Protéine Tau et tauopathies

Protéine Tau et tauopathies

La protéine Tau a été découverte comme étant une protéine essentielle à l’assemblage des microtubules en 1975 par Weingarten et collaborateurs (5). Elle est nommée Tau en raison de son interaction avec la tubuline. Le développement d’anticorps monoclonaux et de techniques immunohistochimiques, a permis de mettre en évidence en 1985 que cette protéine est le composant majeur des dégénérescences neurofibrillaires (DNF) caractéristiques de la MA mais aussi des agrégats présents dans la PSP et la maladie de Pick (PiD) (6–12). Cette protéine dont le rôle essentiel est de stabiliser les microtubules, est essentiellement présente dans l’axone des neurones du système nerveux central et du système nerveux périphérique (13). Elle est constituée de plusieurs régions : la région N-terminale, riche en proline, un domaine de répétition associé aux microtubules et une région C-terminal (Figure 1c). La région Nterminale se projette à la surface des microtubules. La cryo-microscopie électronique (cryoEM) a permis de mettre en évidence que chaque répétition située dans le domaine de répétition se lie à la surface externe du microtubule interagissant avec l’α- et la β tubuline (14,15). Le rôle de la région C-terminale est moins connu. Le gène MAPT codant pour Tau est constitué de 16 exons. Il existe 6 isoformes de Tau coexprimées dans le cerveau humain normal : 3 isoformes comportent 3 domaines de liaison aux microtubules (3R) et 3 isoformes comportent 4 domaines de liaison aux microtubules (4R) (16) (Figure 1c). Du point de vue physiologique, l’expression des isoformes de Tau varie avec l’âge. L’isoforme 1N3R hyperphosphorylée est très exprimée dans les neurones de cerveaux en développement alors que les isoformes 4R sont plus exprimées dans les neurones de cerveaux adultes.

Dans les Tauopathies, la protéine Tau s’agrège sous forme d’inclusions fibrillaires (17). L’assemblage de cette protéine soluble sans structure stable sous forme de monomères, se fait sous forme de filaments amyloïdes dont la structure est d’une grande stabilité. En pathologie, les différentes Tauopathies se différencient, entre autres, par la morphologie des inclusions de Tau, mais aussi par leur distribution. Une des raisons pouvant expliquer ces différences est la composition des inclusions. Dans la MA, les 6 isoformes de Tau (isoformes 3R et 4R) se déposent principalement dans les neurones. Dans la PiD, seule l’isoforme 3R se dépose sous forme de corps de Pick intraneuronaux. Dans la PSP et la DCB, les isoformes 4R se déposent dans les neurones, les astrocytes et les oligodendrocytes. Cependant, cette différence 3R/4R ne permet pas d’expliquer toutes les différences observées à la fois du point de vue clinique mais aussi neuropathologique dans les Tauopathies. Par exemple, la distribution des dépôts de Tau, leur morphologie et les symptômes cliniques sont différents entre la PSP et la CBD, deux Tauopathies dites « 4R » (tableau 1). Que les agrégats soient composés d’isoformes 3R ou 4R de Tau, la structure globale des agrégats est toujours similaire : le domaine de répétition et certaines séquences adjacentes forment le noyau de l’inclusion sous forme de feuillets β-plissés (18,19), la moitié N-terminale et l’extrémité Cterminale composant la périphérie (20–22). Il existe néanmoins des différences ultrastructurales des filaments de Tau dans les différentes Tauopathies (19,23,24). En effet, la partie centrale, encore appelée noyau ou corps, très condensée et résistante à la digestion par la trypsine, est composée de différents domaines de répétition situés entre les résidus 243–406, et sa conformation est considérée comme spécifique à la maladie (25). Ces motifs rappellent ceux qui ont été décrits dans les maladies à prion humaines (16).

La paralysie supranucléaire progressive 

La PSP est une maladie neurodégénérative sporadique de l’adulte classée comme une Tauopathie 4R pure. Du point de vue neuropathologique, la PSP est caractérisée par la présence d’inclusions de protéines Tau dans trois types de cellules : des inclusions neuronales, les astrocytes en touffes (TA) et les corps bobinés (oligodendrogliaux) (figure 2d et 2f). Les lésions neuronales comprennent des inclusions globuleuses et des DNF proches de celles vues dans la MA. Les astrocytes en touffes sont en revanche assez spécifiques de la PSP. Il s’agit d’inclusions Tau-positives formant des touffes autour des noyaux jusqu’à l’extrémité des prolongements cytoplasmiques. Ils sont principalement localisés dans le striatum et le cortex frontal (26,27). Les dépôts neuronaux, astrocytaires et oligodendrogliaux atteignent les différentes aires cérébrales selon une séquence différente de celle des neurones (28,29) (tableau 1). Même si la charge globale en dépôts de protéines Tau est corrélée à la déficience cognitive, la contribution spécifique des lésions gliales ou neuronales n’est pas connue (30). De plus, il ne semble pas y avoir de corrélation entre la distribution des lésions astrocytaires et neuronales (Ito et al., 2008), ce qui suggère que les astrocytes en touffes ne se forment pas nécessairement secondairement aux DNF (31).

La maladie de Pick (PiD) 

La PiD est une sous catégorie de démence frontotemporale, caractérisée du point de vue neuropathologique par une atrophie frontale et temporale sévère et des inclusions intraneuronales sphériques constituées de protéine Tau 3R appelés corps de Pick (figure 2c). Du point de vue clinique elle se caractérise par un syndrome frontal et des troubles du language.

La maladie d’Alzheimer 

La MA se caractérise une atteinte précoce de l’hippocampe et des zones temporales, explicant que le premier signe d’une maladie de type Alzheimer est souvent la perte de mémoire (particulièrement la mémoire de travail et la mémoire épisodique), suivie par l’aphasie, l’agnosie et l’apraxie. Plus tardivement, quand les aires frontales sont atteintes, apparaissent des troubles comportementaux. Du point de vue neuropathologique les dépôts protéiques peuvent être classés dans 2 catégories : la pathologie neurofibrillaire et les les dépôts de peptide Aβ. La première comprend les dégénérescences neurofibrillaires, la couronne des plaques séniles et les fibres tortueuses (« neuropil threads ») (figure 2b). Les dépôts amyloïdes, observés dans le centre de la plaque sénile dont ils forment le coeur et dans la paroi des vaisseaux, sont constitués de peptide Aβ.

Agrégation de Tau avec des propriétés de type prion

Pendant plusieurs décennies, il a été admis que les agrégats de Tau étaient secondaires à des phénomènes passifs et responsables de la mort neuronale. Actuellement, les causes de l’agrégation de Tau ne sont pas encore complètement élucidées. Néanmoins, l’étude des Tauopathies avec mutation du gène MAPT a ouvert de nouvelles pistes mécanistiques. En effet, il existe une soixantaine de mutations de MAPT induisant la FTDP-17, dont la majorité se trouve dans les exons 9 à 12 (codant pour les domaines répétés de liaison aux microtubules) ou dans l’intron précédant l’exon 10. Ces mutations ont des effets divers : certaines ont une action directe sur la protéine en modifiant la concentration intracellulaire de Tau, et/ou ses interactions avec les microtubules, (35) et/ou ont un pouvoir pro-agrégeant (36,37) ; d’autres agissent sur le niveau de la traduction et/ou sur l’épissage, modifiant le ratio 3R/4R. En fonction de la mutation de MAPT, le ratio 3R/4R et la morphologie des fibrilles sont différents (38). D’autres pistes sont étudiées concernant les causes de l’agrégation de Tau dans les Tauopathies sporadiques. Tau étant une protéine hydrophile, il n’est pas surprenant que son agrégation soit conditionnée par des cofacteurs tels que des glycosaminoglycanes sulfatés, des acides nucléiques ou des acides gras, pour s’assembler en filaments (39–42). Récemment, il a d’ailleurs été décrit pour la Tau totale, une phase de séparation liquide/liquide, modifiée par la concentration de Tau et de cofacteurs, induisant possiblement son agrégation (43). Certaines modifications post-traductionnelles favorisent également l’agrégation de Tau : il s’agit principalement de la phosphorylation ; le rôle de l’acétylation est plus controversé et il semble qu’en fonction des résidus acétylés l’effet puisse être pro ou anti–agrégatif (44–47). Bien que l’origine de l’agrégation de Tau soit encore à élucider, des preuves se sont accumulées depuis 2009, suggérant que les assemblages pathologiques de la protéine Tau se formeraient d’abord en petit nombre dans quelques neurones, puis se propageraient vers d’autres cellules et d’autres régions cérébrales (48,49). En effet, dans plusieurs Tauopathies (MA, PSP, AGD, PiD), l’évolution des lésions anatomopathologiques stéréotypées dans le temps et dans l’espace, a conduit à l’hypothèse qu’il pourrait exister une propagation de protéines pathologiques à travers les différentes régions cérébrales (28,33,50–54) (Figure 3). Dans la MA, les dépôts de Tau commencent dans le cortex entorhinal puis, progressent, apparemment par des réseaux connectés, à travers l’hippocampe, les cortex limbiques et associatifs (Figure 3b) (52,55). Cette évolution stéréotypée dans le temps et dans l’espace, initialement décrite par analyse neuropathologique post mortem et plus récemment confirmée par étude en TEP-scan (56–59) , est corrélée avec le déclin cognitif (48). Bien qu’affectant différentes régions cérébrales, des schémas de progression similaires à travers des circuits neuronaux connectés, ont été identifiés dans d’autres Tauopathies : la PSP (figure 3a) (28,33,50), l’AGD (figure 3c) (51), ou la PiD (figure 3d) (54). La progression similaire de ces pathologies avec une progression prioritaire vers les aires cérébrales connectées à celle primitivement atteinte, a conduit à l’hypothèse que ces maladies partagent, au moins en partie, des mécanismes communs de progression.

Propriétés des Prions 

En parallèle, il a été montré depuis longtemps une propagation de protéines anormales par les réseaux neuronaux dans les maladies à prions. Les maladies à prions sont des pathologies neurodégénératives rares, caractérisées par l’accumulation de protéines prions mal repliées. En 1982, Prusiner et ses collaborateurs ont émis l’hypothèse que la protéine prion elle-même était un agent infectieux responsable de la pathologie, capable de se propager dans un individu et d’être transmis à un autre (60). Le gène PRNP, codant pour la protéine prion (PrP) est constitué de deux ou trois exons selon l’espèce de mammifère mais la séquence codante se situe sur un exon unique, ce qui exclut toute possibilité d’épissage alternatif contrairement au gène MAPT (61,62). Le produit du gène PRNP est la protéine prion cellulaire (PrPc ) qui est une sialoglycoprotéine membranaire de 253 acides aminés chez l’Homme, ancrée à la membrane par une ancre GPI et possédant deux sites de glycosylation. Elle est synthétisée dans le réticulum endoplasmique rugueux, puis transite par l’appareil de Golgi avant d’être adressée à la membrane. La protéine prion cellulaire mature chez l’Homme, composée de 209 acides aminés (du résidu 23 au résidu 231), est divisée en plusieurs domaines : une partie N-terminale dont la séquence est très conservée et correspondant à un domaine de répétitions. – Un domaine central (92 à 135) : ce domaine contient une région hautement conservée entre les espèces. Il semble important dans la conversion de la PrPc en protéine prion pathologique notamment de par sa propriété de passer d’une forme en hélice α vers des structures en feuillets β (63,64)- Un domaine Cterminal : il possède deux sites de N-glycosylation, permettant l’ancrage de chaînes latérales sucrées. Le dernier résidu, la sérine 231, est liée à un enchaînement glycosyl-phospatidylinositol (GPI), qui permet à la protéine de s’ancrer à la face externe de la membrane plasmique. L’étude de la PrP par spectroscopie infrarouge, et dichroïsme circulaire et Résonance Magnétique Nucléaire (RMN) ont mis en évidence une structure secondaire riche en hélices α et pauvre en feuillets β aboutissant à une une structure tertiaire globulaire de la région 121- 231 qui semble stable. La région N-terminle est par contre flexible suggèrant que ce domaine protéique puisse adopter plusieurs conformations en fonction de son environnement. La forme pathologique de la PrPc , la PrPsc s’accumule dans le cerveau des sujets atteints d’encéphalopathies subaiguës spongiformes transmissibles (ESST). La structure primaire de la PrPsc est strictement identique à celle de la PrPc et le profil de glycosylation de deux protéines est identique (65,66). Néanmoins, la structure secondaire, révèle des différences majeures entre les protéines. Ainsi l’analyse spectroscopique par transformée de Fourier et dichroïsme circulaire montre que la PrPsc est majoritairement constituée de feuillets β (67,68). La principale différence entre la PrPc et son analogue pathogène est donc de nature conformationnelle. La structure tertiaire de la PrPsc , montrent une protéine composée de 2 hélices  et de 4 feuillets  (69,70). Cette conformation particulière confère à la PrPsc des propriétés physico-chimiques très différentes de celles de la PrPc et notamment une résistance partielle de la PrPsc à la digestion par la protéinase K (PK). La structure tertiaire serait constituée par des monomères principalement composés de feuillets β empilés parallèlement, chaque résidu d’une protéine étant aligné avec le même résidu de l’autre molécule (71). Cette structure en feuillets β intermoléculaires parallèlessont capables d’initier in vivo l’activité de nucléation de la PrP (72).

Du point de vue mécanistique, le pouvoir infectieux de la PrP correspond à sa capacité à convertir les molécules de PrPc en PrPsc . Le contact de la PrPsc avec de la PrPc permet la convertion de la PrPc en PrPsc et la formation d’oligomères solubles puis de fibres insolubles. Le mécanisme de formation des fibres par recrutement de monomères par un oligomère initial, est appelé nucléation ou « seeding » (Figure 4) (73). Aussi, une des particularités des ESST provient de la variabilité des phénotypes cliniques et neuropathologiques. Les facteurs participant à cette diversité ne sont pas encore complètement connus mais les caractéristiques génétiques de l’hôte ainsi que les propriétés de souches expliqueraient en partie cette diversité. La première expérience mettant en évidence ce phénomène de souches a été réalisée en 1973, à partir d’isolats de tremblante de la chèvre inoculés à la souris. Dans cette expérience, 5 souches ont pu être isolées sur la base des caractéristiques histopathologiques observées chez les souris inoculées. Les souches se différenciaient selon le degré de vacuolisation et la distribution des lésions de spongiose définissant ainsi le « profil lésionnel » (74). Les souches d’ESST se caractérisent par l’induction d’une maladie dont les caractéristiques sont très reproductibles lorsqu’on inocule un groupe d’animaux ayant le même fond génétique (75). Ainsi, pour une même dose infectante inoculée selon une voie donnée, chez des souris syngéniques, chaque souche, diffère selon : – 1/la période d’incubation 2/la localisation de la PrP anormale 3/ la distribution des lésions cérébrales. Pour les agents infectieux conventionnels (bactéries, virus..), les souches sont habituellement liées à des variations génétiques. Pour le Prion, la séquence peptidique des différentes souches est souvent identique. L’information biologique associée à une souche serait codée par la structure tertiaire de la PrPsc . Cette hypothèse est en accord avec le modèle de structure en feuillets β parallèles, dans lequel les différences de souches peuvent s’expliquer par les variations d’agencement des feuillets β.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

INTRODUCTION
I. Protéine Tau et tauopathies
A. La paralysie supranucléaire progressive
B. La maladie de Pick (PiD)
C. La maladie d’Alzheimer
II. Agrégation de Tau avec des propriétés de type prion
A. Propriétés des Prions
B. Hypothèse Prion-like de Tau
III. Transmissibilité de la pathologie Tau, nucléation
IV. Mécanismes de propagation de la protéine Tau
V. Les espèces pathologiques de Tau qui se propagent
VI. Voies de transfert de cellules à cellules (figure 6)
A. Mécanisme de sécrétion de Tau
1. Sécrétion de Tau libre (extravésiculaire)
a. Sécrétion directement à travers la membrane plasmique
b. Sécrétion à partir d’endo-lysosomes
2. Sécrétion de Tau dans des vésicules extracellulaires (VE)
3. Les espèces de protéines Tau sécrétées
B. Mécanismes d’internalisation de Tau
C. Nanotubes
VII. Types cellulaires impliqués dans la propagation de Tau.
A. Les astrocytes
1. Mécanismes de clairance
2. Homéostasie cérébrale
B. Tau et glie
1. Implication de la glie dans la propagation de l’α-synucléine et les maladies à prion
2. Implication des astrocytes dans la propagation de Tau
CONCLUSION

Rapport PFE, mémoire et thèse PDFTélécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *