Pudeur et allaitement

« Deux nouveau-nés sur trois sont allaités à la naissance », soit un taux de 66%. Ce sont les chiffres les plus récents publiés en 2016 par la DREES* concernant le taux d’allaitement maternel en 2013. [1] Si l’allaitement a beaucoup progressé depuis les années 90, son taux reste stable ces dix dernières années. Bien que les dernières publications de l’OMS* concernant l’allaitement recommandent 6 mois d’allaitement exclusif [2], ce taux descend à 30 % à 4 mois est n’est plus que de 18% à 6 mois.

Beaucoup de déterminants peuvent impacter plus ou moins la mise en place et la poursuite d’un allaitement. De nombreuses études le montrent, et se recoupent globalement sur les mêmes résultats. Entre autres, un début difficile, la reprise du travail, ou l’accompagnement par des professionnels formés. Cependant, si un élément n’est pas tant mentionné, mais bel et bien présent dans l’esprit des femmes, et cela depuis le début de la grossesse, c’est bien la pudeur.

Le dictionnaire Le Larousse [3] définit la pudeur en ces termes : « Disposition à éprouver de la gêne devant ce qui peut blesser la décence, devant l’évocation de choses très personnelles et, en particulier, l’évocation de choses sexuelles ; Discrétion, retenue qui empêche de dire ou de faire quelque chose qui peut blesser la modestie, la délicatesse ».

Cela n’est-il pas le cas avec l’allaitement maternel ? Bien que le rôle primaire de la glande mammaire soit l’alimentation du nouveau-né, l’exposition du sein, organe très souvent lié avec l’intime, la sexualité, n’est pas un acte banal pour la femme. Après la dynamique de la grossesse et de l’accouchement, la femme doit à nouveau exposer une partie de son corps, mais cette fois dans une tout autre optique. En effet, si lors d’une grossesse, l’exposition du corps est nécessaire lors du suivi médical, et surtout lors de l’accouchement, c’est une tout autre histoire pour l’allaitement maternel : il s’agit ici d’un choix personnel, une décision souvent prise après de longs moments de réflexions. Si les bénéfices de l’allaitement sont souvent démontrés dans les études les plus récentes cités sur la Leche League, la réalité de l’allaitement peut en être complètement différente.

Qu’est-ce que la théorisation ancrée ?

Il s’agit d’une méthode d’analyse qualitative dans le but de « générer inductivement une théorisation au sujet du phénomène culturel, social ou psychologique, en procédant à la conceptualisation et la mise en relation progressive et valide de données empiriques qualitatives » [4]. Contrairement aux autres types d’analyses qualitatives, où la recherche bibliographique se fait en amont, cette dernière ne se fait qu’après le recueil des données. Cela permet ainsi d’éviter les possibles influences induites par la littérature, ou de biaiser l’étude avec ses propres idées sur le sujet. Cette analyse débute d’emblée par la réalisation d’entretiens semi-directifs. Ces entretiens sont guidés par une trame qui s’enrichit constamment à travers les différents entretiens conduits, dans le but d’obtenir le plus d’informations possibles sur le sujet. Ainsi, si un nouvel élément est abordé par une personne, il sera implémenté et discuté dans le prochain entretien afin d’en recueillir son avis sur le sujet. Ces entretiens sont ensuite retranscrits puis analysés par codage, strictement dans l’ordre chronologique dans lequel ils ont été effectués. Ce codage consiste en la classification des différents termes et ensembles de mots dans un titre qui en résume le contenu. Ces différents titres sont ensuite classés secondairement dans des catégories de plus grande ampleur, dans le but de les mettre en commun. Ces entretiens s’achèvent lorsque les données arrivent à saturation. De ce fait, il est impossible de préciser le nombre d’entretiens préalable à l’étude. C’est la saturation des données qui décidera du moment où la phase des entretiens sera arrêtée. Une fois les entretiens menés et l’analyse de ces derniers achevés, la recherche bibliographique est débutée afin de faire le lien entre la littérature et les données recueillies.

Lieu d’étude et de réalisation des entretiens

L’étude a été menée dans le département du Var avec l’aide de l’association Allaitement 83, qui a fait circuler une fiche d’information préalablement créée concernant le sujet d’étude. La sélection des sujets s’est donc faite sur la base du volontariat. Les femmes volontaires ont ainsi répondu soit par mail, soit par téléphone pour discuter des modalités et du lieu de l’entretien.

Les entretiens ont été entrepris, selon la disponibilité et le souhait des femmes interrogées, soit à domicile, soit dans un lieu public calme (parc).

La population étudiée

Les sujets inclus dans cette étude sont des femmes allaitant actuellement leur enfant depuis trois mois ou plus, ou ayant allaité récemment leur enfant pendant plus de trois mois il y a moins d’un an. Dans le souci de s’assurer que l’allaitement a bien été mis en place, et d’avoir suffisamment de données concernant le ressenti, cette période de trois mois (ou plus) a été retenue. Il en est de même pour s’assurer du bon souvenir que ces femmes avaient de leur ressenti concernant l’allaitement et la pudeur, d’où la décision de n’inclure que les femmes ayant arrêté leur allaitement il y a moins d’un an. De ce fait, ont été exclues les femmes dont leur dernier allaitement datait de plus d’un an, et non-incluses les femmes dont leur allaitement a duré moins de trois mois.

