Profil immunologique des patients lupiques

Historique

  Le terme de lupus a été initialement utilisé à la fin du moyen âge pour décrire des lésions cutanées mutilantes du visage de causes variées. Il fallait attendre 1828 pour trouver ladescription des manifestations dermatologiques par Biett qui introduisit le terme « érythème centrifuge », et par son élève Cazenave, qui créa le terme de « lupus érythémateux » en 1851, et distingua les deux formes, discoïde et disséminé [1,9]. Kaposi, à Vienne à la fin du XIXe siècle, remarque que certains lupus cutanés peuvent se compliquer de manifestations viscérales diffuses, parfois mortelles. La description des formes systémiques ou « lupoviscérites » sans atteinte cutanée revient à William Osler en Angleterre [10]. Les manifestations histologiques caractéristiques telles que les corps hématoxyliques sont reconnues par Gross en 1932. L’aspect des glomérules en wireloop est mentionné pour la première fois par Baehr en 1935[9]. C’est à Hargraves, en 1948, que revient le mérite de décrire le premier auto-Ac antinucléaire responsable de la formation in vitro des cellules LE. En 1957, Seligmann et Cepellini découvrent indépendamment l’existence d’antiAc anti-ADNn, signature biologique caractéristique de la maladie [11].

Données épidémiologiques

   L’incidence du LES varie selon les pays de 1 à 25 par 100 000 et sa prévalence varie mondialement de 20 à 150 par 100 000 [3].Elle est 2 à 5 fois plus importante chez les sujets noirs vivant aux Etats-Unis ou dans lespays de zone Caraïbes que chez les sujets blancs. La maladie est 3 fois plus fréquente chez les sujets originaires d’Extrême-Orient que chez les Européens [12].La fréquence du lupus familial varie de 4 à 12%. Elle est plus élevée, atteignant 30% dans les familles où le propositus atteint de LES est de sexe masculin [13]. Les études de jumeaux ont démontré un taux de concordance de 24 à 56 % pour les jumeaux monozygotes contre 2 à 4 % chez les jumeaux dizygotes [14]. Il touche 9 femmes pour 1 homme. L’âge de début se situe avec un maximum dans les deuxième et troisième décennies. Le diagnostic étant souvent décalé de 5 à 10 ans [1].

Facteurs éthiopathogéniques

   Le LES est une maladie auto-immune non spécifique d’organe, d’étiologie inconnue, mais fait probablement intervenir des interactions complexes entre des facteurs génétiques, endocriniens et environnementaux [15].
Facteurs génétiques L’influence des facteurs génétiques est bien connue dans le LES. La concordance du LES chez les vrais jumeaux, l’augmentation de la fréquence du LES chez les parents de 1er degré, ainsi que l’augmentation du risque de développer la maladie dans la fratrie de patients lupiques reflète l’hérédité polygénique du lupus [16,17]. De nombreux gènes ont été impliqués dans la prédisposition génétique au LES. Certains d’entre eux vont jouer un rôle dans l’apparition de la maladie (gènes de susceptibilité), d’autres vont être impliqués dans l’expression clinique ou biologique de la maladie (phénotype), commeles atteintes rénales, cutanées ou la présence d’auto-Ac [18,19]. Certains gènes de susceptibilité peuvent avoir un rôle majeur dans l’apparition de la maladie lupique, comme le déficit en C1q du complément qui est associé à un lupus dans plus de 90% des cas [20]. Dans la majorité des cas, le risque de LES est lié à l’association de plusieurs gènes. Ces facteurs génétiques vont être impliqués dans les différentes étapes de la réponse immunitaire pour conduire à l’apparition de la maladie. Ces facteurs définissent un seuil de susceptibilité génétique, variable d’un sujet à l’autre. A partir de ce seuil, la survenue de la maladie va dépendre de la présence ou non d’autres facteurs favorisants, comme les facteurs environnementaux ou hormonaux [21].
Facteurs hormonaux L’influence des hormones sexuelles sur la maladie lupique a été constatée depuis longtemps. Il est bien établi, grâce aux différentes études épidémiologiques, que cette affection touche plus souvent les femmes en période d’activité génitale. De plus, l’activité clinique de la maladie est différente selon le statut hormonal des patientes. C’est ainsi que le LES débutant avant la puberté est plus sévère et entraîne une mortalité plus élevée que lorsqu’il débute à l’âge adulte. A l’inverse, la maladie est généralement bénigne après la ménopause [22]. Des poussées lupiques peuvent survenir avec la prise d’œstrogènes, la grossesse et les inducteurs de l’ovulation. Une augmentation du taux de 17β-œstradiol et une diminution de la testostérone plasmatique ont été observées chez les femmes lupiques [23]. Les mécanismes par lesquels les estrogènes seraient impliqués dans la réponse autoimmune sont multiples [24]. Par le biais de la stimulation du récepteur α aux estrogènes, ils ont un rôle activateur sur le système immunitaire avec notamment une action sur les lymphocytes B (LB) et les lymphocytes T (LT) [25,26]. Ils entrainent un prolongement de la survie des cellules auto-immunes, une hyperréactivité des LB, une augmentation de la production de cytokines par les lymphocytes Th2, une inhibition de la réponse des lymphocytes Th1 et une augmentation de l’expression du CD40L à la surface des LT.
Facteurs environnementaux Différents agents physiques chimiques ou infectieux favorisent la survenue ou l’aggravation d’une maladie lupique [27].Les facteurs environnementaux les mieux connus sont les rayons ultra-violets (UV), lesmédicaments inducteurs lupiques (procainamide, l’hydralazine et la quinidine surtout), et des agents infectieux, bactériens (pneumocoques, Escherichia coli et Chlamydia trachomatis) ou viraux (EBV, CMV, parvovirus B19) [27].Ces facteurs sont susceptibles de favoriser l’apparition d’une réaction auto-immune :
– l’EBV, au moyen d’une réaction croisée par mimétisme moléculaire entre l’antigène viral et l’antigène du soi [28] ;
– les médicaments inducteurs, par les biais d’une inhibition de la méthylation de l’ADN ce qui entraine l’augmentation de l’expression de plusieurs gènes des lymphocytes T,
– les UV, par l’intermédiaire d’une stimulation de l’apoptose des kératinocytes et la production en excès de corps apoptotiques libérant différents autoantigènes : SSa (Ro), P ribosome, nucléosome, SSb (La), Sm,… (Figure-17) [27,29].

Rôle des cytokines et chimiokines

  Certaines cytokines jouent un rôle important dans la physiopathologie du LES. Il s’agit en particulier des IFNα et γ, de l’IL-10, de BLyS et CCL2 [27]. Des preuves indirectes d’une surexpression d’IFNα ont été apportées chez les patients atteints de LES [49,50], mais dont les causes demeurent partiellement connues. L’IFN-α active les cellules dendritiques et les lymphocytes T et B et NK [51]. Il joue également un rôle majeur dans l’activation, la prolifération, la différentiation et la production d’auto-Ac par les LB [52,53]. L’IFNγ a un rôle physiopathologique très proche de celui de l’IFN α. BLyS est une cytokine membre de la superfamille du TNF qui peut se fixer sur trois récepteurs (TACI, BCMA et BAFF-R). Elle a un rôle important dans la survie et la sélection des LB immatures ainsi que dans l’activation et la prolifération des LB matures et la production de plasmoblastes et de plasmocytes [54]. CCL2 est une chimiokine fortement impliquée dans le recrutement et l’activation des leucocytes dans les atteintes rénales et cérébrales du LES [55]. L’IL-10 et l’IL-21 qui ont un rôle central dans la différentiation plasmocytaire sont surexprimées au cours du LES.

Rôle pathogène des Auto-anticorps

   La présence des ANA est quasi-constante chez les patients atteints de LES. Ces Ac peuvent être dirigés contre :
– La chromatine et ses constituants : Ac anti-DNAn et anti-DNA simple brin, Ac anti-ARN, anti-histone et anti-nucléosome.
– Les antigènes nucléaires solubles : Ac anti-Sm, anti-U1-RNP, anti-SSa et antiSSb [27]. D’autres auto-Ac peuvent être retrouvés chez les patients. Il s’agit par exemple d’Ac anti-ribosome, d’Ac reconnaissant des molécules de surface des cellules hématopoïétiques (Ac anti-plaquettes ou anti-globules rouges), des facteurs du complément (Ac anti-C1q) et des protéines du cytosquelette (Ac anti α actinines). Les Ac anti-phospholipides et anti- 2 glycoprotéines 1 sont associés aux thromboses vasculaires [27]. Certains auto-Ac peuvent causer directement, par leur simple fixation sur la cible antigénique, le dysfonctionnement, voire la destruction de la cible moléculaire ou cellulaire. C’est le cas par exemple des Ac dirigés contre le récepteur pour le N-méthyl-D-aspartate (NMDA) qui semblent jouer un rôle direct dans l’apparition des manifestations neuropsychiatriques de la maladie [58], des Ac dirigés contre les leucocytes, les plaquettes et les globules rouges induisant des cytopénies, et des Ac anti-SSa pouvant détruire directement le tissu conductif cardiaque fœtal [59]. Ces situations sont rares. En effet, dans la majorité des cas, les auto-Ac sont à l’origine des lésions tissulaires par le biais de la formation de CI. Présents dans les tissus, ces CI activentla voie classique du complément et initient la réaction inflammatoire en recrutant in situ les macrophages, les polynucléaires neutrophiles, les CD et les lymphocytes (Figure-19).

Auto-anticorps et cibles antigéniques

  Au cours de LES les auto-Ac réagissent avec les divers constituants du noyau :
– Les ANA sont dirigés contre une multitude de cibles antigéniques nucléaires dont deux principales structures, les acides nucléiques (acide désoxyribonucléique (ADN) et acide ribonucléique (ARN)) et les protéines [60].
– Les Ac anti-DNAn ont pour cible principale les bases puriques ou pyrimidiques cachées dans la double hélice d’ADN [61].
– Les Ac anti-nucléosomes reconnaissent une unité fonctionnelle composée d’ADN bicaténaire et d’histones, le nucléosome [62].
– Les Ac anti-histones ciblent les 5 classes d’histones: H1, H2A, H2B, H3 et H4 qui sont des protéines basiques riches en arginine et en lysine couplées à la double hélice d’ADN [63].
– Les Ac anti-snRNP (small nuclear Ribonucléoprotein) sont dirigés contre unefamille de ribonucléoprotéines jouant un rôle important dans l’épissage des ARN pré-messagers. Il existe cinq grandes familles de snRNP: U1, U2, U4, U5 et U6, s’associant à un grand nombre de peptides, dont le poids moléculaire varie de 11 à 70 kD (p70, A, A’, B, B’, B’’, C, D, E, F et G). Les Ac anti-U1 snRNP, constitués d’U1 et des peptides 70, A et C sont ceux habituellement recherchés en pratique clinique .
– Les Ac anti-Sm reconnaissent les polypeptides B’/B, D, E, F et G des UsnRNP .
– Les Ac anti-SSa sont dirigés contre diverses ribonucléoprotéines dont les deux principales ont des poids moléculaires de 52 et 60 Kd [60].
– Les Ac anti-SSb reconnaissent une protéine phosphorylée de 48kD couplée à des ARN transcrits par l’ARN polymérase III [65].

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Table des matières

INTRODUCTION
PATIENTS ET MÉTHODES 
I. Type d’étude 
1. Lieu de l’étude
2. Durée de l’étude
3. Population cible
II. Méthodologie 
1. Les données sociodémographiques
2. Données cliniques
3. Données para-cliniques
III. Saisie des données et analyse statistique 
IV. Considérations éthiques 
RESULTATS 
I. Caractéristiques sociodémographiques 
1. Age
2. Sexe
3. Origine
4. Situation familiale
II. Antécédents des patients 
1. Antécédents personnels
2. Antécédents familiaux
III. Délai diagnostique 
IV. Caractéristiques cliniques 
1. Signes généraux
2. Atteinte rhumatologique
3. Atteinte cutanéo-muqueuse
4. Atteinte rénale
5. Atteinte vasculaire
6. Atteinte pleuro-pulmonaire
7. Atteinte neuropsychiatrique
8. Atteinte cardiaque
9. Atteinte digestive
10. Atteinte ophtalmologique
V. Caractéristiques biologiques et immunologiques 
1. Atteinte hématologique
2. Syndrome inflammatoire
3. Résultats immunologiques
VI. Pathologies auto-immunes associées 
DISCUSSION 
I. Généralités 
1. Historique
2. Données épidémiologiques
3. Facteurs éthiopathogéniques
4. Mécanisme immunopathologique
5. Auto-anticorps et cibles antigéniques
6. Dépistage et identification des auto-anticorps
7. Expression clinique et biologique du LES
8. Critères de classification de LES
II. Discussion de nos résultats 
1. Données sociodémographiques
2. Profil clinico-immunologique
3. Forces et limites de notre étude
4. Démarche du diagnostic immunologique et recommandations
CONCLUSION
ANNEXES
RÉSUMÉS
BIBLIOGRAPHIE

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