Principes pédagogiques et de fonctionnement de l’UPE2A 

Rétrospective et création de l’UPE2A

Comme le rappellent Lazaridis et Seksig (2005) le droit et l’obligation à la scolarisation pour les étrangers ont été pris en compte au même titre que pour les élèves de nationalité française dès lors que l’éducation est devenue gratuite et obligatoire avec la loi Ferry de 1882. De cette loi jusqu’en 1945, les élèves étrangers étaient généralement isolés dans une classe ordinaire, ils suivaient le cours magistral du professeur dans les mêmes conditions que leurs camarades francophones. Les auteurs parlent d’« indifférenciation laïque » pour expliquer une certaine « volonté de fait d’assimilation des enfants étrangers, ignorant délibérément toute démarche spécifique à leur scolarisation ».
Il faut attendre les années 60, dans un contexte de fortes revendications sociales clamant une société plus juste et égalitaire, pour que la question de l’accueil des migrants en France et de leurs enfants dans le système scolaire, commence réellement à se poser . On passe alors de manière lente et progressive d’une politique d’assimilation à une politique d’intégration. En 1970, une première circulaire du ministère de l’éducation officialise les Classes d’Intégrations (CLIN) spontanément mises en place par quelques enseignants dès 1965. Ce dispositif spécifique aux primo-arrivants scolarisés en primaire avait pour objectif de faciliter leur apprentissage du français. En 1973, une deuxième circulaire prévoit la création des Classes d’adaptation, pour les primo-arrivants âgés de 12 à 16 ans. Enfin, en 1986, une nouvelle circulaire met en place les CLA, un dispositif commun au premier et second degrés qui accueille les élèves sur une durée de deux ans avant d’intégrer une classe ordinaire et retrouver le cursus scolaire commun.
Depuis la circulaire du ministère de l’éducation de 2012 , L’UPE2A a supplanté la CLA. Le choix terminologique de remplacer le terme « classe » par « unité pédagogique » n’est pas anodin. Cela permet à l’éducation nationale d’insister sur l’objectif principal du dispositif à savoir , une inclusion rapide et efficace de l’élève allophone dans sa classe ordinaire et ce grâce aux cours de FLSco. Cette discipline a été pensée et définie en premier lieu par Gérard V igner (1992) « C’est une langue apprise pour enseigner d’autres matières qu’elle même et qui peut, dans certains pays, être présente dans l’environnement social des élèves. ».
Certains enseignants ont vu ces directives ministérielles comme la fin d’un dispositif qui fonctionnait bien au profit d’un nouveau dispositif qui ne permet pas selon eux un accueil décent des EANA, qui les place souvent dans une situation difficile en classe ordinaire. Ce qui est par exemple le cas de la principale-adjointe qui m’a confié dans son entretien (cf Annexe Entretien n°3, l.34 à 38) regretter les Classes d’intégration scolaire (CLIS) qui sont devenues des Unités localisées d’inclusion scolaire (ULIS) avec la même idée que l’inclusion à tout prix n’est pas toujours profitable aussi bien pour l’élève que pour l’enseignant. En revanche, des chercheurs en Français Langue Étrangère (FLE), tels que Goï (2014), considéraient la CLA comme une « classe fermée dédiée » avec un effet de « ségrégation scolaire » qui va à l’encontre d’une inclusion efficace des EANA en cursus ordinaire .

L’affectation des EANA en UPE2A

À leur arrivée en France, la préfecture oriente les familles vers les Centres d’Information et d’Orientation (CIO) pour scolariser les enfants. Par un test de positionnement, le CIO interroge le bagage linguistique et scolaire des EANA ainsi que leur parcours migratoire. Il établit aussi un premier diagnostic sur leur niveau d’alphabétisation et leurs compétences en français et en mathématiques. Le dossier est ensuite transmis à la Direction des Services Départementaux de l’Éducation Nationale (DSDEN) qui va déterminer leur établissement d’accueil en fonction des places disponibles en UPE2A. Les EANA sont affectés dans le dispositif pour une durée de 12 mois et de 24 mois pour les NSA.

