Profil de risque de cancer du sein associée à la grossesse

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Drainage veineux

Le drainage veineux est assuré par deux réseaux veineux :
 Un réseau veineux superficiel
Les veines sous cutanées : au-dessus du fascia pré-mammaire.
Le cercle péri-mammelonnaire (cercle veineux de Haller) : il se draine vers les veines jugulaires externes, céphaliques et sous cutanées de l’abdomen.
 Un réseau veineux profond
Le drainage médial aboutit aux veines thoraciques internes.
Le drainage latéral s’effectue vers la veine axillaire.
Le drainage postérieur s’effectue vers les veines intercostales, qui se drainent vers la veine Azygos.

Lymphatiques

Le drainage lymphatique mammaire est constitué de:
– un riche réseau cutané dans la couche profonde du derme,
– un réseau glandulaire profond associé aux lobes,
– un réseau péri-aréolaire (cercle de Sappey) aux tubules de plus gros calibre
et valvulés, sur lequel repose l’anastomose entre les deux premiers réseaux. Du cercle péri-aréolaire partent quatre canaux collecteurs qui se dirigent vers le creux axillaire, principalement vers le groupe ganglionnaire thoracique latéral. La lymphe de la partie médiale est drainée vers les ganglions de la chaîne parasternale (ou chaîne mammaire interne).
Une voie lymphatique supérieure inconstante est parfois décrite, qui va directement vers les ganglions de la fosse supraclaviculaire majeure (son envahissement garde une valeur de métastase).
– Les ganglions lymphatiques du sein convergent donc vers deux groupes essentiels :
– Les ganglions axillaires et les ganglions de la chaine mammaire interne. Ces ganglions sont situés au niveau des trois premiers espaces intercostaux en arrière des cartilages costaux et des muscles intercostaux et en avant de la plèvre. Les ganglions axillaires sont répartis en cinq groupes:
 axillaires pectoraux (ou thoraciques latéraux, le long de l’artère thoracique latérale),
 axillaires postérieurs (ou subscapulaires),
 axillaires latéraux (ou huméraux),
 axillaires centraux (situés devant le muscle sous-scapulaire, sous la veine axillaire),
 axillaires apicaux (sous-claviculaires).
Ces groupes, formant un continum au sein de la graisse du creux axillaire, ne sont pas individualisables cliniquement. Cependant, les classiques trois étages ganglionnaires de Berg (le niveau I en dessous du petit pectoral, le niveau II en arrière, le niveau III au-dessus du tendon du petit pectoral ; gardent toute leur valeur pour le chirurgien) (figure 4).
Les ganglions axillaires et parasternaux se jettent dans des ganglions de second niveau supraclaviculaires. L’espace interpectoral (entre les muscles grand pectoral et petit pectoral) est le siège des ganglions de Rotter, répartis le long des branches pectorales des vaisseaux thoraco-acromiaux [21].

Innervation

L’innervation sensitive du sein provient de deux réseaux principaux, qui sont les rameaux perforants cutanés latéraux et antérieurs du deuxième aux septièmes nerfs intercostaux (figure 5). Les branches inférieures du plexus cervical superficiel participent également à l’innervation de la partie haute du sein. La glande elle-même est beaucoup moins innervée [21].

Développement et physiologie mammaire

Développement du sein

Avant la naissance

Le sein est une unité cutanéo- glandulaire. A partir de la 4ème semaine, l’embryon mesure 8 mm. Il y a apparition de la crête mammaire qui est un épaississement bilatéral et linéaire de l’ectoderme depuis l’aisselle jusqu’à l’aine. Deux bourgeons mammaires apparaissent le long de cette crête, ils sont symétriques et situés au niveau pectoral (figure 6).
A la 6ème semaine, la crête mammaire disparaît, les deux bourgeons mammaires persistent et forment l’aréole. Cette étape constitue la fin de la période embryonnaire. Au cours du 5ème mois, les bourgeons mammaires s’invaginent dans le mésoderme sous-jacent en 15 à 20 prolongements cylindriques pleins, lesquels se dilatent à leur extrémité. Au 7ème mois, une lumière se creuse dans ces prolongements, c’est l’ébauche des canaux galactophores.
Au 8ème mois, ces canaux s’ouvrent au niveau d’une dépression épithéliale située à l’emplacement du futur mamelon [39].
En profondeur, les canaux se différencient en unités glandulaires.
En fin de période fœtale, le sein est représenté par un léger relief cutané où se situent les orifices des canaux galactophores.
L’aréole correspond à la zone de l’épiderme qui entoure le mamelon. Elle contient de nombreux bourgeons de glandes sudoripares et sébacées apocrines.
Une anomalie de développement peut survenir au cours de la période embryonnaire à type de sein ou de mamelon surnuméraire, d’agénesie, d’asymétrie etc…

