Quelle incarnation pour la Révolution ? Sankara et la démocratie plébiscitaire 

Circulations des théories, pratiques et des symboles révolutionnaires

Une circulation internationale des concepts

L’appellation même qui s’est imposée pour désigner le processus de changement radical, la « Révolution Démocratique et Populaire », la RDP, met en avant le caractère transnational de la Révolution. En effet, ce sigle témoigne des débats théoriques transnationaux qui agitent l’espace intellectuel, particulièrement estudiantin. Le concept de RDP a pour origine celui de RNDP, Révolution Nationale Démocratique et Populaire, concept adopté au XXVIè congrès de la FEANF, consacrant ainsi une décennie où, agités par les soubresauts du bloc de l’est, particulièrement de l’autonomie chinoise, les étudiants voltaïques se sont employés à catégoriser leur société pour identifier quelle alliance pourrait constituer le « camp de la révolution », contre le « camp de la réaction ».
Ainsi, il est possible que le concept de RDP ait émergé au sein de la FEANF. Le concept met en avant l’idée que la Révolution en HauteVolta ne peut pas encore être socialiste mais doit permettre l’arrivée au pouvoir d’une bourgeoisie nationale patriote afin de soutenir une politique d’industrialisation nationale.
Encela, le concept de RDP qui émerge durant la Révolution reflète le développement récent dans la pensée politique marxiste de concepts tels que « Révolution Démocratique Nationale » et « Démocratie Révolutionnaire » où certains auteurs soviétiques conçurent la révolution démocratique nationale comme « un type nouveau de révolution qui consiste en une transition progressive vers le socialisme à travers une série d’étapes intermédiaires » . Selon ce schéma, la classe ouvrière ne pouvait diriger la révolution conclut une alliance stratégique avec des éléments progressistes pour la gestion de l’Etat, dans un front populaire.
Ce concept est définitivement théorisé dans un livre Le Discours d’Orientation Politique (DOP), écrit par Valère Somé et prononcé par Sankara pour la première fois le 2 octobre 1983.
Le DOP va s’imposer, sur le marché institutionnel de la parole politique, comme la référence obligatoire, ce qui en suppose une reconnaissance explicite, l’instar du Petit Livre Rouge maoïste.
Ainsi le DOPopère-t-il un véritable census marxiste de l’espace social en fonction de l’appartenance au peuple ou aux ennemis du peuple et de la conscience politique supposée.
Le DOP montre ainsi tout l’héritage des débats théoriques transnationaux et aussi et surtout, dans le cas voltaïques, estudiantins. En effet, déjà en 1971, lors de son Vème congrès, l’Union Générale des Etudiants Voltaïques (UGVE) stipulait que sont potentiellement révolutionnaires la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie, les intellectuels patriotes et appartiennent au camp de la réaction la bourgeoisie politicobureaucratique, la bourgeoisie compradore et les forces féodales. Cela s’explique en partie par les conditions de sa production. Le DOP devait être un discours de consensus des trois principales forces ayant permis la RDP, les militaires, le PAI et l’ULC-R. Le DOP devait ainsi être rédigé par 3 membres du CNR, chacun représentant l’une des composantes du Conseil. Le PAI désigne Philippe Ouedraogo, l’ULC-R Valère Somé et les militaires Blaise Compaoré. Pris par le temps, les trois hommes n’ont que le temps de se mettre d’accord sur le sommaire de ce discours.
Finalement, c’est Valère Somé qui prend seul en la charge la rédaction et la finit dans l’urgence. Sankara, quant à lui, n’assure que la correction du texte et, tout à son agenda politique international –il doit partir pour le fameux sommet de Vittel – force à Valère Somé à finir le DOPavant son départ.
Ainsi héritier des débats théoriques internationaux, imposés en particulier par Somé qui a largement fréquenté les milieux estudiantins de la diaspora africaine, la pratique matérielle du texte témoigne également de circulations internationales révolutionnaires.
Le DOP n’est pas simple référent consensuel des intellectuels révolutionnaires, il est traduit et diffusé. Dans son dernier discours, Sankara félicite ceux qui ont participé à la traduction du DOP en fulfuldé, dioula et mooré, un travail « qui a certainement demandé beaucoup d’effort, beaucoup de travail, beaucoup de réflexion pour adapter, traduire des concepts parfois nouveaux » mais qui « n’aura aucun intérêt si les paysans ne savent pas le lire, parce qu’ils n’ont pas appris à lire.» De fait, avec une population à 95% analphabète, il est certain que la diffusion du DOP a été réduite, toutefois, il faut noter l’importance symbolique de traduction de ce texte en langue nationale et Sankara de continuer : « Offrir le DOP non traduit en langues nationales à un analphabète, c’est insulter un aveugle en lui donnant une lampe torche. L’aveugle a d’abord besoin de voir, ensuite de lampe torche pour mieux voir. Donnons à tous les analphabètes la capacité de lire, ensuite nous leur donnerons de la lecture saine et de la lecture utile comme le DOP traduit en langues nationales. »
Il est intéressant de noter que tout en cherchant à le nationaliser, les acteurs eux-mêmes internationalisent leurs références. Ainsi, après un voyage en Corée du Nord, voulant expliquer les idées du Djoutché, le Haut-Commissaire de province de Tapoa explique que « les idées du Djoutché pour les Coréens représentent pour le Burkinabé le discours d’orientation politique du 2 octobre 1983, texte fondamental de notre Révolution, bréviaire de tout Révolutionnaire convaincu.»
Ce rapport est intéressant à plus d’un titre. Il montre, en effet, à quel point pratiques et symboles sont puisés dans les expériences internationales. Ce rapport, écrit fin octobre 1985, fait suite au voyage de la délégation présidentielle en Corée du Nord du 2 au 9 septembre 1985. Voyage qui fut, si l’on en croit, Hyppolite Ouédraogo « merveilleux » et « édifiant ». Il fut particulièrement emballé par la tour de 170 mètres de haut dédiées aux idées du Djoutché, inaugurée 3 ans auparavant, se réjouissant « qu’à Ouagadougou un monument à été édifié au DOPà l’occasion de son 2ème anniversaire » et qui ce n’avait été fait « il fallait réellement y songer ». De fait, un monument existe toujours à Ouagadougou, quoique moins ambitieux puisqu’ils consistent en une tourelle métallique de quelques mètres, surmontée d’un livre, sur laquelle il est écrit 2 octobre.