L ’UPE2A du collège Aimé Césaire

En 2013, beaucoup de familles de migrants sont arrivées à Grenoble. Le dispositif a été mis en place de manière provisoire pour répondre au besoin de scolariser les enfants de ces familles. La création de l’UPE2A au collège Aimé Césaire a été impulsée par le CASNA V de Grenoble et M. Sabatier, le premier professeur de FLE à avoir pris ses fonctions au collège.
L’ouverture de cette unité pédagogique n’a pas suscité un enthousiasme unanime au sein de l’équipe pédagogique alors en place. Certains professeurs, se plaignant d’avoir déjà trop d’élèves en difficulté dans leur classe, craignaient d’être d’autant plus surchargés. Quoiqu’il en soit, le Conseil d’administration a voté favorablement et le dispositif a été mis en place dès la rentrée 2013. Depuis, le dispositif perdure et ne cesse d’accueillir toujours plus d’EANA.
● Cadre spatio-temporel : Les cours de FLS/FLsco se déroulent dans la même salle, du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 13h30 à 16h30, sauf le mercredi où les cours n’ont lieu que le matin. Les cours de FLE sont assurés du lundi au jeudi par l’enseignante d’UPE2A et le vendredi par l’AESH-FLE ce qui représente un total de 27 heures dédiées à l’enseignement du FLS/FLSco En concertation avec l’enseignante d’UPE2A et le professeur principal de sa classe ordinaire, l’apprenant dispose d’un emploi du temps personnalisé dans lequel le nombre d’heures de FLE est variable en fonction des ses besoins. T ous les apprenants assistent au cours d’EPS, d’arts plastiques et d’éducation musicale avec leur classe ordinaire.
● Modalités d’enseignement/apprentissage: Les cours sont essentiellement en présentiel.
D’une séance à l’autre, la composition du groupe est à géométrie variable : on peut passer de très peu d’apprenants (3) à un groupe plus conséquent (jusqu’à 15 sur le même créneau horaire).

Le public d’apprenants

Cette année le groupe est composé d’une vingtaine d’apprenants (cf. Annexe Tableau des apprenants), âgés de 11 à 16 ans, de 14 nationalités différentes. Il s’agit donc d’un groupe très hétérogène avec un répertoire de langues natales très diversifié qui se compose du français, du romani, du roumain, du hongrois, de l’albanais, du kosovar, de l’italien, de l’allemand, de l’anglais, du vietnamien, du tamoul, du russe, de l’arménien, de l’arabe dialectal, de l’arabe littéraire, du wolof, du pidgin, de l’espagnol et de l’ukrainien.
Contrairement à la plupart des adolescents français qui ont grandi dans un pays qui privilégie une politique monolingue en plaçant la langue française comme vecteur d’unité nationale, la plupart des élèves d’UPE2A sont bi ou plurilingues. La moitié des apprenants disposent d’un profil scolaire solide avec des habitudes d’apprentissage plutôt ancrées. Huit élèves ont été très peu scolarisés antérieurement et bénéficient d’un soutien important en alphabétisation.
L’hétérogénéité des niveaux implique une forte différenciation de la part de l’enseignant et des temps d’enseignement/apprentissage dédiés à l’alphabétisation pour les NSAet à l’expression orale pour les non-francophones.
La situation socio-familiale d’un certain nombre d’EANA est très précaire (mal-logement, pauvreté, attente de régularisation). Ces difficultés sont à prendre en compte pour une meilleure appréhension de ce public.
Les principales motivations des EANA reposent sur la volonté familiale de s’établir en France durablement, sur la réussite scolaire mais aussi sur le besoin de sociabilité et de se faire des amis.
Lors de notre entretien (voir Annexe 6, Entretien 1, l.4 à 16), Mme Aubert m’a fait part de ses impressions sur le groupe classe de cette année. En comparaison avec certaines années où l’inclusion en classe ordinaire pour la majorité des élèves était très voire trop difficile, Mme Aubert a constaté que cette année la plupart en ont la capacité. Cependant le passage entre UPE2A et classe ordinaire rend le contrôle des présences compliqué. Pour reprendre les termes de Mme Aubert, cette marge de manœuvre dont ils disposent permet à beaucoup d’entre eux de “filouter” et d’esquiver la classe ordinaire. Par conséquent, « il y a beaucoup de discipline et beaucoup de fuite de la part des élèves et de vie scolaire à gérer en générale sur ça, sur l’inclusion en classe, sur les règles du collège, les règles de la classe de FLE. Je trouve qu’on fait beaucoup de discipline ». Par fuite, l’enseignant sous-entend toutes les stratégies d’évitement de certains élèves pour ne pas travailler , pour ne pas aller en classe ordinaire, ce qu’elle résume à ne pas vouloir suivre une scolarité normale.
Cette analyse, bien que fondée sur l’observation d’un contexte particulier, me semble très proche de la réalité d’autres établissements accueillant également une UPE2A. J’explique ceci par le fait que l’ensemble de ces établissements dépendent directement des mêmes directives ministérielles. Dans le chapitre suivant, nous verrons de manière plus spécifique, les difficultés et les besoins propres à l’UPE2A dans laquelle j’ai effectué mon stage.

