations, à un sujet précis, le cheminement a été long. En effet il a fallu recentrer le sujet pour formuler une questionnement, une problématique et des hypothèses permettant de conduire au mieux cette recherche. De nouveau, un passage obligé par des recherches bibliographiques, permettant au final, de s’intéresser à ces notion de mode d’habiter et de ruralité.

Recadrer un sujet vaste : l’importance de la bibliographie

La recherche bibliographique permet d’« assembler l’ensemble des morceaux du puzzle » (Petit, 2010, p.24) entre les données recueillis sur le terrain, les éléments théoriques, le questionnement, les données issues de la bibliographie et ainsi en faire une construction  cohérente. Les premières lectures, se sont portées sur les concepts de ruralité, déjà présent lors de la formulation d’un premier intitulé de sujet, sur le monde urbain en France et les dynamiques et enjeux d’une société en apparence urbaine. Concernant la documentation sur le terrain, il a s’agit de regrouper les différentes données statistiques sur la démographie et sur les typologies pour qualifier le terrain étudié (cf. Partie 1-2-a et c). Il a fallu poursuivre les recherches pouvant s’appliquer à mon terrain, recentrer et préciser le sujet. C’est lors de cette deuxième phase, que le concept de mode d’habiter est rentré en ligne de compte. Ce dernier m’a permis d’articuler la notion de ruralité, d’urbanité, à la pratique de l’espace vécu (c e concept a été introduit par Armand Frémont au début des années 1970 dans l’ouvrage « La région, espace vécu » et a permis le développement d’une nouvelle approche phénoménologique de la géographique).
En outre, un incessant va-et-vient s’effectue entre recherches bibliographiques, analyse du terrain et rédaction.
Tout ce cheminement qu’est l’étape importante de la recherche bibliographique, permet de créer un questionnement en lien avec le terrain. En outre, il a permis, au travers d’une approche théorique, de bien délimiter, recadrer, recentrer le sujet ainsi que d’appréhender le terrain.

Des entretiens semi-directifs avec les maires actuels et un ancien maire d’une de ces communes : un regard d’élus

Ce mémoire se base sur une recherche dite qualitative, au travers d’entretiens semidirectifs construits autour de thèmes et de sous-thèmes, qui ont été établis au préalable. C’est donc un grille commune qui a constitué le fil conducteur des entretiens avec les maires actuels, alors que celle destinée à l’ancien maire de Saint-Agnan a été adaptée pour permettre d’avoir des informations complémentaires sur l’histoire du RPI des trois communes étudiées entre autres.
Toute la difficulté de cette méthode, est de conduire l’entretien en laissant une certaine  »liberté d’expression » aux personnes interrogées. Ainsi, si besoin est, il est nécessaire de recentrer les propos de l’interlocuteur.
Cette méthode a nécessité un travail en amont important, car il s’agit de prendre contact avec les personnes que l’on souhaite interroger, ici les maires actuels de communes étudiées. Pour ce faire, deux solutions se sont offertes à moi. Pour les maires de Lugan et de Saint-Agnan, j’ai pu prendre contact et les rencontrer lors des vœux du maire de la commune de Saint-Agnan début janvier. Je leur ai alors parlé du projet de mémoire et expliqué le début de ma réflexion. Ensuite, courant février, je leur ai fait parvenir un courrier (cf. Annexe n°10). Ce dernier expliquait plus en détail mon projet et sujet du mémoire, et par la même occasion je leur ai fait parvenir mes coordonnées personnelles. De là, j’ai pu mettre en place un grille d’entretien commune au trois maires.
Le choix a été fait par la suite de contacter l’ancien maire de la commune de Saint-Agnan, notamment parce qu’il a été à l’origine de la création du RPI.

Des horizons multiples dans les modes d’habiter

Les modes d’habiter aujourd’hui se caractérisent par une forte mobilité qui se développe dans notre société. Cette mobilité permet un élargissement de l’espace vécu et des pratiques spatiales avec l’âge. En effet, dépendant de leurs parents, les enfants ont des pratiques spatiales locales. Les adultes eux voient les horizons de ces pratiques s’élargir le plus souvent à un espace métropolitain, voire plus important.