L’esthétique révolutionnaireen circulation

L’esthétique nord-coréenne est aussi extrêmement visible sur un autre monument, emblématique de la volonté du Pouvoir de s’inscrire dans l’espace urbain. Situé à côté d’un camp militaire, la place du 3 janvier, nommée ainsi en mémoire du rassemblement populaire qui a concouru à la chute de la 1ère République, fut renommée Place de la Révolution. Espace de circulation, de rencontre et réjouissance, elle fut fermée au public. Cette transformation fut financée par la Chine, ce qui montre l’influence matérielle et symbolique de la puissance asiatique.
La décision d’y construire un monument a été prise lors d’une visite de T. Sankara – alors Premier ministre – en Corée du Nord en 1983, date justement de l’inauguration du monument rendant hommage au Djoutché.
C’est ainsi que la Corée du Nord édifia ce monument, nommé Flambeau de la Révolution, avec l’aide du Togo, qui a fourni le marbre.
On peut ainsi observer de semblables esthétiques entre les deux monuments. Le flambeau, qui orne le monument et éclaire la marche du peuple, est semblable au flambeau coréen. A cette commune esthétique, le monument burkinabé emprunte aussi à la tour du Djouché une commune symbolique. Devant la tour, une sculpture monumentale en bronze de 30 mètres de haut, inspirée de L’Ouvrier et la Kolkhozienne soviétique, représente un ouvrier, un paysan et un intellectuel tenant respectivement le marteau, la faucille et le pinceau, qu’ils unissent afin de symboliser l’alliance de ces trois classes. A Ouagadougou, le socle de la flamme propose une même symbolique, adapté au contexte national. Un homme et une femme brandissent un marteau et une houe. Ils sont accompagnés d’un intellectuel, tenant un livre et une houe ainsi que d’un militaire tenant son arme et ainsi qu’une houe. Ce monument témoigne ainsi de l’influence de la Corée du Nord, celle-ci s’inscrit dans le quotidien des grandes villes. Ainsi, dans ses Chroniques du Burkina, J-H. Bazié écrit : « on compte quinze carreaux de miel du Nassara (le blanc) qu’on lui remet, enveloppés dans un morceau de papier d’emballage de ciment ou une page de papier de qualité des œuvres du Grand Leader » probable allusion, selon G. Prignitz, aux œuvres du Guide suprême de Corée du nord, Kim il Sung, dont les discours de propagande – beaucoup plus que celles du Leader Maximo cubain,– étaient diffusées aussi bien dans les établissements scolaires que dans les librairies, fussent-elles populaires, c’est-à-dire réduites à des étals de marché. D’où leur usage en feuillets recyclés à l’emballage.
Ainsi, ces monuments témoignent d’une entreprise de refondation de l’espace urbain dont les modèles sont également importés.
Durant la Révolution, les trente secteurs de la ville étaient représentés par un marquage au sol rayonnant autour de la flamme, symbolisant ainsi toute la capitale dont l’urbanisme fut également bouleversé par la Révolution qui s’inspira largement de modèles exogènes.
La politique urbaine du CNR a véritablement transformé la capitale en « une sorte de laboratoire urbain pour tester, asseoir et ancrer la Révolution par la transformation des paysages urbains » et selon M. Higlers, la politique urbaine ouagalaise vise à conforter la ville à l’idéal social de la Révolution.
Pourtant, alors même que le CNR a fondé son discours sur la dénonciation du néo-colonialisme, A. Marie montre que l’urbanisme révolutionnaire relève d’un « classicisme très occidentalo-centrique »
en associant quatre modèles forgés, selon lui, dans les villes européennes. D’une part, la Révolution s’inspire largement du modèle haussmannien et son quadrillage aéré de l’espace. Ensuite, l’un des grands projets consiste en une politique de logements construits par l’Etat et livrés à la petite et moyenne bourgeoisie : c’est la politique des cités. Six cités sont ainsi planifiées à Ouagadougou.
Le modèle en est la « cité-ouvrière », fondé sur l’idéologie hygiéniste et permettant de soumettre la cellule conjugale à l’autorité centrale. Le troisième modèle est celui du technocratisme, celui de la bureaucratie où la vie est réduite à son cadastre et où ses ressources sont planifiées. La capitale est ainsi divisée dès 1983 en 30 secteurs afin de contrecarrer l’autorité spatiale de la chefferie sur les soixante six anciens quartiers. Chaque secteur est ainsi dirigé par un bureau de CDR, élu par la population. Ce nouveau découpage vise à faire émerger un nouveau sentiment d’appartenance et consacre le pouvoir administratif par rapport au pouvoir coutumier.
Enfin, le dernier modèle est celui de l’urbanisme panoptique, spécifiquement révolutionnaire, dont le but est de corriger l’espace urbain. De fait, « cet urbanisme de la table rase ne conserve que les îlots de modernité fonctionnelle » tels que les grands équipements.
Ainsi, l’amélioration du cadre urbain ne peut se comprendre sans l’idée que le Pouvoir révolutionnaire s’efforce d’y afficher métaphoriquement ses objectifs. Propreté, salubrité, beauté sont des valeurs révolutionnaires et les vertus de l’homme nouveau que s’efforce de façonner le pouvoir. Il s’y efforce d’autant plus que ses acteurs ont pu être émerveillés par des réalisations d’autres Révolutions. H. Ouédraogo revient émerveillé de son voyage en Corée, frappé dit-il de « la beauté et la propreté de la ville », particulièrement Pyongyang, où il constate « que dès son réveil la capitale se présente à lui fraîche et parfumée comme la rose du matin ». Ce modèle est d’autant plus à poursuivre qu’il aurait été, selon lui, uniquement obtenu grâce à la mobilisation populaire d’un peuple, «ce peuple dont la mobilisation et l’ardeur au travail explique aisément son sursaut économique et social représenté par le Tcheulimaou le bon en avant du cheval ». Sincère ou non, cet émerveillement s’inscrit dans le discours d’un Haut-commissaire qui, détenteur du Pouvoir d’Etat, connaît l’influence qu’exerçait la Corée du Nord sur les figures de la Révolution, tant en termes symbolique que matériel. C’est notamment en Corée qu’a été imprimé le DOP. Ainsi, selon le Hautcommissaire Ouédraogo, c’est l’exemple coréen qui a inspiré certains mots d’ordre opération ville propre et opération ville blanche dont les objectifs étaient de « mobiliser le peuple à faire en sorte que nos villes soient des lieux de beauté, des lieux de repos, des lieux où il fait bon vivre à l’exemple de Pyongyang que le Camarade Président du Faso a eu l’occasion de visiter deux fois avant la Révolution d’Août ». Ces propos font référence à la consigne qui avait été donnée de badigeonner de chaux blanche les façades et clôtures. S. Jaglin a pu montrer que ces politiques sont des transpositions de la morale révolutionnaire pour laquelle l’apparence extérieure est loin d’être neutre et s’insère dans cet « urbanisme de la démonstration » établissant un lien entre environnement et comportement social du citoyen.
Cette politique de restauration du cadre urbain, qui ne s’attache qu’à la restauration esthétique de façade, parfois même en contradiction avec les choix de couleurs ou l’architecture des termitières, couleur terre de Sienne, doit donc être comprise comme un substitut à la possibilité de mener de véritables changements sur l’espace urbain mais aussi comme une expression de l’éthique révolutionnaire. Toutefois, on aurait tord de n’y voir que l’incarnation dans le bâti de la théori révolutionnaire. Il est tout aussi important d’intégrer ces choix esthétiques dans une émulation, ou une compétition, internationale entre les régimes révolutionnaires. Car les hommes et les femmes circulent, et avec eux, leur jugement.

