PRISE EN CHARGE PRATIQUE DES TROUBLES MENTAUX DANS L’EPILEPSIE

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LES TROUBLES MENTAUX DE L’EPILEPSIE

Les troubles dépressifs

La dépression est le trouble psychiatrique le plus fréquemment retrouvé chez les patients épileptiques. Le diagnostic de la dépression semble être souvent sous-estimé par les cliniciens. Pour un auteur comme Kanner, une des raisons principales en est la méconnaissance des troubles psychiatriques par les neurologues et inversement la méconnaissance de la neurobiologie par les psychiatres [49,50]. Le dépistage permet de faire une prévention du risque suicidaire qui est retrouvée plus élevé chez les patients épileptiques que dans la population générale. Le tableau clinique se caractérise par un changement des affects ou de l’humeur vers une dépression. Le changement de l’humeur est habituellement accompagné d’une modification du niveau global d’activité. Le trouble dépressif est plus fréquent dans les épilepsies du lobe temporal que dans les autres types d’épilepsies. À l’heure actuelle, il n’y a pas d’explication à cette observation statistique [29,50]. Les études de neuro-imagerie ont montré que la tristesse exprimée reposait sur l’activation des lobes temporaux antérieurs et que son contrôle était la conséquence d’une activation frontale [33]. Une dysfonction temporale chronique dans l’épilepsie pourrait ainsi rendre compte de la moindre fréquence de la tristesse dans la dépression de l’épileptique. Cependant, certaines particularités sémiologiques de la dépression ont été rapportées chez des patients épileptiques : une plus grande fréquence de symptômes psychotiques associés au trouble de l’humeur [105], une variabilité de la symptomatologie au cours du temps [9], une fréquente exacerbation transitoire des symptômes dépressifs dans la période postcritique, une particulière fréquence des plaintes somatiques aspécifiques qui égarent le diagnostic [47].
La dépression peut être classée selon sa chronologie de survenue par rapport aux crises épileptiques [70].
La dépression précritique correspond à la symptomatologie dépressive précédant de quelques minutes, quelques heures ou quelques jours la crise (dépression prodromale). Les prodromes sont constitués d’une thymie triste et d’une irritabilité quelques heures voir jours avant le déclenchement d’une crise.
Pendant une crise d’épilepsie, une symptomatologie dépressive d’intensité variable peut faire partie de l’aura : c’est la dépression critique. Certains patients décrivent des épisodes sévères et un sentiment fort de désespoir. Ce type d’aura existe dans environ 1 % des épilepsies, mais il est plus fréquent dans les épilepsies du lobe temporal. La symptomatologie dépressive représente la manifestation clinique essentielle, voire exclusive d’une crise ; ce qui pose alors le problème de son diagnostic en tant qu’événement épileptique [30]. La dépression postcritique elle, survient après une crise ou plusieurs crises, après un intervalle de lucidité complète. Pendant la phase post-ictale, et particulièrement dans les épilepsies du lobe temporal, la symptomatologie dépressive est de durée brève (quelques heures à quelques jours). Le risque suicidaire est présent. Une corrélation significative, entre la présence de symptômes dépressifs post-ictaux et l’existence d’une dépression inter-ictale, a été rapportée [25]. Les dépressions intercritiques sont les plus fréquentes et surviennent indépendamment des crises. Les patients épileptiques se suicident quatre à cinq fois plus que les témoins issus de la population générale et le risque suicidaire intéresse le sous-groupe de patients atteints d’épilepsie pharmaco-résistante. Pour certains auteurs, la dépression ne doit pas être considérée comme purement réactionnelle : les dépressions « primaires » sont plus fréquentes que les dépressions « secondaires » [61].

