Quelle est la tolérance des enseignants face à la consommation de substances ?

Méthode

L’outil

L’outil de recherche utilisé dans cette étude est un questionnaire à choix multiples, anonyme, créé et utilisé par Tardif, Doudin & Meylan (2012) dans le cadre d’une recherche sur la prévention scolaire et les enseignants. Il permet de récolter des données sur les représentations des enseignants face à la consommation de substances de leurs élèves ainsi que sur leur implication en tant qu’acteur de la prévention scolaire. Les deux substances comparées sont le cannabis et l’alcool.
Pour notre travail de mémoire, nous avons pris la décision de ne pas traiter la totalité des données récoltées, mais de nous focaliser sur un petit nombre d’entre elles. Dans un premier temps, nous avons analysé s’il y avait différentes catégories d’enseignants face à la tolérance de consommation de substances. La tolérance est-elle la même entre les boissons alcoolisées et le cannabis ? La tolérance diverge-elle si on considère une consommation de substances par semaine ou lors d’une soirée. Après avoir obtenu des résultats montrant certaines catégories d’enseignants face à la tolérance de consommation de substances, nous avons dans un deuxième temps décidé de trouver les spécificités de ces catégories. Ces analyses quantitatives sont exploratoires et ne donnent que des indications ou tendances permettant d’élaborer de futures pistes et questions de recherche.

Le questionnaire

Le questionnaire porte sur les abus de substances (alcool et cannabis) en rapport avec le genre de l’élève.
Il existe en quatre versions :
i. un adolescent de moins de 15 ans qui consomme de l’alcool (questionnaire AM)
ii. une adolescente de moins 15 ans qui consomme de l’alcool (questionnaire AF)
iii. un adolescent de moins 15 ans qui consomme du cannabis (questionnaire CM)
iv. une adolescente de moins 15 ans qui consomme du cannabis (questionnaire CF)
Les questionnaires ont été distribués aux enseignants de manière aléatoire et en proportion égale afin de tester les quatre situations pareillement. Le questionnaire de 6 pages comprend une première page expliquant le but de la recherche et ensuite il contient un grand nombre de questions qui sont découpées de la manière suivante. :
Les différentes questions du questionnaire permettent premièrement de récolter des données personnelles sur les enseignants, deuxièmement de tester si selon les enseignants les élèves sont fiers et ont confiance dans leur établissement et dans le corps enseignant, troisièmement de questionner les expériences et les éventuelles préconceptions des enseignants, quatrièmement de voir la participation à une prévention des enseignants, cinquièmement d’interroger la préoccupation des enseignants par rapport à la prévention des abus de substances, sixièmement de montrer la tolérance des enseignants par rapport à la consommation de substances par semaine ou pour une soirée, septièmement de donner des informations sur l’implication des enseignants dans la prévention contre la prise de substances et de demander aux enseignants qui, selon eux, auraient un rôle important dans la prévention, huitièmement de questionner si les enseignants ont déjà été confrontés à un abus de substances et s’ils pensent être capables de remarquer un prise de substances par un élève, et finalement d’interroger les enseignants sur les effets et les causes possibles selon eux d’un abus de substances par un élève (Annexe I).

La population

Notre enquête s’est portée uniquement sur des enseignants vaudois au secondaire I, soit des enseignants de 9ème, 10ème, et 11ème Harmos qui ont dès lors des élèves de 12 à 15 ans. Le questionnaire a été distribué dans plusieurs établissements vaudois. Un certain nombre d’établissements sont situés à la campagne, alors que d’autres se trouvent dans des zones urbaines.
Certaines données ont été récoltées avant le début de notre mémoire. Nous y avons ajouté des données que nous avons pu récolter dans les établissements où nous travaillions durant nos stages HEP. Nous avons suivi la même méthode de récolte de données afin de pouvoir exploiter le jeu de données entier. Nous avons distribué les questionnaires qui ont été remplis et nous ont été remis anonymement.
Au total, 282 enseignants ont répondu au questionnaire. Les différents types de questionnaire représentent chacun environ 25% des questionnaires récoltés. Nous avons pu mettre en évidence que les enseignants qui ont répondu à notre enquête représentent bien le corps enseignant. Il n’y a pas de biais dans le genre, l’âge ou le nombre d’années dans la profession enseignante. En effet, les analyses montrent qu’il y a une proportion très proche de femmes et d’hommes qui ont répondu aux différents questionnaires, soit 41% sont des hommes et 55% des femmes (10 personnes soit 4% n’ont pas indiqué leur genre). Les types de questionnaires sont également bien répartis (Figure 1). La population interrogée représente bien les différentes tranches d’âge (Figure 2) ainsi que les différentes catégories « nombre d’années dans la profession enseignante » (Figure 3). Parmi les tranches d’âges, il y a des enseignants dans toutes les catégories (20-30, 30-40, 41-50, 51-60 et plus de 60 ans (Figure 2). La tranche ‘plus de 60 ans’ est très faible car les enseignants partent à la retraire dans cette tranche d’âge. Parmi la population interrogée, il y a des enseignants dans toutes les catégories possibles (1-5, 6-15, et plus de 15 ans ; Figure 3). La tranche ‘plus de 15 ans’ est plus importante que les autres ce qui nous indique que presque la moitié des enseignants exerce depuis longtemps.