Simulation Globale

Pour bien comprendre ce dont il s’agit, il me semble important de restituer le contexte dans lequel sont apparues les premières simulations globales.

Origine et naissance des simulations globales

Dans Simulation Globale: Mode d’emploi, Francis Y aiche (1996) relate de manière très précise la naissance des premières simulations globales qui ont vu le jour au Bureau pour l’Enseignement de la Langue et de la Civilisation française à l’étranger (BELC) dans les années 70 sous l’impulsion de son directeur de l’époque Francis Debyser et de ses collègues Jean-Marc Caré et Christian Estrade.
Y aiche, également chercheur au BELC, (1996, p.12) distingue cinq étapes dans lesquelles le concept de simulation globale s’est développé avant d’aboutir à une définition complète proposée par ses propres concepteurs que nous verrons dans la deuxième partie de ce chapitre:
– 1970: L ’émergence des simulations globales est intrinsèquement liée à l’existence même du BELC qui cherche à ouvrir la didactique des langues à la créativité et à l’imaginaire. Le BELC est également nourri par les théories structuralistes portées par Chomsky ou encore Jakobson. C’est d’ailleurs en partie grâce à ces linguistes américains que s’amorce un changement de paradigme dans les courants pédagogiques. On passe alors progressivement d’une pédagogie comportementaliste (qui place l’imitation au cœur du processus d’apprentissage), à une pédagogie plus cognitiviste (qui stipule qu’apprendre c’est traiter de l’information) voire constructiviste (l’apprentissage s’opère dans l’interaction).
– 1973-1974: Cette deuxième étape est marquée par la publication successive d’articles de Debyser que Y aiche (1996) considère comme fondateurs des simulations globales. Dans le premier, Debyser (1973) déclare “la mort du manuel et le déclin de l’illusion méthodologique” suite au constat que les enseignants comme les apprenants de français langue étrangère de l’époque rejettent les “ensembles méthodologiques préréglant à l’avance les contenus (choix des éléments) et les procédés didactiques (organisation de la classe et nature des exercices)”. Cette critique se réfère notamment à une approche pédagogiquement majoritairement utilisée à l’époque en didactique du FLE, les méthodes audiovisuelles (et en particulier la SGA V) qui selon Debyser, privaient les apprenants de contact direct avec l’objet d’étude et l’enseignant d’initiative dans sa pratique pédagogique. Parallèlement à ce constat et dans l’idée d’y trouver un remède, Debyser (1974) prône le recours à une technique émergente en classe de langue, celle de la simulation. Le principe est simple: c’est en plaçant l’apprenant en situation de communication même fictive qu’il apprend. Par opposition aux simulations des manuels, dont les canevas se limitent à des tranches de vie déconnectées qui véhiculent bien souvent une représentation réductionniste et caricaturale de la réalité, Debyser commence à idéaliser “des simulations plus longues dans le temps, et engageant de façon beaucoup plus complète la pluralité des aspects communicatifs”(ibid).

Déroulement d’une simulation globale

Le déroulement d’une simulation globale s’articule autour d’une trame narrative, ce que Y aiche appelle “le canevas d’invention”. Certains canevas d’invention reprennent en partie le scénario d’œuvres littéraires; dans le canevas îles publié en 1980, on retrouve dans la bibliographie, une cinquantaine de références à des oeuvres littéraires telles que Robinson Crusoé de Defoe, ainsi que Sa majesté des mouches de Golding. Le canevas immeuble a été largement inspiré par La vie mode d’emploi de Perec. Les canevas sont généralement constitués d’au moins cinq phases (Y aiche, 1996, p.26)

Les cinq phases du canevas d’invention

1. Planter le décor: c’est lors de cette phase que le lieu-thème se construit. Cela peut prendre la forme d’un texte descriptif, d’un plan ou d’une maquette selon les moyens à disposition.
2. Habiter le décor: cette phase correspond à la création des identités fictives. On invente des personnages qui viendront habiter l’univers de référence.
3. Interagir: une fois le décor planté et les personnages créés, il s’agit de faire vivre la simulation en provoquant des interactions entre les personnages et entre les personnages et l’environnement. Cette troisième étape s’inscrit dans la continuité des deux premières tant elle contribue au développement du milieu et des personnages qui l’habitent.
4. Laisser des traces écrites: comme l’explique simplement Y aiche, cette phase consiste à “donner de l’épaisseur au lieu”. Il s’agit de toutes les productions écrites (même les plus petites) réalisées par les apprenants lors de la simulation. C’est à travers l’ensemble de ces productions que l’histoire de la simulation s’écrit et s’inscrit dans la durée.
5. Faire face à des événements et des incidents: comme l’explique Y aiche (1996, p.35), “cette phase permet de développer la capacité à réagir , en imaginant puis en préparant rapidement des discours écrits ou oraux pour répondre au surgissement d’un événement particulier ou pour répondre à l’actualité”. Au même titre qu’un roman, la simulation globale a besoin d’éléments perturbateurs pour prendre vie et susciter l’intérêt des apprenants.
Ces phases ne sont pas obligatoirement successives: d’une simulation à l’autre, elles peuvent intervenir dans un ordre différent (en commençant par la création des identités par exemple), elles peuvent aussi se chevaucher ou s’entremêler .
Dans la quatrième phase, nous avançons que l’histoire d’une simulation doit s’inscrire dans la durée. Mais de quelle durée parlons-nous? Sur combien de temps se déroule une simulation globale?

Durée et Fréquence de la simulation globale

Initialement la durée minimale préconisée par Debyser et Caré était de 150 heures pour “une exploitation intensive et un développement exhaustif du canevas d’invention” (1995, p.15). L ’idée de départ, je le rappelle, était de développer un outil dont la vocation était de remplacer totalement l’usage du manuel en classe de langue.
Mutet, avec le recul de dix années dans lesquelles les SG ont gagné en maturité, considère quant à elle “qu’une durée favorable à une expression dynamique des participants se situe entre 30 et 50 heures” (2003, p.103). Elle fixe le minimum à douze heures et un maximum qui peut atteindre une centaine d’heures si la motivation des participants et le cadre d’enseignement-apprentissage le permettent. T oujours dans l’aspect temporel du déroulement d’une SG, le rythme est aussi à prendre en compte et peut constituer un choix de la part de l’enseignant: une SG de 40 heures peut aussi bien se dérouler sur une période de deux semaines (de manière intensive) que sur une période de plusieurs mois (de manière extensive).
En résumé, une simulation globale, contrairement à une simple simulation, est une démarche qui s’inscrit dans la durée. D’une certaine manière, plus il y a de phases dans le canevas d’invention et plus il y a d’activités dans chaque phase, plus la SG sera longue. La tendance depuis les premières simulations globales a été de réduire petit à petit son volume horaire pour les rendre plus compatibles avec les contraintes des formations.
Enfin, afin de se donner une meilleure idée des “blocs” horaires qui peuvent être consacrés à chaque phase (décrite dans la partie précédente), Y aiche, à titre indicatif propose à travers le tableau ci-dessous une répartition possible pour une durée moyenne de 40 heures de simulation:

CECRL et Simulation Globale

La SG et l’approche communicative

Alors que le Cadre européen commun de référence dans l’enseignement et l’apprentissage des langues (CECRL, 2001), établi par le Conseil de l’Europe, prône le recours à l’approche communicative , Mutet (2003) en reprend les principes théoriques pour actualiser la réflexion sur la SG et redéfinir sa visée pédagogique. Ainsi, “l’objectif central de la mise en place d’une simulation globale réside dans l’acquisition ou le développement d’une compétence de communication” (Mutet, 2003, p.36).
Par compétence de communication il faut comprendre tout ce que met en œuvre un acteur social pour réagir de façon adéquate et appropriée à une situation donnée.
Cette compétence, au même titre que la simulation, est globale tant elle implique d’autres compétences sous-jacentes interconnectées les unes aux autres, parmi lesquelles nous retrouvons les compétences linguistiques; socio-linguistiques, interculturelles, pragmatiques et numériques (depuis peu).
Ce rapprochement avec le CECRL me semble tout à fait pertinent tant il constitue encore aujourd’hui, le principal, pour ne pas dire le seul, référentiel sur lequel se fonde la quasi-totalité des formations en langue vivante (dont fait partie l’UPE2A).
Pour rappel, “le Cadre européen commun de référence [CECRL, 2001] décrit aussi complètement que possible ce que les apprenants d’une langue doivent apprendre afin de l’utiliser dans le but de communiquer ; il énumère également les connaissances et les habiletés qu’ils doivent acquérir afin d’avoir un comportement langagier efficace. La description englobe aussi le contexte culturel qui soutient la langue. Enfin, le Cadre de référence définit les niveaux de compétence qui permettent de mesurer le progrès de l’apprenant à chaque étape de l’apprentissage et à tout moment de la vie.”
L ’intérêt que présente le CECRL pour une enseignant qui entreprend une SG est qu’il constitue un outil efficace pour diagnostiquer le niveau des apprenants et prioriser les compétences à travailler dans la simulation.

La SG et la perspective actionnelle

En plus de l’approche communicative, “la perspective privilégiée (dans le CECRL) est, très généralement aussi, de type actionnel en ce qu’elle considère avant tout l’usager et l’apprenant d’une langue comme des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier . Si les actes de parole se réalisent dans des activités langagières, celles-ci s’inscrivent elles-mêmes à l’intérieur d’actions en contexte social qui seules leur donnent leur pleine signification” (CECRL, p.15).
Pour transformer cette perspective actionnelle en démarche didactique, Bourguignon (2007) a idéalisé ce qu’elle appelle “un scénario d’apprentissage-action” et qu’elle définit “comme une simulation basée sur une série de tâches communicatives, toutes reliées les unes aux autres, visant l’accomplissement d’une mission plus ou moins complexe par rapport à un objectif. Cette série d’activités amène à la réalisation de la tâche finale”. Les caractéristiques de cette démarche semblent parfaitement transposables à celle de la simulation globale. En effet, nous retrouvons dans cette définition l’idée d’une simulation qui s’inscrit dans un contexte donné (ce qui correspondrait au lieu-thème) dans lequel les apprenants considérés comme acteurs sociaux (ce qui est également le cas dans la SG même s’il s’agit d’une fiction) ont une mission (ou macro-tâche) à accomplir (ce qui n’est pas nécessairement défini dans la SG mais qui pourrait l’être). Pour atteindre l’objectif de cette mission, les apprenants évoluent étape par étape en réalisant des micro-tâches (ce qui correspondrait au cheminement d’activités de la SG).

Jeu et didactique des langues

L ’envie d’intégrer une forte dimension ludique dans mon projet d’ingénierie m’a amené à élargir le champ de recherche, jusqu’à présent centré sur la SG, aux concepts de jeu dans l’apprentissage, et plus particulièrement dans le domaine de la didactique des langues, qui, je le rappelle, est le domaine d’application privilégié de la SG.
L ’ambition de ce chapitre est d’alimenter et d’actualiser la réflexion sur la SG en allant puiser dans la littérature de la pédagogie par le jeu des idées, des pistes de réflexion mais aussi des modèles, des outils et des conseils avisés pour intégrer le jeu en classe de langue.
T out d’abord, en confrontant la SG aux théories du jeu, je chercherai à valider l’affirmation de Y aiche qui stipule que la SG peut être considérée comme un jeu. C’est en clarifiant le concept de “jeu” et ses multiples facettes et en étudiant sa relation avec l’apprentissage que nous serons en mesure de considérer la SG comme un jeu avec tout ce que cela implique.

Qu’est ce qu’un jeu?

Brougère (2005) évoque la difficulté de définir le terme de « jeu » et revient sur différentes tentatives de chercheurs qu’il considère soit incomplètes soit critiquables. Il mentionne notamment celle de Caillois (1958), sociologue, pour qui « le jeu est une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée et fictive ».
Pour Brougère, « Pour comprendre le jeu, il faut bien se référer aux usages, à ce qui est dénommé ainsi. La seule définition légitime ne peut être que descriptive ». Ainsi il est vain de chercher à donner une définition précise au concept de « jeu » tant il semble pouvoir emprunter une multitude de formes et de fonctions. Il s’interroge alors sur l’existence de caractéristiques communes à tous les jeux. Il en identifie au moins cinq (p.7):
● “le second degré : le jeu s’inscrit dans une fiction dans laquelle les participants s’investissent avec autant de sérieux que dans la réalité.
● la prise de décision : le jeu implique pour les joueurs une suite de décisions. En premier lieu, ils choisissent d’entrer dans le jeu et de jouer . Il s’agit ensuite de prendre des décisions concernant la régulation de l’activité ludique (quel temps de jeu ? Quelles équipes? qui fait quoi?,etc.)
● la règle : elle donne une structure au jeu et doit être acceptée par l’ensemble des joueurs.
● la frivolité : le jeu minimise les risques et les conséquences sur le réel.
● l’incertitude : le jeu est imprévisible. On ne peut jamais connaître son déroulement et son dénouement à l’avance.”
En partant du postulat qu’une activité qui réunit ces cinq critères est un jeu, nous pouvons alors tester et valider l’affirmation de Y aiche.
Le second degré est intrinsèque à la SG: les apprenants incarnent une identité fictive et construisent une fiction dans un cadre imaginaire.
La prise de décision, au-delà d’accepter de participer ou non, est permanente dans la SG: les apprenants sont amenés à faire des choix individuels comme choisir l’identité de leur personnage, et des choix collectifs qui concernent l’organisation sociale de la vie simulée (élection d’un maire dans une ville, choix du menu dans un restaurant, etc.)
La règle se retrouve à différents niveaux de la SG:
-au niveau institutionnel, les règles du contexte réel dans lequel est mis en place la simulation (le règlement intérieur d’un collège par exemple, les règles de la classe)
-au niveau de la simulation, les règles sociales de l’univers simulé (lois, coutumes,etc.)
-au niveau des activités: la SG peut être résumée à une suite logique d’activités avec des consignes et des objectifs à atteindre.
L’incertitude, dans une SG, se situe plus au niveau des productions des apprenants que dans le déroulement des activités normalement prédéfinies par le formateur .
Quant à la trame narrative qui se construit tout au long de la SG, l’incertitude varie selon le degré de liberté accordé aux apprenants. Laisser une liberté totale me semble une démarche risquée; la SG peut prendre une direction anarchique voire dictatoriale, ce qui n’est pas souhaitable. De la même manière, un cadre trop fermé qui guide les apprenants dans une seule direction possible et qui laisse une place infime au hasard et à l’imagination des apprenants, risque de faire perdre à la SG un de ses principaux intérêts, le plaisir du jeu.
C’est indéniable, la SG possède beaucoup d’arguments pour être considérée comme un jeu. Mais de quel(s) jeu(x) s’agit-il ? Pouvons-nous réduire le champ d’analyse à une forme de jeu en particulier ? La meilleure façon de le savoir est de décrire le jeu et tout ce qu’il désigne sous forme de catégories, ce qui permet par la même occasion de se faire une meilleure idée de l’envergure sémantique de ce concept.

Différentes dichotomies du jeu

Commençons par observer quelques caractères sous-jacents à la notion de “jeu” qui s’opposent. Identifier ces différentes dichotomies permettra de mettre d’autant plus en relief l’aspect polymorphe de ce concept. Pour plus de clarté, je présenterai les grandes oppositions du jeu, en les ordonnant de la plus évidente à la plus abstraite:
– jeux individuels versus jeux collectifs : parmi les jeux dont la vocation est d’y jouer seul, nous retrouvons les casse-têtes, le “solitaire”, le sudoku, les mots-croisés, des jeux d’adresse (bilboquet, hula-hoop,etc.) mais aussi certains jeux vidéos bien qu’une version multijoueurs est généralement proposée. Les jeux collectifs (les jeux de société dans le sens littéral du terme) représentent un ensemble beaucoup plus vaste dans lequel on retrouve logiquement tous les jeux de compétitions (du simple morpion à la partie de tennis sur console) et de coopération (du jeu théâtrale à l’escape game). Le jeu est avant tout une pratique sociale qui se partage.
-jeux avec matériel versus jeux sans matériel: par matériel, il faut entendre tout objet au service du jeu en question. Il peut s’agir autant d’un ballon que d’un plateau de jeu élaboré ou d’une simple feuille de papier, voire même d’un caillou sur le bord d’une rivière. Les jeux sans matériel ne nécessitent que l’usage d’un corps, d’une conscience ou d’une voix pour accompagner l’activité, sans média extérieur.
– jeux tangibles versus jeux vidéo: Depuis l’essor des premiers jeux vidéo dans les années 80, est apparue une nouvelle opposition dans l’étendue du terme “jeu” celle du jeu numérique impalpable à celle du jeu tangible qui se touche et se manipule. Cette distinction à tendance à s’amoindrir aujourd’hui, avec une nouvelle génération de jeux de plateau dits “connectés” ou “hybrides”tel que Beast Of Balance (2016) qui permet au joueur de modéliser un monde virtuel sur la base de ses actions bien réelles à travers des objets connectés.
– jeux libres versus jeux réglés: Mutet (2003) en faisant elle-même le lien entre la SG et le concept de “jeu” propose une entrée intéressante par laquelle se dégage un nouveau contraste.
Elle se réfère à la langue anglaise dans laquelle le terme “jeu” se traduit soit par “play” qui renvoie plutôt à l’attitude ludique soit par “game” qui renvoie plutôt à un dispositif de jeu avec des règles et un but précis. Ce qui pour nous francophones englobe un tout, les anglophones se le représentent en deux notions bien distinctes.
Dans sa théorie de la socialisation, Mead (1934, cité par Mutet, 2003) distingue ces deux notions qui interviennent successivement dans le développement cognitif et social de l’enfant: T out d’abord intervient le “Play”, la forme libre et spontanée du jeu. La recherche d’amusement est le moteur principal de l’acte de jouer . Puis intervient le “Game” qui correspond à la forme réglementée du jeu. C’est dans le game que se retrouve l’aspect compétitif du jeu. Celui qui nous fait perdre ou gagner .