Les troubles anxieux

Le second trouble mental, le plus fréquemment rapporté dans l’épilepsie, est l’anxiété [103]. Le diagnostic est basé sur les critères du DSM-IVTR et regroupe les troubles paniques avec ou sans agoraphobie, phobies spécifiques, phobies sociales, les troubles obsessionnelles et compulsifs, les états de stress aigus, les états de stress post traumatiques et les troubles anxieux induits [25]. L’anxiété accompagne souvent la dépression, elle peut aussi être classée selon sa chronologie de survenue par rapport aux crises épileptiques.
L’anxiété préictale pose un problème de diagnostic clinique. L’identification des symptômes avant-coureurs d’anxiété est une tâche difficile. Les facteurs facilitant la survenue de crises incluent fréquemment une détresse, l’anxiété, et l’irritabilité [56]. Des études récentes mettent en évidence des modifications électroencéphalographiques qui peuvent aider au diagnostic [79]. Les crises anxieuses ictales ont comme tableau clinique : un début brutal, une durée courte (30-120 s), des manifestations cliniques stéréotypées [25]. Le diagnostic différentiel le plus fréquent est la crise psychogène non-épileptique. En effet, la proportion de troubles somatoformes peut être importante, en particulier dans les cas d’épilepsie réfractaire [35].
Dans la phase postcritique, l’anxiété n’est pas rare. Elle est en général en relation avec la crise d’épilepsie elle-même. Kanner a mis en évidence que l’anxiété post-ictale est l’atteinte psychiatrique la plus fréquente et survient dans 45% des cas [52]. Cette anxiété est cliniquement manifeste par l’inquiétude, les symptômes d’agoraphobie et la sensation de panique avec une durée moyenne de 24 heures, pouvant aller jusqu’à quelques jours. L’anxiété post-ictale est fréquemment associée à des symptômes dépressifs [53]. L’anxiété interictale est certainement la forme la plus fréquente d’anxiété dans l’épilepsie, survenant chez plus de 66% des patients épileptiques [56]. L’implication des structures limbiques, la sévérité des crises, des symptômes de peur ictale sont rapportés comme des facteurs de risque [36, 90, 27]. La pathogénèse de l’anxiété interictale est multifactorielle et implique à la fois des facteurs psychologiques et neurobiologiques [44].
La fréquence de survenue de la symptomatologie tend à diminuer en période d’exacerbation des crises [56]. L’anxiété interictale a un retentissement négatif sur la qualité de vie [44].

Les troubles de l’affectivité et le syndrome dysphorique interictal

Les termes « troubles de l’affectivité » regroupent un large éventail de troubles qui ne concernent ni la cognition, ni la personnalité (modalité habituelle stable de perception et de réaction à l’environnement, de conception de celui-ci et de sa propre personne). Le concept de « Trouble dysphorique interictal » (TDI) a été proposé par Blumer (1991) pour rendre compte de tableaux cliniques impossibles à classer adéquatement avec le DSM, rencontrés principalement dans les épilepsies partielles réfractaires. Les symptômes sont fluctuants, durant de quelques heures à quelques jours. Le TDI regroupe 8 symptômes rangés en 2 catégories principales avec en moyenne 5 symptômes par patient, rendant compte de la diversité de la présentation clinique. La catégorie « troubles dépressifs-somatoformes » comprend : l’humeur dépressive, le manque d’énergie, les douleurs (céphalées, douleurs de topographie et d’intensité variables), l’insomnie. Les troubles somatoformes peuvent évoluer sans symptômes dépressifs associés. La catégorie « trouble anxieux » regroupe la peur, l’anxiété, l’euphorie et l’irritabilité. Les troubles anxieux sont souvent épisodiques sous la forme d’attaques de panique et de troubles phobiques (anxiété déclenchée par l’exposition à un stimulus spécifié). L’irritabilité concerne environ 5 % des patients et correspond à la difficulté de se contenir avec tendance impulsive aux accès de colère et de rage accompagnés de comportements provocants, de violences verbales et beaucoup plus rarement physiques. L’euphorie correspond à des troubles de durée brève (quelques heures) avec une conotation subjectivement positive et gaie de l’humeur.

Les troubles de la personnalité

Un trouble de la personnalité représente différents états et types de comportements cliniquement significatifs. Le trouble a tendance à persister et traduit l’expression de la manière de vivre d’un individu, de concevoir sa propre personne et d’établir des rapports avec autrui. Ils représentent des déviations extrêmes ou significatives des perceptions, des pensées, des sensations et particulièrement des relations avec autrui par rapport à celle d’un individu moyen, d’une culture donnée. La prévalence des troubles de la personnalité chez les patients épileptiques varie entre 0,7 et 2 %. Cependant, chez les personnes atteintes d’une épilepsie partielle ou du lobe temporal ce taux est de 13 à 35 % [34].
La question la plus controversée reste celle de l’existence d’une prétendue «personnalité épileptique ». La volonté de classification n’a pas souri à la scientificité de la recherche. Certains traits de personnalité se trouvent plus fréquemment représentés chez les patients épileptiques que dans le reste de la population. Ils sont rarement associés entre eux, et sont insuffisants pour définir une personnalité spécifique. Les troubles de la personnalité regroupent trois types de description :
– Un état excessivement émotif avec un comportement circonspect marqué par les préoccupations éthiques et métaphysiques avec de graves difficultés de comportement telles qu’une attitude agressive ou vindicative.
– Une personnalité marquée par une tendance à l’excès de scrupules, à la méticulosité, à la prolixité circonlocutoire (viscosité) avec une difficulté à se détacher des autres dans les relations interpersonnelles et une incapacité à provoquer la fin de l’interaction.
– Une labilité émotionnelle avec immaturité et suggestibilité [5,60].

Les psychoses épileptiques

Les classifications des syndromes épileptiques proposées par la Ligue internationale contre l’épilepsie ou l’Organisation mondiale de la Santé ne tiennent pas compte des données psychopathologiques. Il n’existe ainsi aucun consensus international pour le diagnostic des troubles mentaux pré-ictaux, ictaux ou post-ictaux. Les psychoses alternantes et les psychoses chroniques de l’épilepsie ne sont également mentionnées dans aucune classification des troubles mentaux [21]. Cependant plusieurs modalités de classement ont été proposées : selon la durée de l’épisode psychotique, selon le degré d’altération de la conscience, selon la situation chronologique de survenue du trouble psychotique par rapport aux crises (psychoses ictales, péri-ictales, post-ictales et interictales). Les psychoses « médicamenteuses », c’est-à-dire liées à l’utilisation d’un médicament antiépileptique, sont largement indépendantes de la chronologie de survenue des crises et de leur fréquence. Une situation, associant psychose et épilepsie d’une manière particulièrement originale et spécifique, est décelable dans les psychoses inter-ictales brèves : la psychose alternante est caractérisée par l’apparition de troubles psychotiques quand les crises épileptiques disparaissent et que l’EEG se normalise (concept de « normalisation forcée ») tandis que la psychose s’atténue quand les crises réapparaissent.
Les classifications se complètent dans la plupart des situations : une psychose péri-ictale est brève, s’accompagne d’une altération de la conscience, alors qu’une psychose intercritique durable évolue avec une conscience claire. Cependant, les différents types de psychoses ainsi classées (ictale, péri-ictale, post-ictale, alternante, épisodique et chronique avec ou sans trouble de la conscience) sont beaucoup moins facilement identifiables en pratique qu’en théorie et, au cours du temps, un patient peut facilement passer d’une catégorie à l’autre.

Les psychoses ictales et peri-ictales

Les psychoses ictales et peri-ictaux sont brèves et surviennent au moment de la crise. La situation clinique est stéréotypée : survenue brutale d’une confusion mentale de degré variable, associée en proportion variable à des troubles du comportement d’allure psychotique parfois au premier plan (syndrome psycho-organique ou delirium des auteurs anglo-saxons). L’EEG est l’outil diagnostique principal et s’avère constamment anormal : il montre soit une activité de pointes témoignant du caractère critique de l’épisode, permettant la distinction entre états d’absence (anomalies paroxystiques généralisées, bilatérales et synchrones) et états de mal partiels complexes (anomalies critiques focales plus ou moins étendues), soit des anomalies lentes de distribution et d’amplitude variables orientant vers un état post-critique prolongé ou une encéphalopathie toxique aux anti-épileptiques. Psychose ictale au sens strict signifie que les signes cliniques de la crise sont de nature psychique et de présentation psychotique. Elles sont donc observées dans 3 types d’état de mal : l’état de mal absence, l’état de mal temporal, et l’état de mal frontal. Psychose péri-ictale signifie que les signes psychotiques ne sont pas liés strictement à la décharge épileptique mais se produisent dans un contexte de crises avérées et d’état post-critique fluctuant cliniquement indissociables [100].

les psychoses post-ictales

Les troubles mentaux post-ictaux sont spécifiques de l’épilepsie. Ils sont caractérisés par une chronologie précise : survenue d’une crise ou d’une salve de crises, confusion post-critique habituelle, retour à une conscience normale, intervalle de complète lucidité, puis apparition soudaine d’un trouble mental de durée brève (de quelques heures à une semaine) évoluant en pleine conscience ou avec une conscience discrètement altérée. En pratique, ce cadre regroupe les psychoses post-ictales et les symptômes dépressifs post-ictaux [21]. La psychose post-ictale survient le plus souvent chez des patients présentant une épilepsie partielle à sémiologie complexe bifocale réfractaire, avec généralisation secondaire fréquente [1]. Le syndrome psychose post-ictale concerne les patients atteints d’une épilepsie partielle réfractaire évoluant depuis au moins 10 ans. La durée de latence entre le début de l’épilepsie et celui de la psychose est plus longue (20 ± 12 ans) [110]. La psychose post-ictale survient toujours dans un contexte d’état de conscience conservé sinon très discrètement altéré. Le tableau psychiatrique peut comporter des troubles de l’humeur, souvent au premier plan, un syndrome délirant paranoïde, un syndrome d’automatisme mental, un syndrome hallucinatoire. Le délire est moins bien systématisé qu’un délire paranoïaque mais plus organisé qu’une confusion délirante ; la thématique délirante est variée (persécution, grandeur, référence, hypochondriaque, mystique). Ce tableau clinique caractérisé par la fréquence des troubles de l’humeur, la rareté des troubles du cours de la pensée. La fréquence des comportements agressifs fait distinguer la psychose post-ictale des psychoses inter-ictaux [46, 62]
Les crises épileptiques habituelles comportent fréquemment une aura caractérisée par une sensation de peur, un sentiment de dépersonnalisation ou des phénomènes dysmnésiques. L’EEG de scalp montre des foyers bitemporaux indépendants deux fois sur trois en période intercritique. L’EEG pendant la psychose est superposable au tracé prépsychotique : il n’y a notamment ni anomalie critique, ni normalisation de l’électrogenèse. L’EEG est nécessaire au diagnostic : il permet d’écarter un trouble d’origine critique et une psychose inter-ictale brève avec normalisation forcée de l’EEG. L’existence d’une sclérose hippocampique est un facteur de risque spécifique chez les patients dont l’IRM ne montre pas d’autres lésions morphologiques [45]. L’évolution est caractérisée par la fréquence des récidives sous la forme d’épisodes identiques. Dans 10 à 15 % des cas, le délire évolue en s’organisant sur un mode chronique [97].
c. Les psychoses interictales brèves Les psychoses interictales sont certainement plus rares mais leur prévalence chez une population de patients souffrant d’épilepsie partielle reste importante. Environ 10% des personnes avec épilepsie partielle pharmaco-résistante en souffrent [93].
Ces états surviennent dans un contexte de réduction de la fréquence des crises ou de disparition de celles-ci chez des patients atteints d’épilepsies temporales ou de syndromes généralisés évoluant depuis au moins quinze ans. Une insomnie, de l’anxiété, un retrait des activités précèdent la survenue de tableaux variables dont la présentation clinique est polymorphe mais qui prennent le plus souvent l’aspect de psychoses paranoïaques évoluant en pleine conscience associées à des hallucinations et des troubles de l’humeur. Deux conceptions originales (normalisation forcée de l’EEG, psychose alternante) ont été développées pour rendre compte de certains de ces états. La normalisation forcée est un concept EEG rapporté par Landolt (1958), caractérisée par le fait que l’état psychotique s’accompagne d’une disparition des anomalies observées sur l’EEG intercritique habituel au point que le tracé devient normal [63]. Le concept de psychose alternante est clinique et décrit la relation inverse entre l’état mental (altéré) et le contrôle des crises ou l’état mental (normal) et la présence de crises, indépendamment de l’EEG [99]. L’influence du traitement antiépileptique dans la genèse des psychoses interictales brèves est mal comprise : le développement d’un trouble psychotique en cas de contrôle brutal des crises n’est pas simplement lié à la molécule utilisée [107].

Les psychoses interictales chroniques

La présentation clinique des troubles psychotiques interictaux chroniques chez l’épileptique est évocatrice [89, 102]. Il s’agit de schizophrénies de type paranoïde, avec des nuances sémiologiques : dans les psychoses épileptiques, une indifférence affective et un retrait des activités sont rarement rencontrés, alors que les fluctuations rapides de l’humeur sont fréquentes. Les thématiques délirantes sont assez souvent mystiques, alimentées par des hallucinations auditives et par des hallucinations visuelles inhabituelles. Les troubles négatifs sont rares. L’épilepsie débute avant l’âge de 10 ans et un intervalle d’environ 14 ans sépare le début de l’épilepsie de la psychose. Il n’y a pas de personnalité prémorbide de type schizoïde ni d’antécédents familiaux de schizophrénie. L’existence d’une épilepsie temporale est considérée comme le facteur de risque principal, indépendamment de la gravité intrinsèque de l’épilepsie mesurée par la fréquence des crises. Enfin, l’évolution des psychoses épileptiques paraît moins déficitaire que celle des schizophrénies endogènes.

Les psychoses interictales médicamenteuses

Le rôle des interactions médicamenteuses est mal compris et difficile à évaluer. Certains facteurs de risque, souvent liés à l’épilepsie doivent être considérés : l’existence d’antécédents psychiatriques personnels ou familiaux, la présence de crises partielles complexes avec généralisations secondaires, les anomalies bilatérales sur l’EEG, les polythérapies, la situation psychosociale. Des troubles mentaux, d’ordres psychotiques, thymiques ou anxieux, ont été rapportés dans une étude prospective en Angleterre [17]. À l’occasion d’une psychose médicamenteuse, la fréquence des crises peut rester stable, augmenter, ou diminuer. Les crises peuvent même disparaître, mais les tableaux cliniques ne sont ni des psychoses postictales ni des psychoses alternantes. Les tableaux cliniques échappent à toute systématisation simple : délire aigu polymorphe avec ou sans confusion associée, épisode délirant de durée brève avec hallucinations et troubles de l’humeur associés en proportion variable, états paranoïaques avec ou sans hallucinations auditives. Leur durée varie de quelques jours à deux ou trois mois. Le délai d’apparition de la psychose est variable, de quelques heures à plusieurs semaines.)[108].Des observations isolées de troubles de l’humeur et de troubles psychotiques ont été rapportées avec tous les anciens antiépileptiques : le phénobarbital, la phénytoïne, la primidone [106]. Plusieurs études prospectives portant sur de grands effectifs de patients traités sont disponibles pour le lévétiracétam, le topiramate et la tiagabine [71, 85] et un travail rétrospectif récent est disponible pour la lamotrigine [12]. Les interprétations des mécanismes supposés des troubles doivent tenir compte du fait que la plupart des antiépileptiques ont des effets thérapeutiques intrinsèques sur les troubles psychotiques ou les troubles de l’humeur [55] et qu’ils peuvent en modifier la sémiologie. Les antiépileptiques peuvent ainsi vraisemblablement non seulement induire des troubles mentaux mais également influencer leur présentation clinique. Ce qui subordonne une bonne compréhension des phénomènes observés à une évaluation multidimensionnelle soigneuse.

PRISE EN CHARGE PRATIQUE DES TROUBLES MENTAUX DANS L’EPILEPSIE

Toute psychothérapie (et, plus largement, toute thérapie) nécessite une alliance entre patient(s) et thérapeute(s). Etablir, développer et maintenir cette alliance exige souvent du thérapeute qu’il recoure à des techniques spécifiques. Ne pas les connaître peut ralentir le processus, diminuer l’efficacité de la psychothérapie [19].
L’anxiété est souvent associée à la dépression. Dans ces cas, le traitement bien conduit de la dépression entraîne une diminution de la symptomatologie anxieuse [84]. Le traitement de l’anxiété dépend du syndrome diagnostiqué et est encore très mal codifié. Il comprend les moyens non médicamenteux (psychothérapie de soutien, thérapies comportementales), les antidépresseurs dans l’indication de prévention des attaques de panique et les benzodiazépines. Le problème avec ces dernières molécules est le risque de crise de sevrage [86].
En pratique, la recherche d’un syndrome dépressif nécessite, à l’occasion de toute consultation, quel qu’en soit le motif, l’exploration systématique et orientée de chacun des champs classiques de symptômes. Le jugement clinique d’un psychiatre qui diagnostique une dépression à l’issue d’un entretien prolongé avec un sujet triste qui souffre et qui est à risque de suicide, qu’il soit ou non épileptique est irremplaçable [48]. La prise en charge de la dépression dans l’épilepsie repose sur un consensus empirique d’experts, en l’absence d’essais contrôlés disponibles [87, 59]. La démarche pratique suivante peut être proposée [24].
La première étape consiste à établir un diagnostic clinique robuste soit selon les critères de trouble dépressif du DSM, soit dans le cadre d’un trouble dysphorique interictal. Il convient ensuite de penser à écarter un éventuel problème organique : crises frontales répétées, état de mal partiel simple, mais surtout effets secondaires ou toxicité spécifique des antiépileptiques.
Des idées suicidaires apparaissent rapidement après prescription de lévétiracétam [72]. Certaines molécules peuvent créer des troubles métaboliques (hyponatrémie sous carbamazépine ou oxcarbazépine) et engendrer une plainte psycho-comportementale (ralentissement, fatigue, perte d’énergie). La troisième étape nécessite d’envisager la possibilité d’une dépression iatrogène, soit du fait de l’introduction d’un antiépileptique dépressogène (exemples : phénobarbital, vigabatrin, tiagabine, topiramate [107]), soit du fait de l’arrêt d’un antiépileptique stabilisateur de l’humeur (exemples : valproate, carbamazépine, lamotrigine [32]. Le traitement du trouble dépressif consistera respectivement en un sevrage ou une réinstauration de la molécule incriminée. Les épisodes dépressifs avant et pendant une crise d’épilepsie ne nécessitent pas un traitement pharmacologique antidépresseur. Les troubles dépressifs postictaux ou liés au contrôle brutal des crises sont diagnostiqués sur leur contexte de survenue. La constatation d’un trouble dépressif nécessite le recours aux antidépresseurs. Les propriétés pro-convulsivantes des antidépresseurs n’ont pas de conséquences cliniques significatives chez un épileptique traité et elles ne doivent pas faire surseoir à une prescription indiquée [51]. Un inhibiteur de la recapture de la sérotonine est la molécule de premier choix, en débutant à dose faible (la moitié de la dose préconisée chez un sujet non épileptique) et en augmentant les doses par paliers d’une semaine. Le citaloprame, la paroxetine et la sertraline sont particulièrement recommandés et ont peu d’interaction avec les traitements antiépileptiques. Les antidépresseurs tricycliques peuvent être utilisés en deuxième intention en cas de résistance à cette classe de médicaments. Il faut cependant rester prudent, car ces molécules abaissent le seuil épileptogène et leur prescription nécessite des bilans sanguins réguliers pour éviter un surdosage qui peut avoir des conséquences somatiques graves, principalement cardiaques. Les antidépresseurs imipraminiques (IMAO) sont de moins en moins utilisés par les psychiatres, mais restent une alternative possible. Ces molécules prescrites à faibles doses auraient de bons effets dans les syndromes dysphoriques. Enfin l’électroconvulsivothérapie, pour les dépressions sévères résistantes, reste une possibilité thérapeutique et n’est pas contre-indiquée en cas d’épilepsie [4]. Certains traitements anti-épileptiques ont un effet sur l’humeur et certains sont utilisés comme stabilisateur de l’humeur. La psychothérapie individuelle, de groupe ou de famille peut être envisagée devant l’échec d’un traitement pharmacologique et/ou face à une situation personnelle ou psychosociale complexe.
Les troubles de la personnalité présentent souvent des difficultés relationnelles et individuelles. Ainsi, un suivi psychothérapeutique est souvent souhaitable. D’autre part, les neuroleptiques, comme la risperidone à faible dose, peuvent améliorer le pronostic et la qualité de vie de ces personnes [57]. Les traitements antiépileptiques ont également un effet psychotrope qui peut induire sur le devenir de ces personnes.
Les troubles psychotiques post-ictaux sont traites par la reascention posologique des antiépileptiques quand ils ont été réduits dans un but d’enregistrement des crises et par la prescription éventuelle pendant une durée brève d’un neuroleptique atypique ou de benzodiazépines [50].
La prise en charge des troubles psychiatriques d’origine médicamenteuse peut être résumée de la manière suivante : le rôle possible du traitement doit être suspecté devant tout trouble psychiatrique survenant chez un épileptique, quels que soient les symptômes. L’imputabilité de chaque molécule doit être analysée à partir d’une analyse rigoureuse de la chronologie de prescription, portant sur l’efficacité et la tolérance ; le fonctionnement global du patient sera évalué à la recherche d’une modification récente et insidieuse du comportement. Blumer et al. (2000) ont proposé une conception originale des psychoses interictales chroniques. Ils considèrent qu’elles ne peuvent pas être envisagées isolément, sans référence aux troubles habituels non psychotiques fréquemment rencontrés dans l’épilepsie, comme le trouble dysphorique interictal de l’épilepsie. Le trouble psychotique ne représenterait qu’une extension beaucoup plus sévère et durable de cette sémiologie interictale ; sa prise en charge repose non sur la prescription isolée de neuroleptiques, presque toujours inefficaces, mais sur l’association d’antidépresseurs à fortes doses (150 mg d’imipramine et 60 mg de fluoxétine), parfois associés à de petites doses de rispéridone (4 mg/j). Les auteurs rapportent en détail dix observations de patients clairement psychotiques traités sur ces bases, avec une excellente efficacité thérapeutique [10].

LA QUALITE DE VIE DES PATIENTS EPILEPTIQUES

Selon l’OMS, la qualité de vie est décrite comme « la perception qu’a un individu de sa place dans l’existence, dans le contexte de la culture et du système de valeurs dans lesquels il vit en relation avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept très large influencé de manière complexe par la santé physique du sujet, son état psychologique, son niveau d’indépendance, ses relations sociales ainsi que sa relation aux éléments essentiels de son environnement ».
Les personnes épileptiques, dont les crises sont durablement contrôlées, ont une qualité de vie comparable à celle de la population générale [94]. Cependant, l’âge, le sexe, l’état marital, la fréquence des crises, la durée d’évolution, la nature du syndrome et la localisation du foyer, le nombre d’antiépileptiques prescrits sont autant de paramètres qui doivent être pris en compte. L’âge de début de l’épilepsie est souvent un facteur déterminant. Les épilepsies sévères à début précoce entrent souvent dans le cadre des épilepsies-handicaps. L’épilepsie représente un risque important de déscolarisation et de sous-qualification. Les facteurs de risque d’échec scolaire chez l’enfant sont multiples et intriqués. Il est important de considérer aussi la variabilité des aptitudes cognitives en fonction de la fatigabilité, de l’état post-critique [13]. A l’adolescence, le désir d’appartenir à un groupe et d’indépendance est fragilisé par l’épilepsie. Cette blessure narcissique influence la motivation scolaire ou professionnelle. L’adolescent malade devra accepter les nouvelles contraintes d’un traitement et les consignes associées. Un retentissement sur l’humeur doit être dépisté. L’apparition de manifestations atypiques fera évoquer la possibilité de crises non épileptiques psychogènes et d’une souffrance psychologique. A la dépendance chronique aux médicaments peut s’associer, spécialement chez les individus jeunes, une dépendance à la famille capable de menacer la réalisation de l’autonomie personnelle et de l’estime de soi. La prise en charge de la femme épileptique est différente de celle de l’homme épileptique, surtout quand la femme est en âge de procréer [54]. Plusieurs études ont montré qu’il existe plus de troubles sexuels chez la femme épileptique, comme chez l’homme, que dans la population contrôle. L’épilepsie du fait du caractère inopiné des crises, impose des contraintes dans la vie de tous les jours. La persistance des crises, qu’il s’agisse d’une pharmaco-résistance avérée ou d’une insuffisance de compliance au traitement, est le facteur de chômage le plus important [43]. Dans la plupart des cas, la maladie n’a pas de retentissement sur les facultés intellectuelles, ni sur la santé mentale. Elle peut être à l’origine de perturbations plus ou moins importantes au niveau psychique et relationnel. Compte-tenu des a priori négatifs existant sur l’épilepsie, les patients et leur entourage peuvent se sentir stigmatisés et souffrir d’un certain isolement. En effet, les limitations dans le milieu social et professionnel découlent en majeure partie de l’étiquette de stigmatisation liée à la maladie. Par conséquent, elles peuvent réduire la motivation du patient à se fixer dans ses activités.

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Table des matières

INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : REVUE DE LA LITTERATURE
I. NOTIONS GENERALES SUR L’EPILEPSIE
I.1. DEFINITIONS
I.2. HISTORIQUE
I.3. CLASSIFICATIONS INTERNATIONALES DES SYNDROMES EPILEPTIQUES
II. EPILEPSIE ET SANTE MENTALE
II.1. LES TROUBLES MENTAUX DE L’EPILEPSIE
II.1.1. Les troubles dépressifs
II.1.2. Les troubles anxieux
II.1.3. Les troubles de l’affectivité et le syndrome dysphorique interictal
II.1.4. Les troubles de la personnalité
II.1.5. Les psychoses épileptiques
II.2. PRISE EN CHARGE PRATIQUE DES TROUBLES MENTAUX DANS L’EPILEPSIE
II.3. LA QUALITE DE VIE DES PATIENTS EPILEPTIQUES
DEUXIEME PARTIE : METHODOLOGIE
I. CADRE D’ETUDE: LE CENTRE NATIONAL HOSPITALIER PSYCHIATRIQUE DE THIAROYE
II. POPULATION D’ETUDE
III. PROCEDURE ET MATERIEL
IV. PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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