Résultats

Quelle est la tolérance des enseignants face à la consommation de substances ?
Nous avons premièrement analysé les réponses à la question : Vous considérez la consommation de substance, alcool ou cannabis selon les questionnaires chez un adolescent-e-s de moins de 15 ans comme problématique à partir de combien de consommations par semaine ou lors d’une soirée, soit les questions 2.6 et 2.7. Nous observons sur la figure 4 (travaillant sur la médiane et les quartiles) que le nombre de consommations tolérées par semaine va de 0 à 10 et lors d’une soirée de 0 à 6. La Figure 4 montrent un nombre de consommation tolérée significativement plus élevé lors d’une soirée que par semaine (t = 2.59, p < 0.01). De plus, un plus grand nombre d’enseignants montrent une tolérance supérieure à 5 consommations en semaine ce qui n’est pas observable lors d’une soirée.
Il y a donc une proportion d’enseignants qui ne tolèrent aucune consommation par semaine ou lors d’une soirée (52.1% et 46.7% respectivement), une proportion qui tolère un petit nombre de consommation et une proportion qui ont une grande tolérance de consommation soit de plus de cinq consommations (9.1% et <0.01% ; Tableau 1).

Y a-t-il une différence entre les enseignants qui ont une faible tolérance et ceux qui ont une tolérance élevée face à la consommation de substances

Dans les différentes analyses précédentes, nous avons remarqué que certains enseignants avaient une tolérance très supérieure aux autres. Nous avons donc décidé d’une nouvelle répartition des enseignants en deux nouveaux groupes. Ceux qui ont une faible tolérance, soit qui tolèrent cinq ou moins de cinq consommations, et ceux qui montrent une grande tolérance qui est de plus de cinq consommations, par semaine ou lors d’une soirée. Le choix de cinq consommations est un choix arbitraire, ayant pour but d’explorer les données. A des fins de simplification et de comparaison, nous considérons ce palier identiquement pour l’alcool, le cannabis que ce soit pour une semaine ou pour une soirée.
Le tableau 4 montre que les enseignants qui ont une tolérance plus élevée que 5 consommations sont peu nombreux, soit moins de 10%. Toutefois, un plus grand pourcentage d’enseignants a une tolérance par semaine plus grande que lors d’une soirée.
Etonnamment, la consommation de cannabis, qui est, suivant nos analyses précédentes, moins tolérée que la consommation d’alcool, est tolérée à plus de cinq consommations par semaine par 7% (soit environ 10 enseignants sur 148) des enseignants alors que l’alcool ne l’est que par 5% (soit environ 6 enseignants sur 134, Tableau 4).
Chacun des groupes (moins tolérant/plus tolérant), a été analysé selon les mêmes paramètres que les deux groupes précédents (non tolérant/tolérant ; seules les analyses sur la tolérance à la consommation de boissons alcoolisées et de cannabis par semaine ont pu être effectuées car le groupe grande tolérance lors d’une soirée a un nombre insuffisant).
Nous avons testé les deux groupes selon : (i) le climat de sécurité des établissements, (ii) si les enseignants ont déjà participé à une démarche de prévention, (iii) si la prévention est un sujet qui les préoccupe et (iv) si leur représentation positive face à la prévention est importante (Tableau 5).
Aucune différence significative n’a pu être mise en évidence au moyen de t.test mais nous observons une différence de plus de 0.3 dans la tolérance à la consommation d’alcool par semaine pour le paramètre « degré de préoccupation de la prévention », dans la tolérance par semaine de la consommation de cannabis pour les paramètres « climat de sécurité dans les établissements » et « degré d’implication », et pour la tolérance à la consommation d’alcool lors d’une soirée pour le paramètre « climat de sécurité dans les établissements ».
Le paramètre « climat de sécurité dans les établissements » et « degré d’implication » montrent une valeur plus élevée dans les groupes tolérance ≤5, alors que les valeurs pour le paramètre « degré de préoccupation de la prévention » est plus bas.
Aucune différence significative n’a été identifiée dans les différentes analyses qui suivent, des tendances sont toutefois observables. La différence entre les deux groupes par rapport au genre de l’enseignant montre la même tendance pour l’alcool et le cannabis, soit il y a plus d’hommes très tolérants que de femmes et dans une proportion importante (environ 40% d’écart ; Figure 14). Il y a plus d’enseignants ayant 20-40 ans qui montrent une grande tolérance dans la consommation d’alcool (Figure 15). Dans le cas du cannabis, la proportion d’enseignants ayant 20-30 ans et 41-60 ans sont plus nombreux à être faiblement tolérants que ceux ayant 31-40 ans. Les résultats en fonction du nombre d’années dans la profession enseignante suivent les mêmes tendances que l’âge (Figure 16). Pour l’alcool, plus de jeunes enseignants sont fortement tolérants et pour le cannabis c’est dans la tranche 6-15 ans qu’il y a le plus d’enseignants fortement tolérants.

Les enseignants face à la prévention

De plus, nous avons analysé certains paramètres de notre questionnaire et avons pu mettre en évidence que la majorité des enseignants (86%) ayant répondu à notre enquête n’ont jamais ou rarement participé à une démarche visant à prévenir la consommation de substances (Figure 4). La proportion d’enseignants qui répond être préoccupé par la prévention des abus de substances chez les élèves est de 45% (Figure 18) ce qui est plus haut que le pourcentage des enseignants ayant participé à une démarche de prévention (14%). Cette analyse indique peut être une demande des enseignants à avoir accès à plus d’actions de prévention. Les analyses montrent que 45% des enseignants se préoccupent peu de la problématique des abus de substances montrant que tous les enseignants ne s’impliqueraient pas forcément de la même manière dans une démarche de prévention.
Cette analyse peut également montrer que près de la moitié des enseignants se sentent impliqués, ce qui pourrait être exploité par les établissements scolaires en termes de formation des enseignants pour la prévention. En effet, les enseignants ne se sentent pas forcément compétents dans ce domaine.

Discussion

Nous avons analysé ce questionnaire de façon exploratoire afin de voir si certaines tendances ressortaient. Nous nous sommes particulièrement intéressées à la question de la tolérance des enseignants face à la consommation d’alcool et de cannabis chez les d’adolescents de 15 ans. Par conséquent, un certain nombre de questions n’ont pas été prise en compte. Peu d’analyses ont montré des résultats significatifs mais un nombre important de tendances ont pu être mises en avant. Ceci souligne la nécessité d’interroger une plus large population afin de déterminer si les résultats mis en évidence sont significativement observables. De plus certains seuils ont été choisis durant cette étude, par exemple qu’une grande tolérance serait une tolérance supérieure à 5 consommations. Une estimation plus précise, basée sur un nombre plus important de personnes interrogées et d’études, permettrait d’établir à partir de quel nombre de consommations nous devrions considérer une tolérance comme une faible ou importante.
La législation suisse interdit la consommation de substances chez les jeunes (pas d’alcool avant 16 ans et aucune consommation permise pour le cannabis ; loi fédérale sur l’alcool du 21 juin 1932 (Lalc) et la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes de 1951 (LStup)), ceci a pour but de protéger les adolescents des effets néfastes de ces substances (addiction, perte des repères, etc. ; Hibell et al., 2013). Les enseignants ont comme rôle de faire respecter la loi et les directives propres à leur établissement (Loi sur l’enseignement obligatoire, LEO). Une tolérance zéro devrait être appliquée envers toutes substances incluant l’alcool et le cannabis, hors nous avons mis en évidence lors de nos analyses qu’environ la moitié des enseignants seulement, 52.1% en semaine et 46.7% lors d’une soirée, ne tolèrent pas la consommation de substances et sont donc en conformité avec la loi. L’autre moitié tolère une certaine consommation de substances. Ce résultat nous amène à nous poser plusieurs questions. Les enseignants sont-ils inconscients des risques encourus par les élèves ? Méconnaissent-ils la loi ? La consommation de substances n’est-elle pas une de leurs préoccupations ? D’autres paramètres empêchent-ils les enseignants d’appliquer une tolérance zéro ? Pour répondre à ces questions, il serait également intéressant de faire une enquête supplémentaire. Il faudrait approfondir les raisons de cette tolérance car cela permettrait d’établir des programmes de prévention ciblés non seulement sur les élèves mais également sur les enseignants. Nous pensons que le danger d’une telle tolérance de la part des enseignants est qu’elle pourrait laisser penser aux élèves de 15 ans qu’ils ne sont pas obligés de respecter les lois.
Un autre résultat intéressant révélé par notre étude est la différence de tolérance entre les deux substances traitées, soit l’alcool et le cannabis. La consommation d’alcool est plus tolérée que celle du cannabis, soit en moyenne de 1.55 consommations en semaine et 1.46 lors d’une soirée pour l’alcool, contre 0.97 par semaine et 0.39 lors d’une soirée pour le cannabis. Cette tolérance plus élevée pour l’alcool pourrait être expliquée par le fait que le cannabis n’a pas forcément une connotation liée à la fête. De plus, la consommation d’alcool est légalement tolérée à partir d’un certain âge (dès 16 ans) et est facilement accessible (Windlin, Delgrande, & Kuntsche, 2011). La Suisse étant productrice d’alcool (vin, eaux de vie, etc.), il est dans l’usage d’en consommer. L’adulte est sans doute plus tolérant face à la consommation d’alcool par les jeunes suite à des habitudes culturelles.
Addiction Suisse montre bien cette ambiguïté liée aux habitudes culturelles et à l’histoire du vin en Suisse. L’alcool est considéré comme un bien culturel, un bien de consommation ou une substance psycho active (www.addictionsuisse.ch/fileadmin/user_upload/DocUplo ad /Focus_Alcool.pdf). Une autre hypothèse serait que certains enseignants sont tolérants par facilité car une tolérance zéro pourrait impliquer des confrontations et des conflits.
Chaque enseignant devrait dans sa formation apprendre à gérer les conflits et dans une certaine mesure les comprendre (Merazzi, 2006), afin d’avoir les outils et les compétences pour les situations difficiles.
Nous constatons également que la consommation de substances est plus tolérée par semaine que lors d’une soirée. Si on considère une semaine ou une soirée, la durée des deux catégories est extrêmement différente, la semaine court sur sept jours alors qu’une soirée sur quelques heures. Les enseignants ont sans doute préféré une consommation faible mais régulière plutôt qu’importante et concentrée sur les quelques heures d’une soirée. Ce résultat nous surprend pour l’alcool qui est une substance liée à la fête et il semble incohérent de tolérer une consommation d’alcool hors du contexte festif. Le fait que la consommation d’alcool soit ainsi acceptée pourrait être attribué au fait que la Suisse puisse être assimilée à un pays de culture ‘wet’ vis à vis de la consommation d’alcool (Kuendig et al., 2008). Une région (état ou pays) dite de culture ‘wet’ indique que les normes sociales en rapport avec la consommation d’alcool suive généralement un modèle de consommation d’alcool fréquent mais en quantité modérée (Room, 2001 ; Room & Mäkelä, 2000). Les endroits dit de culture ‘dry’ suivraient plutôt une consommation d’alcool peu fréquent mais plus importante par événement. Les différents modèles de consommation peuvent induire chez les gens selon les régions une tolérance de comsommation différente. Nous nous demandons également si il n’y a pas un biais dans le questionnaire et que la notion de semaine est différemment interprétée suivant les enseignants. La semaine implique-t-elle les cinq jours ouvrables et le week-end ou uniquement les cinq jours ouvrables ? Des questions complémentaires devraient être posées ou une définition plus précise devrait être inclue dans le questionnaire. Si cette tolérance plus élevée par semaine est maintenue, ce résultat pourrait indiquer que les enseignants sont peut être contre une consommation d’un nombre élevé de substance dans un temps court, qui pourrait amener à des conséquences graves comme par exemple un coma éthylique. Mais une tolérance plus élevée par semaine pourrait indiquer une consommation régulière et amener à des conséquences graves que ne perçoit peut-être pas l’enseignant comme une dépendance pour le futur adulte qu’est l’élève. Parmi ces analyses, nous avons remarqué, pour la consommation de cannabis, qu’un nombre non négligeable d’enseignants (7%, soit 10 enseignants) tolèrent un nombre conséquent de consommations (plus de cinq) par semaine. Ceci pourrait indiquer que ces enseignants considèrent le cannabis comme un moyen de détente non réservé à des moments particuliers comme les fêtes ou les soirées. De plus, il est intéressant de constater les grandes différences de représentation des enseignants suivant les deux substances testées.
Chaque substance devrait donc être traitée spécifiquement du point de vue de la prévention autant au niveau des élèves que des enseignants. Cette différence découlerait-elle de la facilité à obtenir la substance, des habitudes de consommation de la société ou alors du comportement personnel des enseignants vis à vis de ces deux substances? Le questionnaire ne nous permet pas de répondre à ces questions. Nous nous sommes toutefois intéressées à voir s’il y avait des différences dans la tolérance des enseignants selon les substances.
Dans un premier temps, nous avons comparé les enseignants n’ayant aucune tolérance par rapport aux enseignants ayant une certaine tolérance (>0 consommation(s)). Dans un second temps nous avons séparé les enseignants qui ont une tolérance faible (≤5 consommations) et ceux qui ont une tolérance élevée (>5 consommations) et nous avons testé dans les deux cas si le genre, l’âge et le nombre d’années dans la profession permettaient de différencier les deux groupes. Aucun résultat significatif n’a été trouvé par contre des tendances ont été identifiées.
Lors de la comparaison des groupes non tolérant et tolérant, les trois facteurs testés montrent des différences et pourraient indiquer qu’il y a des catégories d’enseignants ayant des représentations différentes. Les femmes montrent plus de tolérance pour la consommation d’alcool que de cannabis contrairement aux hommes. Nous sommes étonnées par ce résultat. Est-ce que les femmes maitriseraient plus facilement leur consommation d’alcool et donc concevraient plus faiblement une problématique autour de la consommation d’alcool? Une étude menée par addiction suisse, montre en effet que les hommes sont plus nombreux à être hospitalisés avec un diagnostic « d’intoxication alcoolique » que les femmes et ce de manière générale, quel que soit l’âge de la personne (Wicki & Stucki, 2014). Cette hypothèse semble confirmée lors de l’autre catégorisation (≤5 consommations, >5 consommations), qui indique que plus d’hommes tolèrent une grande quantité de consommations de boissons alcoolisées. Ceci indiquerait que les femmes tolèrent plus facilement mais en plus faible quantité.
On observe pour l’âge et pour le nombre d’années dans la profession que globalement les enseignants qui sont plus tolérants face aux consommations d’alcool par semaine et lors  d’une soirée sont plus jeunes et avec moins d’années d’expérience. Nous pensons que nous avons affaire à une seule classe, soit qu’un enseignant jeune a forcément peu d’années d’expérience. Les cas d’enseignants âgés avec peu d’années d’expérience sont plus rares.
Deux hypothèses pourraient expliquer ces résultats. La première : l’âge est le facteur déterminant. Un enseignant jeune a possiblement un style de vie différent, il fréquente peut-être davantage d’établissements nocturnes. De plus, selon les données rassemblées, la majorité d’entre eux n’a pas d’enfant (sur 125 enseignants âgés de 20-30 ans, 90% n’ont pas d’enfant). Le jeune adulte a sans doute un rapport à l’alcool différent. La seconde : le nombre d’années dans la profession est le facteur déterminant. Un enseignant qui a peu d’années d’expérience a été peu confronté à des problèmes d’alcool parmi les élèves et en sous-estime les conséquences. Dans les deux cas, une évolution des représentations est observée chez les enseignants, ceci étant visible dans les deux catégorisations de groupe.
C’est étonnant car de manière générale, la fréquence de la consommation des adultes augmente avec l’âge, ainsi que les hospitalisations pour intoxication alcoolique (ISPA, 2009; Wicki & Stucki, 2014) .
Concernant la tolérance au cannabis par semaine, la proportion entre les groupes non tolérant et tolérant est également répartie pour les facteurs âge et nombre d’années dans la profession. Par contre, lors de la classification tolérance faible ou élevée, les résultats indiquent que les enseignants qui ont une tolérance élevée sont âgés de 30-40 ans ou sont depuis 6-15 ans dans la profession. Aucun résultat n’a pu être obtenu concernant la consommation de cannabis en soirée pour ce groupe, un nombre trop faible d’enseignants avaient une tolérance élevée. Aucune hypothèse ne nous semble valider ce résultat et cela montre la nécessité d’avoir plus de données.
Cette étude a mis en avant plusieurs tendances et facteurs permettant d’expliquer ou de catégoriser les enseignants selon leurs représentations. Toutefois, un nombre plus important d’enseignants devraient être interrogés afin de confirmer nos résultats et permettre d’orienter de futures recherches.
Suite aux résultats des tests précédents, nous nous sommes demandé si la différence était avérée pour les deux substances (alcool, cannabis) et avons donc fait des tests en séparant les deux substances. En analysant séparément la consommation d’alcool et de cannabis, nous observons que la consommation d’alcool est plus tolérée que la consommation de cannabis, et ceci par semaine autant que lors d’une soirée (Figure 5). Un nombre important d’outliers est visible dans la tolérance de cannabis par semaine. Si on regarde les quartiles de la Figure 5, les boissons alcoolisées ont tendance à être plus tolérées lors d’une soirée que par semaine mais aucune différence significative n’a pu être mise en évidence (t= 0.47, p = 0.64). Quelques enseignants ont indiqué une grande tolérance dans la consommation de boissons alcoolisées, soit plus haute que cinq.
Concernant les consommations de cannabis, la tolérance est plus faible que celle concernant la consommation de boissons alcoolisées surtout lors d’une soirée. Une différence significative entre la tolérance de consommation de cannabis par semaine ou lors d’une soirée a été trouvée (t = 3.26, p < 0.01). De manière opposée à la tendance trouvée pour la tolérance de consommation d’alcool, la tolérance à la consommation de cannabis est plus grande par semaine que lors d’une soirée. Parmi les enseignants qui tolèrent des consommations de cannabis, un nombre important accepte une consommation plus importante que la moyenne et ceci particulièrement par semaine.