De la naissance à la puberté

A la naissance, la structure de la glande mammaire est encore inachevée. La glande reste au repos jusqu’à la puberté. Chez le garçon, la glande mammaire reste
à ce stade toute la vie. Deux à trois jours après la naissance, on peut observer chez le garçon ou la fille, une crise génitale due à la suppression brutale des œstrogènes maternels. Elle se traduit par un état congestif des seins avec une pigmentation de l’aréole et la saillie du mamelon. On peut observer une sécrétion lactée transitoire (lait de sorcière) due à la ramification des canaux galactophores primordiaux.
La puberté génère des modifications morphologiques significatives :
 L’augmentation du volume mammaire par augmentation du tissu mammaire et du tissu graisseux périphérique ;
 La saillie du mamelon, l’élargissement et la pigmentation rosée de l’aréole. Les sécrétions hormonales liées aux premiers cycles ovulatoires stimulent la croissance et la multiplication des canaux sous l’action des œstrogènes.
Le tissu glandulaire, les lobules et les alvéoles se développent sous l’action de la progestérone. Le parenchyme de soutien se développe au fur et à mesure des cycles menstruels et subit une congestion d’origine hormonale, en fin de cycle.

Au cours du cycle menstruel

Durant chaque cycle menstruel, les seins subissent des fluctuations selon les variations des concentrations plasmatiques d’œstrogènes et de progestérone.
En fin de phase folliculaire, sous l’influence de l’œstrogène, on note une prolifération de l’épithélium glandulaire avec augmentation des mitoses cellulaires, la synthèse de l’ARN, une augmentation de la densité nucléaire.
Au cours de la phase luthéale, sous l’effet de la progestérone, on note une différenciation sécrétoire avec accumulation du glycogène et des vacuoles de sécrétion proteique et un œdème du tissu conjonctif (figure 7).
Ces variations restent minimes car la suite du développement mammaire reprendra et s’achèvera lors de la première grossesse avec élaboration des structures permettant la lactation. Un canal galactophore se divise successivement pour former, dans les lobules, les canaux galactophores intra lobulaires où s’ouvrent plusieurs acini. Les lobules sont constitués par le tissu conjonctif intra lobulaire et les acini.

Au cours de la grossesse et de la lactation

L’état gravide entraîne une modification du sein. Il augmente de volume. Le mamelon devient saillant, l’aréole se pigmente et prend un aspect grenu. Cet aspect grenu résulte de la saillie des tubercules de Morgagni, dénommés tubercules de Montgoméry au cours de la grossesse et de la lactation.
A l’arrêt de la lactation, la glande retourne à sa morphologie initiale; elle est alors le siège d’importants remaniements tissulaires faisant intervenir l’apoptose ainsi que la phagocytose des cellules immunitaires [58].

Au cours de la ménopause

La stimulation hormonale s’arrête (chute œstrogène et progestérone), on note donc une involution de la glande mammaire qui s’explique par une raréfaction des acini.
Les cellules épithéliales et myoépithéliales s’atrophient alors que la membrane basale s’épaissit. Le tissu conjonctif subit aussi une évolution avec altération des fibres élastiques et collagénes aboutissant à une ptose mammaire. Le sein de la femme ménopausée devient essentiellement constitué de tissu adipeux. Après avoir progressivement remplacé le tissu glandulaire au cours des années, le tissu adipeux va lui aussi décliner. L’amenuisement du tissu adipeux peut être en partie compensé par une augmentation pondérale postménopausique. Cette évolution sera dépendante de l’ethnie et du morphotype [21].

