Psychomotricité et Trouble envahissant du développement

Tout au long de mes études, j’ai été particulièrement sensibilisée à la clinique des troubles envahissants du développement (TED) ; en hôpital de jour, en CMP, avec des enfants, des adolescents et jeunes adultes, etc. Au cours de mes différentes rencontres avec des patients souffrant d’un TED, j’ai été particulièrement interpellée par la place que prenait la dimension sonore chez ces patients. Il y a ceux qui rythment leur journée au gré de cris, vocalises, écholalies, etc. avec un volume plus ou moins important, et ceux qui se bouchent les oreilles à la moindre stimulation auditive, le son étant parfois imperceptible pour l’entourage. Je propose, ici, une vision manichéenne afin d’éclaircir mon point de vue mais la réalité revêt tout un panel de réactions comportementales modulées à cet environnement sonore. Moimême, musicienne, cette dimension a donc particulièrement résonné en moi et je portais déjà, alors, un intérêt tout particulier à la médiation sonore dans ma pratique.

Lors de ma rencontre avec Hugo, cette dimension sonore prenait littéralement toute la place dans la thérapie ; c’était un enfant très bruyant. Je me suis sentie d’autant plus envahie que dans le cadre particulier de cette prise en charge (mère-enfant en co-thérapie), j’ai peiné, au début, à trouver ma place sonore ; dans le fait de trouver le moment où prendre la parole notamment, de proposer une verbalisation autour de ce que j’observais. Par ailleurs, cette rencontre s’est jalonnée, pendant un temps, de « jeux » d’esquive des objets qu’Hugo envoyait dans toute la pièce, très vigoureusement. J’ai alors analysé cela comme une recherche des limites spatiales par le retour sonore qu’impliquent ces lancers. D’autre part, ces objets semblaient souvent m’être destinés. Je me suis alors demandé si ce n’était pas une façon pour Hugo de me faire exister, comme faisant partie de cet espace ; le cadre de la séance impliquant la présence de cinq personnes dans la salle, j’avais pris le parti de chercher une place stratégique et de me mettre en posture active d’observatrice, en tous cas dans les premiers temps, sans parler, sans émettre de sons. Ma présence « inaudible » pouvait être alors vécue comme angoissante.

HUGO

ANAMNESE

Les éléments de l’anamnèse, présentés ci-après, ont été relevés dans le compte rendu du bilan diagnostic réalisé par l’UNIDEP et recueillis auprès des différentes thérapeutes d’Hugo au sein du CMP (psychologues et psychomotricienne). Né le 6 octobre 2010, Hugo mesurait 49 centimètres pour 3,5 kg et un périmètre crânien de 36 centimètres. La grossesse, très désirée, s’est déroulée sans problème. L’accouchement s’est fait par césarienne anticipée, à 40 semaines d’aménorrhée, pour cause de souffrance fœtale avec présence de liquide teinté. Les parents sont haïtiens et parlent créole et français au domicile.  Le père est arrivé en France en 2000. Il travaille dans la restauration mais se trouve régulièrement au chômage. Très religieux, il évoque la possibilité d’un miracle ou d’une guérison grâce à Dieu pour Hugo. Il montre, par ailleurs, une certaine ambivalence dans ses attentes par rapport au CMP quant à l’amélioration de la qualité de vie de son fils tout en refusant l’intervention d’une TISF à leur domicile pour faciliter leur quotidien. Il ne peut rien
refuser à son fils et lui demande systématiquement de répéter, de façon très robotisée, dans une présence que l’on pourrait qualifier de sur-stimulante. La mère est arrivée en France en 2005 et se trouve actuellement sans emploi ; elle travaillait auparavant en tant qu’agent d’entretien. Dans un premier temps, peu consciente des troubles de son fils, elle se focalise sur sa marche sur la pointe des pieds et se persuade que e retard de développement va se combler en répétant « il va parler ». C’est au cours de l’année 2014, alors qu’elle évoque son désir d’avoir un autre enfant, qu’elle qualifie son fils de « bizarre » et demande à consulter des spécialistes pour le guérir. Désormais très investie dans la prise en charge d’Hugo, elle tente également de soutenir son développement en lui proposant certains apprentissages ; le basket notamment, ce dont elle est très fière. Cependant, elle peut avoir, parfois, des réponses inadaptées face au comportement d’Hugo ; un bercement trop vif alors qu’Hugo a pu se déposer calmement dans la toupie ou envoi d’une balle alors qu’il est occupé à autre chose, par exemple. Elle montre, par ailleurs, de nombreuses réactions de prestance ; un sourire plaqué et des rires très présents, dans le dialogue notamment.

Hugo est le second enfant du couple, né après 3 interruptions spontanées de grossesse consécutives. Un premier enfant, né en 2006, est décédé à 11 jours de vie. Le discours autour de cette perte est très flou ; la mère ne se représente pas où pourrait être enterré le corps. La perte serait due à une erreur médicale ; l’hôpital aurait tardé à sortir l’enfant qui avait avalé du liquide amniotique teinté. Ce dernier aurait été transféré dans 2 hôpitaux puis serait décédé. Sans papier, à l’époque, aucun recours n’aurait pu être engagé. Le deuil de cet enfant apparaît alors impossible. Il n’y aurait pas d’antécédents familiaux mais la mère évoque un cousin, plus jeune que Hugo, qui présenterait une symptomatologie similaire.

Hugo est décrit comme ayant été un bébé calme, souriant, qui regardait bien et gazouillait. Il pleurait peu, uniquement lorsqu’il avait faim. Il présentait également un léger strabisme. La tenue assise a été acquise à 6 mois et la marche à 20 mois. Les premiers mots (« papa » et « maman ») sont apparus à 2 ans et demi. Il n’y aurait pas d’antécédents médicaux particuliers dans la petite enfance à part un problème de diplopie selon la mère.

Les premières inquiétudes des parents, qui restent relatives pour le père, remontent à l’âge de 20 mois car Hugo marche sur la pointe des pieds. A cela s’associe un retard de langage.

Un certain nombre d’examens sont réalisés, dont une IRM et des analyses sanguines mais aucune étiologie n’est retrouvée quant à cette marche caractéristique. Un audiogramme est réalisé et serait normal. Lorsque Hugo a 5 ans, les parents décrivent un retard de langage toujours présent avec, cependant, un certain vocabulaire, malgré une quantité difficile à évaluer, utilisé majoritairement en répétition. Sur le plan non verbal, Hugo est alors capable de pointer pour obtenir quelque chose ou attirer l’attention, sans toujours coordonner le regard avec sa demande. Les capacités d’imitation sont décrites comme bonnes, de même que l’utilisation de gestes communicatifs à valeur sociale (« bravo », « au revoir »). La compréhension serait meilleure que l’expression. Concernant la socialisation, les parents ne décrivent pas d’évitement des autres enfants mais Hugo joue le plus souvent seul au parc. Des jeux d’échange de ballon et de « cache-cache » sont possibles. Cependant, le contact par le regard reste fluctuant et il y aurait peu d’initiation de la relation. Ses centres d’intérêts sont, selon les parents, assez diversifiés mais il y aurait une difficulté au changement d’activité, sans pour autant de réactions particulières aux changements de routine. Par rapport aux autres comportements, les parents relatent des mouvements des mains près des yeux lorsque Hugo est content. Il peut également réagir fortement à la frustration, se jetant à terre et adoptant parfois des comportements hétéro-agressifs. L’alimentation n’est pas décrite comme sélective et Hugo est autonome lors des repas. La propreté pour les urines a été acquise avant l’entrée à l’école maternelle mais ne l’est pas encore totalement pour les selles. Par ailleurs, il n’y aurait pas de trouble du sommeil. Concernant la scolarisation, Hugo a été intégré 3 heures par jour en petite section de maternelle. Ce temps a rapidement diminué (1 heure, 3 fois par semaine) par défaut d’AVS , ce, malgré une notification de 12 heures. Ses troubles du comportement rendaient l’intégration en collectivité impossible.

Il est finalement réintégré en grande section de maternelle avec une AVS. Il est aujourd’hui scolarisé en CE1, à raison de quatre fois 1h30 par semaine, systématiquement accompagné d’une AVS. La dernière réunion d’équipe de suivi de la scolarisation conclut que Hugo n’est pas en capacité de suivre les apprentissages scolaires ; il ne peut rester en place (visite souvent les autres classes) et montre d’importantes difficultés pour adopter une posture d’élève et respecter les règles de vie en collectivité. Est suggéré une déscolarisation totale par l’école, refusée par le directeur académique, ainsi qu’une orientation en IME . Aucun n’a, pour l’instant, accepté son dossier.

BILANS

Les éléments de bilans présentés ci-après sont issus du compte-rendu de bilans réalisés par l’UNIDEP. Hugo est âgé de 4 ans et 9 mois lorsqu’il est reçu à la première consultation de l’UNIDEP. Accompagné par ses deux parents, il est adressé par le psychiatre du CMP pour bilan diagnostic et orientation en termes de prise en charge. A l’issue de cette première consultation, devant un tableau assez atypique, une évaluation pluri-professionnel pédopsychiatrique est décidée afin de préciser le diagnostic et d’adapter au mieux la prise en charge d’Hugo. Les tests utilisés seront l’ADOS , la BECS , une observation orthophonique et psychomotrice, et la CARS . Le bilan, réalisé 6 mois plus tard, met en évidence un profil de développement cognitif et socio-émotionnel hétérogène et relativement peu consolidé.

Au niveau du langage compréhensif, sont relevés un manque de compréhension de mots énoncés hors contexte et des difficultés de compréhension lors de consignes complexes comprenant plusieurs informations. Hugo ne suit pas le pointage à distance de l’autre, bien qu’il possède lui-même les pointages proto-impératifs et proto-déclaratifs.

Au niveau du langage expressif, Hugo utilise quelques mots au cours de l’évaluation (« d’accord », « encore », « essaye », « bonjour ») et des phrases reconnaissables (« aidemoi », « je suis là », « c’est rigolo ») mais des difficultés d’élocution importantes restent présentes. Ses vocalisations ont apparemment une visée communicative. Il ne s’oppose pas encore en utilisant le « non » mais peut dire « encore » pour relancer l’interaction, nomme les objets à l’adulte pour l’y intéresser, commente ses actions à l’autre et tenter d’entrer dans une dynamique conversationnelle en utilisant un jargon. Cependant, il n’a pas toujours recours au langage pour exprimer ses désirs et solliciter l’autre.

Bien que ses performances cognitives soient inférieures à celles attendues chez un enfant de son âge dans certains domaines, Hugo présente des émergences de compétences plus importantes dans les domaines de relations spatiales et permanence de l’objet notamment. Les bonnes performances d’Hugo dans le domaine des relations spatiales témoignent ainsi de l’efficacité de ses capacités visuelles malgré la présence d’un trouble important au niveau visuel. Il parvient, par ailleurs, à effectuer des encastrements de formes (rond, carré et triangle). Au niveau de son fonctionnement intellectuel, il peut alterner entre l’utilisation d’une stratégie d’essais/erreurs puis, par la suite, intégrer une représentation mentale de la forme. Hugo se déplace pour atteindre un objet convoité et met en place des stratégies physiques pour l’obtenir. Face à une situation inattendue, il peut repenser et changer son action. Il nous montre ainsi qu’il peut commencer à mentaliser et anticiper ses actions afin d’élaborer des stratégies physiques. Son niveau de compréhension dans le domaine de la permanence de l’objet lui permet de comprendre et mettre en place une action indirecte et non visible sur un objet. Hugo doit surtout s’appuyer sur des manipulations physiques pour comprendre l’activité demandée et atteindre un but. Cependant, des difficultés de coordinations bi-manuelles entravent ses capacités dans ce domaine. Ses bonnes performances d’imitation témoignent qu’il peut s’en servir efficacement dans un but d’apprentissage.

L’observation psychomotrice rend compte d’une organisation particulière chez Hugo. Au niveau du développement postural et du tonus, une importante agitation psychomotrice est notée mais peut être fortement diminuée lorsque Hugo est contenu (assis à table par exemple). Lorsqu’il est libre de choisir ses postures, Hugo privilégie des manipulations au sol, assis sur les talons, en position trépied ou allongé sur un côté (préférentiellement le côté gauche pour manipuler de la main droite). A table, son attention est meilleure et il peut investir une même médiation plus longtemps. Dans les situations émotionnellement fortes (de plaisir notamment), de nombreuses décharges motrices apparaissent, associées à un flapping des mains ainsi qu’un balancement du buste d’avant en arrière et une secousse latérale de la tête lorsqu’il est assis au sol. S’il est debout, le flapping peut s’accompagner d’un piétinement. Lorsqu’il vit une situation déplaisante, Hugo manifeste son mécontentement en se jetant au sol, sur le dos, donnant des coups de pieds sur la table. Il peut toutefois se calmer seul, en s’appuyant sur des postures de rassemblement, d’enroulement ; au sol, allongé sur le côté en position fœtale, parfois le pouce à la bouche. Hugo jette beaucoup les objets en variant leur trajectoire au niveau spatial. Il peut lancer devant lui mais aussi en l’air, toujours en suivant du regard l’objet en mouvement. Lorsqu’il lance en l’air, il peut alors lever la tête, la basculer en arrière, arquer son dos en extension et revenir en position centrale. Les mouvements de rotation du buste sont, quant à eux, peu présents. Est notée une importante difficulté de régulation tonique avec une hypertonie de fond. Lorsqu’il est debout, Hugo a de très fortes tensions au niveau des jambes, qui se manifestent par une rigidité excessive et une difficulté de flexion des genoux associée à une marche sur la pointe des pieds. Le relâchement des tensions est possible lors de situations contenantes ; ses chevilles se déverrouillent permettant la dépose du pied à plat. Toutefois, ces raideurs importantes induisent une instabilité dans la station debout et la marche, entraînant ainsi une motricité globale peu fluide. Lorsqu’il se déplace au sol, Hugo utilise un quatre pattes qui n’est pas controlatéral ; il ramène les deux jambes ensemble au centre du corps. Concernant les praxies, Hugo peut avoir une utilisation fonctionnelle et une exploration adaptée des objets mais il passe beaucoup de temps à les lancer. Une difficulté de régulation tonique apparaît également lors de gestes volontaires, amenant à une certaine maladresse dans les manipulations. Il peut toutefois avoir de bonnes coordinations bi-manuelles et utilise, par ailleurs, une pince supérieure efficace avec un bon déliement digital pour attraper de petits objets ou tourner les pages d’un livre par exemple. Il s’engage avec plaisir dans des échanges de ballons en lançant des deux mains mais n’anticipe toutefois pas le  retour du ballon en tendant ses bras en avant ; il parvient à l’attraper lorsque celui-ci arrive dans son espace de préhension, ce qui peut être en lien avec ses difficultés visuelles. Hugo imite gestuellement des actions proposées par l’adulte. Au niveau des praxies faciales, persiste un manque de fluidité avec des expressions quelque peu figées ou exagérées. Il peut cependant souffler sur de fausses bougies, participer à la chanson d’anniversaire et aspirer en buvant.

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Table des matières

INTRODUCTION
PARTIE I : CONTEXTE CLINIQUE
I. HUGO
1. ANAMNESE
2. BILANS
3. PARCOURS DE SOIN
4. PRISE EN CHARGE EN PSYCHOMOTRICITE
II. LE CADRE INSTITUTIONNEL
1. LE CMP
2. LA PSYCHOMOTRICITE AU SEIN DE L’INSTITUTION
3. CADRE DES PRISES EN CHARGE EN PSYCHOMOTRICITE
4. MA PLACE DE STAGIAIRE
III. LA RENCONTRE
PARTIE II : TROUBLES ENVAHISSANTS DU DEVELOPPEMENT
I. DEFINITION
1. CLASSIFICATIONS
2. ETIOLOGIE
3. EPIDEMIOLOGIE
4. TROUBLES ASSOCIES
II. SIGNES PRECOCES
III. LECTURE PSYCHOMOTRICE
IV. PARTICULARITES SENSORIELLES
1. MODELES THEORIQUES
2. APPLICATION AUX SYSTEMES SENSORIELS
PARTIE III : L’ESPACE
I. DEVELOPPEMENT DE LA NOTION D’ESPACE
1. DEFINITION
2. ESPACE INTERNE ET ESPACE EXTERNE
3. DE L’ESPACE SUBI A L’ESPACE REPRESENTE
4. LA PROXEMIE : UNE STRUCTURATION PARTICULIERE DE L’ESPACE EXTERNE
II. ESPACE ET TROUBLES ENVAHISSANTS DU DEVELOPPEMENT
1. LE DEMANTELEMENT SENSORIEL
2. ANNIHILATION DES DISTANCES
3. LES ANGOISSES SPATIALES
III. ESPACE DANS LE CADRE DE LA PRISE EN CHARGE PSYCHOMOTRICE
1. LA DISTANCE THERAPEUTIQUE
2. STRUCTURATION DE L’ESPACE
PARTIE IV : LE SONORE AU SERVICE DE LA STRUCTURATION SPATIALE
I. LE SONORE COMME STRUCTURE CONTENANTE
II. LE SONORE COMME EPROUVE DES LIMITES CORPORELLES
III. LE SONORE COMME MEDIATEUR DU REGARD
IV. LE SONORE COMME SOUTIEN DE LA RELATION
V. EVOLUTION DANS LA PRISE EN CHARGE
CONCLUSION

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