Propagation des ondes de Lamb : étude bibliographique

CONTEXTE DE L’ÉTUDE

Contexte nucléaire

L’énergie nucléaire occupe une part prépondérante dans la répartition de production d’énergie en France (plus de 75% de l’électricité produite en 2016). Cette électricité est produite actuellement par la génération II des réacteurs nucléaires. La génération III est celle des réacteurs pressurisés européens (EPR) : il y en a quatre en construction (en Finlande, France et Chine), quatre autres qui seront construits en Angleterre, et six en cours de négociation en Inde. L’énergie produite par ces réacteurs est récupérée sous forme de chaleur par de l’eau sous pression (afin qu’elle reste à l’état liquide à plus de 100°C). Mais ce n’est pas l’unique technologie disponible, et chaque technologie a ses avantages et ses inconvénients. Ainsi treize pays se sont réunis lors du forum international GEN IV pour définir en 2001 une stratégie commune sur le développement de la prochaine génération de centrale nucléaire : la génération IV. Pour éviter les doublons et ainsi limiter les coûts, l’étude des différentes technologies a été répartie entre les pays participants. La France a hérité de la filière RNR-Na (Réacteurs à Neutrons Rapides refroidis au sodium liquide) (Gauché 2012). Le CEA, FRAMATOME et EDF sont donc en train de développer le démonstrateur industriel de la génération IV nommé ASTRID (Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration) dont le lancement est prévu pour l’horizon 2030. La France a déjà exploité trois RNR-Na : Rapsodie, Phénix et Superphénix. Elle possède donc un retour d’expérience sur cette technologie, qui a montré l’importance de la surveillance du réacteur en cours exploitation. En effet le sodium liquide est extrêmement réactif : il réagit violemment au contact d’eau ou d’humidité (explosion ou feu) et attaque chimiquement tout matériau qui n’est pas inoxydable. Les techniques de contrôle par ultrasons sont donc étudiées (Baqué et al. 2015b), car les ultrasons se propagent aussi bien dans le sodium liquide que dans les structures en acier inoxydable qui l’entourent. L’immersion de traducteurs ultrasonores dans le sodium liquide est à l’étude (Baqué et al. 2015a, 2012) et identifié par le numéro 1 sur la Figure 1. Des traducteurs ultrasonores sont spécifiquement développés pour résister à ces conditions difficiles (TUSHT pour Traducteurs Ultra-Sonores Haute Température). Mais le sodium adhère difficilement sur la face avant des traducteurs (mouillage délicat) et impose des conditions de haute température (entre 150 et 550°C). Les contraintes sur l’instrumentation immergée sont donc fortes, ce qui pousse à envisager le positionnement d’un traducteur à l’extérieur de la cuve (dans un espace rempli de gaz neutre). Ainsi des études sont en cours au CEA pour contrôler le support du cœur nucléaire par ondes guidées, depuis l’inter-cuve (Elie et al. 2015), visualisé par le numéro 2 sur la Figure 1. En parallèle, l’idée de propager des ondes ultrasonores à travers la cuve principale pour inspecter des structures internes sous sodium est à l’origine de ce travail de thèse. Cette dernière stratégie est identifiée sur la Figure 1 par le numéro 3 et détaillée dans le cadre rouge : le diamètre de la cuve principale (environ 16 m) et des structures internes est suffisamment grand pour approximer localement leur section par des plaques parallèles. Il a été montré à échelle réduite que des défauts peuvent être détectés dans une structure occultée par une ou deux plaques immergées (Corneloup et al. 2011).

Cette configuration simplifiée de différentes plaques a naturellement orienté l’étude sur l’utilisation d’ondes ultrasonores guidées dans les plaques, les ondes de Lamb. Néanmoins la mise au point des systèmes de contrôle et l’estimation de leurs performances nécessitent le développement de méthodes et d’outils de modélisation, ainsi que la réalisation d’essais de qualification. L’objectif est de réaliser le Contrôle Non Destructif (CND) des différentes plaques.

CND : définition et objectifs pour cette étude 

Le terme « Contrôle Non Destructif » peut englober plusieurs objectifs : la détection, la localisation, la caractérisation et le dimensionnement d’un défaut. La détection seule (dire s’il y a ou pas un défaut) n’est pas suffisante dans notre cas, car elle ne permet pas d’évaluer la gravité et la criticité du défaut qui est fonction de son emplacement, sa nature, et sa taille. La détection et la localisation du défaut seront donc recherchées. Il nous faudra pouvoir dire dans quelle plaque le défaut se situe, mais aussi à quelle abscisse se trouve le défaut à partir d’une analyse de temps de vol de l’écho de retour. Ce qui est entendu traditionnellement par « caractérisation » est de pouvoir différencier un défaut volumique (par exemple une inclusion) d’un défaut non volumique (par exemple une fissure) (Corneloup et Gueudré 2016). À notre connaissance, les études concernant les ondes de Lamb se concentrent sur les défauts non volumiques, on ne se sait donc pas encore si cette différenciation est possible. Le dimensionnement est peut-être possible dans l’hypothèse d’un défaut non volumique. C’est un axe de recherche actuel qui sera abordé en section IV.1.3, mais ceci dépasse la portée de cette thèse. Par la suite, l’utilisation du terme CND désignera donc la détection et la localisation d’un défaut.