Une société des mobilités

Dans un premier temps, il convient de présenter quelles sont les mobilités à l’œuvre dans ces communes rurales. En effet, ces mobilités quotidiennes sont symbolisées par les navettes domicile-travail qui organisent le quotidien des personnes vivant dans ces communes et « … leur installation en milieu rural répond plutôt à un mode d’organisation mobile autour de la maison conçue comme lieu de repli. » (Bouron et Georges, 2015, p.82). Dès lors, les lieux correspondants à ces deux activités, se caractérisent le plus souvent par une fixité spatiale et spatio-temporelle forte. C’est à partir des ces deux activités, jouant alors le rôle de  »pivot » que vont s’organiser les autres déplacements de la vie quotidienne. Si l’un de ces pivots vient à changer, comme par exemple le lieu de travail, une nouvelle organisation spatiale se crée, et peut parfois amener à de nouvelles modalités de déplacements (usage exclusif de la voiture, utilisation de transports en communs etc.) : M. : On est tous les deux ingénieurs, et en plus on a changé depuis. Au départ c’était Albi et Colomiers. Maintenant, c’est moi qui suis à Colomiers et ma compagne est à Toulouse. […] Mme. : Et donc il y a beaucoup de trains qui passent à Saint-Sulpice quand même. Alors on l’utilisait pas à l’époque mais maintenant… M. : Moi je l’ai utilisé un moment, maintenant c’est toi. »(Entretien n°11).
Quoi qu’il en soit, on observe dans ces communes et chez les personnes interrogées, que la quasi-totalité des ménages utilise la voiture exclusivement (seul deux ménages interrogés indiquent utiliser d’autres moyens de locomotion : le train pour se rendre à Toulouse et le bus pour se rendre à Albi). Ainsi, selon la norme actuelle, chaque ménage possède deux voitures individuelles, liés à la bi-activités des ménages le plus souvent. Les raisons évoquées de l’utilisation quasi-exclusive de la voiture par les personnes interrogées sont multiples : le manque de desserte, l’utilisation de la voiture plus pratique et efficace, des horaires de transports en communs non adaptés aux horaires de travail, la perte de temps occasionné par les transports en communs etc. « Transport en commun en bus, et la problématique elle est certainement pas financière parce que c’est très… On va dire que c’est accessible, le problème c’est le temps. Le temps pour aller à Cagnac-les-Mines, même si c’est loin, en voiture je dois mettre ½ heure, ¾ heure. En bus je mets au moins 1 heure ½. » (Entretien n°6).
En outre, ces déplacements quotidiens vont être rythmés par la nécessité de se déplacer, ne serait ce que de dix kilomètres, pour avoir accès aux services et aux commerces : « Se rendre à la poste, au commerce d’alimentation générale, avoir accès à des soins médicaux, aller à l’école ou au collège, rythment les déplacements quotidiens de la population. » (Fijalkow et Jalaudin, 2012, p.87-88). Ainsi, comme le souligne Jean Viard, dans une « société de mobilité », « nous parcourons, chacun, en moyenne, quarante-cinq kilomètres par jour… » (Viard, 2011, p.49). En effet, ces couples mobiles organisent leur quotidien autour de leurs nombreux déplacements, autour des deux lieux pivots précédemment identifés. On distingue donc les déplacements liés à leurs activités professionnelles (travail en ville) ; ceux de leurs enfants (périscolaires), les pratiques de consommation, les loisirs etc. Ces nombreux déplacements trouvent leurs explications dans un désir d’urbanité : « Sur ce stock de quarante-cinq kilomètres, nous en consacrons quinze pour aller en week-end et en vacances, trente pour nous déplacer autour de notre maison, moitié pour aller travailler, moitié pour  »vivre l’urbanité », courses, école, amis, culture, sport … ». (Viard, 2011, p.50). En conséquent, les habitants de ces communes rurales sont « … des mobiles habitants de nombreux lieux, y compris des lieux en mouvement » (Lévy in Caillyet Vanier, 2010), construisant une connaissance des lieux que l’on fréquente et les trajets qui permettent de les lier, créant « un espace en archipel individuel, régulièrement reconfiguré… » (Viard, 2011, p.50).

L’identité spatiale des adultes : des horizons qui peuvent s’élargir

Ainsi, comme explicité un peu plus tôt, toutes les activités vont s’organiser autour des deux pivots principaux que sont le domicile et le lieu de travail des parents. Ici, les parents ont en commun le lieu du domicile, réparti de par cette enquête en trois communes : Lugan, Garrigues et Saint Agnan. Ce qui va produire une grande différence dans la territorialité de ces personnes, c’est le lieu du travail. En effet, entre le lieu du travail qui est à domicile, plutôt localement ou plus éloigné dans la métropole Toulousaine par exemple, les pratiques spatiales vont en être différenciées.
Pour les personnes travaillant en partie à domicile (la plupart du temps à domicile mais avec des déplacements professionnels fréquents), l’espace de vie se réduit à un espace local avec comme pivot central, la maison. Le marché de Lavaur (ou d’autres marchés locaux) et même parfois des producteurs locaux, favorisant les circuits courts, vont être privilégiés, ces personnes prônant une certaine qualité alimentaire. Sinon, les courses du quotidien en complément de ce qu’ils peuvent trouver sur les marchés s’effectuent pour ces personnes à Lavaur (Saint-Sulpice n’étant pas cité lors de ces entretiens, mais le cas peut se présenter) : « Déjà le marché de Lavaur.
De temps en temps on va au marché le dimanche matin à Montastruc. Après pour tout ce qui est denrées et autres, on va au supermarché à Lavaur. On essaye de privilégier une qualité alimentaire. »
(Entretien n°22). Les autres achats, comme les achats vestimentaires vont s’effectuer en revanche dans des métropoles ou grandes villes (Toulouse ou sa périphérie par exemple) même si cela reste très ponctuel, car l’offre locale n’est, pour eux, pas satisfaisante, et ne trouvant pas  »chaussures à leurs pieds » localement, ils vont parfois profiter des déplacements professionnels pour trouver ce qu’ils savent ne pas pouvoir trouver ailleurs : « Pour ce qui peut être achats autres, c’est pas mal Toulouse quand même. Pour moi Toulouse, parce qu’il y a des choses que je vais pas trouver ici. Après ma compagne, c’est aussi Toulouse de temps en temps. »(Entretien n°22).
Concernant les services de santé, le médecin traitant familial se trouve plutôt localement, profitant de la proximité de certains pôles où les services de santé sont en nombres (Lavaur, SaintSulpice, Verfeil etc.). Qui plus est, si l’un des conjoint est originaire de la région, le médecin traitant peut être celui qui à suivi cette personne depuis son enfance, relevant d’une certaine habitude territoriale reprise après des années d’absence parfois : « Nous ici, on a repris le médecin de ma femme qui est sur Verfeil, c’est celui qui la suit depuis qu’elle est toute petite. » (Entretien n°13).

A chacun sa ruralité

La ruralité dans ces communes, c’est-à-dire les perceptions de l’espace rural, peut-être qualifiée de plurielle. En effet, il y a eu une modification dans la gouvernance de ces espaces et des perceptions qui les accompagnent. Chez l’enfant, cette ruralité est en construction, pour s’affirmer à l’adolescence. Chez l’adulte, le rural existe dans les perceptions, notamment dans les caractéristiques de la commune habitée. Cependant, cette ruralité va se diversifier dans les perceptions des pratiques spatiales et mode de vie.

Une modification dans la gouvernance : une nouvelle ruralité de l’élu local

Avant de débuter cette sous-partie, il convient de définir la notion de gouvernance, qui avec les évolutions contemporaines, à beaucoup changé notamment au travers des EPCI (établissement public de coopération intercommunale), amenant les élus locaux à ne plus avoir une vision politique à l’échelle locale, de la commune, mais une vison à l’échelle communautaire. Ainsi, la gouvernance « désigne les bonnes pratiques de gestion politique d’un espace. » (Bouron et Georges, 2015, p.96). Cependant,la recomposition sociale de la population de ces communes a amenée à un changement dans la gouvernance.