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Table des matières
Introduction 
Partie 1 – Présentation du contexte 
Chapitre 1. T errain de stage 
1. Contexte institutionnel: le collège Aimé Césaire de Grenoble
1.1 Historique
1.2 Le collège aujourd’hui
2. L ’ Unité Pédagogique pour Élèves Allophones Arrivants
2.1 Rétrospective et création de l’UPE2A
2.2 Principes pédagogiques et de fonctionnement de l’UPE2A
2.3 L’affectation des EANA en UPE2A
2.4 L ’UPE2A du collège Aimé Césaire
3. Le public d’ apprenants
Chapitre 2. Etats des lieux 
1. Besoins institutionnels
2. Climat scolaire
3. Moyens humains et matériels à disposition
3.1 Les enseignants et les intervenants en UPE2A cette année
3.2 Espace et matériel à disposition
4. Pratique de classe
Chapitre 3. Besoins identifiés et pistes de remédiation 
1. Besoins des EANA
1.1 Une précarité inhérente à ce public
1.2 Un contexte général inquiétant
2. Besoins de l’ enseignant
3. Conclusion
Partie 2 – Cadre théorique 
Chapitre 4. Simulation Globale 
1. Origine et naissance des simulations globales
2. Définition selon les concepteurs
3. Déroulement d’une simulation globale
3.1 Les cinq phases du canevas d’invention
3.2 Durée et Fréquence de la simulation globale
4. T ypologie des simulations globales
5. CECRL et Simulation Globale
5.1 La SG et l’ approche communicative
5.2 La SG et la perspective actionnelle
6. Simulation globale et fin
Chapitre 5. Jeu et didactique des langues 
1. Qu’ est ce qu’un jeu?
2. Différentes dichotomies du jeu
3. T ypologies du jeu
4. Quels sont les principes d’ apprentissage intrinsèques au jeu?
5 . Les avantages du jeu en classe de langue
6. Comment intégrer le jeu en classe de langue ?
7. Comment évaluer une expérience de serious game ?
Partie 3 – Une simulation globale en UPE2A 
Chapitre 6. Méthodologie 
1. Profil ludique des apprenants
1.1 Passation du questionnaire
1.2 Résultats du questionnaire
2. Quelle est la place du jeu dans l’UPE2A du collège Aimé Césaire ?
3. Documentation de “terrain”
4. Entretiens
4.1 M. Cornu
4.2 Mme Beck
Chapitre 7. Conception de la simulation globale 
1. Objectifs généraux
1.1 Objectifs opérationnels
1.2 Objectifs pédagogiques
2. Choix du lieu-thème
3.Présentation du scénario pédagogique (canevas d’invention)
3.1 Activités de communication langagière
3.2 Matériel et supports ludo-pédagogiques
4. Approches privilégiées
4.1 L ’ approche ludique: des petits jeux dans le grand jeu
4.2 L ’ approche interculturelle
4.3 L ’ approche interdisciplinaire
4.4 L ’ approche numérique
Chapitre 8. Analyse du déroulement de la simulation globale 
1. Contexte
2. Enseignants et intervenants
3. Pédagogique
4. Apprenants
5. Jeu
Conclusion 
Bibliographie 
Ouvrages 
Articles de revue 
T ravaux universitaires 
Sitographie 
Ludographie 
Sigles et abréviations utilisés
Illustrations et annexes

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