L’âge de l’enseignant

Nous avons testé si l’âge des enseignants influençait significativement la tolérance de consommations d’alcool ou de cannabis, et ceci en séparant les consommations tolérées par semaine ou lors d’une soirée. Aucune différence significative n’a pu être mise en évidence à l’exception de la tolérance de boissons alcoolisées lors d’une soirée (ANOVA, alcool par semaine F=1.64, p=0.37 ; alcool lors d’une soirée, F=2.41, p=0.05 ; cannabis par semaine F=0.177, p=0.95, cannabis lors d’une soirée, F=0.12, p=0.98). En effet, les enseignants faisant partie de la tranche d’âges 20-30 ans ont une tolérance dans la consommation d’alcool lors d’une soirée significativement plus élevée, et ceux qui sont dans la tranche d’âges 41-50 ans ont une tolérance significativement plus basse. (Figure 9).

Le nombre d’années d’expérience des enseignants

En testant si le nombre d’années dans la profession enseignante influence la tolérance des enseignants (Figure 10), nous avons mis en évidence que les enseignants qui sont dans la profession depuis 1-5 ans ont une tolérance dans la consommation d’alcool lors d’une soirée significativement plus élevée que les autres, et ceux qui enseignent depuis plus de 15 ans ont une tolérance dans la consommation d’alcool lors d’une soirée significativement plus basse (ANOVA, alcool lors d’une soirée, F=3.12 p<0.05). Aucune différence n’a été révélée entre les catégories pour la tolérance face aux consommations de boissons alcoolisées par semaine ou de cannabis par semaine et lors d’une soirée (ANOVA, alcool par semaine F=1.09 p=0.34 ; cannabis par semaine F=0.14, p=0.87, cannabis lors d’une soirée, F=0.72, p=0.49).

Conclusion

Les établissements scolaires sont des milieux privilégiés et importants dans la prévention chez les adolescents de 15 ans. En effet, ils réunissent une population importante d’adolescents qui sont encadrés par différents professionnels. Les programmes de prévention sont divers mais en majorité centré sur les adolescents (Bantuelle &
Demeulemeester, 2008). Nos résultats nous incitent toutefois à penser que la prévention basée uniquement sur l’élève n’est pas suffisante. Sans compter que le peu de prévention effectuée dans nos établissements nous permet d’affirmer que l’efficacité n’est pas optimale (Bantuelle & Demeulemeester, 2008), efficacité qui n’a par ailleurs pas pu être contrôlée par une ou plusieurs études faute de moyens et de temps. Par conséquent il nous semble important que l’on se penche sur la question de la prévention des abus de substances en incluant les enseignants, personnes incontournables, de référence et proches des élèves. Nos résultats montrent également que presque la moitié des enseignants se sentent concernés par la prévention (45%) alors qu’ils sont peu nombreux à en faire, suggérant qu’une participation volontaire serait donc plus adaptée qu’une prévention forcée (enseignants de sciences par exemple qui ont la prévention dans leur programme d’enseignement). Une participation volontaire répondrait peut être aux attentes et envies de certains enseignants qui montreraient plus de motivation et d’engagement dans la
prévention mais aussi dans leur propre formation vis-à-vis du sujet. Si des programmes de formation et de sensibilisation étaient mis en place pour les enseignants, cela leur donnerait les outils nécessaires pour se sentir plus sûrs d’eux-mêmes afin d’intervenir auprès des élèves. De plus, une prévention volontaire peut sans formation préalable avoir des effets
non-voulus et négatifs, iatrogènes. Une étude menée dans cinq écoles australiennes montre que certains enseignants se sentent surchargés et pas suffisamment formés pour faire de la prévention (Deed, 2007) ce qui montre la nécessité de former les enseignants sur ce sujet. Ces enseignants, ainsi formés, intégreraient plus facilement, plus souvent et plus adéquatement la prévention dans leurs disciplines. Cela irait sans doute renforcer l’efficacité sur les élèves car on serait dans de la prévention à long terme. Ce groupe d’enseignants formés pourrait faire de la prévention primaire universelle, et en cas de nécessité pourrait dépister des adolescents ayant des comportements à risque pour lesorienter vers des professionnels (prévention secondaire ou tertiaire, sélective ou indiquée).
Il a été démontré qu’une intervention efficace doit être répétitive et sur une longue durée (Bantuelle & Demeulemeester, 2008). De plus, si un nombre important d’enseignants fait de la prévention, les élèves se sentiront dans un système cohérant, créant un cadre de protection, et leur prise de risques pourrait diminuer.
Nos résultats semblent montrer qu’il y a des catégories d’enseignants qui ont une tolérance différente envers l’abus de substances. Les programmes de formation des enseignants pour la prévention doivent tenir compte des différentes caractéristiques de ces catégories afin d’optimiser leur efficacité. Le présent travail ne permet pas de donner des catégories claires et significatives mais montre la nécessité de faire des études sur les enseignants, acteurs incontournables en milieu scolaire, afin d’élaborer des programmes de prévention primaire et universelle efficaces.

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Table des matières

I. INTRODUCTION 
II. CADRE THÉORIQUE 
LA LOI
LES COMPORTEMENTS À RISQUE
LE MILIEU SCOLAIRE ET LES PROGRAMMES DE PRÉVENTION
III. PROBLÉMATIQUE
IV. MÉTHODE 
L’OUTIL
LE QUESTIONNAIRE
LA POPULATION
LES OUTILS DE TRAITEMENT DE DONNEES
V. RÉSULTATS 
QUELLE EST LA TOLÉRANCE DES ENSEIGNANTS FACE À LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES ?
Y A-T-IL UNE DIFFÉRENCE ENTRE LES ENSEIGNANTS QUI N’ONT AUCUNE TOLÉRANCE
FACE À LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES ET CEUX QUI EN ONT ?
Y A-T-IL UNE DIFFERENCE ENTRE LES ENSEIGNANTS QUI ONT UNE FAIBLE TOLERANCE ET CEUX QUI ONT UNE TOLERANCE ELEVEE FACE A LA CONSOMMATION DE SUBSTANCES ?
LES ENSEIGNANTS FACE À LA PRÉVENTION
VI. DISCUSSION 
VII. CONCLUSION 
VIII. RÉFÉRENCES 
IX. ANNEXE 
ANNEXE I

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