Une recomposition socio-démographique des communes et des élus locaux

Comme évoqué un peu plus tôt dans ce mémoire, la plupart des campagnes françaises ont connu une évolution quant à la population qui y réside. Les agriculteurs ne sont plus majoritaires démographiquement parlant, bien que l’activité agricole reste très présente par les espaces qu’elle occupe, et sont même bien souvent les rares activités économiques encore présentes dans ces campagnes. Les communes étudiées n’échappent évidemment pas à ce constat : « Il y a 50 ans sur Garrigues, il y avait la moitié de la population qui avait un pied dans l’agriculture, de près ou de loin. Aujourd’hui, je suis le seul éleveur. »(Entretien n°17). Dès lors, la recomposition sociale de ces communes trouve son explication dans l’élan démographique qu’ont connu ces communes, débutant dans les années 1980 pour atteindre sont paroxysme à partir des années 1990. Profitant du desserrement de l’aire urbaine de Toulouse, cet élan démographique n’est pas étranger à une volonté des anciens maires de ces communes d’ouvrir des terrains à la construction, permettant de les faire  »revivre » après un exode rural important : « Ces pauvres villages, ils étaient en perte de population, dans des conditions… Il fallait faire quelque chose. Mon objectif, d’entrée, ça été d’amener des gens. Et ça plaisait pas à tout le monde. […] Parce que quand je suis rentré en 1960, on était 110 ou 115 habitants, quelque chose comme ça. Mais la population a dégringolé à une vitesse, il y a eu un exode rural, qui a fait que les campagnes se sont vidées. Donc, il fallait faire quelque chose, il fallait essayer d’attirer les gens. Et on a fait un lotissement… »(Entretien n°4).
En conséquence, on observe dans ces communes un changement quant à la composition des conseils municipaux. De fait, les agriculteurs sont aujourd’hui moins présents en tant qu’élus locaux, laissant place à des personnes issues de ces vagues démographiques, d’horizons différents, amenant une nouvelle vision dans la politique locale. Cette évolution a été constatée par l’ancien maire de Saint-Agnan : « Après il y avait des agriculteurs, qu’est-ce que l’on avait. Après par la suite on a eu un avocat, qui y est encore. Un agent d’assurance, du moins à l’époque il y avait Gendre Jean-Baptiste M1 ADEN 2015/2016 64/147 un agent d’assurance qui était rentré dans le conseil. Après c’était des gens qui travaillaient et qui n’étaient pas agriculteurs, qui travaillaient sur Toulouse ou autre. Ça fait qu’il y avait un peu tous les bords. » (Entretien n°4).
Si on s’attarde sur le profil des maires actuels et des anciens maires, cette évolution se confirme. A Lugan, le maire actuel est ingénieur d’étude sanitaire de formation, tandis que l’ancien maire était ingénieur à la coopérative agricole à Lavaur. A Garrigues, ce constat semble moins marquant puisque le maire actuel est retraité du Génie civil, alors que son prédécesseur lui était professeur dans l’enseignement supérieur même si cette évolution est constatée par Monsieur le maire : « Oui, traditionnellement , quand moi je suis rentré au conseil municipal en 1995, sur les onze il devait y avoir quatre agriculteurs. Aujourd’hui, il y a un agriculteur, il y a une épouse d’agriculteur, mais c’est sûr, je pense que pendant longtemps les agriculteurs étaient majoritaires pour diriger la commune. C’était la seule activité de la commune donc il est assez logique qu’ils aient la majorité au conseil municipal. Bon, ça, ça a évolué, le conseil est maintenant constitué de gens parmi ceux qui travaillaient à Toulouse ou qui travaillent toujours à Toulouse. »(Entretien n°1) . En revanche, à Saint-Agnan, cette évolution est bien présente puisque l’ancien maire était agriculteur, alors que le maire actuel a fait des études de gestion et a travaillé au sein d’un bureau d’étude dans le bâtiment à Toulouse , et est aujourd’hui élue à plein temps, entre ses fonctions de maire et d’élue à la Communauté des communes etc.
On voit au travers de ce dernier exemple, que la fonction de maire se professionnalise. En effet, le regroupement des communes nécessite de plus en plus de connaissances techniques, témoignant de la complexification du processus de gouvernance dans les communes rurales ces dernières années , nécessitant un apprentissage important des rouages techniques, scientifiques et même politiques. Ainsi, comme le précise Lilian Loubet, « Cette réflexion à l’échelle intercommunale s’inscrit en cela dans un processus général de complexification de l’action publique contemporaine » (in Barthe , Jebeili et Lima, 2014, p.54). Dès lors le  »métier » d’élu se complexifie, ce qui peut être source de contestation de la part de ces derniers, qui peuvent avoir le sentiment d’être dépassé par la nouvelle technicité en vigueur et même parfois provoquer un sentiment de perte de légitimité : « … un problème de gouvernance est régulièrement dénoncé par les élus locaux notamment dans le cadre de la RGPP (Révision générale des politiques publiques). […] Les élus ruraux […] souffrent de l’« inflation continue des normes », de « l’alourdissement des procédures » et de la « technicité de l’ingénierie administrative, technique, financière, juridique » (Rapport Bertrand) » (Bouron et Georges, 2015, p.96). Dès lors, l’élu local se voit attribuer le rôle de « médiateur » (Lilian Loubet inBarthe , Jebeili et Lima, 2014, p.31) entre l’échelle communale et intercommunale, pouvant devenir du même coup l’acteur permettant de faciliter ou, au contraire, de freiner l’action communautaire. Il devient un acteur important, mais doit aussi tenir compte dans sa politique locale des cadres et normes mis en place par les divers documents d’aménagements et d’urbanisme (SCoT, PLU etc.) applicable à la plus grande échelle : celle de la commune.

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Table des matières
Introduction
PARTIE 1 : Trois communes rurales sous influence urbaine et multipolarisées
1) Des mots clés pour structurer un mémoire
2) Trois communes rurales aux morphologies différentes, des dynamiques démographiques similaires
3) D’un questionnement à la formulation d’hypothèses
4) Une méthodologie pour une meilleure approche du terrain
PARTIE 2 : De la maison individuelle à un archipel métropolitain
1) Le choix ou non de la campagne : pour quelles raisons vivre ici ?
2) Quels espaces vécus pour les trois communes : L’école comme lieu de rencontre et de sociabilisation ?
3) Des horizons multiples dans les modes d’habiter
PARTIE 3 : A chacun sa ruralité
1) Une modification dans la gouvernance : une nouvelle ruralité de l’élu local
2) Une ruralité en construction chez les enfants
3) Une ruralité plurielle : vivre dans une commune rurale avec des perceptions différentes
Conclusion
Bibliographie
Tables des acronymes
Annexes

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