ONDES DE LAMB DANS UNE PLAQUE LIBRE

Les ondes de Lamb se propagent de manière quasiment similaire dans une plaque entièrement libre (sans couplage avec un milieu extérieur) et dans une plaque plongée dans un fluide, à condition que la masse volumique du fluide reste inférieure à la masse volumique de la plaque (Chimenti et Rokhlin 1990). Le cas d’une plaque libre est plus simple à étudier car les ondes de Lamb ne s’y atténuent pas. Ainsi pour parvenir à une bonne compréhension des phénomènes qui se passent dans une plaque immergée, il a d’abord été nécessaire d’étudier le cas de la propagation dans une plaque libre.

Présentation générale

Les ondes qui se déplacent dans des plaques ont été théorisées en 1917 par Horace Lamb (Lamb 1917) et portent son nom. On distingue classiquement deux catégories de modes de Lamb : les modes antisymétriques et symétriques, selon que la section de la plaque se déforme de manière symétrique ou pas . Cette appellation se base donc sur la symétrie ou non des déplacements normaux observés à la surface.

Les modes antisymétriques et symétriques sont aussi appelés respectivement modes de flexion et modes de compression. Cette terminologie fait référence aux déplacements parallèles à la surface de la plaque qui induisent plutôt des efforts de flexion ou de compression .

Distinction entre propagation peu et très dispersive

On peut a priori distinguer deux cas de propagation : une propagation peu dispersive, et une très dispersive.

Dans le cas d’une propagation peu dispersive, le paquet d’onde a tendance à garder sa forme initiale. L’enveloppe de l’onde se propage à la vitesse de groupe, et les oscillations à l’intérieur se propagent à la vitesse de phase. Les deux vitesses sont a priori différentes, mais le paquet d’onde garde à peu près sa forme d’origine du moment que les vitesses de groupe contenues dans la bande fréquentielle du signal varient peu. Des vidéos d’excellentes qualités illustrent ce type de propagation dans la version en ligne de (Luis Dean-Ben et al. 2010). La propagation sera toujours un peu dispersive (c’est-à-dire que le paquet d’onde aura toujours tendance à s’allonger) mais les effets seront peu visibles, d’où le terme de propagation peu dispersive.

Dans le cas d’une propagation très dispersive, le paquet d’onde envoyé se déforme et s’allonge. Cela arrive quand les vitesses de groupe présentes dans la bande fréquentielle du signal varient fortement : l’énergie contenue dans chaque composante fréquentielle se propage à des vitesses différentes, ce qui provoque un étalement temporel du signal initial.

La mesure de la vitesse de groupe est plus complexe avec une telle propagation : l’enveloppe se déforme tellement qu’il est compliqué de mesurer son temps d’arrivée.

Application : localisation d’un défaut malgré la dispersion

Il est préférable d’avoir un paquet d’onde qui ne se déforme pas (ou peu) pour localiser un défaut. Dans le cas contraire la localisation devient doublement délicate : aussi bien dans le repérage du temps d’arrivée de l’écho que dans le choix de la vitesse de propagation. Nous présentons ici trois méthodes qui permettent de s’affranchir ou de travailler avec une propagation très dispersive. Pour limiter l’étalement du paquet d’onde, on peut diminuer la bande passante du signal utilisé en augmentant la durée de la sinusoïde envoyée (le paquet d’onde). Mais en mode écho, cette technique augmente aussi la durée de la zone morte en début de propagation (la saturation initiale due à l’envoi du paquet d’onde). De plus la résolution sera diminuée : deux défauts proches pourront ne pas être différenciés. Ainsi pour chaque mode, il existe une durée temporelle optimale du paquet d’onde afin de limiter la dispersion et la durée du signal (Wilcox, Lowe, et Cawley 2001b, 2001a). Pour limiter l’étalement du paquet d’onde, on peut aussi viser une propagation peu dispersive en se plaçant aux fréquences où la vitesse de groupe varie peu, c’est-à-dire à un palier plus ou moins large qui est caractérisé par un extremum local (maximum ou minimum) (Alleyne et Cawley 1992; Wilcox, Lowe, et Cawley 2001b). En dessous de 5 MHz.mm, c’est le cas pour A0 autour de 1.4 MHz.mm, S0 à 2.5 MHz.mm, A1 à 2.7 et 4.7 MHz.mm, S1 à 4 MHz.mm et S2 à 4.9 MHz.mm. Ces endroits sont facilement repérables sur les courbes de vitesse de groupe Figure 9.b.

Si d’aventure il n’est pas possible de se placer à une de ces fréquences, il existe une technique de post-traitement qui permet de corriger l’étalement du paquet d’onde et de visualiser le paquet d’onde dans sa forme originelle après une propagation dispersive (Wilcox 2003). À condition de connaître parfaitement la vitesse de groupe du mode qui se propage de manière dispersive, il est possible de rétro-propager numériquement les différentes composantes fréquentielles. On peut ainsi retrouver la forme originelle du signal positionné au nouveau temps d’arrivée. Cette technique a été utilisée dans (Prado et al. 2013) avec succès et a permis la localisation de défauts dans le cas d’une propagation très dispersive (A0 autour de 0.1 MHz.mm). Le résultat est affiché en Figure 11 : on observe une nette amélioration pour la détection et la localisation des défauts après correction de la dispersion.

Mais soulignons que cette correction n’apporte rien de plus quand la propagation est naturellement peu dispersive. Elle n’est sciemment pas appliquée par les auteurs pour S0 autour de 0.36 MHz.mm (Prado et al. 2013) et pour A1 à 3 MHz.mm et S1 à 4 MHz.mm (Takiy et al. 2017) car ce sont des endroits où la vitesse de groupe varie peu.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela rapport-gratuit.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Introduction générale
Chapitre I – Propagation des ondes de Lamb : étude bibliographique
I.1 Contexte de l’étude
I.1.1 Contexte nucléaire
I.1.2 CND : définition et objectifs pour cette étude
I.1.3 Problématique
I.2 Ondes de Lamb dans une plaque libre
I.2.1 Présentation générale
I.2.2 Équations de dispersion et fréquences de coupure
I.2.3 Structure des déplacements
I.2.4 Vitesses de phase, de groupe, et d’énergie
I.2.5 Propagation dispersive
I.2.6 Propagation multimodale
I.2.7 Méthodes de mesure des vitesses
I.3 Leaky Lamb Waves (LLW) ou ondes de Lamb dans une plaque immergée
I.3.1 Réémission d’énergie dans le fluide environnant
I.3.2 Coefficients d’atténuation par réémission
I.3.3 Génération par un faisceau incident
I.3.4 Champ acoustique réémis par une plaque
I.3.5 Modèle de réémission de Bertoni et Tamir
I.4 LLW dans deux plaques parallèles immergées
I.4.1 Cas d’une plaque semi-immergée
I.4.2 Transmission des modes de Lamb dans la deuxième plaque
I.5 Conclusions
Chapitre II – Propagation et réémission des ondes de Lamb dans une plaque immergée
II.1 Propagation et atténuation par réémission
II.1.1 Hypothèses et données d’entrée du modèle théorique
II.1.2 Simulations par éléments finis
II.1.3 Expérimentation et méthodes de mesure de l’atténuation
II.1.4 Validation et discussion
II.2 Réémission en propagation multimodale
II.2.1 Théorie : modification du modèle de Bertoni et Tamir
II.2.2 Simulations par éléments finis
II.2.3 Expérimentation
II.2.4 Validation et discussion sur les champs acoustiques réémis
II.3 Conclusions
Chapitre III – Etude de la transmission d’une onde de Lamb de plaque en plaque et interférences associées
III.1 Propagation et attenuation dans la deuxième plaque
III.1.1 Théorie : modélisation basée sur l’énergie
III.1.2 Validation avec simulations par éléments finis
III.1.3 Expérimentation
III.1.4 Comparaison des mesures de vitesse et d’atténuation dans la deuxième plaque
III.2 Interférences d’une plaque sur l’autre en régime permanent
III.2.1 Calcul des déphasages théoriques
III.2.2 Simulations par éléments finis
III.2.3 Expérimentation
III.3 Conclusions
Chapitre IV – Application au Contrôle Non Destructif
IV.1 Réflexion d’une onde de Lamb sur un défaut
IV.1.1 Conversion de modes sur un défaut
IV.1.2 Coefficients de réflexion mode par mode
IV.1.3 Méthodes d’inversion pour évaluer l’état d’une plaque
IV.1.4 Conséquences et choix pour notre étude
IV.2 Choix du mode et de la fréquence pour le contrôle de plusieurs plaques
IV.2.1 Premier critère : optimisation de la transmission dans la n ième plaque
IV.2.2 Deuxième critère : réflexion sur un défaut
IV.2.3 Cas des plaques d’épaisseurs différentes
IV.2.4 Conclusion
IV.3 Application à la détection de défauts plans traversants
IV.3.1 Étude de la réflexion
IV.3.2 Validation expérimentale du niveau d’amplitude reçu
IV.3.3 Choix de la meilleure configuration
IV.4 Application à la détection de défauts plans débouchants
IV.4.1 Étude de la réflexion
IV.4.2 Expérimentation
IV.5 Conclusions
Conclusion générale
Bibliographie

Lire le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *