Qualification de l’origine des viandes bovines selon les manières de produire

Depuis une décennie, nos sociétés du Monde occidental s’interrogent fortement sur les orientations et les fonctions de l’agriculture. Elles sont amenées à reconsidérer la fonction productive de l’agriculture, notamment en recherchant les voies d’un développement durable. Les crises successives qui ont ébranlé le monde agricole ces dernières années (la vache folle, la dioxine ou encore les OGM), ont accentué cette demande en faveur d’un « produire autrement ». Il s’agit à la fois d’accroître préférentiellement la qualité des produits plutôt que leur quantité et de faire jouer à l’agriculture son rôle territorial et environnemental. Cette orientation vaut pour toutes les productions alimentaires, et en particulier pour l’élevage des bovins, le plus durement touché par les crises.

C’est la filière viande qui a retenu particulièrement notre attention. Si la production ne s’est guère « industrialisée », la distribution a été profondément modifiée depuis une trentaine d’années. En effet, à partir des années 1970, de moins en moins de bouchers détaillants occupent l’arrière des étals pour assurer à leurs clients la provenance de l’animal et la manière dont il a été élevé. Une partie croissante de la viande est commercialisée en grandes surfaces sous forme de portion unitaire industrielle (PUI), sans autre indication que l’espèce animale qui a servi à confectionner le morceau de viande en barquette. Ces nouveaux modes de distribution rompent avec la convention « domestique » de confiance qui prédominait au travers de la relation interpersonnelle entre le boucher et son client. Chaque client estimait qu’il consommait de la bonne viande, parce qu’il avait un bon boucher. Les deux crises successives dues à l’ESB (Encéphalopathie Spongiforme Bovine) encore appelée « maladie de la vache folle » en 1996 puis en 2000 ont profondément entamé la confiance des consommateurs dans une viande dont ils ne connaissaient finalement plus rien. Suite à ces bouleversements, les réponses immédiates ont été de nature réglementaire. Afin de satisfaire le besoin de réassurance des consommateurs sur la viande, le Parlement et le Conseil européen adoptent un premier règlement (820/97) qui codifient les éléments déjà disponibles sur la traçabilité et sur l’étiquetage. Il reste donc à inventer ce cadre permettant d’assurer l’exactitude des informations figurant sur l’étiquette. C’est l’objet d’un dispositif inédit établi au niveau communautaire assurant la provenance documentée de l’animal vif jusqu’à sa viande, plus connu sous le terme de traçabilité. Parallèlement, en France, les pouvoirs publics mettent en place une marque certifiant la provenance française de la viande : VF (Viande Française) puis VBF (Viande Bovine Française) pour éviter toute confusion malencontreuse dans l’acronyme. De même, l’interprofession bovine met en place deux marques certifiées, l’une Bœuf de Tradition Bouchère (BTB) destinée aux bouchers détaillant et l’autre  Bœuf Verte Prairie (BVP) destinée au grandes surfaces .

Des dispositifs centrés autour de la carcasse à partir des années 1960

Jusqu’en 1960, l’absence réglementaire d’indexation du paiement des carcasses sur une grille de classement unique créait des disparités de prix importantes sur les différents marchés régionaux, y compris sur le marché parisien de la viande. Si bien qu’au mois de septembre 1952, suite au rapport d’Alexandre Verret (1952), le Conseil Economique recommande que soit étudié à nouveau le problème de l’unification éventuelle du marché parisien des viandes. Le 7 novembre 1952, nous dit Haddad (1995), le directeur de la Police économique convoquait les représentants du syndicat de la Boucherie en gros, quai de Gesvres, afin de leur faire connaître les résultats de l’enquête effectuée par ses services sur les prix de la viande au marché aux bestiaux et aux abattoirs. Il résultait de cette enquête que les chevillards achetaient environ 5 % d’animaux au prix de « l’extra », proportion confirmée par les commissionnaires en bestiaux, mais qu’ils en revendaient plus de 30 % en extra dans les échaudoirs. L’administration estimait que cette pratique, consistant à reclasser les animaux en qualité, permettait à la boucherie en gros et à la boucherie de détail de faire de larges bénéfices au détriment des consommateurs et des producteurs. Le manque de références sur la qualité des carcasses bovines aboutissait donc à un manque de transparence de la mise en marché des viandes.

De la grille de classification FRANCE à la grille SEUROP 

Rapidement, l’arrêté ministériel du 24 octobre 1961 établit le classement des carcasses selon leur conformation et attribue une valeur commerciale à chacune des classes définies. Cette classification s’inspire largement des travaux du vétérinaire A. Houdinière (1957) sur les profils concaves, convexes ou rectilignes des quartiers arrières des carcasses. Cette codification repose sur la définition d’une classe d’animal selon l’âge, le sexe et la race et des caractéristiques propres à la carcasse (la conformation, la qualité du muscle, l’importance de l’os, le degré d’engraissement, la qualité de la graisse).

Un peu plus tard, la loi du 8 juillet 1965 réglemente les conditions nécessaires à la modernisation du marché des viandes parmi lesquelles la classification des viandes bovines prévue par l’article 13. Il précise que l’identification des animaux, l’identification et la classification des viandes, la découpe des carcasses destinées à la commercialisation sont réglementées par arrêtés conjoints du Ministre de l’Agriculture et du Ministre chargé du Commerce en tenant compte de la nécessité d’harmoniser ces méthodes dans le cadre de la communauté économique européenne et des échanges extérieurs. Cette nouvelle identification prend effet le 9 juillet 1966. Elle est désormais pratiquée par un Service d’Etat d’hygiène alimentaire composé de vétérinaires fonctionnaires spécialisés. Dans un article dédié à la classification des viandes, la revue AZ élevage (1966) avance que l’inspection qualitative obligatoire des carcasses est présentée dans l’article premier de la loi comme devant être procédée dans l’intérêt de la protection de la santé publique. Il ne fait cependant aucun doute que cette qualification a été prévue dans un but économique afin de pouvoir servir la politique.

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Table des matières

Introduction générale
1. DES DISPOSITIFS CENTRES AUTOUR DE LA CARCASSE A PARTIR DES ANNEES 1960
1.1 Des dispositifs réglementaires
1.1.1 L’estampille label
1.1.2 De la grille de classification FRANCE à la grille SEUROP
1.2 Des dispositifs de recherches
1.2.1 Modélisation du lien entre composition corporelle des carcasses et la quantité de viande produite
1.2.2 Extension de la modélisation du lien entre les types d’animaux vifs et la quantité de viande produite
1.2.3 Mise en relation directe du lien entre l’animal sur pieds et de sa viande
1.2.4 Intégration du fonctionnement des activités d’élevage dans les modèles zootechniques
1.2.5 Des connaissances nombreuses, mais difficilement utilisables pour la qualification
1.2.6 Une approche plus globale
1.2.7 … ou plus approfondie au niveau biologique
1.2.8 Synthèse des facteurs influençant la qualité de la viande bovine
1.2.9 Perspectives de recherches
1.3 Des dispositifs techniques, professionnels et commerciaux
1.3.1 Un déplacement des lieux et des fonctions dans la filière
1.3.2 De nouveaux dispositifs techniques
1.3.3 Un changement dans les méthodes de négociation de la viande
2. DEVELOPPEMENT DES MARQUES DEPOSEES OU CERTIFIEES
2.1 Aperçu des marques, label rouge et certificat de conformité existants
2.2 Des démarches fondées sur la connaissance des facteurs permettant de produire une viande de qualité supérieure
3. PROBLEMATIQUE DE RECHERCHE : LA QUESTION DE L’ORIGINE DES VIANDE BOVINE
3.1 Le marquage du lien à l’origine : état de l’art
3.1.1 La dimension physique au terroir
3.1.2 La dimension socio-historique du terroir
3.2 Spécificités de la qualification de l’origine dans le cas de la viande bovine
3.2.1 Quelle place pour l’origine par rapport à la provenance et la qualité supérieure?
3.2.2 Ce que la crise a mis en évidence
3.3 Un renforcement des exigences réglementaires
3.4 Les enjeux de la différenciation des viandes bovines selon leur origine
3.4.1 Protection de la dénomination géographique
3.4.2 Production de références
3.4.3 Développement territorial
3.5 Exploration des obstacles pour qualifier l’origine des viandes bovines
3.5.1 Des obstacles attenants au produit lui-même et aux savoir-faire de transformation
3.5.2 Des obstacles liés aux acteurs en présence dans la filière
3.5.3 La mise en équivalence des carcasses neutralise le lien à l’origine
3.5.4 Une question de disciplines cloisonnées
3.6 Quelles sont les voies possibles de qualification de l’origine puis de son transport?
3.6.1 Explorer les arcanes de la boucherie
3.6.2 Décloisonner les activités d’élevage et de boucherie : faire dialoguer l’éleveur et « son » boucher
3.6.3 Dire l’origine d’une viande : des dispositifs spécifiques pour reconnaître l’altérité
3.6.4 L’indiscipline des disciplines
3.7 Proposition d’hypothèses
4. CHOIX DES CHANTIERS ET METHODOLOGIE D’APPROCHE
4.1 Echantillonnage
4.2 Constitution d’un jeu de données
4.2.1 Données informatives
4.2.2 Données d’observations en situation des pratiques
4.2.3 Données d’enquêtes par entretiens semi directifs
4.2.4 Données issues du cours d’action et auto-confrontation par enregistrements vidéoscopiques
4.2.5 Reconstruction ex post des couplages entre le fonctionnement des activités
4.3 Mode de traitement : analyse du discours
4.3.1 Mise à disposition des données de natures différentes
4.3.2 Intérêts du recours à l’analyse de données textuelles : accéder aux savoir-faire
4.3.3 Logiciels disponibles pour l’analyse de données textuelles
4.3.4 Principes méthodologiques de Tropes et d’Alceste
4.3.5 Mise en forme des données textuelles
4.3.6 Détails des aides à l’interprétation des données à disposition sous Alceste
5. CONSTRUCTION DU DISPOSITIF DE THESE : LES SITUATIONS PERTINENTES A OBSERVER
5.1 Recension systématique des situations reconnues ou en cours de reconnaissance de leur origine
5.2 Organisation de cette diversité
5.2.1 Limite du système initial de catégorisation des situations
5.2.2 Identification d’une nouvelle clé typologique mettant en avant les fondements du marquage de l’origine
5.2.3 Des choix nécessaires : partition des terrains entre « principaux » et « satellites»
5.2.4 Organisation du travail d’enquête sur chaque terrain
Conclusion générale 

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