Déroulement des entretiens et recueil de données

Un premier guide d’entretien contenant des questions ouvertes a été testée, puis améliorée en une trame d’entretien contenant les différents thèmes abordés avec les femmes interrogées. Cette trame, servant de support, s’est enrichie et développée au fur et à mesure des différents entretiens effectués. L’âge, la profession, la gestité, la parité, et le nombre d’allaitements effectué ont été demandé afin d’obtenir les caractéristiques de chaque femme participant à l’étude. Le choix d’un pseudo leur est demandé avant le début de chaque entretien afin d’assurer l’anonymat. Ces entretiens ont été enregistrés via un dictaphone après information et accord des femmes au préalable. Un enregistrement vidéo avait été proposé pour analyser également le langage non verbal, mais abandonné suite au refus fréquent des femmes qui ressentaient un certain malaise à être filmées. Dans le souci d’obtenir le plus d’informations possible, les questions ouvertes ont été privilégiées. Occasionnellement, quelques reformulations ou questions fermées ont été formulées afin d’obtenir plus de précisions sur certains thèmes. Chaque entretien a ensuite été entièrement retranscrit via le logiciel Microsoft Word, puis analysé par le système de codage précédemment décrit. L’analyse a été réévaluée par la suite avec la directrice de mémoire afin de s’assurer de la bonne application de la méthodologie. Ainsi, les données ont été saturés après la réalisation de 9 entretiens réalisés dans la période d’avril à début septembre 2016, avec une durée variant de 27 à 102 minutes selon les femmes interviewées.

Le ressenti de leur pudeur

Définition de leur pudeur
Toutes les femmes interrogées se considèrent pudiques au début de l’entretien, sauf Camille, qui affirme n’avoir jamais été très pudique. Cette pudeur, comme il sera démontré par la suite, va varier du fait de la mise en place de l’allaitement. Par exemple, Martine, qui mentionne une certaine pudeur à la base, démontre par la suite qu’elle n’est pas pudique quand il s’agit de donner le sein. Au contraire, certaines femmes comme Camille, qui ne se considéraient pas comme pudique, se découvrent un côté pudique, qu’elles ignoraient jusque-là, avec la mise en place de l’allaitement.

Quel est leur vision de la pudeur ?
Plus tôt les femmes avaient donné non pas une définition précise de la pudeur, mais plus un ensemble d’éléments, de termes qui s’y rapportent. D’où la difficulté pour ces femmes de définir précisément la pudeur du fait de sa subjectivité, avec une limite difficile à cerner, surtout pour Martine et Léa. En effet, cette vision de la pudeur varie individuellement en fonction du ressenti et de la situation rencontrée. Léa, Lucela et Magalie parlent notamment de cette adaptation qu’il faut prendre en fonction de la situation. Entre autres, pour Lalie, Lily et Lucela, la pudeur joue un rôle important dans l’allaitement maternel. D’où l’importance d’en parler aux femmes avant la mise en place d’un allaitement selon Lalie. Une autre notion de leur vision de leur pudeur, qui ressort majoritairement des entretiens, concerne le respect d’autrui. Cinq femmes sur les neuf interrogées ne vont pas exposer leur corps non seulement par pudeur, mais également par respect pour les autres, que ce soit en lieu public pour Lalie ou Soledad, ou au sein du domicile familial pour Léa ou Lucela.

Les déterminants de la pudeur

La pudeur est une notion subjective dont certains déterminants peuvent plus ou moins l’impacter. Les éléments suivants sont les déterminants majeurs qui sont ressortis le plus souvent d’après certaines patientes. Les habitudes de vie, l’âge et l’accompagnement par les professionnels de santé sont les principaux éléments de l’histoire et du vécu de la personne qui peuvent avoir une influence sur le ressenti de la pudeur. La religion, évoquée uniquement par Lalie, peut également pourvoir à une augmentation de la pudeur pour certaines personnes. Le contexte de la situation joue également un rôle important dans le ressenti de la pudeur. Martine, qui fait du naturisme depuis son plus jeune âge, ne va pas apprécier par exemple de se déshabiller dans le contexte d’un examen médical. Le genre de l’entourage a également une importance pour Camille et Soledad : elles vont davantage se cacher, se mettre à l’écart en présence d’un homme. Enfin, toujours concernant le contexte, et dans le cadre du mémoire, le fait d’allaiter, notamment en fonction du lieu, a également un grand impact sur le ressenti de la pudeur, qui va augmenter, ou diminuer, en conséquence pour chaque femme.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

I. INTRODUCTION
II. MATERIEL ET METHODE
III. RESULTATS
A. Présentation des femmes ayant participé à l’étude
B. Pudeur
1. Définition de la pudeur
2. Le ressenti de la pudeur
3. Les déterminants de la pudeur
C. Pudeur et allaitement
1. Vision de l’allaitement avant la mise en place de l’allaitement maternel
2. Vision de l’allaitement après la mise en place de l’allaitement maternel
3. Evolution de la pudeur au cours de l’allaitement
4. Déterminants impactant l’allaitement maternel
D. Le rôle de l’entourage
1. Rôle des professionnels de santé
2. Rôle de l’entourage familial
3. Allaitement en lieu public
4. Vision sociétale de l’allaitement maternel
IV. ANALYSE ET DISCUSSION
A. Limites et biais de l’étude
1. Les limites, les difficultés rencontrées
2. Le biais de l’étude
3. La spécificité de l’étude
4. La force de l’étude
B. Pudeur
1. Définition de la pudeur
2. Ressenti de la pudeur
3. La vision de la pudeur
C. L’allaitement maternel
1. L’allaitement maternel en quelques chiffres
2. Les connaissances et les méconnaissances des femmes sur l’allaitement
3. La vision de l’allaitement a posteriori
4. Pudeur et allaitement
5. Les déterminants impactant l’allaitement maternel
D. Le rôle de l’entourage
1. Les professionnels de santé
2. L’entourage familial, soutien ou barrière ?
3. L’entourage extérieur, un impact sur l’allaitement en lieu public ?
4. Allaitement maternel et société : regard et vision de la pratique
V. CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE – GLOSSAIRE
ANNEXES

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *