Projet de tracing européen dans la lutte contre le coronavirus

ATTRIBUTION DES COMPÉTENCES COMME POINT DE DÉPART

Tout d’abord et avant de déterminer quels sont les fondements juridiques de la compétence de l’Union européenne dans le domaine de la santé publique, il est important de rappeler trois principes fondamentaux du droit de l’Union européenne. Ces principes, énoncés à l’article 5 du Traité sur l’Union européenne sont ceux d’attribution des compétences, de subsidiarité et de proportionnalité.
D’une part, en vertu du principe d’attribution des compétences, l’Union ne peut agir que dans la limite des compétences que les Etats membres lui ont attribué, explicitement ou implicitement dans le Traité, afin d’atteindre les objectifs que ces traités établissent.
Les compétences explicites sont celles clairement prévues dans des dispositions spécifiques du Traité alors que les compétences implicites sont celles qui découlent d’une compétence explicite afin de permettre à l’Union de disposer de compétences analogues pour conclure dans ces domaines des accords avec des pays tiers.
Selon ce principe, toutes les compétences qui ne serait pas attribuées à l’Union européenne par les Traités appartiennent aux États membres.
D’autre part, en vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres. Cela signifie qu’une action pourrait être entreprise par l’Union dans un domaine réservé en principe aux Etats membres si ceux-ci ne sont pas en mesure d’atteindre leurs objectifs par leur seule action. Quant au principe de proportionnalité, il prévoit que l’Union doit veiller à ce que son action ne dépasse pas ce qui est nécessaire afin d’atteindre les objectifs du Traité. Dès lors que les principes du droit de l’Union ont été exposés, nous pouvons passer à l’examen des bases juridiques existantes ou ayant existé dans le droit de l’Union européenne depuis sa création.

Base explicite : Article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

L’article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne encadre aujourd’hui la compétence de l’Union en matière de santé publique. Dès lors, il est utile de déterminer le type, l’étendue et les limites des compétences prévues par cette disposition et qui permettent à l’Union d’agir d’une manière ou d’une autre dans le domaine de la santé.

Une compétence d’encouragement et d’appui

D’une part, les paragraphes 1 et 2 de l’article 168 du TFUE prévoient non seulement que l’action de l’Union complète les politiques nationales mais également qu’elle encourage la coopération entre les Etats membres dans les domaines visés par la disposition et ce en appuyant leur action. D’autre part, les Etats membres doivent coordonner leurs politiques et programmes et à cet effet, l’Union se voit octroyer une compétence qui lui permet d’entreprendre toute initiative utile à la promotion de cette coordination aux fins d’établir des orientations et des indicateurs communs, d’organiser des échanges de meilleurs pratiques mais également de préparer des éléments nécessaires à la surveillance et l’évaluation périodique.
Par ailleurs, il est également prévu qu’un niveau élevé de protection de la santé humaine soit assuré dans la définition et la mise en œuvre des politiques et actions de l’Union.
En conclusion, l’Union ne remplace pas les Etats membres dans la mise en œuvre de leur compétence en matière de santé publique. Néanmoins elle peut prendre des mesures qui complètent les politiques nationales des Etats membres, qui appuient leurs actions et qui encouragent la coopération.

Une compétence partagée

Comme nous venons de le voir, l’article 168 constitue principalement une compétence d’appui et d’encouragement des politiques et actions initialement menées par les Etats membres. En revanche, une exception est prévue, il s’agit du cas des compétences partagées.
En effet, le paragraphe 4 prévoit que conformément à l’article 4, §2 point k), le Conseil contribue à la réalisation des objectifs visés au présent article en adoptant certaines mesures. Ces mesures règlementaires peuvent être prises dans les cas qui avaient déjà mentionnés par le Traité d’Amsterdam. Cependant, s’ajoutent désormais à celles-ci les mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité des médicaments et des dispositifs à usage médical. Par ailleurs, le paragraphe 5 prévoit également que l’Union peut adopter des mesures d’encouragement notamment dans la lutte contre les grands fléaux transfrontalier, la surveillance de menaces transfrontalières graves sur la santé ou encore des mesures ayant directement pour objectif la protection de la santé publique en ce qui concerne le tabac et l’abus d’alcool.
C’est uniquement dans ces cas de figure que le Traité octroi à l’Union une compétence règlementaire, lui laissant ainsi que très peu de domaines dans lesquels intervenir.

Base indirecte : Article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

L’analyse de l’article 168 du TFUE n’a pas permis de constituer un fondement pour une compétence autonome de l’Union. Ainsi, l’action de l’Union se limite donc aux cas relevant de la compétence partagée ou à une action d’appui et d’encouragement des politiques nationales des Etats membres.
Cependant, l’Union a voulu tout de même agir dans le domaine de la santé concernant certaines problématiques, par exemple, la lutte contre le tabagisme.
A cette fin, il a fallu trouver une base juridique qui permet à l’Union d’adopter des instruments contraignants. L’article 114 §1 du TFUE est libellé comme suit : « Sauf si les traités en disposent autrement, les dispositions suivantes s’appliquent pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 26. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur. »
Cette disposition permet donc à l’Union de prendre des mesures de rapprochement des législations des Etats membres dans le but d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. C’est donc grâce à cette disposition générale que l’Union va pouvoir adopter des instruments juridiques en matière de santé publique.

Condition de mise en œuvre de l’article 114 appliqué au projet de tracing

La Cour a déjà précédemment jugé que de simples constatations de disparités entre les règlementations nationales ne suffisent pas pour justifier le recours à l’article 114 du TFUE. En revanche, il en va différemment des divergences entre les dispositions législatives, règlementaires ou administratives des Etats membres qui sont de nature à entraver les libertés fondamentales et à avoir une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur.
Par ailleurs, la Cour a précisé que le recours à l’article 114 du TFUE est également possible afin de prévenir des obstacles futurs aux échanges résultant d’une évolution hétérogène des législations nationales. Cependant, il est nécessaire que l’apparition de tels obstacles soit vraisemblable et que la mesure en cause ait pour objet leur prévention.
On pourrait dès lors considérer qu’en cas de disparités dans la mise en œuvre d’un tracing au niveau national cela pourrait entraver le bon fonctionnement du marché. En effet, on peut par exemple imaginer le cas où la Belgique établirait un système de tracing alors que la France ou les Pays-Bas ne connaissent pas de tels systèmes. Un certain nombre de citoyens belges se verraient forcer d’observer une période de quarantaine et verraient leur droit à la libre circulation dans l’Union fortement limité alors qu’un citoyen néerlandais ou français pourrait continuer d’exercer son droit à la libre circulation.
Dès lors, cela pourrait constituer une discrimination à l’égard de certains ressortissants dont la législation impose le tracing, une telle discrimination pourrait être de nature à entraver le bon fonctionnement du marché intérieur.
D’autre part, l’argument selon lequel un tel tracing a pour objectif la santé publique et non le bon fonctionnement du marché, ne peut être retenu car la jurisprudence admet qu’une mesure d’harmonisation peut être motivée pas un objectif de santé publique sans que cela soit un obstacle au recours à l’article 114 du TFUE.
Nous l’avons souligné précédemment, les mesures d’harmonisation peuvent consister en une interdiction provisoire ou définitive de la commercialisation de certains produits, comme ce qui a été décidé concernant le tabac contenant du menthol.

Obstacle au rapprochement des législations

En théorie, comme nous venons de le voir, nous pourrions appliquer plusieurs raisonnements de la Cour de justice à un projet comme celui du tracing. Cependant, un obstacle semble se dresser dans le Traité lui-même. En effet, les mesures d’harmonisation ne sont pas possibles concernant certaines dispositions. Ainsi, l’article 114 §2 du TFUE exclu le recours au rapprochement des législations concernant les dispositions fiscales, les dispositions relatives à la libre circulation des personnes et celles relatives aux droits et intérêts des travailleurs salariés. A première vue, le projet de tracing touchant directement à la libre circulation des personnes, qui serait restreinte de manière temporaire, ne pourrait donc a priori pas faire l’objet d’une mesure d’harmonisation sur base de l’article 114 du TFUE. Cependant, dans le cas où le projet de tracing serait trop restreint et ne toucherait uniquement qu’à cette liberté, une alternative peut être trouvée dans le Traité. L’article 115 du TFUE est une base juridique générale qui permet de procéder au rapprochement des législations pour les matières exclues du champ d’application de l’article 114 du TFUE. Néanmoins, le recours à cette disposition est fortement limité, elle n’est utilisée que de manière peu fréquente car elle suppose l’unanimité au Conseil et qu’elle ne permet à l’Union d’adopter qu’un seul type d’acte à savoir des directives. Il est donc difficile d’imaginer qu’une mesure de tracing puisse être adoptée sur cette base.
A côté de cela, il n’est pas non plus à exclure qu’une telle mesure soit prise sur base de l’article 114 du TFUE sans qu’elle porte directement sur la libre circulation des personnes. Ainsi, une mesure instaurant un système de tracing pourrait être prise dans le but d’assurer le bon fonctionnement de la circulation des marchandises ou des services. En effet, le tracing des personnes contaminées ou potentiellement contaminées permettrait de limiter la propagation du virus et de restreindre les cas de contamination afin d’éviter que les différents Etats membres prennent des mesures de lock down complet qui mettraient à mal la libre circulation des marchandises et la libre circulation des services qui sont assurées par des personnes.

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Table des matières

INTRODUCTION
I.- LA COMPETENCE DE L’UNION EUROPEENNE DANS LE DOMAINE DE LA SANTE
PUBLIQUE 
A.- ATTRIBUTION DES COMPETENCES COMME POINT DE DEPART 
1) Dans les traités
B.- ANALYSE DES COMPETENCES 
1) Base explicite : Article 168 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
2) Base indirecte : Article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
II.- CES DISPOSITIONS PEUVENT-ELLES SERVIR DE BASE JURIDIQUE AFIN DE CREER
UN TRACING AU NIVEAU EUROPEEN DANS LA LUTTE CONTRE LE CORONAVIRUS ?
A.- PROJET DE TRACING AU NIVEAU EUROPEEN
1) Condition de mise en œuvre de l’article 114 appliqué au projet de tracing
2) Obstacle au rapprochement des législations
B.- PROJET DE TRACING AU NIVEAU NATIONAL 
1) La libre circulation des travailleurs
2) La libre circulation des citoyens
3) Les récentes recommandations adoptées par l’Union à l’attention des Etats membres
4) Difficulté du contrôle d’une mesure de tracing en raison du régime juridique Schengen
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE

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