Burkinabé en mouvement

Le Burkina Faso de Sankara eut un intense échange diplomatique, cherchant à rompre son isolement sur la scène international. Comme nous l’avons vu, avec Sankara, c’est une délégation nombreuse qui peut saisir de nouvelles expériences ou recueillir de nouvelles idées. Etienne Zongo, aide de camp de Sankara, a par exemple confié à Br. Jaffré, qu’au cours d’un voyage à Cuba en 1984, après avoirvisité de nombreuses réalisations, Fidèle Castro a, avec force de conviction, tenté de convaincre Sankara de lancer son pays dans la culture du soja. Rentré au Burkina, Sankara aurait entrepris de développer ce projet.
L’aide cubaine ne passa pas simplement par l’inspiration de projet, elle fut extrêmement présente sur le plan matériel. Ainsi, un accord-cadre instituant une commission mixte de coopération entre le Burkina et Cuba est signé le 21 décembre 1983. Il est suivi d’un accord de coopération en juillet 1984, dans les domaines de l’industrie sucrière, la santé, l’agriculture, l’éducation, les transports. Il prévoit que les Cubains participeront à l’agrandissement de l’aéroport de Bobo Dioulasso. Un nouvel accord est encore signé en 1987, dans les mêmes domaines, mais étendus à la solidification du chemin de fer et la création d’un centre de production de céramique. Autant de projets qui permirent aux Cubains d’apporter leur formation et leur expertise. De la même façon, les Burkinabé voyagent et vont à Cuba se former, prolongeant la logique de formations d’étudiants africains dans le bloc de l’Est au cours de la Guerre Froide.
Un ambitieux accord a permis l’envoi de 600 Burkinabès à Cuba, dont 135 filles, pour effectuer leurs études. Ils furent choisis parmi les orphelins et les élèves les plus pauvres du niveau de CM2 à travers tout le pays, dans toutes les provinces.
D’autres circulations sont plus singulières et relèvent encore une fois du registre de la formation. Ainsi, Damata Ganou, Coordinatrice Générale des CDR de service à Air Burkina bénéficie d’une formation idéologique et militaire en Russie.
Au cours d’une mission, elle conduit des voitures dans une douzaine de pays africains (Congo, Togo, Cameroun…). Elle est envoyée après le 15 octobre 1987 au Cameroun et au Congo. L’une des formations entraînant le plus de circulations de militants révolutionnaires semblent être les formations militaires. Ainsi, des Cubains viennent prendre en charge la formation des éléments de sécurité du Président Sankara. Dans une même logique, il enverra son garde du corps, Vincent Sigué, en stage à Cuba, afin de couper court aux refus de le voir monter en grade. Inoussa Ouedraogo, militant CDR, est envoyé en stage d’un mois en juillet-août 1985, après son retour du champ collectif de la Tapoa, qu’il qualifie de « mission militante d’échanges sur des questions politiques et idéologiques ». Ainsi, il aurait passé quatre semaines à discuter du Livre vertet du DOPet aurait rencontré des militants révolutionnaires du Salvador et du Honduras mais aussi des Burkinabés de Côte d’Ivoire qui ont également reçus une formation militaire.

Militaires en Révolution

Le 22 novembre 2016, l’agitateur panafricaniste Kémi Séba reçoit sur sa page officielle Facebook un message d’un citoyen ivoirien, Bakary Ouattara : «Kemi Seba serait-il un adepte des coups d’ETA (sic) pour faire l’apologie d’un putshiste sanguinaire notoire comme Thomas Sankara ? » Rageur, Kémi Séba répond sur Tweeter: « Sankara le “putchiste”, Sankara un criminel… Voilà à quoi mène le Ouatarisme.. A l’analphabétisme politique. #LAfriquevamal » . Passe d’arme politique commune, cet exemple, un parmi d’autres, illustre cependant en quoi la dimension militaire du pouvoir sankariste peut aujourd’hui être chargée de conflictualité. En effet, la violence militaire du coup d’état du 4 août fait, considérée comme l’acte fondateur de la révolution, est dans la mémoire sankariste largement pondérée par le soutien populaire, illustrée par les scènes de liesse populaire dans la capitale ou par la rapide mobilisation autour des CDR. Le coup d’Etat ne serait donc, dans la mémoire sankariste, que le moyen par lequel la souveraineté populaire s’est exprimée.
Un « prétorien » au pouvoir, comme il en eut tant, voilà comment une anthropologue a pu catégoriser Sankara.
De fait, la Révolution sankariste fut aussi un pouvoir militaire et en cela elle n’est en rien exceptionnelle à l’échelle de la région comme de l’époque, bien au contraire. Dans les années 1980, le Président ivoirien Houphouët-Boigny s’amusaitmême d’être l’un des seuls chefs de gouvernement civil de l’Afrique de l’Ouest.
Ainsi faudrait-il voir la Révolution, comme une affaire de militaires. Thomas Sankara lui-même interdisait dans les derniers temps l’accès à sa Présidence. Et quand ils faisaient état de leur incompréhension, il répondait, énigmatique, que c’était une affaire que seuls les militaires pouvaient comprendre…
Mais l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération d’officiers est bien un bouleversement de l’espace politique de la Haute-Volta. Ainsi, il semble essentiel de resituer la Révolution sankariste dans cette dimension, celle de l’armée en politique, de la prise de pouvoir violente, de cette domination particulière par les armes. La Révolution ne consacre pas l’entrée en scène des militaires, mais elle la conforte. Resituer ainsi le processus révolutionnaire au regard de l’histoire nationale pré-révolutionnaire, c’est se donner les moyens de déceler moins les originalités que les continuités.

Fondements et matrice d’une Révolution

Militarisme, centralisme, et populisme, le précédent voltaïque (1960-1980)

La mémoire de la Révolution met en avant de nombreuses mesures perçue et dépeinte comme novatrices et singulières, pourtant resituées dans l’histoire nationale de la Haute-Volta, elles n’apparaissent que comme la poursuite, certes radicale, d’une stratégie populiste d’un pouvoir militaire tentant d’imposer un Etat centralisé, une politique de rigueur budgétaire et tentant de s’appuyer sur la mobilisation populaire pour faire face aux carences de l’Etat. Cette évolution est constatable dès l’accession au pouvoir du Père de l’Indépendance, Maurice Yaméogo, dont les choix vont faciliter l’intervention de l’armée sur la scène politique.
Dès 1960, le Président Yaméogo impose le parti UDV/RDA comme le parti unique mais échoue dans l’imposition d’une centrale syndicale unique. Cet échec va ainsi permettre à l’opposition de rester structurer, ce qui va être déterminant lorsque Yaméogo tente d’imposer fin 1965 une politique de rigueur en annonçant une baisse de 1/5ème des salaires. Cette annonce, qui apparaît d’autant plus scandaleuse qu’elle contraste avec le luxe insolent de la Présidence, va déboucher sur une véritable crise politique.
Le 1er et 2 janvier 1966, au cours d’émeutes, les chefs militaires refusent de faire tirer sur la foule, ce qui va pousser les manifestants à demander à l’armée d’assumer le pouvoir. Le 3 janvier, Yaméogo démissionne et le lieutenant-colonel Lamizana, l’officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, assure la présidence de la République. Pour B. Guissou, cette première intervention politique de l’armée s’explique en grande partie par les premiers temps de sa création : « née de la politique, l’armée fera la politique à son compte » . En effet, la création de l’armée voltaïque s’est faite dans un contexte très conflictuel avec l’ancienne puissance coloniale. Le président Yaméogo refuse notamment en 1961 de signer un accord de coopération militaire, un accord « secret de défense » avec la France, qui légitimerait le maintien de bases militaires et l’intervention de troupes françaises.

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Table des matières
Introduction
Thomas Sankara et sa Révolution
Actualités d’une figure
L’histoire sociale africaine: le dynamisme de la marge
Connecter les socialismes africains 
Politistes en Révolution
Littérature d’une Révolution
La Révolution en débats
Les sources en question 
Plan
Chapitre 1
Situer le moment sankariste. Expérience mondiale d’une Révolution
I –Le militaire en politique : approche théorique et comparative
Politique du Putsh
Perspective internationale : un monde révolutionnaire
Le marteau, la faucille et le fusil
II – Circulations des théories, pratiques et des symboles révolutionnaires
Une circulation internationale des concepts
L’esthétique révolutionnaireen circulation
Burkinabé en mouvement
III – De la singularité au modèle de la Révolution sankariste
Conclusion première partie
Chapitre 2
Militaires en Révolution
I – Fondements et matrice d’une Révolution. Militarisme, centralisme, et populisme, le précédent voltaïque (1960-1980)
II – La Révolution, moment d’un temps de Prétorien
Le CMRPN : matrice de l’enthousiasme révolutionnaire
Stratégie d’un noyau progressiste
Le CSP : l’armée face à la rupture partisane
Le 17 mai, la définitive sortie des casernes
II –Le CNR, dépasser la militarisation du Pouvoir
Militarisation de la société
Le Front Populaire : la civilisation du Pouvoir
III –Pô, du laboratoire à la « base de repli »
Conclusion deuxième partie
Chapitre 3
Souveraineté populaire en Révolution 
I –Les CDR : Encadrement et débordement d’une souveraineté populaire
Encadrer la population : enjeux d’une mise en place institutionnelle et pratique
Débordements des CDR : Violences viriles et lutte contre l’Etat?
II –Les CDR – Appropriation populaire d’une structure d’encadrement
La formation d’un peuple: Passeurs et résistances
CDR, politisation populaire et communauté villageoise
III – Du coup de pression au coup de secteur
Les TPR, organe de la pression populaire
Une réaction à la Réaction ? Le coup de secteur des éléments armés du secteur 17
Conclusion troisième partie
Chapitre 4
La Révolution en-deçà de Sankara
I –Situer la pratique sankariste
Retour sur le marxisme de Sankara
Une révolution dumontiste ?
II – Sankara, Chef historique de la Révolution
Une révolution honorabilisante
Ethos et disposition militaire
Sankara, de l’officier au chef
L’exercice d’un pouvoir charismatique
Chefs historiques de la Révolution
Quelle incarnation pour la Révolution ? Sankara et la démocratie plébiscitaire
La construction du pouvoir charismatique sankariste à l’international
III –Sankara politique et mystique
Morale du Sankarisme
Construire l’Etat: politique de la morale sankariste
Conclusion quatrième partie
Conclusion
Retour au Burkina révolutionnaire 
Bibliographie 
Annexe 1
L’ethnie en Révolution
Annexe 2
Sur quelques pratiques mémorielles autour de Thomas Sankara
L’impossible muséification populaire de Thomas Sankara. Retour sur les ruines de la maison de François Compaoré
La statue ratée du Capitaine : l’impossible consensus?
Le Sankara des mauvais garçons
Unmonument français pour Sankara ? Pistes autour de conflictualités futures

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