Physiologie mammaire au cours de la grossesse et la lactation

A cette période, appelée « période gestationnelle », les contingents en tissu conjonctif et en tissu épithélial vont s’inverser. C’est à ce moment-là que le sein pourra être réellement qualifié de glande.
Deux phases vont intimement s’intriquer pour parvenir au sein lactant:
– la mammogenèse : sous l’action combinée d’estrogènes placentaires et ovariens, on constate la reprise de l’arborisation terminale. Le nombre et la taille des lobules croissent de façon très importante. Au centre des lobules, la dilatation de chaque digitation terminale est à l’origine de la genèse d’une alvéole glandulaire ;
– la lactogénèse : sous la dépendance de la prolactine et de la progestérone, les cellules épithéliales glandulaires vont secréter du colostrum, lait primitif, visqueux et nacré, qui séjourne dans leur lumière en les dilatant.
La délivrance sera l’élément déclencheur de la montée de lait.
La lactation apparaît dans les 24–48 heures qui suivent la délivrance. Les alvéoles sont bordées par un épithélium cubique reposant sur une membrane basale.
Les sécrétions d’estrogène et de progestérone s’épuisent, la production de lait ne dépend plus alors que de la prolactine. L’allaitement achevé, l’involution postgravidique se déroule sur 2 à 3 mois. Le tissu adipeux reprend la place du tissu glandulaire, la majorité des lobules étant détruits. On retrouve un contingent fibrotique postlactationnel qui est toutefois très modéré [19,24].

CANCER DU SEIN ET GROSSESSE

Définition

L’association cancer du sein et grossesse est définie par la découverte d’un cancer du sein durant la grossesse ou dans les 12 mois qui suivent l’accouchement.

Cancérogénèse mammaire et grossesse

L’augmentation transitoire du risque de cancer du sein au cours des trois ou quatre années qui suivent une grossesse menée à terme suggère un modèle d’oncogénèse propre à la gravido-puerpéralité. Durant la grossesse, le nombre de cellules épithéliales mammaires augmente massivement. Cette augmentation semble due, en partie, à l’expansion du contingent de cellules souches ou de cellules intermédiaires proliférantes.
Cette prolifération de cellules épithéliales s’accompagne d’une augmentation de l’angiogénèse et d’une augmentation du contingent de cellules stromales, ainsi que des changements de la matrice extracellulaire.
Une immuno-tolérance maternelle par le biais de l’expression d’HLA-G, qui pourrait soustraire les cellules tumorales à la veille immunitaire, a été suspectée. La grossesse et l’involution mammaire secondaire vont entraîner une altération du réservoir de cellules souches et de la membrane basale.
Après la lactation, le nombre de cellules épithéliales mammaires décroît avec, parallèlement une dégradation de la matrice extracellulaire entrainant ainsi une diminution de la densité mammaire [28].
Si la grossesse survient chez une femme dont l’épithélium mammaire contient déjà une cellule souche ayant une altération génétique initiatrice d’un cancer, ou bien si cet évènement survient lors de la grossesse, alors le nombre de ces cellules va augmenter et potentiellement permettre la survenue d’un nouvel événement génétique délétère et la sélection clonale du fait de l’augmentation du contingent cellulaire. Lors de l’involution, la protéolyse qui mène à la dégradation de la matrice extracellulaire pourrait conduire à des lésions de la membrane basale qui peuvent promouvoir la progression, l’invasion et l’essaimage métastatique.
Ce modèle biologique permet de comprendre pourquoi la grossesse a un effet double sur le risque du cancer du sein : tout d’abord une augmentation transitoire du risque après l’accouchement puis une diminution après 15 ans. La grossesse augmente le risque à court terme de cancer du sein par stimulation de la croissance des cellules épithéliales qui ont déjà franchi les premières étapes de la transformation maligne. A distance de l’accouchement, la grossesse confère une protection car elle a induit la différenciation de cellules souches mammaires qui avaient un potentiel de transformation néoplasique non négligeable [51].

Epidémiologie

L’association cancer du sein et grossesse n’est pas rare mais elle est en réalité peu étudiée sur le plan épidémiologique. Compliquant 1/3000 à 1/10000 grossesses, le cancer du sein est le premier cancer associé à la grossesse. L’incidence estimée du cancer du sein associé à la grossesse est 0,2 %-3,8 % [40]. En France, on peut estimer que cette situation survient dans 350 à750 cas chaque année. Cette incidence est inférieure dans les pays en voie de développement car l’âge des grossesses est plus précoce. On considère que 10 % des femmes de moins de 40 ans ayant un cancer du sein sont enceintes lors du diagnostic [16].
L’association cancer du sein et grossesse est fortuite. En effet, si une femme présente deux grossesses entre 25 et 40 ans, elle est enceinte pendant 10 % de cette période : ces 10 % correspondant aux 11 % de cancer du sein retrouvé avant l’âge de 40 ans. L’âge moyen semble se situer aux environs de 34 ans.
Le cancer du sein associé à la grossesse est devenu plus fréquent ces trente dernières années du fait des grossesses de plus en plus tardives. Ainsi, même si l’incidence des tumeurs malignes n’augmente pas par le fait de la période de reproduction, elle augmente avec l’âge [24].
Des éléments épidémiologiques et biologiques suggèrent une relation entre grossesse et développement d’un cancer.
Lambe et coll [36] ont estimé par régression logistique conditionnelle les odds ratios de développer un cancer du sein à différents âges selon l’âge à la première grossesse (par rapport aux nullipares) et selon l’âge à la seconde grossesse (par rapport aux primipares). Les femmes primipares étaient à plus haut risque que les patientes nullipares de survenue d’un cancer du sein dans les 15 ans qui suivent l’accouchement puis à plus bas risque après. L’excès de risque était plus important chez les femmes les plus âgées au moment de leur premier accouchement (odds ratio 5 ans après accouchement chez les femmes de plus de 35 ans lors de leur premier accouchement : 1,26 ; IC 95 % : 1,10–1,44). Les femmes qui avaient accouché 2 fois avaient un risque moins marqué. Les auteurs concluaient que la grossesse a un effet double sur le risque du cancer du sein : tout d’abord une augmentation transitoire du risque après l’accouchement puis une diminution après 15 ans à un niveau inférieur à celui d’une nullipare [36].
Dans une étude prospective basée sur une population de 802 457 Norvégiennes âgées de 20 à 56 ans, Alberktsen et coll. [3] rapportent une augmentation à court terme des cas de cancer du sein après une grossesse à terme, le plus grand nombre se produisant trois à quatre ans après l’accouchement (RR 1,99 ; IC de 95 % 1,7– 2,3). De façon similaire, il a été rapporté une augmentation du risque de cancer du sein dans l’année qui suit le traitement médical d’une infertilité [3].

Diagnostic

Diagnostic positif

Toute anomalie mammaire doit être explorée au cours de la grossesse, la démarche diagnostique doit cependant être la même qu’en dehors de la grossesse, elle repose sur la triade clinique, radiologique et histologique.
 Circonstances de découverte
Elles sont multiples et variables, il peut s’agir :
– D’une découverte fortuite d’un gros nodule mammaire par la femme elle-même ou par le praticien lors des consultations pré-natales ;
– A l’occasion de signes évocateurs :
• un écoulement mammelonaire séreux ou sanglant ;
• une anomalie du mamelon ;
• une déformation du sein par une masse tumorale ;
• des signes inflammatoires : douleur, rougeur ;
– A la suite de complications métastatiques (osseuse, hépatique, pulmonaire).
 Examen clinique
 Interrogatoire
Il s’agit d’un temps essentiel. Il doit être orienté sur la recherche :
 des antécédents familiaux et personnels, gynéco-obstétricaux, médico-chirurgicaux ;
 des facteurs de risque d’apparition du cancer du sein ;
 l’analyse des motifs de consultation.
 Examen physique
 Inspection
C’est le premier temps de l’examen. La femme est dévêtue jusqu’à la ceinture, assise face à l’examinateur sous un bon éclairage, les bras le long du corps, puis les bras levés.
Cette inspection sera complétée en position des bras tendus, la patiente est debout, le dos courbé, les bras tendus en avant, l’examinateur est assis face à elle et lui attrape l’extrémité des doigts ; dans cette situation, les seins pendent librement, permettant de mieux visualiser des phénomènes de rétraction.
Cette inspection doit se faire de face et de profil et être complétée en modifiant l’éclairage pour obtenir une lumière à jour frisant [38].
Ainsi l’exploration sera tout d’abord globale. On apprécie le volume des seins, leur symétrie, en sachant qu’il existe une asymétrie fréquente liée à un défaut de développement non pathologique. Il faut noter les anomalies des mamelons ou des aréoles (aspect, nombre), les lésions cutanées en les reportant sur un schéma pour les reconnaître sur la mammographie. Plusieurs anomalies peuvent être notées :
 Quand il existe une rougeur, il faut préciser son intensité. La rougeur peut être localisée à une partie du sein ou s’étendre sur l’ensemble du sein. Elle peut être accompagnée d’une augmentation de la chaleur locale ou d’un œdème.
 L’œdème est dû à un engorgement des lymphatiques du derme. Il se traduit cliniquement par une peau d’orange. Lorsque l’œdème est très localisé, son diagnostic peut être difficile. Il faut alors le rechercher au niveau de l’aréole qui est une zone privilégiée.
 S’il y a une masse, elle est parfois visible lorsqu’elle est superficielle. On observe alors une saillie ou une modification des contours du sein, surtout visibles à jour frisant.
 Certaines grosses masses se manifestent par une augmentation globale de la taille d’un sein ou des deux seins quand il s’agit d’une forme bilatérale.
 On peut noter des modifications du mamelon et de l’aréole, dans ce cas la région aréolo-mamelonnaire doit faire l’objet d’un examen attentif : forme, pigmentation, rougeur, eczéma, lésions de grattage [44].
 La présence d’une nappe érythémateuse et prurigineuse bien limitée, infiltrée, centrée par le mamelon doit faire suspecter la maladie de Paget et nécessite une biopsie diagnostique.
 L’ombilication du mamelon doit faire évoquer en premier lieu un cancer lorsqu’elle est récente.

Diagnostic de retentissement : influences réciproques.

Influence de la grossesse et  de l’allaitement sur le cancer

 Effets bénéfiques de la grossesse
 La différenciation cellulaire mammaire
Le mécanisme majeur permettant d’expliquer l’effet protecteur de la grossesse vis-à-vis de la carcinogenèse mammaire met en jeu la différenciation des cellules épithéliales. Un modèle de souris transgéniques met en évidence le rôle crucial de la progestérone et de son récepteur dans cette différenciation et prouve que la grossesse diminue le nombre de cellules indifférenciées de l’unité terminale ducto-lobulaire (UTDL) (Figure 14). Or, ce sont les cellules indifférenciées qui sont les plus sensibles aux carcinogènes. Cela a été bien montré par des études sur des tumeurs induites par des carcinogènes chimiques chez le rat [40]. L’administration d’œstrogènes et de progestérone avant le carcinogène protège en permettant une différenciation des cellules mammaires. De même, la grossesse ou l’administration à des rates non gravides d’HCG (humane chorionic gonadotropin) ont un effet protecteur, aboutissant à la fois à une inhibition de l’initiation et de la progression des tumeurs mammaires et même à l’arrêt du développement des proliférations intracanalaires et des carcinomes in situ.
L’analyse histologique de la différenciation cellulaire a conduit Russo et al [54] à décrire quatre états de différenciation lobulaire, les cellules les moins différenciées (dénommées lobulaires 1) étant majoritaires chez les nullipares et les plus différenciées (dénommées lobulaires 4) étant observées au moment de la lactation. Il a ensuite classé les cellules lobulaires 1 en deux sous-types SCI et SC2 (Stem cells 1 et Stem cells 2), les SCI étant sensibles aux carcinogènes et les SC2 réfractaires. L’hypothèse est que les femmes nullipares et celles qui ont un cancer du sein ont plutôt des cellules SCI, les femmes ayant accouché ou sans pathologie mammaire ayant plutôt des cellules SC2 [54].
 L’involution de la glande mammaire
Pendant la grossesse, on observe une multiplication des cellules épithéliales différenciées et indifférenciées, un accroissement des cellules du stroma et des modifications de la Matrice Extra Cellulaire (MEC). A la fin de la grossesse ou à l’issue de la lactation se produit l’involution de la glande mammaire accompagnée d’une diminution considérable des cellules épithéliales qu’elles soient différenciées, indifférenciées ou même initiées, et une dégradation des composants de la MEC [51], Cette apoptose permet l’élimination des cellules indésirables, malades ou initiées. En l’absence de grossesse, ces cellules ne sont pas éliminées et dans certains cas aboutissent à une cancérisation permettant d’expliquer le sur risque mammaire lié à la nulliparité.
 L’allaitement
L’allaitement contribue à une réduction du risque d’apparition et de progression d’un cancer du sein par différents mécanismes, l’allaitement réduit le nombre d’ovulations proportionnellement à sa durée et maintient un niveau d’œstrogènes plus bas que celui que l’on observe au cours du cycle menstruel. De plus, l’allaitement fait diminuer le pH, le niveau d’œstrogènes et les carcinogènes locaux des lobules et des canaux, parmi les substances carcinogènes, il faut citer les xeno- estrogènes et en particulier les organochlorés. Le lait est une voie d’excrétion importante de ces substances lipophiles en raison de sa composition élevée en graisses. Il a ainsi pu être démontré que les organochlorés présents dans le tissu mammaire diminuent chez les femmes ayant allaité leurs enfants, quoique controversées, les données épidémiologiques indiquent que la fixation de ces xeno-estrogènes dans la glande mammaire pourrait être cancérigène pour l’humain. Grâce à l’excrétion de ces carcinogènes stockés dans les cellules adipeuses du sein, l’allaitement pourrait donc participer à la diminution du risque du cancer du sein [55].
 MUC1/Polymorphic Epithelial Mucin (MUC1/PEM)
La protéine MUC1, encore appelée Polymorphic Epithelial Mucin (PEM) est une protéine transmembranaire dont la glycosylation lui confère une structure de mucine, La MUC1/PEM est présente en faible quantité au niveau du pôle apical des cellules mammaires normales, tapissant notamment l’intérieur des canaux galactophores et des lobules. Son expression augmente lors de la lactogénèse, mais aussi lors de la transformation maligne. La MUC1/PEM est également présente chez le fœtus. Son passage dans la circulation maternelle aboutit à une présentation d’épitropes antigéniques et à une immunisation. Ces anticorps antimucines circulants peuvent contribuer à la lyse de cellules mammaires surexprimant MUC1/PEM (notamment les cellules initiées ou cancéreuses). Les anticorps anti-MUCl/PEM sont d’ailleurs utilisés pour le développement de vaccins anti cancer du sein ciblant gp68, cette immunisation anti-MUCl/PEM est une des hypothèses pouvant contribuer à expliquer l’effet bénéfique de la grossesse sur le risque de cancer mammaire.
 Effets péjoratifs de la grossesse
 Modifications biologiques gestationnelles
La grossesse est une période d’inflation œstrogènique et progestative. Si une grossesse survient chez une femme dont les cellules épithéliales indifférenciées sont déjà initiées (c’est- à -dire comportent des altérations génétiques favorisant la transformation maligne), ces cellules initiées vont être stimulées par ces hormones, se multiplier et acquérir d’autres altérations génétiques qui vont aboutir à leur division incontrôlée.
De même, lorsqu’il existe des cellules mammaires cancéreuses, leur stimulation par ces hormones favorise leur prolifération. Sachant que le nombre de cellules initiées ou transformées augmente avec l’âge, on comprend bien pourquoi la survenue d’une grossesse après 35 ans augmente le risque mammaire. De même, la stimulation hormonale des cancers mammaires survenant en cours de grossesse conduit à leur croissance rapide et contribue à leur pronostic défavorable. L’implication des œstrogènes et de la progestérone varie selon que ces cellules expriment ou non des récepteurs hormonaux (RE et/ou RP). L’effet protecteur de la multiparité et de la première grossesse survenant à un âge jeune n’est observé que pour les cancers surexprimant les RH. En revanche, la durée prolongée de l’allaitement est associée à une réduction globale du risque de cancer mammaire, quel que soit leur hormonodépendance. Cela prouve que la grossesse et l’allaitement n’agissent pas de la même manière sur l’oncogenèse mammaire. La prolactine a également été impliquée comme promoteur de la croissance et de la progression tumorale. Des récepteurs à la prolactine sont exprimés à des degrés divers dans l’épithélium mammaire cancéreux.
L’interaction de ces récepteurs avec la prolactine contribue à la stimulation de la croissance des tumeurs mammaires cancéreuses. D’autres modifications biologiques gestationnelles ont été incriminées dans une moindre mesure pour expliquer l’effet péjoratif de la grossesse sur la glande mammaire. Parmi celles-ci, on peut citer l’immunodépression, l’insulinorésistance relative associée à des taux circulants élevés d’insuline et les modifications des taux de mélatonine induites par la grossesse [7].
 Modifications gestationnelles du stroma et de la MEC
Le tissu stromal intervient à plusieurs étapes de la croissance d’une tumeur cancéreuse. L’invasion et la formation de métastases requièrent l’activation de protéines d’origine stromale et la migration des cellules cancéreuses épithéliales à travers la membrane basale. Le remodelage du sein au cours de la grossesse, sous la dépendance de facteurs hormonaux, implique à la fois les cellules épithéliales et le stroma. Les cellules épithéliales différenciées et indifférenciées, les cellules endothéliales et les fibroblastes du stroma se multiplient. La grossesse entraine également des modifications de la MEC et une altération de la membrane basale des UTDL. Si une grossesse survient chez une femme dont les cellules épithéliales indifférenciées sont déjà initiées ou transformées, ces cellules vont se multiplier de manière incontrôlée. Au cours de l’involution, la protéolyse associée à la dégradation de la MEC et les altérations de la membrane basale conduisent à l’invasion de ces cellules et à leur dissémination métastatique.
Mc Daniel et al. Ont étudié les modifications stromales induites par la grossesse dans la glande mammaire en utilisant des cultures cellulaires tridimensionnelles et des modèles animaux [42]. Ils ont pu montrer que la croissance des cellules mammaires épithéliales humaines immortalisées est différente selon la MEC utilisée. Toutefois l’invasion cellulaire a été maximale avec la MEC prélevée sur des glandes mammaires en involution. Dans une étape ultérieure, ces phénomènes ont été étudiés in vivo. L’analyse a porté sur la croissance des tumeurs locales et la survenue de métastases. De manière surprenante, les métastases pulmonaires, hépatiques et rénales ont été majorées par l’utilisation de la MEC prélevée sur des glandes mammaires en involution. Cela pourrait s’expliquer par une augmentation de l’angiogénèse observée dans les tumeurs locales obtenues avec ce type de MEC.

Influence du cancer sur la grossesse et l’allaitement

En pratique, l’interruption de la grossesse est fréquemment proposée pendant le premier trimestre (plus de 50 %). Il s’agit le plus souvent du choix conjoint de la patiente et de son thérapeute ; sur le plan purement médical, cette interruption n’a en soi aucun effet thérapeutique et n’améliore pas le pronostic ; elle est médicalement justifiée si la grossesse est une gêne et un risque à appliquer les modalités thérapeutiques nécessaires comme une chimiothérapie pendant le premier trimestre. Si la grossesse est poursuivie, la surveillance relève des indications obstétricales habituelles des grossesses à risque, avec notamment une surveillance échographique permettant de contrôler le développement normal du fœtus [32].
L’accouchement à terme est l’éventualité la plus fréquente ; un accouchement prématuré peut être provoqué pour limiter le nombre de cures de chimiothérapie pendant la grossesse ou débuter rapidement un traitement médical ou une irradiation ; il nécessite au moins deux conditions : une maturité fœtale et un hémogramme normal.
Les accouchements provoqués, prématurés ou près du terme, semblent plus fréquents dans cette situation d’association, mais les complications périnatales liées à cette prématurité ainsi que les troubles ultérieurs du développement de ces enfants sont mal connus.
Même si le traitement d’un cancer du sein pendant la grossesse provoque de graves inquiétudes, surtout si des thérapeutiques « agressives » sont simultanément proposées, la plupart des grossesses (plus de 75 %) rapportées dans la littérature évoluent jusqu’à l’accouchement d’un enfant normal [52].

Evolution et Pronostic

Evolution

 Extension locale
La tumeur initiale va augmenter de volume et déformer le sein. Elle peut au contraire réduire le volume du sein (squirrhe « en cuirasse »). Négligé, le cancer va ulcérer la peau et se fixer puis va envahir la paroi thoracique.
 Extension régionale
Le cancer du sein est très lymphophile. L’envahissement ganglionnaire est précoce. L’atteinte ganglionnaire axillaire d’abord infra-clinique va se traduire ensuite par des adénopathies mobiles puis fixées. Cet envahissement ganglionnaire peut conduire à des signes de compression nerveuse (plexus brachial) et veineuse. L’atteinte de la chaîne mammaire interne est plus rare. Elle est plus fréquente dans les tumeurs internes et centrales. Elle reste longtemps infra-clinique. Les adénopathies peuvent apparaître sous la peau, à travers les espaces intercostaux ou en envahissant les côtes et/ou le sternum. Les autres atteintes sont plus tardives: sus-claviculaires, cervicales et médiastinales [32].
 Extension métastatique
Le cancer du sein s’accompagne de métastases au cours de son évolution dans 40% des cas en moyenne. Le risque dépend de la taille de la tumeur et, surtout, de l’envahissement ganglionnaire. Les principales localisations sont osseuses (bassin, crâne et diaphyse des os longs), pulmonaires, hépatiques, cutanées et cérébrales.
 Récidive
La surveillance du sein traité se justifie par le risque de rechute de 1% par an, ce qui fait tout de même 10% à 10 ans. Les facteurs favorisants d’une rechute (par les mêmes cellules que le premier cancer ou par de nouvelles) sont :
– l’âge inférieur à 40 ans,
– la taille importante de la première tumeur,
– les emboles vasculaires,
– l’exérèse insuffisante qui n’est pas allée jusque dans le tissu sain,
– la composante intracanalaire (la tumeur se propage dans les canaux galactophores comme dans un arbre),
– le traitement adjuvant non adapté.
Le traitement précoce d’une rechute permet probablement d’éviter les métastases qui risquent davantage d’apparaître lorsque les délais de traitement s’allongent. La majorité des rechutes se situe dans les trois années qui suivent le diagnostic de cancer. Au-delà de dix ans, ce risque devient exceptionnel [20].

Pronostic

Le traitement d’un cancer du sein est d’autant plus lourd et mutilant que celui-ci est entamé à un stade avancé. Donc, devant l’impossibilité d’exercer une prévention primaire, l’allègement du traitement et l’amélioration du pronostic ne peuvent passer que par un diagnostic aussi précoce que possible. Parallèlement, le pronostic dépend, entre autres facteurs de l’extension locorégionale au moment du diagnostic. Certains de ces facteurs pronostiques sont actuellement bien connus :
 L’âge et le statut hormonal
Les patientes dont l’âge est inférieur à 35 ans ont un taux de récidive locale après chirurgie conservatrice plus élevé et un pronostic plus sombre que celles âgées de plus de 50 ans. De même, après la ménopause, on observe une diminution statistique du risque de métastases métachrones.

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Table des matières

PREMIERE PARTIE : LE POINT SUR L’ASSOCIATION CANCER DU SEIN ET GROSSESSE
I. RAPPELS
I.1. Anatomie du sein
I.2. Développement et physiologie mammaire
II. CANCER DU SEIN ET GROSSESSE
II.1. Définition
II.2. Cancérogénèse mammaire et grossesse
II.3. Epidémiologie
II.4. Diagnostic
II.5. Evolution et Pronostic
II.6. Traitement
DEUXIEME PARTIE : NOTRE ETUDE
I. OBJECTIFS
I.1. Objectif général
I.2. Objectifs spécifiques
II. METHODOLOGIE
II.1. Type d’étude
II.2. Cadre d’étude
II.3. Population cible
II.4. Critères d’inclusion
II.5. Critères de non inclusion
II.6. Recueil des données et variables étudiées
II.7. Collecte et analyse statistique des données
III. RESULTATS
III.1. Aspects épidémiologiques
III.2. Aspects Cliniques
III.3. Aspects paracliniques
III.4. Aspects thérapeutiques
III.5. Aspects évolutifs et pronostiques
IV. DISCUSSION
IV.1. Epidémiologie
IV.2. Profil de risque de cancer du sein associée à la grossesse
IV.3. Aspects diagnostiques
IV.4. Stratégies thérapeutiques
IV.5. Pronostic
CONCLUSION
REFERENCES

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